La Vengeance de N'kari

De La Bibliothèque Impériale

Tout juste dix ans après que Finubar le Voyageur eut accédé au trône du Roi Phénix, une tempête frappa l’île verdoyante d’Ulthuan en 2173 (Calendrier Impérial). Les mers bouillonnaient et des boules de feu tombèrent du ciel. De nombreux Elfes périrent noyés par les crues des rivières, écrasés lors de l’effondrement de leur maison ou brûlés vifs par des éclairs polychromes. Les dommages infligés à l’île étaient catastrophiques, mais ce n’était que le début. Au plus fort de la tempête, la grande pierre gardienne au sommet de Mont Antorec fut arrachée et projetée dans la vallée en contrebas. Avant même que ses débris ne se fussent immobilisés, un vol de Gargouilles avait pénétré dans le monde réel en déchirant le voile de la réalité. Leur présence agrandit la faille, qui vomit bientôt une forme monstrueuse : celle du Gardien des Secrets N'kari. Alors que les myriades de Gargouilles volaient au-dessus de lui, N’kari aspira l’essence magique de la tempête et concentra son pouvoir sur la faille afin d’attirer à lui une légion démoniaque.

La Destruction de Tor Annan

La première ville à souffrir de la colère de N’kari fut Tor Annan, une cité de province dans la vallée d’Antorec. Les défenseurs étaient organisés, mais ils ne purent rien faire contre la marée qui les assaillait. Les Gargouilles effectuaient des attaques en piqué comme des faucons difformes, leurs cris se mêlant à ceux des malheureux qu’elles emportaient dans les airs. Des Sanguinaires et des Équarrisseurs se jetaient sans cesse sur le mur de boucliers des Elfes. Le bois et la pierre volaient en éclats à chacun de leurs assauts, et le nombre des défenseurs se mit à diminuer sous les coups de boutoir des Démons du Dieu du Sang. N’kari se fraya un chemin à travers la mêlée, et les Elfes s’enfuirent à sa vue, à l’exception d’Eanith, le Seigneur de Tor Annan, et ses plus fidèles gardes du corps. Ils formèrent un dernier carré pour faire face au Démon Majeur, mais les lances se brisèrent comme des brindilles quand il les saisit entre ses pinces. Il bloqua l’épée d’Eanith, pus empala l’Elfe. Il plongea ensuite sa main dans son torse et en sortit son cœur palpitant. Le Démon Majeur le brandit sous les yeux hagards de l’Elfe avant qu’il n’expire, puis il avala l’organe sanguinolent et laissa échapper un hurlement de triomphe. N’kari jeta négligemment le corps sans vie de l’Elfe et porta son regard vers les ruines de Tor Annan à la recherche de sa prochaine victime.

A peine la bataille de Tor Annan venait-elle de se terminer que N’kari frappa une fois de plus. Il se servait des énergies magiques qui tourbillonnaient au-dessus d’Ulthuan pour voyager d’un point à l’autre en un instant, et c’est ainsi qu’il émergea à quelques lieues de Tor Yvresse. Une fois de plus, les Elfes organisèrent rapidement leurs défenses, et à l’abri des murs de leur cité, ils furent en mesure de repousser les Démons jusqu’à l’arrivée des renforts venus de Cothique et de Hœth. Sentant le vent tourner, N’kari battit en retraite dans les Montagnes Annulii. Au cours du mois suivant, N’kari attaqua des avant-postes dans les Montagnes de l’Échine du Dragon, en Avelorn et dans plusieurs autres provinces d’Ulthuan. Aucune région n’était à l’abri de ses déprédations. À chaque fois, le Démon Majeur abandonnait subitement la bataille alors qu’il était sur le point de l’emporter. Les Elfes étaient terrifiés car ils ne savaient comment le vaincre. Le Roi Phénix ordonna à tous les augures du royaume d’échafauder un plan grâce à leurs visions.

Une Soif de Revanche

Après de longues heures de méditation, le but de N’kari apparut clairement aux yeux des oracles. Ils se rendirent compte que le Démon Majeur était celui qui avait mené l’invasion d’Ulthuan il y avait plus de six mille ans. Il avait déjà tué des millions d’Elfes et avait failli détruire totalement leur civilisation. Au cours de cette guerre, Ænarion, le premier Roi Phénix, avait fini par bannir N’kari. L’essence du Démon avait passé les millénaires à reconstituer sa forme physique, et brûlait de se venger de ceux qui avaient pensé le détruire. Les prophètes déduisirent que N’kari désirait prendre sa revanche, et que ses attaques, loin d’être aveugles, étaient en fait motivées par des intentions particulièrement cruelles. N’kari assassinait méticuleusement les descendants d’Ænarion, et ne menait ses attaques que dans le but d’attirer ses victimes pour offrir leur âme aux tourments de Slaanesh.

Au cours des millénaires écoulés depuis l’époque d’Ænarion le Défenseur, ses descendants s’étaient éparpillés à travers tout Ulthuan. Tous n’étaient pas des nobles de haut rang, et n’avaient que des liens de parenté très éloignés avec leur ancêtre. C’est pour cette raison que la mort de ces centaines d’Elfes sur le champ de bataille n’avait pas attiré l’attention. Les oracles pensaient que la plupart des descendants d’Ænarion étaient morts à cause de N’kari, soit pour l’instant hors de son atteinte, dans d’autres régions du Monde Connu. Il ne restait plus que deux descendants en Ulthuan, deux jeunes Elfes à peine sortis de l’adolescence selon les standards de leur race. Leurs noms étaient Tyrion et Teclis. Chacun portait la marque d’Ænarion d’une façon différente. Tyrion était un bon guerrier, et il avait déjà le talent et la confiance en lui d’un grand combattant. Teclis, bien que faible physiquement, avait démontré des talents prometteurs en tant que Mage. Les deux princes furent amenés de leur demeure sylvestre de Cothique jusqu’à l’endroit le plus sûr d’Ulthuan, le Temple d’Asuryan. Là, une armée constituée des meilleures troupes Elfiques reçut pour mission de les défendre jusqu’à la mort.

Comme prévu, l’attaque de N’kari ne se fit pas attendre. Le lendemain de l’arrivée des princes au temple, des Guerriers Fantômes signalèrent la présence de Démons dans les montagnes de la péninsule d’Eataine. L’avant-garde de N’kari approchait rapidement du Temple d’Asuryan. Le Gardien des Secrets entreprit de perturber les rêves des défenseurs grâce à des sorts qui troubleraient leurs sens. Beaucoup d’Elfes succombèrent à ces illusions et à ces vagues de désir qui les envahissaient. Certains tombèrent dans le coma, d’autres jetèrent leurs armes et partirent à la rencontre de l’ost Démoniaque pour finir taillés en pièces. Des dizaines d’Elfes se jetèrent même du haut des falaises et allèrent se fracasser sur les rochers en contrebas. Les Mages tentaient tant bien que mal de contrecarrer les sortilèges du Gardien des Secrets pendant que sa légion démoniaque progressait vers le temple.

La Bataille du Temple d’Asuryan

Les Elfes affrontent avec courage les hordes démoniaques de N'kari pour protéger le Temple d’Asuryan.
Finalement, les pentes rocheuses de l’Île d’Asuryan grouillèrent de Démons. Ils sautaient et couraient entre les pierres sans se soucier des nuées de flèches qui transperçaient leurs rangs depuis les murs de temple. Les Ducs du Changement lançaient des éclairs sur les défenseurs et croassaient de satisfaction en les voyant se contorsionner au milieu de flammes multicolores. Des nuées de Gargouilles se jetaient sur les Elfes et les faisaient basculer dans le vide. Les Nurglings se faufilaient par les grilles et les meurtrières pour mordiller les chevilles des défenseurs. Asuryan veillait sur son temple, si bien que la chair des Démons flétrissait et noircissait lorsqu’ils prenaient pied sur les fortifications. Mais cela n’empêchait pas la horde d’avancer.

Les Elfes se battaient même s’ils avaient perdus tout espoir, car ils avaient juré de défendre les descendants d’Ænarion jusqu’à leur dernier souffle. Ils combattaient avec l’énergie du désespoir et transperçaient les Démonettes et les Porte-Pestes, si bien que leurs armures et la pierre furent rougies par le sang des Démons. Cent héros anonymes moururent ce jour-là. Des archers d’Yvresse et des Maîtres des Épées de Hœth se battaient aux côtés des chevaliers de Caledor et d’Ellyrion. La Garde Phénix se trouvait là où les affrontements étaient les plus violents, et faisait pencher la balance dans son camp. Mais les Démons étaient poussés par la folie de N’kari.

Les Elfes ne furent pas vaincus à cause d’un manque de courage et d’adresse, mais parce que les portes du temple finirent par céder. Elles avaient jusque-là résisté aux assauts magiques des Démons, mais elles furent abattues par une énorme Bête de Nurgle. Le Capitaine de la Garde Phénix mena une contre-attaque désespérée et tranche vigoureusement dans la chair de la créature, mais celle-ci continua d’avancer en poussant des gargouilles de joie et en écrasant sous sa masse des dizaines d’Elfes. Rendue confuse par les cris des victimes, elle s’arrêta quelques instants pour examiner les corps broyés. Elle était encore occupée à les tâter doucement de ses pseudopodes lorsqu’une meute de Sanguinaires la dépassa et envahit la cour intérieure.

La bataille tourna au carnage. Des groupes d’Elfes essayaient d’empêcher les Démons d’atteindre le sanctuaire, et ils y parvinrent presque. La plus petite blessure infligée aux créatures les laissait vulnérables au pouvoir d’Asuryan, et bon nombre des serviteurs de N’kari finirent consumés par des flammes blanches. Le Gardien des Secrets apparut dans l’encadrement des portes et renifla le parfum enivrant de la peur et de la mort. Nul ne pouvait se dresser face à lui, et il traversa le chaos de la bataille à grandes enjambées. Il gravit quatre à quatre les marches de l’Escalier de l’Éternité et pénétra dans le sanctuaire d’Asuryan où étaient cachées ses proies.

Le Sanctuaire

Seuls vingt Gardes Phénix se dressaient encore entre le Gardien des Secrets et ses victimes, toutefois pas un ne vacilla. Ils se battirent avec bravoure sur le sol de pierre rendu glissant à cause du sang, mais N’kari ne pouvait être vaincu. L’un de ses bras bloquait les hallebardes des Elfes pendant que les trois autres les éventraient gracieusement. Des flammes magiques jaillissaient de ses yeux et incinéraient ceux qui échappaient à ses pinces. Alors que le dernier Elfe s’écroulait au sol, le jeune Tyrion se mit en garde pour protéger son frère. Il murmura une prière à Asuryan et se prépara à faire face à son destin. Tyrion était un guerrier prometteur, mais il n’était pas de taille face à un ennemi de la trempe de N’kari. En dépit de sa taille, le Démon Majeur était aussi rapide que lui. Il paraît sans difficulté les attaques du prince, et à chaque estocade manquée, il se moquait de lui avec des paroles enjôleuses. Sa langue fourchue frétillait pour goûter à l’humiliation de sa proie. Cependant, N’kari avait commis une erreur. Accaparé par son jouet, il en avait oublié la présence de Teclis. Tandis qu’il poussait délicatement Tyrion au sol d’un revers de sa pince, Teclis passa à l’attaque. Même s’il n’avait pas la force et la vigueur de Tyrion, son corps frêle possédait des talents magiques qui ne demandaient qu’à s’épanouir. Il libéra le sort le plus dévastateur qu’il pouvait invoquer. Le projectile magique frappa N’kari et le fit tomber à la renverse. Dans sa chute, le bras du Démon Majeur traversa la flamme sacrée d’Asuryan, et celui-ci poussa un cri d’agonie.

Une flamme ordinaire n’aurait rien fait à N’kari, mais c’était là celle du feu sacré d’Asuryan, contre laquelle le Démon ne pouvait rien. Le feu parcourut instantanément le corps de N’kari, qui hurlait de plus en plus fort tandis que sa peau se craquelait et noircissait. Tyrion se releva et frappa le Démon, et la lame de son épée captura la chaleur du feu d’Asuryan. Chacun de ses coups ouvrait une plaie béante dans la chair du Démon et ravivait le feu qui le consumait. N’kari ne pouvait que tituber vainement pour tenter d’échapper à la morsure de la lame, et sans qu’il s’en aperçoive, il se rapprochait peu à peu du bord de la grande arche qui s’ouvrait sur la Mer des Rêves, plusieurs centaines de mètres plus bas. Dans un dernier cri, N’kari perdit pied, chuta dans les eaux tumultueuses, et les vagues l’engloutirent. Tyrion et Teclis sortirent du sanctuaire et virent que les Elfes avaient gagné la bataille. Les Démons ne pouvaient survivre bien longtemps à l’intérieur des murs du temple, et seule la présence de N’kari leur permettait de se maintenir en ce lieu sacré. Lorsque la Gardien des Secrets avait disparu dans la mer, le pouvoir qui maintenait sa légion s’était évanoui, et les Démons avaient rapidement succombé à la fureur d’Asuryan en ne laissant derrière eux que des tas de cendres noires et une odeur de soufre. Au crépuscule, les Elfes célébrèrent leur victoire et pleurèrent leurs morts, mais Tyrion et Teclis restaient silencieux car ils savaient qu’un jour, ils devraient de nouveau faire face à N’kari.

Source

  • Livre d’Armée des Démons du Chaos, V7