Les pérégrinations de Yin-Tuan : Différence entre versions

De La Bibliothèque Impériale
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(Aucune différence)

Version du 26 avril 2019 à 06:35

(note de l’historien : Yin-Tuan était capitaine sur l’une des grandes jonques de guerre de la flotte d’invasion envoyée par l’Empereur Wu de Cathay pour conquérir les Terres du Sud en 1690 (Calendrier Impérial), flotte qui connut une triste fin. Bien avant que le reste des navires ne vogue vers son destin tragique, le vaisseau de Yin-Tuan fut détourné par le typhon qui dispersa la flotte peut après son départ. Des années plus tard, devenu un vieux sage retiré dans le Monastère du Mon Li, il écrivit le récit de son aventure qui est désormais un classique de la littérature Cathayenne. Les extraits qui suivent donnent des précisions intéressantes sur la civilisation des Hommes-Lézards.)


Yin-Tuan Atteint la Lustrie

Cela se passait durant la quatorzième années de l’excellent Empereur Wu. Après dix mois de mer, nous aperçûmes la terre à nouveau. Depuis huit semaines, nous nous nourrissions uniquement de poissons venimeux, la moitié de l’équipage avait péri, l’autre moitié était malade, mais nous n’allions finalement pas mourir ! Je donnai l’ordre de mettre cap sur ces terres.

Nous établîmes un campement sur les rives de cette côte étrange, faisant bombance chaque jour avec les fruits tropicaux, jusqu’à ce que nous eussions recouvré nos forces. Pendant tout ce temps, nous ne vîmes aucun des habitants de l’endroit et du reste ne savions pas où nous étions. Un petit détachement s’aventura vers l’intérieur des terres et revint plusieurs jours après. Ils avaient, dirent-ils, découvert une immense statue en forme de dragon, mais qui ne ressemblait en rien aux dragons de Cathay mais plutôt à une sorte de lézard-démon. Par prudence, je donnai l’ordre que personne ne s’éloigne du camp. Finalement je réunis les soldats et les marins, au total cent vingt-trois hommes, pour discuter de ce qu’il fallait faire.

Yin-Tuan s’Enfonce dans la Jungle

J’expliquai aux hommes que d’après mes tables et mes observations astronomiques, nous nous trouvions aux antipodes de Cathay. Beaucoup secouèrent la tête en signe de désespoir, car personne ne voulait tenter le voyage du retour et endurer les mêmes dangers encore une fois. J’attirais leur attention quand je mentionnai que les Terres du sud étaient réputées pour abriter des lézards-démons. Nous avions atteint l’endroit que nous voulions, bien que ce soit par la route la plus longue ! Si nous explorions l’intérieur des terres, nous pourrions rejoindre notre flotte victorieuse qui devait être arrivée par l’est. Je m’attendais à une faible opposition, car les lézards-démons devaient tous se trouver là-bas en train de combattre l’invincible armée de l’Empereur.

(Note de l’historien : les Cathayens savaient que les Terres du Sud étaient séparées en trois royaumes : l’Arabie, la Terre des Morts et celles d’une mystérieuse race de lézards-démons. L’invasion de l’Empereur Wu avait pour objectif les Terres du Sud, point de passage obligé de la route des épices, pour contrer la concurrence des Arabiens. Les Cathayens ne s’attendaient pas à rencontrer le royaume puissant et florissant des Hommes-Lézards.)

Après plusieurs jours de marche passés à nous frayer un chemin à travers la jungle épaisse, nous nourrissant uniquement de riz sauvage et de grenouilles arboricoles, nous découvrîmes davantage de ces statues de lézards-démons. Peut après, nous arrivâmes dans une clairière et fûmes stupéfaits de voir trois immenses construction en pierre s’élevant en escalier. Elles étaient entièrement recouvertes de végétation et on distinguait une grande quantité de sculptures de têtes de lézards-démons. Pour notre sécurité, nous établîmes le campement sur la plate-forme du plus haut des édifices.

Au lever du jour, nous fûmes réveillés en sursaut par un bruit étrange. La jungle tout entière semblait bouger autour de nous. Quand le brouillard se fut levé, nous aperçûmes une marée de lézards-démons. Ils remplissaient complètement la clairière. Ils étaient de la couleur du jade avec des crêtes jaunes et marchaient à l’unisson. Aucun d’eux ne nous avait aperçus.

Tzu-Kwo, soldat à l’œil perçant, désigna l’endroit d’où ils arrivaient : un immense lac de forme carré identique à une vaste rizière, situé à la limite de la clairière. Ils semblaient doués d’intelligence et émettaient des bruits rauques. Leurs voix faisaient penser aux chants monotones des moins de Fu-Hung. Ils devaient être au moins dix mille. Craignant pour nos vies, nous restâmes cachés au sommet de la plate-forme jusqu’au coucher du soleil. Le lendemain, la clairière était déserte.

La horde des lézards était repartie dans la jungle sans même aplatir la végétation, bien qu’il fût possible de voir le chemin qu’elle avait pris. Naturellement, j’évitai de prendre la même direction. Nous marchâmes vers le soleil levant pendant plusieurs jours. Cela dura jusqu’à ce que Lin-Po, un soldat valeureux, remarque que nous étions suivis. Rien ne se passa jusqu’à ce que la jungle disparaisse pour laisser place à la mangrove, des marécages peu profonds. Dès que nous fûmes à découvert, plusieurs hommes de l’arrière garde furent tué par des fléchettes et des javelots. Ces projectiles avaient été lancés par un ennemi invisible se cachant au milieu des racines. Je donnai immédiatement l’ordre de se mettre en position défensive. Soudain, des centaines de lézards de couleur jade émergèrent de la végétation. Ils étaient équipés d’armes étranges. Par chance, leurs traits tombèrent sur nos boucliers en peaux de tigre. Nous répondîmes avec nos arbalètes, tuant plusieurs d’entre eux avant qu’ils ne se replient derrière les arbres. Le silence revint.

Une volée d’oiseaux quitta les arbres et juste après, une créature beaucoup plus grosse, armée d’une gigantesque hache de bronze, chargea vers nous. Nos boucliers étaient inutiles, la bête mit en pièces de nombreux soldats. Il ne fallut par moins de vingt trois carreaux d’arbalète pour venir à bout de cet énorme guerrier lézard, car les écailles épaisses qui recouvraient sa carcasse offraient une bien meilleure protection que les armures d’écailles laquées portées par la garde personnelle de l’Empereur. Un fois l’ennemi parti, nous comptâmes nos morts. Il y en avait beaucoup, même ceux qui n’avaient été que blessés par les flèches étaient morts car leurs pointes étaient enduites de poison.

Les embuscades avaient lieu a chaque fois que nous quittions le couvert des arbres pour traverser des étendues de marécages. Chaque jour nous perdions des hommes. Nos ennemis étaient experts en camouflage sur ce type de terrain. Ils pouvaient se rapprocher de nous car une grande partie de leur corps était cachée sous la surface de l’eau. Seuls leurs yeux et leurs naseaux dépassaient, un peu comme les crocodiles que j’avais vus dans mes précédents voyages. Après s’êtres avancées dangereusement près, ils sortaient de l’eau et décochaient leurs flèches empoisonnées. A la suite d’une escarmouche, je remarquai que Kuan-Wu avait récupéré quelques chose sur un camarade mort et qu’il l’avait caché dans ses vêtements. Je vis de l’or briller et je lui ordonnai de me le montrer. C’était une plaque gravée de symboles des lézards-démons. Je l’obligeai à avouer où il l’avait trouvée. Sept soldats en avaient pris de semblables dans une chambre d’un bâtiment de la cité en ruine. J’étais furieux de voir que ces hommes m’avaient abusé et qu’ils aient apporté la malchance sur nous. Aussi, je décapitai de mes mains les six autres. N’est-ce pas Tzu-Sun qui a dit « Une armée ne peut être victorieuse sans discipline » ? Je laissai les plaques en or avec les hommes exécutés et nous repartîmes. Cela apaisa nos agresseurs, car ils voulaient simplement récupérer leurs objets sacrés. Il n’y eu plus d’embuscade .

Yin-Tuan Atteint la Flaque

Je fut étonné d’atteindre la mer après seulement dix-sept jours. Je pensais qu’ils était impossible de traverser les Terres du Sud en si peu de temps. Je réalisai ensuite que ce n’était pas le même océan que celui qui sépare les Terres du Sud de Cathay. C’était un océan dont nos sages ne savaient rien du tout. Nous étions tous désespérés et je décidai de construire immédiatement un nouveau vaisseau. C’était difficile sans bambou, mais les arbres sur cette côte donnèrent un excellent bois de charpente. Il ne nous fallut que deux semaines pour fabriquer un magnifique sampan avec une bonne godille et une voile en roseaux tressés. Nous fîmes aussi un radeau que nous chargeâmes de fruits et de gourdes d’eau de source. Ensuite nous prîmes la mer, le radeau en remorque derrière nous.

(Note de l’historien : Yin-Tuan a sûrement dû emprunter l’Isthme de Pahuax qui relie la Lustrie à Naggaroth. Sa petite troupe est passée à cent ou deux cents lieues de la colonie de Skeggi, et encore plus près de la cité des Hommes-Lézards du nom de Pahuax. Yin-Tuan ne soupçonnait pas leur existence.)

Yin-Tuan arrive dans les Terres du Sud

Nous avions mis le cap vers le soleil levant et le voyage dura plusieurs semaines. Nous avions mangé presque tous les fruits, ceux qui restaient étaient maintenant pourris. C’est à ce moment que nous aperçûmes à nouveau la terre. J’étais certain cette fois qu’il s’agissait des Terres du Sud. Nous espérions tous que ces territoires avaient été conquis par l’invincible armada de l’Empereur !

(Note de l’historien : les vents dominants et les courants avaient conduit Yin-Tuan très au sud d’Ulthuan, et l’avaient amené vers les côtes des Terres du Sud.)

Je n’avais plus sous mes ordres que soixante-treize soldats et marins. Nous avançâmes vers l’intérieur des terres une fois de plus. Le paysage était semblable par beaucoup d’aspects à celui de notre premier débarquement. Je calculai que nous avions parcouru les deux tiers du chemin vers Cathay. Après avoir traversé la jungle épaisse, nous arrivâmes dans une vaste zone au sol desséché parsemée de hautes herbes aux feuilles coupantes.

Au milieu de cette étendue, les yeux perçants de Tzu-Kwo repérèrent une créature volant très haute au-dessus de nous. Elle descendit pour nous observer de près et à notre grand étonnement, c’était un lézard volant, portant sur son dos un guerrier lézard. Il n’était pas de la même couleur que ceux que nous avions déjà rencontrés, mais plutôt d’un marron tirant sur le jaune, avec un crête rouge. La créature volante émit un cri sinistre en nous voyant et cela remplit d’effroi les hommes. Je donnai l’ordre de tirer dessus avant que ces créatures ne s’échappent et ne préviennent leur chef de notre position. Hélas, nous les manquâmes, ils s’éloignèrent immédiatement. Je sus que c’était le début de nouveaux ennuis. L’ennemi reviendrait sûrement.

Yin-Tuan Échappe de Peu au Sacrifice

L’ennemi attaqua à la nuit tombée. Nous fûmes pris de surprise car nous ne pouvions pas distinguer nos cibles. Les créatures qui nous assaillaient était bien plus grosses que celles que nous avions rencontrées auparavant, mais moins que l’énorme lézard qui avait tué tant des nôtres avec sa hache. Ces guerriers vinrent à nous en rangs compacts, armés de lances et de boucliers. Ils combattaient sauvagement, attaquant avec leurs lourdes lances aux pointes faires de roches volcaniques ou de bronze. Mes soldats ne pouvaient rien faire contre eux. Je reçus un violent coup de masse par-derrière et tombai inconscient.

Quand je repris connaissance, je me retrouvai pieds et poings liés, accroché sur un long bâton. J’étais porté par quelques-uns des hommes-lézards qui nous avaient vaincus. Devant moi, je pouvais voir le fidèle Tzu-Kwo, attaché comme moi. Je le hélai. Il me répondit que tous les autres étaient morts. Ces cris irritèrent une des petites créatures qui commandait la colonne. Cet officier portait une magnifique parure faire de bracelets en or et de plumes exotiques. Il brandit sa lance et commença à parler dans une langue incompréhensible. Je décidai de me tenir tranquille.

Nous voyageâmes ainsi pendant plusieurs jours. Parfois, on nous versait un peu de l’eau d’une gourde dans la bouche. Notre maigre nourriture consistait en des asticots séchés au goût affreux, mais qui avaient le mérite d’apaiser notre faim. Nous empruntâmes ensuite une route pavée, entre des rangées de statues de lézards-démons accroupis. Il y avait des ruines ici comme dans la première cité des lézards-démons : de grands édifices s’élevant en escaliers. Ils étaient cependant bien plus gros et en bien meilleur état.

Tout autour il y avait du bruit, une activité intense régnait ici, les divers groupes vaquant à leurs occupations. D’immenses blocs de pierre sculptée étaient tirés sur une énorme rampe sur un des côtés de cet édifice en escaliers. Les créatures les plus grosses tenaient les cordes tandis que les plus petites dirigeaient le travail. Ailleurs, des groupes de ces dernières étaient engagés dans des débats enflammés, ils étaient accompagnés de nombreux scribes assis qui écrivaient sur des tablettes d’argile. Tzu-Kwo et moi fûmes conduits et attachés dans une chambre sombre et humide gardée par deux grands guerriers lézards.

Le jour suivant, on nous fit sortir et nous dûmes gravir d’innombrables marches jusqu’à la lumière éclatante du jour. On nous poussa sur une plate-forme qui était à mi-hauteur d’une de ces structures en escalier. Il y avait des gardes et des dignitaires lézards de tous côtés. Au-dessus et en dessous de nous se trouvaient des rangées de créatures inférieures qui tapaient en rythme sur des tambours. Tout en bas, la place était pleine d’hommes-lézards de toutes les catégories, arrangées en régiments. Les marches des autres grands bâtiments en étaient totalement recouvertes.

Les créatures autour de nous se retournèrent soudain et se prosternèrent en direction du sommet du grand édifice. Tout en haut de la plate-forme, un palanquin émergea de l’obscurité d’une entrée décorée. Dessus était assise une créature d’un type inconnu jusqu’alors. Elle avait l’apparence d’un énorme crapaud boursouflé. Les atours d’or et de jade qu’elle portait brillaient au soleil comme des joyaux. Au vu de la dévotion dont faisaient preuve tous les hommes-lézards, je compris qu’il devait s’agir du grand prêtre ou du seigneur de la cité. Cet être fit un geste et les hommes-lézards se relevèrent pour entonner des incantations.

Devant nous, il y avait un puits profond d’où émanait une odeur pestilentielle. Tzu-Kwo et moi fûmes poussés au bord. Il était évident que nous allions être sacrifiés en l’honneur de cette créature qu’ils adoraient. Tzu-Kwo se tint courageusement debout, se préparant à rejoindre ses ancêtres comme un véritable soldat de l’Empereur. Il conserva cette posture alors même qu’on précipitait dans le vide. Je sus que bientôt ça allait être à moi de me mettre en paix avec mes propres dieux. Je me préparai à affronter ce qui pouvait m’attendre en bas, tel un vrai noble Cathayen.

Les guerriers hommes-lézards me saisirent et se tinrent prêts à me jeter dans le puits pour me faire subit la même fin que mon courageux camarade. Pendant qu’ils faisaient cela, ma tunique de soie qui était maculée de sang et de sueur, se déchira. A cet instant, les plus petits des hommes lézards qui s’occupaient de notre exécution furent extrêmement agitées. Ils mirent un terme à la cérémonie. Ils examinèrent mon dos découverts avec un grand intérêt, allant d’un côté à l’autre et discutant entre eux dans leur langue étrange. Je réalisai que la cause de leur stupeur était le dragon impérial que je m’était fait tatouer de nombreuses années auparavant durant un de mes passages à la fumerie d’opium de Fu-Chow. C’était un tatouage magnifique et il venait de me sauver la vie. Mes geôliers devaient avoir pris cette image pour sorte de présage.

(Note de l’historien : le dragon impérial tel qu’on le dessinait dans l’art Cathayen durant le période de la dynastie Wu pouvait être confondu avec l’image archaïque du dieu Sotek. Il est évident que cela posa aux Skinks et à leur maître Slann un problème. Ils décidèrent de reporter l’exécution de Yin-Tuan.)

Je fus conduit plus haut devant le crapaud. Il examina mon dos pendant un long moment puis il prononça un mot et fit un geste. Les lézards inférieurs l’imitèrent et le rituel pris fin. La foule rassemblée se dispersa pendant que les tambours continuaient de résonner. Les lézards inférieurs se lancèrent alors dans des discussions agitées, tandis que les plus gros regardaient sans bouger. L’être auguste sur le palanquin cligna des yeux et fut reconduit par la même entrée. Je fus quant à moi ramené à ma cellule tandis qu’ils décidaient de mon sort. Quand j’eux repris mes esprit après cette épreuve terrifiante, il me vint l’idée qu’ils pouvaient m’écorcher vif et se servir de ma peau pour décorer leur temple, je regrettai alors de ne pas être mort avec Tzu-Kwo et chercher un moyen de m’échapper. Un raid de lumière éclairait le cachot, issu du toit, et à la nuit venue, il n’y eut plus que la lumière de la lune. L’endroit devint très sombre.

J’avais remarqué que les gardes restaient sans bouger et qu’ils étaient lents à réagir à mes mouvements. Je compris alors que les réflexes de ces reptiles étaient ralentis à cause du froid de la nuit. Rassemblant toute l’énergie qu’il me restait, je fit un saut périlleux comme je l’avais appris à l’école de Maître Po. Bien que je ne fusse qu’un piètre disciple des arts martiaux, je réussis à m’accrocher aux sculptures entourant le puits d’aération. J’étais si rapide que mes gardiens ne purent m’arrêter, ils grognèrent sous moi, pointant leurs lances vers le haut. Je me hissai par le puits jusqu’à la surface, au niveau de la première marche du temple. Je ne perdis pas de temps et je courus aussi vite que possible en direction de la jungle avec des menottes de bronze toujours attachées à mes pieds et mes mains.

Le Sort de l’Armada de l’Empereur

Je poursuivis ma route toute la nuit, sans me reposer, jusqu’à épuisement total. Je percevais au loin le bruit des tambours des lézards démons donnant l’alarme. Je sus qu’ils étaient sur mes traces. Je quittais la jungle et me retrouvai sur les rives d’un fleuve. Je tirai de toutes mes forces sur des racines et des arbres morts jusqu’à ce que je parvienne à en dégager un. Je le poussai dans l’eau et m’allongeai dessus. Le courant m’emporta bientôt. Par chance, j’allais dans la direction du soleil levant. C’est à cela que je pensais lorsque je m’endormis.

Je fus soudainement tiré de mon sommeil, mes pieds étaient dans l’eau et faisaient horriblement mal. Je les levai immédiatement et vis que des poissons carnivores s’y étaient accrochés. Ils avant lacéré mes pieds avec leurs dents coupantes comme des rasoirs. Heureusement, je m’étais réveillé dès que j’avais été mordu. Je parvins à me tenir sur la bûche sans m’endormir jusqu’au lever du jour.

Le fleuve s’élargissait. Je dérivai toute la journée sous ce soleil brûlant. En fin de compte, j’avais échappé aux lézards démons pour finir dévoré par les poissons. Finalement, mon esquif fut projeté sur un banc de sable, sur lesquels je m’affalai et m’endormis aussitôt. Le lendemain je traversai la dune et je parvins de l’autre côté. L’eau était d’une couleur différente, celle de l’océan. Elle avait un goût salé, mais cela m’importait peu car j’avais réussi à atteindre le Grand Océan Oriental. D’après la position du soleil, je me trouvais sur la rive nord de l’embouchure du fleuve. Je partis donc vers le nord. Je pensais que tôt ou tard, je rejoindrais l’invincible armada de l’Empereur qui devait mouiller le long de la côte, et que je serais sauvé.

Pendant de nombreux jours, j’avançai lentement, me nourrissant de mollusques et d’œufs d’oiseaux. Je réussis à me libérer de mes menottes aux poignets et aux chevilles grâce à de gros galets. Peu à peu, je commençai à découvrir des débris de bois éparpillés sur le sable, ils avaient atterri là avec la marée montante. Continuant en direction du nord, je vis les épaves brisées des navires. Je reconnus bientôt les jonques de guerre de Cathay. Au début, je crus qu’il s’agissait d’autres bateaux qui avaient été dispersés puis détruits par le typhon. Il n’y avait pas de survivants, juste des os desséchés que les oiseaux avaient nettoyés.

J’étais désespéré. La plage était couverte d’épaves et parsemée d’ossements. C’était tout ce qui restait de l’invincible armada de l’empire de Cathay, plus de mille jonques de guerre et cent mille hommes. Je déambulai parmi les épaves durant des heures sans rencontrer le moindre survivant. Le désastre qui s’était abattu sur la flotte datait de trop longtemps.

Yin-Tuan rentre à Cathay

Je campai sur la plage pendant plusieurs jours avant d’apercevoir les voiles d’une jonque sur la mer. J’allumai un feu avec le débris de bois pour signaler ma présence. Bientôt, la jonque se rapprocha de la côte. C’était un bateau marchand, navigant sur la route des épices d’Arabie. Il battait pavillon des Tei-Ping, marchands d’épices très connus. Ils envoyèrent un sampan me chercher car je faisais de grands geste et hurlais depuis la plage.

L’équipage fut surpris de me voir et il avait hâte de quitter ces lieux. J’appris de leur bouche que l’Armada de l’Empereur avait été détruite dans un second typhon alors qu’elle était à l’ancre. Les survivants s’étaient enfoncés dans les terres et on ne les avait jamais revus. L’Empereur avait ensuite donné l’ordre de surveiller les côtes au cas où l’on apercevrait leurs bannières. J’étais l’unique survivant de cette expédition. Je revins à Cathay et fut accueilli par l’Empereur en personne car il voulait écouter mon histoire. Il ordonna qu’elle soit écrite pour la postérité et me récompensa en me nommant commandant de la garde.

(Note de l’historien : il est très possible que les Prêtres-Mages Slanns aient provoqué les deux typhons qui détruisirent l’Armada de Cathay. Le premier frappa lorsque la flotte pris le large, le second lorsqu’elle mouilla près des côtes. A ce moment, la plupart des troupes avaient déjà débarqué et les commandants avaient décidé de marcher vers l’intérieur des terres et de tenter de les conquérir plutôt que de revenir devant l’Empereur annoncer leur échec. Les Slanns n’avaient pas besoins d’être avertis car ils agissaient en fonction des prédictions des Anciens, de sortes que les typhons coïncidèrent avec l’arrivée des Cathayens. Une seule tempête aurait de toute façon suffi, mais il est possible que deux courants de pensée parmi les Prêtres-Mages de cités différentes aient provoqué les deux typhons à plusieurs semaines d’intervalle.)

Sources

  • Livre d’Armée des Hommes-Lézards, V5