La Fin des Temps - Thanquol

De La Bibliothèque Impériale
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J’ai vu la fin de ce monde. Morrslieb, l’orbe maudit, est immense dans le ciel. La lune tombera du firmament, les océans bouillonneront et les montagnes s’ouvriront. Certains partiront pour les étoiles, mais ces derniers abandonneront ensuite cette planète. Les grattements dans les caves et les cavernes ne peuvent signifier qu’une seule chose : la vermine est là. Elle creuse sous les racines de la terre, s’agite sans cesse, complote sans cesse. Pourtant, elle n’imagine à aucun instant qu’elle est elle aussi une marionnette manipulée par des fils qu’elle ne voit pas. Et le pire reste à venir…
C’est la Fin des Temps.


L’AVÈNEMENT DE L’EMPIRE SOUTERRAIN


Les Clans Majeurs

Les quatre Clans Skavens les plus puissants règnent sur les innombrables Clans Guerriers de l’Empire Souterrain. Ils entretiennent un réseau d’alliances par le biais de clans serviles. L’Empire Souterrain est en effervescence à cause de l’imminence de la Grande Invasion et le siège laissé vacant au Conseil des Treize. Naturellement, les trêves, les arrangements et les trahisons entre les clans n’ont jamais été aussi nombreux qu’en cette époque trouble pour les Skavens.

Le Clan Skryre
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Le Clan Skryre a toujours été le plus riche des clans, et cela n’est pas près de cesser. En vendant aux autres clans des armes à Malepierre qui mélangent science et Magie, le Clan Skryre a connu une prospérité inouïe. Plus que tout autre clan, c’est à cause de lui que les Prophètes Gris sont tombés en disgrâce. Le chef du Clan Skryre, le Seigneur Morskittar, s’est emparé par deux fois de Skarogne pour s’en proclamer seigneur et maître. Depuis, il affirme que sa troisième tentative sera la bonne… Comme les Prophètes Gris ne sont plus en mesure de s’opposer à lui, le Clan Skryre s’est arrogé la position la plus influente dans la hiérarchie des Skavens. Son allié le plus proche est le Clan Moulder, et récemment, ils ont collaboré sur de nombreux projets.
Le Clan Pestilens
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Il s’agit du principal rival du Clan Skryre, et le plus puissant des clans après ce dernier. Les Moines du Clan Pestilens sont particulièrement doués pour s’assurer l’obédience de clans serviles, même si la confiance qu’on accorde aux dévots de la peste reste très relative. Leur chef est l’Archiseigneur de la Peste Nurglitch, qui ne recule devant rien pour étendre l’influence de son culte de la corruption. Le Clan Pestilens ne vend pas ses services ou ses guerriers, mais il accorde facilement son aide lorsque cela sert ses propres buts. En prenant les rênes de la campagne en Lustrie, le Clan Pestilens espère remporter une grande victoire qui lui apportera sur un plateau le siège vacant du Conseil.
Le Clan Moulder
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Le Clan Moulder s’est positionné exactement là où il souhaitait être, et ce grâce à des calculs et à des machinations insoupçonnées des autres clans. Même si les meutes de bêtes qu’il vend aux autres clans sont constituées de créatures stupides, on ne peut pas en dire autant des chefs du Clan Moulder, nommés les neuf Seigneurs de Malefosse, et de leur maître, le Seigneur Verminkin. Le Clan Skryre et le Clan Pestilens considèrent les modeleurs de chair comme leurs plus proches alliés, et le Clan Moulder prend soin de les maintenir dans cette conviction. Pendant ce temps, le Clan Moulder met à profit sa richesse - la seconde de l’Empire Souterrain - pour s’assurer l’obéissance de toujours plus de Clans Guerriers.
Le Clan Eshin
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On ne sait que peu de chose sur le Clan Eshin et ses objectifs, ce qui n’est pas étonnant, car c’est précisément ce que souhaite le Seigneur de la Nuit Sneek, le chef du clan et son représentant au Conseil des Treize. On dit que par le passé, il existait un accord tacite entre le Clan Eshin et les Prophètes Gris, même si les deux partis l’ont toujours nié. Ce n’est que lorsque le Clan Eshin a ouvertement retiré son soutien aux sorciers cornus que les autres clans se sont sentis libres de l’imiter sans crainte de représailles.

En l’an 2522, date que les Érudits Impériaux nommeraient plus tard le début des Années Noires, les Skavens lancèrent leur guerre à la surface du monde. Cette Grande Invasion partit de la capitale cachée de Skarogne et dévasta la Tilée et l’Estalie. D’un côté, ce fut le plus grand succès des Skavens depuis les Guerres de la Variole Rouge, lorsque la Bretonnie faillit être anéantie. De l’autre, cette attaque fut un échec, car la destruction du sud du Vieux Monde devait être la première étape d’un plan beaucoup plus audacieux, et pas une fin en elle-même. En effet, les Skavens subirent des pertes plus lourdes que prévu lors de la campagne en Estalie et en Tilée. Toutefois, les fils du Rat Cornu se sont toujours moqués éperdument des pertes subies. Dans l’Empire Souterrain, la vie ne vaut rien, et la main-d’œuvre ne manque jamais. Une fois les nations humaines écrasées, les guerres intestines entre les divers clans Skavens provoquèrent plus de morts que les conflits extérieurs.

Pour la majorité des clans, les pertes furent rapidement remplacées. Certains parmi les Clans Guerriers mineurs avaient été exterminés lors des affrontements contre les humains, mais il s’agissait toujours des moins influents, et cela ne fit que purger la race des Skavens de ses éléments les plus faibles. Désormais, ce qui bloquait les hommes-rats n’était pas un manque de ressources, car elles n’avaient jamais été aussi importantes. Ce qui faisait défaut était un esprit de corps, car les clans étaient retombés dans leurs luttes intestines. Pour l’heure, toute velléité d’invasion s’était évanouie au milieu des complots.

Et pendant ce temps, le monde changeait. Chaque jour, les Vents de Magie soufflaient plus fort depuis le nord. Des pluies de météorites de Malepierre striaient le ciel nocturne, et des Démons parcouraient à nouveau le monde réel. La guerre ravageait les terres. Les Skavens comprirent que leur heure était venue, et qu’ils devaient s’emparer de ce qui leur revenait de droit. On organisa une réunion du Conseil des Treize afin de relancer la Grande Invasion et de mettre fin aux luttes fratricides entre les clans. Comme toujours, le Conseil se réunit dans les catacombes sous le Temple du Rat Cornu. La salle était si profondément enfouie et si imprégnée des énergies de la Malepierre qu’elle paraissait davantage située dans une autre dimension que dans le monde réel. Ce fut là, autour d’une table triskaidécagonale, que se rencontrèrent les douze Seigneurs les plus puissants de l’Empire Souterrain.

Le treizième siège était vacant, car il symbolisait la place du Rat Cornu.

Lors de cette entrevue, les Seigneurs de la Ruine débattirent âprement. Au lieu de résoudre leurs différends, ils déterrèrent de vieilles rancunes en pointant des doigts accusateurs, les queues frétillant de colère. Le plus critiqué fut Kritislik, le Seigneur des Prophètes Gris. C’était lui qui occupait la première place du Conseil, il était donc le plus puissant de ses membres. Les autres l’accusèrent de manipulations incessantes, et accusèrent les Prophètes Gris d’être obnubilés par la préservation de leur pouvoir au détriment de leur mission consistant à mener la race des Skavens vers la suprématie.

La légende raconte que l’ombre du Rat Cornu lui-même se manifesta. Il immola Kritislik puis intima l’ordre aux autres membres du Conseil de travailler main dans la main, car seule la ruine totale du monde leur permettrait de s’en emparer.

Suite au départ du Rat Cornu, les Seigneurs de la Ruine survivants votèrent rapidement la radiation des Prophètes Gris du Conseil. Les sorciers à la fourrure grise étaient toujours craints, néanmoins ils ne seraient plus les agents directs de l’exécution des plans du Conseil. Et bien évidemment, comme il ne restait aucun Prophète Gris en dehors du squelette noirci de Kritislik, personne ne s’opposa à ce vote.

Le Conseil discuta alors de la suite de la guerre à la surface. Comme toujours avec les Skavens, la conversation dévia rapidement vers les gains immédiats potentiels : la place désormais vacante au Conseil des Treize.

Chaque Seigneur de la Ruine réfléchit à un plan qui permettrait à son clan de s’assurer un second siège permanent au Conseil. Certains déclarèrent officiellement leur ambition, mais la plupart complotèrent en secret. La majorité envisagea d’utiliser des clans qui leur étaient asservis afin qu’ils héritent de la place de Kritislik. Après une période agitée d’alliances et de disputes d’où personne n’émergea vainqueur, on décida que la place resterait vacante pour l’instant. Cela semblait la seule solution pour éviter une nouvelle guerre civile dans l’Empire Souterrain.

Le Conseil se rassemblerait de nouveau au bout de treize cycles de la Lune du Warp - ainsi que les Skavens nommaient Morrslieb. Ce serait l’occasion de discuter de nouveau de l’attribution du siège vacant. Le facteur déterminant serait le succès militaire. La conquête de territoires donnait la mesure de la puissance d’un clan, car elle s’accompagnait d’un afflux d’esclaves et de butin. De plus, elle permettrait aux Seigneurs de la Ruine de prétendre à une autre récompense…

Pour les Clans Guerriers, c’était une occasion de s’assurer un statut en rejoignant le cercle fermé des Clans Majeurs. Et pour les Clans Skryre, Pestilens, Moulder et Eshin, le vote d’un allié leur offrirait la domination du Conseil. Les vieux membres du Conseil étaient sur les dents, au point qu’ils firent preuve d’une rapidité inhabituelle dans leurs actions, car ils souhaitaient ardemment que la place revienne à un de leurs lieutenants.

C’est ainsi qu’une nouvelle et intense période de trahisons, de machinations et d’alliances brisées débuta.

La première cible de l’offensive des Skavens fut celle qui était la plus éloignée des hommes-rats : la lune verdâtre que les hommes nomment Morrslieb. Depuis le jour où les Skavens étaient sortis de leurs terriers, ils avaient vénéré la Lune du Warp. Ils étaient attirés par sa lueur maladive d’une façon que seuls les véritables enfants du Chaos peuvent ressentir. Ce fut bien des années plus tard, lors d’un autre âge de ce monde, que les Technomages lancèrent la théorie qui affirmait que Morrslieb était un amalgame de pure Malepierre. En effet, ils avaient observé que la trajectoire des météores qui tombaient dans le ciel avait la lune du Chaos pour origine. Plus tard, les scientifiques Skavens parvinrent à fabriquer des lentilles assez puissantes pour créer des télescopes, qui confirmèrent ce qu’ils suspectaient : les météorites de Malepierre provenaient bel et bien de Morrslieb. À cette époque, leur volonté d’atteindre la lune avait déjà viré à l’obsession au sein des clans les plus influents. Les Skavens auraient fait n’importe quoi pour s’emparer de toujours plus de Malepierre, et faisaient preuve d’une cupidité inconnue chez les autres races.

Lors du vivant de Kritislik, celui-ci avait promis que les Prophètes Gris permettraient à une nouvelle ère de débuter en resserrant l’orbite de la Lune du Warp autour du monde. Cependant, un sortilège aussi puissant n’avait jamais été tenté. Les Prophètes Gris théorisaient que la proximité de Morrslieb renforcerait leurs enchantements, et par conséquent, elle raffermirait aussi leur emprise sur le Conseil, même s’ils se gardaient bien de le souligner. Au lieu de cela, ils promirent à leurs ouailles qu’elles connaîtraient une vigueur nouvelle, comme si elles mâchonnaient en permanence des fragments de Malepierre. Les plus puissants des Prophètes Gris se rassemblèrent au sommet de la tour du Temple du Rat Cornu. En dépit de leurs efforts, la campagne de Tilée advint sans qu’ils parviennent à rapprocher Morrslieb. Ils affirmèrent qu’ils faisaient face à une impasse, car leurs sorts étaient bloqués par une source inconnue. Ils dirent qu’ils avaient besoin de plus de temps, et promirent que la lune serait plus proche lors de la prochaine phase du Grand Plan. Ce fut peu de temps après cette proclamation que Kritislik mourut.

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Le Clan Skryre avait toujours été jaloux du pouvoir des Prophètes Gris. Il avait donc mis en place sa propre course à la lune peu de temps après la première annonce des Prophètes Gris, car leur ravir la gloire assurerait l’opulence du clan. Même si les membres du Clan Skryre n’étaient pas aussi accros à la Malepierre que les sorciers au pelage gris, ils convoitaient ardemment cette matière. En effet, la Malepierre était précieuse pour l’industrie de l’armement, et assurait donc la richesse du clan. Cependant, le Seigneur Morskittar ne comptait pas modifier l’orbite de Morrslieb, car il avait conscience que cela ne l’aiderait en rien. Au lieu de cela, il avait fomenté un plan consistant à pulvériser le satellite, afin que ses fragments viennent s’écraser à la surface de la planète. Contrairement aux arrogants Prophètes Gris, ce plan ne reposait pas sur des sortilèges, mais sur le génie inventif du Clan Skryre.

Depuis qu’Ikit la Griffe avait rapporté le secret de la fabrication de roquettes d’Extrême-Orient, les Technomages avaient mis au point plusieurs variantes de ce qu’ils avaient nommé la Roquette Infernale. Ils proposèrent donc d’en construire un énorme exemplaire. Grâce aux richesses accumulées suite aux ventes d’armes technologiques, le Clan Skryre était en mesure de financer un tel projet, qui nécessita le sacrifice d’un nombre démentiel d’esclaves et l’utilisation de toute une salle au trésor remplie de Malepierre. Suite à de nombreux échecs cuisants qui provoquèrent des dégâts tels que seule une race tels que les Skavens pouvait s’en remettre, Ikit la Griffe annonça que le Moonstriker était presque achevé.

Lorsque le Conseil des Treize radia les Prophètes Gris de ses rangs, Morskittar chercha à décupler leur déchéance. Vaincre un rival ne lui suffisait pas, il fallait lui faire mordre la poussière afin de lui montrer qui était le véritable maître. Morskittar jura devant les autres Seigneurs de la Ruine que l’attaque contre les autres races serait précédée par une pluie de météores d’une intensité rare. Après tout, il était normal que la modification de l’apparence de Morrslieb annonce les changements à venir. L’assaut fut planifié pour débuter trois cycles lunaires plus tard, ce qui ne laissait pas beaucoup de temps.

Les Pouvoirs de l’Au-Delà
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Par le passé, les Verminarques ne pouvaient être invoqués que par des Prophètes Gris. Les rats-démons ne pouvaient pas rester bien longtemps dans le monde matériel. Ce sont des créatures viles et rusées capables de manipuler des pouvoirs immenses au nom du Rat Cornu. Puisque les Vents de Magie soufflent de plus en plus fort et que le Chaos envahit le monde, le voile qui sépare le royaume des Verminarques de la réalité s’est étiolé. Et tandis que la Lune du Warp se rapproche, de plus en plus de rats-démons apparaissent et s’insinuent dans les complots des Skavens, manipulant leurs victimes afin de parvenir à leurs objectifs. D’ailleurs, on soupçonne qu’il existe un Conseil des Ombres, c’est-à-dire un conclave de Verminarques qui fait écho au Conseil des Treize.

Entre-temps, les Prophètes Gris, qui étaient auparavant les émissaires du Conseil des Treize et les prophètes autoproclamé du Rat Cornu, étaient devenus des parias. Certains jurèrent allégeance à des Clans Guerriers, faisant office de conseillers plutôt que de chefs. Toutefois, la plupart furent trop fiers pour accepter ce déshonneur et retournèrent à Skarogne, car leur demeure se trouvait au cœur de la capitale, dans le Temple du Rat Cornu. Néanmoins, il était difficile de dire combien de temps ils parviendraient à maintenir leur influence avec tant d’adversaires qui conspiraient ouvertement pour s’en emparer.

Acculés et privés de la clairvoyance de Kritislik, les Prophètes Gris eurent recours à un acte désespéré : ils invoquèrent un Verminarque.

Et à l’insu de tous, les Skavens se répandent sous la surface du monde comme une maléfique contagion.
Généralement, faire appel à un Verminarque était une menace que les Prophètes Gris ne mettaient jamais à exécution, d’autant plus qu’ils étaient les seuls à connaître les rituels nécessaires. Cela leur servait à bluffer, et à obliger les Chefs de Guerre à obéir sans discuter. Il suffisait aux Prophètes Gris d’affirmer qu’ils étaient conseillés secrètement par les hérauts du Rat Cornu pour que les autres Skavens obéissent, car dans la réalité, invoquer un Verminarque n’était pas sans danger. Le rituel nécessaire était épuisant, et la moindre erreur pouvait s’avérer fatale. Mais le véritable danger de telles invocations était que les Verminarques sont des êtres bien plus retors et vils que n’importe quel mortel. Certes, les pouvoirs d’un Verminarque sont en mesure d’exaucer presque tous les souhaits, toutefois le prix à payer est toujours exorbitant. Ce sont des créatures rusées et avides capables de manipuler leurs proies et d’insinuer en elles des idées et des désirs avec une facilité terrifiante. Ainsi, les Prophètes Gris assez chanceux pour survivre à une rencontre avec un Verminarque regrettaient toujours d’avoir fait appel à lui.

Toutefois, leur situation critique poussait les Prophètes Gris aux pires extrémités, car ils cherchaient un moyen de reconquérir leur pouvoir prévu. Plus de cinquante d’entre eux étaient présents lorsqu’une immense griffe de ténèbres traversa l’abîme. Les sorciers gris se prosternèrent face à la créature qui apparut. Le Verminarque accorda aux Prophètes Gris de nombreuses connaissances en usant de termes ésotériques, du moins, c’est ce qui parut à cet instant-là.

Il prononça des mots de pouvoir, et leur dévoila un des Treize Noms Secrets du Rat Cornu. Il grava des souvenirs perdus dans leurs mémoires, ainsi que des runes d’une puissance inimaginable. Il leur expliqua ce qui bloquait leur sortilège et les empêchait de modifier l’orbite de la Lune du Warp : les choses-crapauds vautrées dans les temples-pyramides des jungles. Enfin, le Verminarque chuchota à leurs oreilles avides les incantations capables de vaincre le pouvoir des choses à sang-froid. Il confirma qu’il fallait rapprocher Morrslieb de ce monde, car cela permettrait d’ouvrir de nouvelles portes. Mais ce n’est qu’a posteriori que les Prophètes Gris réalisèrent que le Verminarque parlait de portes ouvertes pour d’autres que pour eux-mêmes. Ils allaient apprendre de leurs erreurs dans la douleur.

Galvanisé par les Vents de Magie qui soufflaient en rafales, le Verminarque ne retourna pas dans l’Aethyr. Au lieu de cela, le rat-démon bondit hors des anneaux mystiques censés le retenir et disparut dans les ombres. La dernière chose que virent les Prophètes Gris fut sa longue queue bifide disparaissant dans le noir. Là où il alla et les machinations qu’il mit en branle, les sorciers n’en surent rien, tout comme ils ne comprirent pas en cet instant les conséquences de leur invocation.

Au lieu de cela, les Prophètes Gris s’intéressèrent à leurs affaires les plus urgentes et mirent en application les conseils du Verminarque. Ils défirent les défenses arcaniques des Prêtres-Mages Slanns et commencèrent à rapprocher lentement la lune de sa planète. Ainsi débuta un duel de volontés, un affrontement magique livré par des créatures situées sur des continents différents. Cette guerre se déroula dans les esprits, au-delà des frontières physiques de ce monde.

Thanquol

Thanquol revenait juste de Tilée au moment où les événements se précipitèrent, avec les manœuvres d’éviction des Prophètes Gris dominants. Grâce au butin d’esclaves et de Malepierre qu’il avait amassé, son influence n’avait jamais été aussi grande. Comme ses homologues, Thanquol s’inquiéta de ce nouveau développement, mais au lieu de pester contre une situation indigne, il y vit une opportunité. Avec la mort de Kritislik, il y avait un siège vacant au Conseil des Treize, et la longue histoire ponctuée d’échecs de Thanquol ne l’empêche pas d’avoir l’ambition de s’en emparer. Il lui suffirait de prouver sa valeur aux Seigneurs de la Ruine, et de s’assurer qu’aucun de ses pairs ne lui barre la route.

Il a actuellement reçu pour mission d’aider Skribolt à conquérir Nuln, et il est déterminé à en profiter pour améliorer son propre prestige.

Dans un autre quartier de Skarogne, le projet du Clan Skryre connaissait divers retards majeurs. Une catastrophe suscitée par une fuite de carburant à base de Malepierre avait été suivie par une révolte d’esclaves brève mais violente. Le projet avait déjà des mois de retard, et il semblait improbable que la roquette puisse un jour décoller, sans parler d’atteindre Morrslieb. Malgré tout, il était impossible de ne pas remarquer que la lune du Chaos avait grossi dans le ciel. Les Skavens qui s’aventuraient à la surface sentaient des vagues d’énergie les caresser lorsqu’ils se promenaient au clair-de-lune. Morskittar comprit que les Prophètes Gris avaient une fois de plus réussi à le devancer grâce à leur Magie et entra dans une rage terrifiante. Il ordonna à Ikit d’abandonner le projet et de rejoindre les armées qui s’amassaient contre les Nains.

Les Prophètes Gris rapprochaient peu à peu Morrslieb. Parfois, ils mettaient tout une journée à la déplacer de seulement quelques centimètres, d’autres fois ils parvenaient à lui faire effectuer des bonds de plusieurs kilomètres. Toutefois, cela leur demandait des efforts terribles, si bien que de plus en plus d’entre eux s’effondraient raide morts, le cerveau grillé par la Magie. Enfin, tandis qu’ils luttaient contre les volontés qui résistaient à leur enchantement, la tour du Temple du Rat Cornu fut secouée par une explosion. Plusieurs Prophètes Gris moururent en cet instant, et les autres perdirent leur concentration, ce qui mit fin au sortilège. Les survivants tentèrent de reprendre le rituel, mais leurs invocations avaient perdu leur efficacité. Soit à cause d’un contre-sort, soit à cause des machinations du Verminarque, aucun des sorciers gris ne parvenait à se remémorer le sort, les runes ou les mots de pouvoir que le rat-démon leur avait révélés.

Il était impossible de savoir qui était l’auteur du sabotage, mais on suspecta une équipe du Clan Eshin d’avoir posé une bombe dans la tour. Évidemment, le coût mirifique d’un tel attentat le réservait aux clans les plus fortunés.

Et tandis que la Grande Invasion débutait, les complots se poursuivaient à Skarogne…


Thanquol apparut comme jailli de nulle part. Des volutes de fumée verte enveloppaient ses robes et tourbillonnaient autour de ses cornes. Derrière lui, l’immense silhouette de Vorhax apparut à son tour, son propre nuage de fumée. Cette partie du Dédale était jonchée de caisses empilées recouvertes de chiffons, mais Thanquol ne vit pas le moindre signe de celui qu’il comptait rencontrer. Alors que le silence retombait autour lui, le Prophète Gris se mit à faire les cent pas, et espéra retourner au plus vite au milieu de la sécurité de la colonne de marche. Pour sa part, son garde du corps resta immobile là où était apparu. Ses yeux luisaient faiblement, comme s’ils étaient éclairés par une lumière intérieure. Thanquol scruta les ténèbres et porta anxieusement la main à sa bourse remplie de fragments de Malepierre.

« C’est fait. »

La voix s’était élevée derrière Thanquol et il sursauta, puis fit volte-face en brandissant son bâton. Il se retrouva face à un homme-rat vêtu de noir. Des bandelettes sombres couvraient ses griffes et son museau, cependant on voyait ses yeux scintiller dans la pénombre. Ils fixaient le sorcier.

« Ils sont morts ? » s’enquit Thanquol en se redressant et en relevant le menton pour mettre ses cornes en valeur. « Et personne ne me suspecte ? »

Vorhax tourna lentement la tête et jeta un regard stupide au nouveau venu.

« Votre secret est bien gardé, pour l’instant, » confirma l’agent. « Tout semble accuser Skryre. » Il sourit de tous ses crocs : « Ma meute a trouvé votre paiement, comme promis. Mais je me demande comment même le grand Thanquol a réussi à amasser de telles richesses… »

Thanquol s’offusqua et fronça les sourcils. Les sorciers gris avaient toujours conservé des trésors cachées dans les profondeurs de Skarogne. Et pour l’instant, ses pairs n’en avaient pas besoin.

« Notre contrat est terminé, mercenaire. Tu peux retourner auprès de ton maître. »

L’agent Eshin disparut aussitôt dans les ombres. Thanquol se retrouva de nouveau seul avec Vorhax. Il grignota le morceau de Malepierre qu’il avait prévu pour se matérialiser auprès de la colonne de marche qui se dirigeait vers Nuln. Alors qu’il mâchonnait, son esprit fut envahi par les visions du futur glorieux qui l’attendait. Certes, la situation des Prophètes Gris n’avait jamais été aussi mauvaise, mais une fois ses rivaux éliminés, la voie serait libre. Lorsque les Skavens arriveraient à la cité des choses-hommes, il orchestrerait l’attaque contre ces impudents qui le défiaient depuis trop longtemps. Suite à son inévitable victoire, tout Skarogne reconnaîtrait sa valeur, et qui d’autre pourrait alors prétendre au siège du Conseil ?

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Chapitre I : L’ASSAUT CONTRE LA LUSTRIE - Automne 2523 / Hiver 2524

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Une terreur sans nom s’était abattue sur l’immense continent qu’on nommait la Lustrie. L’air humide était encore plus lourd qu’à l’accoutumée, ce qui renforçait le sentiment d’oppression. Il semblait que la jungle elle-même retenait son souffle, comme lors de l’approche d’un de ses plus immenses prédateurs. Sous les frondaisons touffues, des yeux impassibles épiaient les moindres faits et gestes. Les battements des tambours de guerre résonnaient au-dessus des terres embrumées, car les forces des Hommes-Lézards attendaient l’attaque qu’elles savaient inévitable. Pourtant, en dépit de la capacité de cette race à prédire le futur et des plaques où étaient gravées d’anciennes prophéties, les sorciers les plus doués de la planète ne parvenait pas à deviner quelle forme prendrait cet assaut, ni où il débuterait.

Depuis le sommet du Temple de l’Éclipse de Tlaxtlan, une paire d’yeux reptiliens scrutait les cieux. Tetto'eko, l’Astromancien des Constellations, l’Observateur de l’Au-delà, le Grand Oracle des Étoiles, cherchait à percer le mystère. Les heures passaient, et ses seuls mouvements étaient les battements lents de ses paupières. Malgré ses pouvoirs, le plus ancien des Prêtres Skinks ne percevait rien. Tetto’eko avait été béni par les Anciens, qui lui avaient accordé un don de prescience. Il était habitué à décrypter les futurs possibles dans les constellations. Aucun mortel ne pouvait rivaliser avec lui dans ce domaine. Mais désormais, les étoiles étaient indéchiffrables. D’une façon ou d’une autre, les alignements astrologiques avaient perdu leur harmonie.

Les Saurus sont de terribles prédateurs qui ont été créés dans le seul but de combattre.
La raison de l’aveuglement de Tetto’eko n’était pas atmosphérique : son regard pouvait voir facilement à travers les nappes de brouillard qui formaient une chape au-dessus de la jungle, et même à travers les nuages dans le ciel. Il avait déjà déchiffré les étoiles lors de typhons, et n’était pas gêné même lorsque la foudre zébrait les cieux. Depuis plus d’un siècle, Tetto’eko avait démêlé les mystères du futur en communiant avec les corps célestes. Seule la lueur verte et maladive de Morrslieb, la Lune du Chaos, était parfois capable de troubler ses visions. Sa lumière était tels des miasmes maléfiques qui bloquaient les divinations du Prêtre Skink.

Au contraire des étoiles aux cycles constants et fiables, l’orbite de Morrslieb défiait toute logique. Ces derniers temps, la Lune du Chaos avait toujours été pleinement visible, au point que parfois, elle semblait emplir l’horizon. Au cours du mois précédent, la seconde lune était restée visible tout le temps, sans jamais changer de position, comme si elle voulait empêcher Tetto’eko de faire usage de ses talents. On pouvait même la voir en plein jour, car elle se moquait des lois de la physique.

Toutefois, cette soirée-là, la lune maudite ne daignait pas se montrer. Selon la configuration des étoiles et les prémonitions de Tetto’eko - qui s'étaient toujours révélées exactes - les étoiles trois-fois bénies d’Ix Choltyl, le serpent à plumes, devaient briller intensément au-dessus du Temple de l’Éclipse. Pourtant, à sa grande consternation, elles n’étaient pas là. En dépit de ses efforts, Tetto’eko ne réussissait pas à lire le futur, et son esprit ne pouvait voir que des ténèbres insondables. Si ce n’était pas la lune maudite qui gênait ses talents de devin, alors quelle était la source du problème ?

Tetto’eko s’obstinait à scruter les cieux. Morrslieb pouvait réapparaître d’un moment à l’autre, si bien que le Skink savait que le temps était une denrée qu’il ne pouvait pas se permettre de gaspiller. À l’est, à peine visible depuis les hauteurs monumentales du plus grand temple de Tlaxtlan, des éclairs magiques qui illuminaient l’horizon indiquaient le déroulement d’une bataille. Le ciel au-dessus de la lointaine cité était agité et crépitait. Xahutec était en proie à des flammes démoniaques et impies.

L’ancienne Xahutec, la Cité des Échos, était bel et bien maudite. Elle n'était guère plus qu’un amoncellement ce gravats noircis, et abritait une faille dans la réalité, une ouverture par laquelle se déversaient des horreurs d’une autre dimension. Les légions de Saurus affrontaient la marée démoniaque depuis plus de trois ans, et mesuraient leur sauvagerie à la fureur surnaturelle des rejetons du Chaos. Des crocs durs comme l’acier broyaient les écailles, et le vacarme de la bataille pouvait être perçu à des dizaines de lieues à la ronde. Jusqu’à présent Kroq-Gar, le plus grand Chef Saurus, le Destructeur d’Armées, était parvenu à contenir les Démons, mais le coût avait été terrible. Des dizaines de cohortes avaient été perdues. Même si les Bassins de Frai ne désemplissaient pas et créaient sans cesse de nouvelles couvées, elles parvenaient à peine à éponger les pertes.

Cette attaque n’était pas une simple incursion. C’était le premier assaut de la guerre qui allait engloutir le monde. Seuls les stratagèmes de Kroq-Gar et la détermination de ses osts avaient été en mesure de tenir les Démons en respect. Alors qu’un flot ininterrompu de renforts marchait à travers la Lustrie pour rejoindre Kroq-Gar, les Prêtres-Mages Slanns tentaient de prédire où porterait le prochain assaut. Pour l’heure, leurs efforts avaient été vains, si bien que la bataille de Xahutec continuait lentement de saigner à blanc les légions des Hommes-Lézards.

Au fil des millénaires, la plupart des points d’ancrage de la Toile Géomantique - des siphons de pouvoir qui emmagasinaient les énergies de ce monde - avaient été perdus. Certains avaient été détruits lors des guerres, d’autres étaient tombés dans l’oubli et n’étaient plus que des ruines. Récemment, des envahisseurs du Chaos venus du nord et menés par Vashnaar le Tourmenteur avaient lancé une attaque contre des points clés du Grand Bouclier. Des Hommes-Bêtes avaient émergé des jungles pour mettre à bas le Monument de la Lune, et une armée de Démons dirigée par Kairos le Tisseur de Destins s’était matérialisée au sommet de la pyramide flottante d’Ixxx. Ces batailles avaient profané des artéfacts sacrés érigés par les Anciens, et leur perte avait considérablement affaibli la Toile Géomantique. Des comètes au sillage de flammes vertes étaient tombées de Morrslieb pour détruire les Sentinelles de Xetl, et des cyclones de Vents de Magie traçaient des routes de destruction à travers des structures antiques telles que le Monument d’Izztul et les Pylônes de la Divine Résonance. Alors que les Slanns s’éveillaient de leur sommeil séculaire, ils se retrouvaient dans l’impossibilité de prédire l’avenir tandis que les énergies de leurs domaines s’amenuisaient. Même le plus têtu des Prêtres-Mages était obligé de reconnaître que ces actes en apparence isolés s’articulaient en fait autour d’un plan soigneusement préparé.

De plus, les Prêtres-Mages Slanns s’étaient rapidement aperçus que le Grand Vortex d’Ulthuan était en train de s’étioler, et que par conséquent, les Vents de Magie soufflaient de plus en plus fort. Les esprits des Slanns étaient reliés les uns aux autres à travers l’espace et le temps. Pendant longtemps, ils avaient maintenu un canevas de puissance pure qui avait maintenu le Grand Vortex des Hauts Elfes, afin de lui éviter de disparaître. En effet, dès sa création, les Slanns avaient deviné que l’enchantement des Asur ne pouvait être que temporaire, et que tôt ou tard, les énergies qui saturaient le monde reviendraient en force.

À Hexoatl, le plus puissant et le plus ancien des Prêtres-Mages sortit soudainement de sa transe. Le Seigneur Mazdamundi s’était éveillé. Ses yeux étaient encore un peu vitreux suite à son long sommeil, et ses membres étaient engourdis. Ses rêves avaient été hantés par une seule et même vision, une révélation d’une importance capitale. Le monde était au bord d’un changement irréversible et terrible, et allait bientôt faire face à l’annihilation. Ce rêve avait poussé Mazdamundi à croire que le Grand Dessein avait échoué, et à entamer l’Exode. Des monuments anciens dans lesquels nul n’était entré depuis la naissance du premier Skink avaient été rouverts. Au plus profond de salles interdites, les Prêtres Skinks avaient découvert avec étonnement des artefacts étranges et bourdonnants, et s’étaient lancés dans des spéculations stériles, car pour l’heure, les Slanns n’avaient pas révélé leur fonction.

Alors que la vision parcellaire de Mazdamundi s’évanouissait, il ressentit l’urgence de la situation. Il avait été arraché brutalement de ses rêveries cosmiques, et avait dû abandonner son sanctuaire spirituel. Dorénavant, son esprit prenait conscience du monde qui l’entourait, et ce qu’il découvrit l’emplit de colère. Pire encore, le Prêtre-Mage était persuadé d’avoir été tiré de son sommeil alors qu’il était sur le point de recevoir un message des Anciens eux-mêmes. Par un effort permis par une détermination acquise au cours de plusieurs millénaires de contemplation, Mazdamundi força son cœur trivalve à se calmer. Il ne pouvait pas penser rationnellement sans retrouver d’abord la paix intérieure. Enfin, il poussa un profond soupir. Il réalisa soudain qu’il n’avait jamais ressenti une telle crainte depuis sa naissance, pourtant survenue plus de huit mille ans plus tôt.

Il put alors contempler ce qui l’entourait. Le vénérable Prêtre-Mage était assiégé par des sollicitations sensorielles. Ses serviteurs Skinks avaient interprété l’ouverture de ses paupières comme un signe de son retour dans le monde réel. Ils avaient entouré son palanquin tout en le harcelant avec des nouvelles funestes et des rapports alarmants. Il darda la langue pour goûter l’air et remarqua instantanément la saveur prononcée des Vents de Magie. Ses sens mystiques notèrent l’effervescence magique dans les ruines de Xahutec, à plusieurs centaines de lieu de lui, là où la puissance brute du Chaos se déversait sur le monde. Enfin, des messages télépathiques assaillirent le plus vieux et le plus vénérable des Slanns : des signaux de détresse psychiques, des demandes de consignes et des appels affolés. Mazdamundi leva le bras pour faire signe à ceux présents dans la Chambre d’Éternité de se taire. Il savait qu’il n’avait que peu de temps pour décrypter le message caché que véhiculait son songe. Le destin funeste dont parlaient les Anciens était sur le point d’arriver. Le Grand Dessein ne pourrait jamais être achevé.

En revanche, peut-être Mazdamundi pouvait-il encore sauver le monde pour que d’autres continuent d’y vivre…



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Après de longs préparatifs, le Clan Pestilens fut enfin prêt à lancer sa guerre contre la Lustrie.
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Les galeries transcontinentales avaient été rouvertes, et souvent élargies pour laisser passer les immenses armées et les machines brinquebalantes. Pendant toute une année, des flots de Skaven passèrent sous le plancher océanique afin de rejoindre les armées qui s’amassaient dans les jungles de Lustrie. La plus grande partie de ces troupes était composée de zélotes en robes miteuses du Clan Pestilens, suivis par les Guerriers des Clans serviles. Les Moines de la Peste avaient littéralement vidé leurs forteresses des Terres du Sud. Même les immenses chaudrons dans lesquels le clan concoctait ses armes bactériologiques avaient été démontés pour être transportés jusqu’en Lustrie. Des légions d’esclaves formaient un train de bagages interminable qui emmenait des cuves de brouets contaminés et de matières toxiques.

L’assaut contre la Lustrie était une part importante de la campagne mondiale planifiée par le Conseil des Treize, c’est pourquoi elle bénéficiait de tout leur soutien. Un tribut de guerriers versé par chacun des Clans Majeurs et la plupart des Clans Guerriers était présent. De plus, le commandant en chef de cette armée immense avait été clairement désigné : le Seigneur Skrolk avait voyagé d’une forteresse à l’autre pour donner ses ordres et vérifier que tout se déroulait comme prévu. Il ne faisait pas preuve de subtilité ou de pitié envers ceux qui désobéissaient. Son autorité était absolue, car il recevait directement ses ordres de l’Archiseigneur de la Peste Nurglitch, le chef incontesté du Clan Pestilens. Ce Seigneur de la Ruine influent occupait la dixième place au Conseil des Treize.

Le Seigneur Skrolk

C’est le premier des Seigneurs de la Peste, il a donc reçu logiquement le commandement des opérations en Lustrie. Sous ses ordres, les fanatiques du Clan Pestilens et leurs alliés vont lancer la plus grande Guerre de la Peste qu’on ait jamais vue.

La première phase de l’attaque consistait à rassembler secrètement des troupes sous les endroits désignés par le Conseil. On creusa donc des profondes galeries sous Itza, Tlaxtlan et Xlanhuapec. La présence des Skavens avait été masquée par de puissants sorts de dissimulation jetés par les Prophètes Gris. Alors que les tunnels grouillaient de Skavens, les Prêtres de la Peste mirent en place les pièges de leur culte. Tout en chantant les versets maudits du Livre de Malheurs, ils allumèrent des braseros en fer afin de porter à ébullition des décoctions immondes contenues dans les Chaudrons des Mille Véroles, des réceptacles dans lesquels bon nombre des pires épidémies de ce monde étaient nées. Grâce à des rituels impies, les maladies gagnèrent en virulence, au point que les Moines de la Peste qui touillaient les décoctions pourrissaient sur pied et devaient être remplacés constamment. Finalement, ces brouets furent mûrs à point, et Skrolk les vérifia et les testa personnellement. Les créateurs des bouillies qui obtinrent la satisfaction de Skrolk reçurent un hochement de tête approbateur, les autres furent jetés dans leurs chaudrons, où ils se liquéfièrent en couinant de douleur et de dévotion.

Rapidement, les tunnels s’emplirent d’une fumée âcre qui collait aux fourrures. La plupart des Skavens étaient immunisés à la contagion, grâce à leur exposition constante aux miasmes. Toutefois, tous n’avaient pas cette chance. Les clans qui n’avaient que des contacts sporadiques avec le Clan Pestilens souffrirent particulièrement. Les Vermines de Choc endurcies du Clan Spittl et l’intégralité du Clan Skrittlespike, qui s’était distingué pendant la conquête de la Tilée, tombèrent malades, et la majorité de leurs membres moururent dans d’atroces souffrances. Nonobstant, bon nombre des autres clans furent revigorés par ces vapeurs novices. Elles décuplaient leurs sens et les plongeaient dans une soif de violence presque irrépressible. Malgré les risques de débordements, le signal de l’assaut tardait à être donné.

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Afin de minimiser les risques d’être repérés, les Skavens n’avaient établi que très peu d’entrées à la surface, et prenaient soin de ne laisser aucun signe de leur présence. Sous couvert des ténèbres, des Coureurs Nocturnes montaient pour observer la lune du Warp, celle que les choses-hommes nommaient Morrslieb. Dès qu’elle apparut terriblement grande dans le ciel, le signal de l’attaque fut donné.

Ce même jour avait été parsemé de présages fatidiques. La comète deux queues, qu’on pouvait voir même pendant la journée, avait étincelé à treize reprises, ce qui était un nombre porte-bonheur pour les Skavens, tandis qu’il suscita la consternation parmi les Prêtres Skinks. Depuis le sommet de leurs temples-pyramides, les Skinks, qui jusqu’à présent considéraient la comète comme le signe de Sotek, furent soudainement emplis de terreur, car le nombre treize était pour eux synonyme de catastrophes. Cependant, les Slanns balayèrent les superstitions ridicules des Skinks : cela faisait bien longtemps qu’ils tentaient de les persuader d’abandonner leurs croyances primitives. De fait, beaucoup de Prêtres Skinks étaient également des haruspices, et s’essayaient à l’art de la divination en lisant dans les entrailles de victimes sacrificielles. Lorsque la comète eût étincelé pour la treizième fois, tous les haruspices Skinks arrivèrent aux mêmes conclusions : des événements terribles allaient survenir.

Des grondements étranges roulaient sous la surface du sol, et aucun Homme-Lézard ne fut étonné de voir que cette nuit-là, la lune maudite était particulièrement grande dans le ciel, et qu’elle projetait une lueur maladive et verdâtre sur la canopée de Lustrie.

Le rituel du Conseil des Treize et les efforts des Prophètes Gris étaient parvenus à amalgamer les énergies brutes qui parcouraient le monde. Lentement, des vrilles mystiques s’étendirent et rapprochèrent Morrslieb de sa planète. La lune luminescente était immense et scintillante. À travers toute la Lustrie, beaucoup levèrent les yeux vers le ciel, stupéfaits pas cet astre qui devenait soudain si vaste, au point d’occuper tout un pan du firmament. Le satellite pulsait d’une lumière verte qui baignait tout le paysage et lui donnait des teintes maladives.

Les Prêtres-Mages en furent alarmés et usèrent de leurs pouvoirs mentaux prodigieux pour tenter de stopper le mouvement de l’astre. Des esprits capables de déplacer des montagnes luttèrent afin de prévenir un désastre imminent. Les étoiles disparurent du ciel alors que l’air s’emplissait d’énergies arcaniques. Toute la réserve de pouvoir de la Toile Géomantique fut vidée alors que les Slanns s’opposaient aux forces qui resserraient l’orbite de Morrslieb autour de ce monde. La lune vibrait sous la tension magique, et la pression ouvrit des failles à sa surface. Plus tard, les particules arrachées à la lune du Warp tomberaient sous la forme de météores de Malepierre.

Un tremblement de terre l’interrompit de nouveau.

Grilok posa sa louche et se détourna du chaudron bouillonnant, prêt à châtier ceux qui osaient venir le déranger lors de ses incantations finales. Au lieu de cela, il resta paralysé de peur. La foule de Moines de la Peste située à l’entrée de la caverne s’était ouverte pour laisser passer le Seigneur Skrolk, celui qu’on surnommait la Maladie Ambulante.

Skrolk releva sa capuche, révélant un museau ravagé par les tumeurs. Il renifla l’air afin d’inhaler les vapeurs de la grotte. « Bien-bien ! Ta Gale Suintante a un excellent bouquet. Tu t’es bien débrouillé, Grilok, » déclara-t-il d’une voix éraillée et chargée de miasmes. « Tu t’es montré digne de la confiance que le Seigneur de la Peste Variolus avait placée en toi et en ton Conclave de la Contagion. »

Comme un seul rat, les Moines de la Peste rassemblés autour du chaudron se prosternèrent devant l’Éminence. Grilok nota que certains de ses rivaux lui jetèrent des regards discrets. « Le Seigneur Skrolk est trop bon, » répondit Grilok d’une voix apeurée et respectueuse. Il s’inclina plusieurs fois avant d’ajouter : « Vous honorez notre conclave, ô plus grands des Seigneurs de la Peste. Le Seigneur Variolus sera ravi. »

« Je ne crois pas, » gargouilla Skrolk. « Variolus m’a déçu et j’ai été obligé de le tuer. Toutefois, je ne vais pas lancer l’attaque sans avoir sous mes ordres le nombre nécessaire de Seigneurs de la Peste. En tant que Pontifex de la Peste, c’est toi, Grilok, qui est le plus à même de commander le Conclave de la Contagion. Essaie de ne pas me décevoir… »

Pendant un long moment, Skrolk dévisagea Grilok - ou plutôt, les orbites vides de Skrolk se tournèrent vers le Pontifex de la Peste. Chassant le désir de se flageller afin de prouver sa dévotion, Grilok parvint à conserver son calme et s’inclina une fois de plus sans rien dire.

« Assure-toi que tes maladies soient amenées à l’endroit prévu, » commanda Skrolk. Il agita son bâton, dont les cloches rouillées tintèrent doucement, puis il toucha à deux reprises les épaules de Grilok, dans une parodie d’adoubement, tout en prononçant des mots de pouvoir qui tirèrent des volutes de fumée de son encensoir. Finalement, il fit demi-tour et partit sans rien ajouter.

Grilok, se redressa, cette fois fièrement. Son esprit était obnubilé par la création de la plus terrible des épidémies, et il aboya ses ordres. Il restait beaucoup à faire…


L’effort mental des Slanns les poussa dans leurs derniers retranchements.
L’effort mental des Slanns les poussa dans leurs derniers retranchements. De nombreux Prêtres-Mages sombrèrent dans l’inconscience, leurs esprits étant temporairement affaiblis. Les séismes qui secouèrent Morrslieb se répercutèrent jusqu’en Lustrie. Tous les Slanns à l’exception d’un seul furent défaits alors qu’ils tentaient de bloquer les forces entropiques qui déferlaient sur le continent couvert de jungles. Ainsi, seul le Seigneur Mazdamundi parvint à maîtriser les énergies dont il était le vaisseau. Il eut recours à des Magies au-delà de l’atteinte des mortels, et contra la puissance maligne de Morrslieb et les énergies du Chaos qu’elle irradiait. Par le biais de boucliers mentaux et de barrières mystiques, Mazdamundi empêcha ces énergies de submerger le monde. Malheureusement, même le plus puissant des Prêtres-Mages ne pouvait les stopper entièrement. Certains météores outrepassèrent ses défenses et, guidés par une volonté maléfique, ils filèrent droit vers la Lustrie.

Même s’il n’était pas en mesure de les arrêter, Mazdamundi parvint à les orienter vers les cités à l’abandon du continent. Les sillages incandescents des météores illuminèrent les cieux, puis ils frappèrent le sol avec une force titanesque. Des nuages de fumée verte s’élevèrent sur une hauteur de plusieurs centaines de mètres et des tempêtes de feu se déchaînèrent. Elles rasèrent la jungle sur des lieues à la ronde. Juste avant de sombrer à son tour dans le coma, Mazdamundi réussit à limiter les dégâts provoqués par les impacts afin de préserver le continent.

Alors que les grandes cités des Hommes-Lézards tremblaient sous le choc des impacts colossaux, les Skavens jaillirent de leurs galeries et lancèrent leur attaque.

Les Prêtres-Mages Slanns se préparaient depuis longtemps à un assaut, mais ils étaient persuadés qu’il serait mené par des Démons, car ces créatures étaient leurs ennemis jurés depuis la destruction des portails stellaires. Ils s’attendaient à ce que des failles s’ouvrent dans la réalité, et ne s’étaient pas préparés au bombardement d’énergies magiques provoqué par la Lune du Chaos et les météores qui s’en étaient détachés. Alors que les impacts rasaient des centaines de kilomètres carrés de jungle, des failles immenses s’ouvrirent dans le sol tandis que les Skavens se frayaient un chemin vers la surface. Une marée de vermine jaillit des profondeurs et fondit sur les cités des Hommes-Lézards.

Ce fut une scène apocalyptique, éclairée par la lueur verte d’une lune incroyablement vaste. Les Skavens étaient si nombreux qu’on pouvait penser que le sol lui-même était en mouvement. Là où la jungle venait d’être dévastée, les nuées formèrent comme des vagues, et lorsqu’elles furent obligées de franchir des zones encore recouvertes de jungle, les cimes des arbres se balançaient à leur passage. Des sorts illuminèrent le ciel : les Slanns avaient préparé des enchantements afin de contrer une éventuelle invasion, et même si les sorciers des Hommes-Lézards étaient momentanément inconscients, leurs sortilèges de bannissement se déclenchèrent au passage des Skavens, formant des soleils miniatures. Toutefois, les Skavens ne provenaient pas d’un autre plan d’existence. C’étaient des créatures de chair et de sang, par conséquent la lumière scintillante et pure leur était inoffensive. En dépit de leur aveuglement momentané, les Skavens continuèrent d’avancer, et les pièges mis en place par les Slanns pour bannir les Démons furent inefficaces.

De tous les clans Skavens, aucun n’était plus zélé que le Clan Pestilens. Ses membres fanatiques étaient entièrement dévoués au Rat Cornu. Leur passion de répandre les maladies en son nom était appuyée par une ferveur démente, et cela se ressentit tandis qu’ils envahissaient la Lustrie. Ils étaient tous déterminés à remporter cette bataille, aussi bien l’Archiseigneur de la Peste Nurglitch que le Moine de la Peste du plus bas échelon. Cette partie du plan échafaudé par le Conseil des Treize était entièrement à la charge du Clan Pestilens. Parmi toutes les offensives prévues par les Skavens, l’assaut contre la Lustrie était la plus vaste et la plus ambitieuse. En écrasant rapidement les Hommes-Lézards, le Clan Pestilens serait ensuite capable de focaliser son attention vers d’autres objectifs. En effet, prendre le contrôle du Conseil, et donc de toute la race des Skavens, était bien évidemment le but ultime du clan.

Les Seigneurs de la Peste

Comme il est dit dans le Livre des Malheurs, il existe sept Seigneurs de la Peste, et ce nombre doit rester inchangé. Chacun porte un titre et doit s’acquitter de devoirs précis. En comptant leur chef Skrolk, six des sept Seigneurs de la Peste sont actuellement en Lustrie. Au grand dam des autres clans, les activités et le rôle du septième restent pour l’instant mystérieux.

Les premiers Skavens qui atteignirent leur destination assaillirent Tlaxtlan, la Cité de la Lune. Le chef des Skavens était le Seigneur de la Peste Kreegix le Rôdeur. Il adopta une tactique directe et fonça à la tête de ses troupes. Des multitudes d’esclaves sortirent des tunnels pour assaillir les murailles de Tlaxtlan. La première vague s’écrasa contre le pied des murs. Les esclaves cherchaient à escalader la roche, mais les blocs étaient parfaitement lisses et si énormes que même les plus grands hommes-rats ne pouvaient grimper en s’aidant des joints. Sur les remparts, les Skinks projetaient des grêles de javelots et de sagaies, toutefois le plus grand danger pour les esclaves provenait de la seconde vague d’assaut qui arrivait dans leur sillage. Les hommes-rats étaient pressés les uns contre les autres, et la première vague périt étouffée et piétinée par la seconde. Les Skavens s’empilaient littéralement au pied des murs, et commencèrent à s’élever inexorablement vers le parapet. Au bout de la sixième vague, les envahisseurs atteignirent le haut des murailles, et au même moment, les portes étaient soumises à une rude attaque.

Au milieu des chants enfiévrés et du grincement des roues rouillées, des Moines de la Peste amenèrent de grandes machines en bois.
Au milieu des chants enfiévrés et du grincement des roues rouillées, des Moines de la Peste amenèrent de grandes machines en bois. Ces tours étaient dotées d’immenses encensoirs, et à chaque balancement de ces orbes gigantesques, des vapeurs verdâtres emplissaient l’atmosphère. Les hommes-rats en robes tiraient, poussaient et amenaient leurs engins de mort le long de la route pavée menant à l’entrée de Tlaxtlan. Cette avenue était si large que trois encensoirs à peste ainsi que leurs équipages pouvaient être alignés côte à côte afin de frapper les portes. L’ancienne Porte du Sentier des Étoiles était en or massif, et le métal mou se tordit sous les impacts répétés des encensoirs. Il ne fallut pas longtemps pour qu’elles cèdent sous les coups des orbes empoisonnés. Partout ailleurs dans le périmètre, aucune des Portes Lunaires en argent ou des Portes d’onyx noir du Lotus Rêveur ne résista plus longtemps.

Une douzaine de brèches furent ouvertes dans les défenses de Tlaxtlan. La nuée de Skavens se déversa par-dessus les murailles, et des colonnes de vermines marchèrent à travers les portes brisées. Les larges avenues de Tlaxtlan furent bientôt le théâtre de combats sanglants. Les Skavens étaient plongés dans la frénésie par les vapeurs des encensoirs et ne firent pas de quartier. Ils se jetèrent sur les défenseurs telle une marée de griffes et de crocs. Face à une telle horde, les légions de Saurus de la ville établirent une résistance stoïque, dont le calme contrastait avec l’agitation des hommes-rats.

Au milieu du maelström de la ligne de front, les vagues d’assaut des Skavens se brisèrent contre les rangs disciplinés des guerriers reptiliens. Les lames rouillées tailladaient les boucliers en obsinite, et les lourds encensoirs s’abattaient sur les écailles dures comme l’acier. La vitesse et l’agilité des Skavens se mesurèrent à la détermination et aux gueules garnies de crocs des Saurus, alors que la frénésie démente affrontait la sauvagerie à sang-froid. Les attaques des Skavens se heurtèrent encore et encore au mur de boucliers des Hommes-Lézards, toutefois tandis que les rares survivants des régiments massacrés par les Saurus fuyaient en piaillant, d’autres prenaient leur place. Lentement mais inexorablement, les Hommes-Lézards durent battre en retraite. Les pavés de Tlaxtlan étaient maculés de sang, tandis que les égouts, pourtant prévus pour absorber les pluies torrentielles de Lustrie, débordaient de fluide écarlate alors que les premiers rayons de l’aube apparaissaient au-dessus de l’horizon encombré de nuages de poussière.

Au niveau de l’immense Cité-Temple d’Itza, les hordes de Skavens ne tentèrent pas d’escalader les murailles. Il s’agissait de la Première Cité des Hommes-Lézards, et une tactique différente fut employée par les hommes-rats contre cette ville considérée comme sacrée par leurs adversaires à sang-froid. Les murs et les armées d’Itza étaient en effet bien plus redoutables que ceux de Tlaxtlan. Sur ordre du Seigneur de la Peste Gritch, le Grand Potentat des Pustules, les Skavens se contentèrent d’encercler la cité. Une fois leurs troupes en positions, ils tournèrent leur attention vers les avant-postes et les monuments situés dans les alentours de la ville. Pris d’une fureur sans bornes, les Skavens envahirent ces sites, qui se retrouvèrent engloutis sous des nuées d’hommes-rats. Des monolithes millénaires furent mis à bas. Ensuite, les esclaves creusèrent des tranchées autour d’Itza, afin d’empêcher toute tentative de sortie. Lorsque les premiers rayons du soleil illuminèrent l’air moite, on pouvait voir que la horde vermineuse plantait des pieux le long des tranchées, et que de grandes machines de siège étaient positionnées derrière des remblais.

La troisième partie de l’assaut des Skavens fut dirigée contre la Cité-Temple de Xlanhuapec. Les hommes-rats savaient que cette attaque serait difficile, car les défenses de ce lieu étaient inhabituelles. Xlanhuapec était en effet surnommée la Cité des Brumes, car elle était recouverte en permanence par un brouillard surnaturel. La mission de la conquérir fut donc donnée à non pas un, mais deux Seigneurs de la Peste : le Seigneur Skrimanx, l’Archidiacre de la Maladie, et le Seigneur Blistrox, le Chantre de la Parole Virulente.

Xlanhuapec terrifiait les Skavens, car les mares de boue et les marécages qui l’entouraient pouvaient engloutir des armées entières. Peu de Skavens étaient entrés dans la cité et avaient survécu, pourtant des clans entiers avaient déjà tenté de s’en emparer. Le plus misérable esclave avait déjà eu vent de la réputation de la cité et des monstres qui la hantaient.

Le Clan Gangrous
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Ce clan a juré allégeance au Clan Pestilens. Son chef est l’Imperator Exalté Szik Vilepot, un ancien gladiateur.
Le Clan Fétide
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Un autre clan soumis au Clan Pestilens.
Le Clan Morbidus
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Même si le Clan Morbidus a choisi de suivre le Clan Pestilens en répandant les maladies, il maintient des liens étroits avec le Clan Moulder. Son chef belluaire n’est autre que l’ineffable Grotchrot.
Le Clan Griblobe
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Le Clan Griblobe fait partie des soutiens les plus indéfectibles de la Confrérie Pestilentielle. Son Seigneur de Guerre est Drib Bentblade.

Le Seigneur Skrimanx mena son assaut depuis le sud, en approchant par un réseau de tunnels sous les ruines de Quetza. Son armée était précédée par des régiments d’esclaves qu’on forçait à avancer en première ligne. Ces troupes ne portaient normalement pas de bannières ou de totems, néanmoins Skrimanx avait ordonné que des braseros fixés à des hampes soient placés à l’avant de chaque unité, puis il promit la liberté et de la nourriture aux groupes qui parviendraient à pénétrer dans la ville avec leur brasero allumé. Des Moines de la Peste et des Guerriers des Clans marchaient derrière les esclaves, espérant pouvoir suivre la lueur des braseros pour s’orienter à travers les brumes hallucinogènes.

Au nord, le Seigneur Blistrox menait les légions de la Confrérie Pestilentielle, c’est-à-dire des clans assujettis ou dominés par le Clan Pestilens. On y dénombrait les clans Feesik, Gangrous, Fétide, Morbidus, Septik et Griblobe, qui émergèrent des tunnels au milieu des marécages entourant Xlanhuapec. Afin de guider sa horde à travers la brume, Blistrox avait emmené Reekit, un Technomage versé dans les arts occultes. Il avait été loué fort cher au Clan Skryre, mais ses engins aux rouages cliquetants et aux optiques luminescentes permirent à Blistrox de s’orienter dans le brouillard.

Alors que l’aube se levait, les deux généraux menèrent leurs armées dans les brumes mystiques de Lustrie…

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Les visions de ruine et de destruction de Tetto’eko se réalisaient.
Les visions de ruine et de destruction de Tetto’eko se réalisaient.

Les étoiles n’avaient donné aucun avertissement, mis à part les vagues messages de malheur qui avaient dominé l’analyse nocturne du cosmos de Tetto’eko. Les envahisseurs étaient arrivés trop vite, ils avaient frappé par surprise après les séismes lunaires qui avaient secoué la cité. Les Skavens avaient déjà franchi l’enceinte extérieure, et des dizaines de combats faisaient rage au cœur de Tlaxtlan. Les larges places et avenues entre les temples pyramidaux pullulaient de guerriers ou étaient emplies de cohortes qui se pressaient pour combler les brèches dans les défenses.

Durant des âges, un seul ennemi avait pénétré aussi profondément dans la cité : les légions démoniaques, lors de la venue du Chaos. Alors, les Prêtres-Mages Slanns s’étaient réunis dans la Ziggourat de Quetli. En ce lieu conçu pour les Anciens, les Slanns avaient combiné leurs pouvoirs pour créer un dôme d’énergie mystique que nul ne pouvait traverser. Les attaques des Démons s’étaient écrasées contre la barrière miroitante. À présent, les Slanns étaient piégés dans une léthargie qui drainait leurs forces mentales, incapables de prononcer la moindre phrase cohérente, encore moins de manipuler la Magie. Même le Seigneur Adohi-Tehga, le plus ancien et le plus puissant Slann de la cité, avait passé la bataille dans un état catatonique. Une grande partie de l’énergie des Slanns avait été sapée lors de leur tentative de dévier les météorites qui s’abattaient de Morrslieb, et avait laissé sous le choc les plus grands sorciers au monde.

Désespéré, Tetto’eko ordonna que soient amenés les Prêtres-Reliques. En hâte, les serviteurs Skinks appelés Ahmo Chotectzi - Ceux du Soleil Défunt - s’étaient glissés dans les chambres mortuaires pour extraire les restes desséchés des Prêtres-Mages. Les momies révérées, toujours imprégnées d’une grande puissance, furent placées dans la Ziggourat de Quetli. Quelques glyphes anciens luisirent, mais le rituel était incomplet. Aucun dôme magique ne descendit sur la ville assiégée, et Tetto’eko comprit que les siens devraient se défendre par leurs propres moyens.

Sans Slann pour la guider, la direction de la cité échut à Tetto’eko, car il était le plus ancien et le plus avancé du conseil des sages. Son devoir sacré était de surveiller les innombrables reliques, de protéger les irremplaçables Bassins de Frai, et par-dessus tout, de s’assurer de la sécurité des Prêtres-Mages Slanns. Incapable de lire dans le futur, et incertain de ce qu’il devait faire, Tetto’eko n’avait d’autre choix que de diriger de son mieux la défense de Tlaxtlan.

Du sommet du temple de l’Éclipse, le vieux Prêtre Skink pouvait observer la majeure partie de sa cité assiégée et évaluer la situation. Ces dernières années, maintes cohortes de guerriers avaient été envoyées à Xahutec à la demande du Seigneur Kroq-Gar. Les régiments qui restaient à Tlaxtlan étaient déjà impliqués dans la lutte chaotique. Au nord, les quartiers Skinks brûlaient, tandis qu’à l’ouest, des nuées d’hommes-rats profanaient les temples de Tepok. À l’est, les clairières à la dérive des Jardins Volants tanguaient violemment, signe des combats impitoyables qui avaient lieu sous leurs plates-formes. Les Skavens progressaient sur chaque allée principale, et se rapprochaient inexorablement du cœur de Tlaxtlan. En première ligne de ces assauts frénétiques se trouvaient d’énormes encensoirs montés sur des attelages, et dont les émanations empoisonnées forçaient les cohortes de Saurus à procéder à une lente retraite.

Pendant un jour et une nuit, Tetto’eko observa la bataille faire rage sans faiblir à travers la Cité de la Lune. Le feu, le sang et l’énergie des combats contrastaient avec l’atmosphère calme et apaisante des Chambres d’Éternité de chaque temple-pyramide.

L’esclave rachitique suffoquait et de l’écume sortait déjà de sa bouche. Le miséreux parvint à faire neuf… dix… onze pas avant de s’effondrer en un tas de chair secoué de spasmes.

« Lequel d’entre vous peut m’expliquer pourquoi la Variole Rouge n’a-t-elle pas atteint son plein potentiel ? » demanda Grilok, le plus récent des Seigneurs de la Peste. Il lança un regard noir aux Prêtres galeux qui se tenaient devant une cuve de liquide violacé bouillonnant.

Aucun des Skavens ne répondit, ni ne croisa le regard accusateur de Grilok. Sous leurs capuches sombres, ils distinguaient l’agitation de la queue de leur chef, ce qui n’augurait rien de bon.

« Onze pas ? Onze ?! » siffla Grilok. « C’est la Variole Rouge, la maladie qui a mis les choses-hommes à genoux ! Ne vous avisez pas de m’appeler avant que cette cuvée ait atteint sa véritable acmé. Vous tous devriez être relégués au rang de disciple-brebis galeuses ! »

Dans un mouvement de cape en loque, Grilok s’en alla, son entourage se hâtant à sa suite. Il laissa derrière lui un silence de plomb, seulement brisé par les convulsions des esclaves empoisonnés.

Grilok partit inspecter la caverne suivante pour tester sa cuvée. Il n’avait pas dormi depuis trois jours, depuis que le Seigneur Skrolk l’avait promu Seigneur de la Peste. Grilok était le sixième membre de ce conseil dirigeant, une place appelée Pontifex de la Peste, chef du Conclave de la Contagion. Son devoir était de superviser la production de l’arme maîtresse de l’arsenal du Clan Pestilens : la maladie.

Une gorge racla derrière lui, comme Grilok s’y attendait. « Oh Grand Pontifex exalté, » commença le prêtre supérieur Driblech, la malice coulant de chacun de ses mots. « Vous savez-savez sans doute que onze pas est une Variole Rouge redoutable ? »

Cette remise en cause passive de son autorité était ce qu’attendait Grilok. Il ralentit et se tourna vers l’accusateur. Grilok montra les dents. « Avec la Malelune aussi pleine, nous pouvons-devons faire mieux. J’attends une Variole Rouge de six pas au plus. Ou bien, Driblech, préférerais-tu informer le Seigneur Skrolk que, selon toi, une cuvée inférieure serait tout aussi efficace ? »

Tandis que le Prêtre se courbait pour marquer son erreur, si bas qu’il effleura le sol avec son museau, Grilok regardait le reste de ses assistants. Il y aurait d’autres tentatives pour usurper son autorité, pour saboter ses plans. Ils avaient tous entendu que la guerre du dessus allait bon train, mais leur heure approchait… celle où le Conclave de la Contagion libérerait le contenu des Chaudrons des Mille Véroles.

Un seul échec serait son dernier, Grilok le savait.


À l’intérieur de ces sanctuaires scellés, l’air était paisible ; mêlé de douces circulations aromatiques et de bouffées de vapeurs capiteuses. Des servants Skinks y maniaient des plumes grandes comme les rames d’un navire, et déplaçaient des nuages de parfum de lotus mélangé à des herbes hallucinogènes. Les enchantements de ces chapelles cosmiques les coupaient de tout bruit en provenance du dehors, ainsi les hurlements des bêtes colossales et les chants endiablés des hommes-rats étaient-ils réduits à de simples murmures. En dépit de ce calme, une âpre lutte avait lieu dans ces chambres, car les Slanns embrumés refusaient de se réveiller.

Depuis leur duel magique contre la Lune du Chaos pour arrêter son approche, les Slanns avaient la langue pendante. Avec une détresse grandissante, leurs serviteurs Skinks veillaient sur les Mages et usaient de tout leur savoir pour sortir leurs maîtres de leur torpeur, en vain.

Un flot constant de messagers Skinks affluait jusqu’à Tetto’eko, qui gardait contact avec Ax-cha, le Chef de Guerre Saurus de Tlaxtlan, ainsi qu’avec chaque pyramide où reposaient les Slanns léthargiques, piégés dans leurs rêves corrompus par le Warp. Les nouvelles étaient toutes mauvaises.

Le temple montagneux de Tlaxcotl, et les quatre Autels du Sang de Sotek autour de lui, dominaient le centre de Tlaxtlan. Cette vaste zone était pour le moment vierge de tout ennemi. Des rangs serrés de Gardes du Temple barraient chaque passage vers le quartier central, protégeant les Slanns et les anciens pouvoirs renfermés dans le cœur sacré de la cité. Des quatre coins de la métropole ravagée, les défenseurs éparpillés se repliaient lentement vers ces immenses places. Qu’un Slann, n’importe lequel d’entre eux, se réveille, et les Hommes-Lézards pourraient repousser les envahisseurs. Même privé de ses dons de prescience, Tetto’eko savait que c’était le seul espoir de son peuple.

Tant que les Slanns restaient léthargiques, il n’y avait par ailleurs aucun moyen de s’enquérir rapidement de l’état des autres Cités-Temples. Des messagers sur Téradon avaient été envoyés, mais il était impossible de dire s’ils avaient atteint leur destination. Les autres cités pouvaient être attaquées ou avoir été détruites par les séismes lunaires sans qu’on puisse le savoir. La situation empirait d’heure en heure. La cohorte gardienne à crête verte tint les portes arquées des Havres Distants jusqu’au dernier Saurus. Ils luttèrent jusqu’au bout, leurs blessés rampant pour refermer leurs mâchoires sur tout Moine de la Peste à portée, et même après leur décapitation, il était impossible de se défaire de leur morsure. Toutefois le sacrifice héroïque des Saurus ne fit que ralentir la horde.

Tetto’eko comprit progressivement que sauver la cité ou préserver les Slanns étaient deux objectifs distincts qu’il lui était impossible d’accomplir simultanément. Avec une précision horlogère, l’esprit de Tetto’eko passa en revue les protocoles et les priorités. Sans émotion ou le moindre préjugé, le Prêtre Skink soupesa les options qui s’offraient à lui. Dénué de précognition, il devait s’en remettre à la logique et aux probabilités. Il vint à la seule conclusion qui lui offrait une chance de succès : il fallait rassembler les Prêtres-Mages Slanns, puis les Hommes-Lézards devaient battre en retraite.

C’est là, en rangs serrés, que les Gardes du Temple allaient donner leur vie pour protéger les Prêtres-Mages vulnérables qui reposaient au sein de la pyramide.
Alors même que Tetto’eko faisait son annonce fatidique et envoyait des équipes de messagers depuis le centre de Tlaxtlan, plusieurs cohortes de Saurus étaient submergées. La nuée skaven avançait par à-coups. Les hommes-rats avaient fini par atteindre la pyramide la plus à l’est, le temple de Chotec. Des centaines de Skavens se ruèrent sur l’énorme ziggourat. Toutefois, ses portes intérieures étaient scellées et seule l’entrée au niveau du sol était ouverte. C’est là, en rangs serrés, que les Gardes du Temple allaient donner leur vie pour protéger les Prêtres-Mages vulnérables qui reposaient au sein de la pyramide.

Bientôt à court de temps, Tetto’eko étendit sa perception dans les Vents de Magie abondants, et chercha dans les cieux tout ce sur quoi son esprit alerte pouvait se verrouiller. Entonnant des versets de langage rituel qu’il ne comprenait pas, le Prêtre Skink arpenta le cosmos jusqu’à trouver ce qu’il cherchait. Par le seul pouvoir de sa Magie, Tetto’eko prit la comète au piège. Grâce à sa force de volonté, le frêle Skink infléchit la trajectoire du noyau ferreux de plusieurs milliers de miles, et attira sa masse à lui. Son sort achevé, Tetto’eko laissa son esprit rejoindre le présent discordant. Privé de ses dons de prescience, il ne savait pas si la météorite arriverait à temps pour l’aider dans ses plans, ou simplement pour venger son échec.

Tant de messagers allaient et venaient du sommet du grand temple de Tlazcotl qu’ils formaient de longues files. La retraite face à un assaillant était une manœuvre délicate, mais la discipline des Saurus dirigés par le sang ancien Ax-cha redonna espoir à Tetto’eko. Toutefois, réunir les Slanns qui comataient dans chaque temple serait plus difficile. Retirer ces êtres révérés de leurs chambres protégées allait contre le protocole, et requérait un ordre émanant directement d’un Slann. Sans Prêtre-Mage lucide, Tetto’eko comprit que ses meilleures chances étaient de convaincre ceux qui veillaient à la sécurité des Slanns. Ils devaient comprendre la nécessité d’abandonner Tlaxtlan. Leur salut se trouvait dans la fuite à travers la jungle. Ax-cha pouvait mener une arrière-garde efficace, et même si l’ennemi submergeait les Saurus, cela laisserait plus de temps aux Slanns pour sortir de leur léthargie.

Les Gardes du Temple étaient trop loyaux pour ne pas se laisser convaincre. Ils étaient entièrement dévoués à leur tâche, mais suivaient néanmoins les ordres issus de la chaîne de commandement. Sans Prêtre-Mage Slann conscient, les rênes de Tlaxtlan étaient entre les mains de Tetto’eko. Il n’en fut pas de même avec les serviteurs Skinks obséquieux des Slanns. Obnubilés par leur propre importance, de nombreux préposés furent la cause de retards inutiles. Certains demandèrent de plus amples informations, souhaitant approuver leur route eux-mêmes, tandis que d’autres refusèrent de partir avant d’avoir rassemblé toutes les choses fastueuses que leurs maîtres indisposés pourraient demander à leur réveil. Ces contretemps rendirent inévitable ce qui allait suivre.

Au temple de Chotec, la retraite fut bien trop lente. Les Skavens finirent par avoir raison des derniers gardes Saurus et se ruèrent dans l’édifice sacré. Ils furent nombreux à périr dans les catacombes, aux prises avec les dernières poches de résistance de serviteurs Skinks, ou victimes de pièges, mais les hommes-rats étaient innombrables. Sans se laisser abattre, les Moines en haillons du Clan Pestilens fouillèrent la pyramide pour débusquer leur proie. Ils découvrirent deux Prêtres-Mages dans les chambres les plus élevées. Les Slanns furent soulevés de leurs couches embrumées, saisis par des centaines de mains griffues qui les tirèrent à la lumière du jour. Tout en entonnant leurs chants, les Skavens émergèrent de la pyramide en portant les Prêtres-Mages bulbeux à bout de bras, inconscients, les Slanns laissaient leurs membres s’agiter mollement tandis qu’ils étaient levés par à-coups en guise de triomphe. Ces glorieux trophées furent accueillis par le son discordant de gongs et une cacophonie de piaillements qui se répandit à travers Tlaxtlan. Le bruit se mua en cris perçants tandis que les Slanns étaient démembrés par la nuée.

Tetto’eko aperçut le spectacle distant et baissa la tête de découragement. Deux des êtres mystiques les plus anciens venaient d’être réduits en morceaux sanguinolents, leur chair profanée pour la délectation de créatures du Chaos dégénérées. Cette perte était incommensurable. Tetto’eko savait que de telles atrocités se poursuivraient s’il n’agissait pas rapidement. Il donna le signal. Ceux qui le pouvaient entamèrent l’exode ; tout retard signifiait une mort certaine. Derrière un fer de lance de Stégadons et de Bastiladons, Tetto’eko menait les cohortes qui ne formaient pas l’arrière-garde de Ax-cha.

Tetto’eko espérait que l’ennemi n’attaquerait pas de plus belle. Tlaxtlan était une cité riche, et son centre abritait ses trésors les plus inestimables. Des frises d’or ornaient ses temples et la ville regorgeait de mosaïques de pierres précieuses ou de voies incrustées de rubis. Il pensait que ces artefacts aux propriétés mystiques évidentes, comme la flore volante des clairières suspendues, les rouages de pierre au mouvement perpétuel du Cadran Solaire de Chotec ou les émeraudes ardentes de la Fontaine Éternelle, auraient attiré l’attention des envahisseurs avides. Tetto’eko espérait se frayer un chemin hors de la cité pendant que l’ennemi pillerait les richesses de Tlaxtlan. Il ne pouvait pas se tromper davantage.

Certains Skavens issus des Clans Guerriers mineurs ou des régiments d’esclaves assignés à cette mission par le Conseil des Treize s’arrêtèrent pour procéder au pillage. D’autres cessèrent l’attaque pour satisfaire leur noir appétit. Ils dévorèrent les morts et se repurent de la chair des bêtes reptiliennes. Toutefois, la plupart des Skavens étaient des Moines de la Peste fanatiques ou trop peureux pour s’écarter de leur mission. Les hommes-rats qui submergeaient Tlaxtlan étaient majoritairement des guerriers du Clan Pestilens, non des pillards avides de richesses ou d’artéfacts mystiques.

En fait, cette confrérie austère n’avait que faire du butin, car elle était exclusivement dévouée à une cause : la propagation des maladies et la prédominance du clan. Tandis que les forces des Hommes-Lézards cherchaient à se retirer du Grand Temple de Tlazcotl, une horde de Skavens les harcelait encore.

Tous les Hommes-Lézards ne purent s’échapper. Bien qu’il fallût du temps aux Skavens pour abattre les gardiens du temple, trois Slanns de plus furent tirés hors de leurs pyramides pour subir une fin des plus cruelles. Leurs assistants avaient retardé leur départ, et sacrifié leur sécurité avec leurs considérations mesquines au sujet d’objets de nature éphémère. Le Prêtre-Mage Ixi-Tehenci fut dévoré vivant car ses dévoués serviteurs avaient insisté pour emporter une quantité supplémentaire des larves farineuses préférées de l’illustre Slann.

Les hordes de Moines de la Peste combattirent avec une férocité redoublée.
L’arrière-garde des Hommes-Lézards qui tentait d’empêcher toute poursuite encaissait charge après charge. Ax-cha avait placé ses cohortes d’élite en première ligne ; les plus imposants et les plus féroces des couvées qui n’étaient pas affectés à la garde des Prêtres-Mages. Ces troupes étaient fraîches et les Moines de la Peste ne pouvaient pas les traverser pour s’en prendre aux colonnes de retraite.

Toutefois, petit à petit, les cohortes cédaient du terrain, s’éloignant des tas de morts des assauts précédents.

Sentant la victoire proche, le Seigneur de la Peste envoya toutes ses réserves. De nouvelles vagues de Skavens se répandirent dans la cité dévastée. Surnommé le rôdeur, Kreegix était le plus jeune et le plus agressif des lieutenants de Nurglitch, l’Archiprêtre de la Peste. À présent, il se joignait à la bataille, se ruant à la crête de la déferlante vivante qui porterait le coup fatal. Kreegix maniait un triple encensoir à peste dont les vapeurs le plongeaient, ainsi que tous ceux qui l’entouraient, dans une frénésie meurtrière. Faisant grincer leurs incisives, des lignes d’écume s’échappant leurs gueules, les pestiférés déments foncèrent têtes baissées vers les lignes Saurus.

Inspirées par leur chef et grisées par la brume entêtante de l’encensoir de Kreegix, les hordes de Moines de la Peste combattirent avec une férocité redoublée. Grâce à leur peau aussi épaisse que du cuir suite à une exposition constante aux agents corrupteurs, les dévots du Clan Pestilens constituaient une opposition redoutable, mais imprégnés d’énergie comme ils l’étaient, les Moines de la Peste se riaient de coups mortels, et ne ralentissaient pas après avoir été transpercés, mutilés ou éviscérés.

Tandis que l’arrière-garde des Hommes-Lézards était malmenée par l’attaque déchaînée de Kreegix, le fer de lance du repli progressait. Les Stégadons massés se ruaient à travers la résistance éparse qui leur barrait le chemin, et bientôt, la colonne de Tetto’eko sortit de la cité ravagée et pénétra dans la jungle au-delà. De la fumée s’élevait de Tlaxtlan derrière lui, tandis que le ciel s’assombrissait, signe d’une tempête imminente. En dépit des nuages noirs qui masquaient son approche aux combattants de la ville, la présence de la comète n’échappait pas à la perception de Tetto’eko. Il avait puisé dans une Magie si abondante qu’il n’avait pas évalué la taille de la masse de roche et de métal qu’il avait attirée. Maintenant qu’il ressentait la pression mentale de ce qui s’abattait droit sur la cité, le vieux Prêtre Skink réalisa qu’il aurait dû la quitter plus tôt. Il n’avait même pas le temps de s’appesantir sur son manque de clairvoyance.

La météorite striait le ciel, déchirant l’atmosphère comme un projectile envoyé par les Anciens eux-mêmes. Tetto’eko ne pouvait rien faire pour l’arrêter. À son ordre, les Hommes-Lézards se jetèrent à terre tandis que le ciel se changeait en lumière aveuglante. Le vieux Prêtre Skink parvint à percevoir l’onde de choc qui le dépassa et coucha la jungle un instant avant qu’un fracas de tonnerre chasse toutes les autres considérations de son esprit. Le sol se rebella et l’explosion éclipsa tout le reste durant quelques secondes. Le palanquin de Tetto’eko fut violemment secoué en dépit de son aura de protection, la vague de chaleur menaçant de le brûler vif. Certains Hommes-Lézards, qu’il s’agisse de Skinks alertes ou de lourds Stégadons furent projetés dans les airs par la puissance de la secousse sismique qui se propageait. Des gerbes de flammes filèrent au-dessus des têtes, et aspiraient l’air des poumons. Il fallut un moment avant que ceux qui n’avaient pas été rôtis vivants puissent respirer de nouveau. L’air surchauffé était déjà saturé de débris.

Tetto’eko se trouvait à la tête de la colonne de repli, à plusieurs kilomètres du point d’impact de la météorite. Pourtant, moins d’un tiers de la cohorte de retraite se releva de la fumée et des cendres. La plupart des survivants étaient ceux qui étaient les plus proches des Boucliers des Anciens, la barrière protectrice qui entourait les Prêtres-Mages Slanns. En regardant en arrière, on pouvait distinguer un nuage de poussière s’élever dans le ciel à plusieurs centaines de mètres au-dessus du cratère qui était ce qui restait de Tlaxtlan, la quatrième plus grande cité de Lustrie.

Le Prêtre-Mage Adohi-Tehga, le plus ancien de cette cité détruite, commença à remuer sur son palanquin. Son éveil intervenait trop tard pour préserver Tlaxtlan, pensa Tetto’eko, mais peut-être était-il encore temps de sauver la Lustrie ?

L’Attaque d’Itza

L’Ost Rouge

L’Ost Rouge de Tehenhauin est célèbre dans toute la Lustrie. Il se déplace mystérieusement à travers la jungle, et arrive spontanément à la porte des grandes cités. En temps de grand besoin, l’Ost Rouge surgit de nulle part et s’abat sur les ennemis des Hommes-Lézards avec la fureur vengeresse de Sotek.

Tehenhauin
Les Boucliers Rouges
Les Yeux de la Canopée

Tehenhauin
Le prophète de Sotek et Héraut du Dieu Serpent a senti la puanteur du rat portée par les Vents de Magie. Leur sifflement divin a demandé à Tehenhauin de mener l’Ost Rouge hors de sa jungle et de se diriger vers Itza en toute hâte. La colère de Sotek va de nouveau se déchaîner. Les nuées de Sotek, des serpents de toutes tailles, jaillissent du sous-bois pour se joindre à l’Ost Rouge tandis que Tehenhauin le conduit à la bataille. Tehenhauin a prédit que de nombreux sacrifices auront lieu en l’honneur de Sotek.

Les Lézards de Feu

Les Boucliers Rouges
Bien qu’issus des Bassins de Frai d’Axlotl, la large crête de ces Skinks indiquait qu’ils ne pourraient rejoindre les rangs de son armée. Dès qu’ils sortirent de l’eau de leur naissance, ces Skinks traversèrent les profondeurs de la jungle, guidés par un sifflement. Ils étaient une couvée sacrée de Sotek, dont le destin était de se joindre à l’Ost Rouge sous les ordres de Tehenhauin. Pendant leur périple, ils rencontrèrent et tuèrent le plus gros des Fangadons, et confectionnèrent des boucliers à partir de sa peau épaisse. Menés par le chef Hui-ixxen, les Boucliers Rouges sont féroces, et ils décapitent toute la vermine qui croise leur chemin.

Les Bastions Vivants

Les Lézards de Feu
Les Prêtres Skink prétendent distinguer la silhouette du tout-puissant Sotek dans les crachats enflammés de ces Salamandres. Quelle que soit la vérité, il est indéniable que ces bêtes reptiliennes deviennent enragées en présence de l’engeance Skaven. Chaque fois qu’ils découvrent une colonne de traînards Skavens traversant la jungle en direction d’Itza, les Lézards de Feu les embrasent avant de les achever à coups de dent et de griffe. Même les restes calcinés et démembrés des Skavens provoquent l’ire des Salamandres, qui s’acharnent sur les cadavres une fois tous les ennemis tués.

Le Vent Affamé

Les Yeux de la Canopée
Les Skinks Caméléons surnommés les Yeux de la Canopée ne sont pas des serviteurs de Sotek. Ils ont rejoint l’Ost Rouge tandis que Tehenhauin le conduit jusqu’à Itza, en surgissant mystérieusement du sous-bois. Nul ne connaît mieux qu’eux les chemins secrets de la jungle, et ils ont guidé le Prophète de Sotek, en évitant de nombreux pièges et bêtes imprévisibles. Ils ne parlent pas et ne donnent pas leur origine, mais on estime que les Yeux de la Canopée sont venus de loin. En effet les grenouilles orange qu’ils portent sécrètent le plus mortel des poisons, et ne proviennent d’aucun marais alentour.

Les Bastions Vivants
Les deux Bastiladons appelés les Bastions Vivants obéissent à leurs équipages avec une assiduité rarement observée chez les reptiles de la jungle. En outre, ils montrent un profond respect pour le grand Tehenhauin, et baissent la tête en sa présence. Sur leur épaisse carapace est fixée une arche de Sotek, dont les pierres anciennes sont ornées de lignes d’or. Les effusions de serpents de ces mystérieuses machines ont toujours été prodigieuses, semblables à une rivière intarissable.

Le Vent Affamé
Le Vent Affamé est une formation d’Entérodactyles qui a gagné son nom lorsque l’Ost Rouge a observé ces bêtes fondre sur une patrouille Skaven et la réduire en lambeau alors même qu’aucun Skink ne les montait. Ce fut peut-être car elles étaient rassasiées, mais ces bêtes d’ordinaires difficiles à dompter restèrent au sol et permirent aux Skinks à crête rouge de grimper sur leur dos. Considérant cela comme un don de Sotek pour accomplir sa vengeance divine ; l’Ost Rouge a nommé les bêtes le Vent Affamé, et veille à diriger leur fureur débridée grâce au placement judicieux de crapauds aboyeurs.


L’Ost Rouge

Tehenhauin
Le Prophète de Sotek

Chillipeno
Prêtre Skink sur Stégadon ancestral

Iztec Arrache-cœur
Prêtre Skink

Chef Céleste Tlexi
Chef Skink sur Téradon

Niltok
Chef Skink

Tehnini
Oracle Skink sur Troglodon

Les Cornes Rouges
Trois Stégadons

Patrouille du Fleuve Amaxone
Deux couvées de tirailleurs Skinks

Patrouille de la Jungle
Deux couvées de tirailleurs Skinks

Les Boucliers Rouges
Cinq cohortes de Skinks avec Kroxigor

Les Masses de Sotek
Deux groupes de Kroxigors

Les Faiseurs de Passage
Un groupe de Kroxigors

Les Lézards de Feu
Trois meutes de chasse
de Salamanders

Les Protecteurs de Xihilic
Deux meutes de chasse
de Salamanders

Les Échardes Vengeresses
Deux meutes de chasse de Razordons

Les Bastions Vivants
Deux Bastiladons avec arche de Sotek

Les Ailes de Sotek
Un vol de monteurs de Téradons

Les Yeux de la Canopée
Une embuscade de Skinks
Caméléons

Le Vent Affamé
Un vol d’Entérodactyles

Les Hérauts de la Corruption

Les maladies et l’infection ont toujours occupé une place prépondérante dans l’arsenal du Clan Pestilens, et ces armes n’ont jamais été autant mises à contribution que pendant le siège d’Itza. Le Seigneur de la Peste Gritch a en effet la ferme intention de changer la cité des Hommes-Lézards en une désolation contaminée.

Seigneur Gritch
Seigneur Grilok

Seigneur Gritch
Le Seigneur Gritch est le Grand Potentat des Pustuleux, le troisième plus important Seigneur du Clan Pestilens. Il n’existe pas de Skaven plus avide. Bouffi et corpulent, Gritch consomme toutes les sortes de chairs qui passent à sa portée. Il est certes devenu puissant, mais son embonpoint le ralentit. Pour contourner ce problème, le Seigneur de la Peste monte un énorme rat pesteux. Au combat, Gritch manie une masse à tête de Malepierre et une main gauche couverte de rune de corruption.

La Confrérie Bileuse
Les Enchaînés
Les Batteries Virulentes

Seigneur Grilok
Son penchant à créer les maladies les plus virulentes et son savoir en ce domaine ont valu à Grilok une promotion en tant que sixième Seigneur de la Peste, accordée par le Seigneur Skrolk. Depuis cette place convoitée, Grilok dirige la secte qui crée les armes les plus terribles du Clan Pestilens. À son ordre, le Conclave de la Contagion s’est mis en branle, et concocte les pires immondices dans leurs Chaudrons des Mille Véroles. Contrairement à la plupart de ses congénères, Grilok préféré rester en retrait sur la ligne de front, et use de ses capacités occultes pour faire dépérir ses ennemis à distance.

Le Conclave de la Contagion

La Confrérie Bileuse
Le Clan Pestilens était devenu si important qu’il comprend différentes sectes. Les Moines de la Peste de la Confrérie Bileuse en constituent une. Ils portent des robes vertes en haillons, comme la majorité de leur engeance contaminée, toutefois, leurs capuches sont de couleur crème et portent des pointes et des runes. Les Bileux sont considérés comme des intégristes, même au sein de leur clan zélé. Leur rituel d’infection inclue le fait de se vautrer quotidiennement dans la pire saleté, et ils s’enduisent eux-mêmes, ainsi que leurs lames, de concentré endémique.

Les Enchaînés
Être un esclave est l’existence la plus misérable au sein de la société Skaven. Toutefois, aucun clan n’a jamais traité ses esclaves plus mal que le Clan Pestilens. Dépourvus de résistance aux maladies de leurs maîtres, les misérables succombent rapidement aux horreurs des pires infections. Les Enchaînés sont les rares survivants des Clans Guerriers qui ont osé défier le Clan Pestilens. Ce sont eux qui transportent les machines démontées des Batteries Virulentes dans les tunnels, les assemblent et les font rouler en position à Itza. Ceux qui survivent à de telles conditions sont les plus féroces de leur race.

Le Conclave de la Contagion
Le Conclave de la Contagion est sans doute la secte la plus pestiférée du clan des Moines de la Peste. Leur principale responsabilité est de veiller sur les Chaudrons des Mille Véroles, mais ils sont plus que de simples alchimistes : ce sont les plus virulents de leur genre. Leurs robes tachées par les pires agents contagieux que le monde ait jamais connus, ils chargent au combat, le Prêtre de la Peste Ndemix à leur tête, monté sur un suffocant Creuset de la Peste.

Les Batteries Virulentes
Il s’agit de treize groupes de trois Catapultes de la Peste chacun ; l’un des atouts les plus dévastateurs du Clan Pestilens. Les machines de guerre ont déjà abattu maints ennemi auparavant. Elles ont détruit des forteresses Naines, infesté les tanières de clans rivaux, ou réduit en tas les piteux châssis de bois des Peaux-Vertes. Avec leurs projectiles fournis par le Conclave de la Contagion, les Batteries Virulentes se tiennent prêtes à répandre les pires infections au nom du Rat Cornu.


Les Hérauts de la Corruption

Seigneur Gritch, Grand Potentat des Pustuleux
Prêtre de la Peste sur Grand Rat
Pesteux

Seigneur Grilok, Pontifex de la Peste
Prêtre de la Peste

Ndemix du Chœur Bubonique
Prêtre de la Peste

Drok Gouttes-de-bave
Prêtre de la Peste
sur Creuset de la Peste

Les Batteries Virulentes
Treize batteries de trois
Catapultes de la Peste

Les Acolytes du Vert-galeux
Trois griffes de Moines de la Peste,
une d’Encenseurs à Peste et une de
Guerriers des Clans

Les Chœurs Chancreux
Deux griffes de Moines de la Peste
et une légion d’Esclaves

Les Griffes Pourries
Six griffes de Moines de la Peste,
une d’Encenseurs à Peste et deux
légions d’Esclaves

Le Conclave de la Contagion
Trois Prêtres de la Peste, six griffes
de Moines de la Peste et six légions
d’Esclaves

La Confrérie Bileuse
Cinq griffes de Moines de la Peste
et une d’Encenseurs à Peste

Le Clan Eshin
Trois griffes de Coureurs Nocturnes

Le Clan Moulder
Deux griffes de Rats-Ogres,
trois de Rats Géants et
trois Nuées de Rats

Le Clan Morbidus
Six griffes de Guerriers des Clans,
deux de Vermines de Choc, trois
équipes de Lance-Feu, et une griffe
de Globadiers

Les Enchaînés
Grandes-pattes Vitkrit Main-fouet
et vingt et une légions d’Esclaves



Toutes les cités majeures des Hommes-Lézards avaient été fondées à l’époque des Anciens.
Toutes les cités majeures des Hommes-Lézards avaient été fondées à l’époque des Anciens. Chaque site avait été méticuleusement choisi pour être aligné avec une myriade d’entités cosmiques. Chaque édifice avait été bâti afin de concentrer l’énergie Aethyrique, la succession des cités et monuments traçant une Toile Géomantique capable de siphonner et retenir cette puissance. De toutes les structures érigées dans le cadre du Grand Dessein des Anciens, Itza était la première et la plus grandiose.

Itza, la Première Cité, n’était jamais tombé à l’ennemi. En plus de huit mille ans, depuis la Grande Catastrophe, Itza n’avait jamais été gravement menacée. À présent, les armées Skavens se massaient devant ses murs et ses arches. Les hommes-rats trimaient sous le fouet, creusant un grand fossé autour de l’immense cité tout en bâtissant d’énormes machines pour l’assiéger. Pour les autres races du monde, la vue des catapultes Skavens encerclant leurs cités aurait provoqué la terreur des habitants. Cependant, au pied des remparts d’Itza, ces échafaudages semblaient chétifs. Comparées aux larges pyramides de la Première Cité-Temple, les armes Skavens n’étaient que des jouets. Itza avait survécu, indomptable, à l’immersion dans une mer de Démons, et résisté à ce qui avait été la plus grande invasion que le monde avait jamais connue. Le peuple de la cité ne tressaillait pas en observant les engins de siège déployés devant ses portes.

Toutefois, tout n’allait pas bien à Itza. Comme il convenait à son statut, Itza abritait plus de Prêtres-Mages Slanns que n’importe quelle autre grande cité. Tous les Slanns les plus puissants, ceux de la deuxième génération, résidaient ainsi dans la Première Cité, excepté Adohi-Tehga de Tlaxtlan, et le plus vieux d’entre eux, le grand Mazdamundi d’Hexoatl. Il se trouvait également à Itza davantage de Prêtres-Mages des troisième, quatrième et cinquième générations que n’importe où ailleurs sur le globe.

En dépit du grand nombre de Slanns entre les murs d’Itza, la plupart de ses pyramides monumentales étaient inoccupées. Aucune génération n’avait vu le jour depuis le départ des Anciens. Bien qu’en apparence insensibles au passage du temps, la plupart des Slanns, dont tous ceux de la première génération, avaient été tués au fil des millénaires. Ce qui troublait Itza à présent, n’était pas le manque de Slanns, mais que ceux qui se trouvaient dans les pyramides étaient dans le même était végétatif que les Prêtres-Mages de Tlaxtlan. Ils avaient épuisé leurs forces en tentant de conjurer la lune maudite qui s’était rapprochée du globe. Le contact avec cet orbe de Chaos brut avait, momentanément au moins, fait perdre la raison aux vénérables Slanns.

Les activités civiles quotidiennes, comme la coordination des patrouilles et la maintenance des monuments de la ville, incombaient aux Skinks. Leurs Prêtres prenaient ces décisions mineures, ordonnant les réparations à effectuer et indiquant les zones de la jungle envahissante à nettoyer. Tout ce qui sortait de l’ordinaire était du ressort des Prêtres-Mages. Les Skinks étaient dépourvus de la sérénité de leurs maîtres Slanns, et il avait été établi qu’aucun des petits êtres émotifs ne puisse jouir d’une trop grande autorité. Les séismes lunaires avaient épargné Itza de la destruction, mais la cité avait été durement secouée et plusieurs de ses plus anciens monuments s’étaient effondrés. Pour de nombreux chefs Skinks, l’importance de ces relais de la Toile Géomantique était capitale. Plusieurs Skinks ignorèrent l’ennemi grouillant à leur porte, et s’empressèrent d’envoyer leurs équipes réparer les dégâts. Seule une attaque directe sur eux ou leurs constructions aurait déclenché une réponse différente.

Bien que la guerre fût le domaine des Saurus, la décision du moment et du lieu revenait aux seuls Prêtres-Mages. Les chefs guerriers Saurus, y compris Tekza, le vénérable général d’Itza, avaient senti l’ennemi et évalué sa disposition. Si les Skavens attaquaient, Tekza répliquerait, mais pour l’instant, les hordes d’hommes-rats s’étaient contentés d’encercler Itza et d’ériger leurs machines de siège. Le plus imposant sang ancien de la Première Cité attendait et observait. Il était aussi immobile que la roche, mais pas un seul mouvement n’échappait à ses yeux de reptile.

Même après que la moitié de leurs effectifs eût été envoyée se battre avec Kroq-Gar contre les Démons à Xahutec, les armées d’Itza restaient inégalées. À travers toute la cité, ses cohortes se tenaient sans bouger, attendant l’ordre de Tekza d’aller combattre. Ainsi, une aube brumeuse gratifia Itza de ses rayons filtrés par la poussière, et baigna ses temples colossaux d’une lueur orangée.

Gritch, grand potentat des Pustuleux et troisième Seigneur du Clan Pestilens, contemplait le même lever de soleil. Il était particulièrement corpulent, et pour diminuer ses efforts, il montait un grand rat pesteux. Dressé sur son rongeur de la taille d’un loup, il observait le travail impressionnant que ses sous-fifres avaient accompli durant la nuit. La cité des choses-lézards s’étirait au-delà de l’horizon, mais tel un nœud coulant, un fossé l’entourait à présent. Le Seigneur Gritch se rassit sur sa monture répugnante tandis qu’elle gravissait le monticule de terre à l’extrémité de la tranchée. Au sommet de ce léger dénivelé s’étendait à perte de vue une ligne ininterrompue de catapultes fraîchement assemblées. Gritch était très satisfait.

Il n’avait pas été facile d’accomplir cette tâche, repensa Gritch. Les Moines de la Peste étaient réputés pour perdre tout contrôle en présence de l’ennemi, abandonnant les plans établis pour se ruer sur un adversaire haïssable ; sachant que pour le Clan Pestilens, toute opposition, souvent un autre clan Skaven, constituait un tel ennemi. Le Seigneur Gritch n’avait pas seulement instillé une grande crainte parmi ses serviteurs, mais son idée de diriger l’ire des Moines de la Peste sur les légions d’esclaves avait fonctionné à merveille. Les zélotes avaient fouetté la main-d’œuvre sans relâche, lui imposant une cadence frénétique. Ce surcroît de cruauté avait forcé les esclaves à travailler plus vite que jamais, et le fait de concentrer leur colère sur quelque chose avait empêché les Moines de la Peste de se ruer prématurément à l’attaque. Si les légions de Saurus avaient été provoquées directement, Gritch savait que les plans du Clan Pestilens auraient été compromis.

Bien sûr, il y avait eu des déboires. De nombreux esclaves étaient morts en travaillant durant l’excavation et la construction, mais il y en avait tant que le Seigneur Gritch avait estimé que la moitié des miséreux survivrait. Cependant, la brutalité du travail et les mauvais traitements exercés sur les hommes-rats les plus misérables en avaient décimé les trois quarts. Au moins ceux qui étaient morts ou devenus trop faibles pour travailler avaient-ils rempli une dernière fonction : servir de nourriture aux Skavens restants. La jungle avait également prélevé son tribut. D’énormes Sauriens avaient surgi et fait des ravages parmi les hommes-rats, en fauchant des dizaines avant de s’enfoncer dans la végétation luxuriante. Les patrouilles de Skinks étaient partout. Les petites créatures émergeaient des marais, sortaient de l’épais sous-bois ou même plongeaient du ciel, montées sur des bêtes ailées. Ces Skinks libéraient un rideau de fléchettes empoisonnées avant de disparaître, trop rapides et furtifs dans leur milieu naturel pour que les Skavens puissent riposter.

En dépit de ces inconvénients, Gritch avait terminé les préparatifs. À présent, ses hordes n’attendaient plus qu’une chose, mais la cargaison des Chaudrons des Mille Véroles était en retard. Le corpulent Seigneur de la Peste s’agitait, et des frissons parcouraient sa masse graisseuse couverte de robes crasseuses. Le Seigneur Skrolk aurait vent de cela. Non, pensa Gritch, l’Archiseigneur Nurglitch lui-même en entendrait parler. Après tout, c’était le Seigneur Skrolk qui avait œuvré pour se débarrasser de l’ancien Pontifex de la Peste. Il ne faisait aucun doute que le vieux Seigneur de la Peste avait remplacé le chef du Conclave de la Contagion par un de ses sbires, un pion que Skrolk pourrait contrôler plus facilement. Toutefois, tout le plan d’invasion d’Itza reposait sur les épidémies propagées avant le réveil des maudites choses-crapauds. Si Skrolk avait tout mis en péril avec ses propres intrigues politiques, alors peut-être que la place tant convoitée de premier Seigneur de la Peste pourrait enfin se trouver vacante.

Ce fut avec déception que Gritch identifia un son distant : le crissement de roues rouillées et la plainte d’esclaves roués de coups de fouet. Sans l’ombre d’un doute, il s’agissait du Conclave des Contagions. Néanmoins, Gritch pourrait toujours dénoncer ce retard, et par ailleurs, ses machines de siège pouvaient enfin servir.

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Les premières attaques sur le convoi pestiféré furent commises par des Skinks aux yeux bulbeux et dont la peau pouvait changer de couleur.
Le Seigneur Grilok, Pontifex de la Peste, détestait la jungle.

En temps que nouveau chef du Conclave de la Contagion, le devoir de Grilok était de superviser la secte qui inventait et produisait les maladies utilisées par le Clan Pestilens. Créer les infections les plus virulentes était une tâche astreignante, rendue plus difficile par le changement de lieu, lorsque ses locaux avaient été déplacés des Terres du Sud aux nouveaux tunnels creusés sous la Lustrie. Malheureusement, ça n’avait pas marqué la fin des problèmes de Grilok, car ses subalternes devaient également livrer leur mortel arsenal alchimique sur la ligne de front courant à travers tout le continent.

Le voyage mené par Grilok jusqu’à Itza fut particulièrement difficile. Grilok et sa colonne en haillons émergèrent des galeries environ à dix milles des murs de la cité, et durent traverser la jungle pour atteindre leur destination. En dépit du fait qu’ils suivaient une voie empruntée par les armées Skavens précédentes, ce fut un dangereux périple. Les caravanes abritant les cuves se déplaçaient lentement, et les Skavens étaient régulièrement pris en embuscade.

Les premières attaques sur le convoi pestiféré furent commises par des Skinks aux yeux bulbeux et dont la peau pouvait changer de couleur. Ces tirailleurs bien camouflés soufflaient des volées de fléchettes empoisonnées avec leurs sarbacanes avant de s’évanouir dans le feuillage. Ils réapparaissaient ensuite depuis un angle inattendu, abattaient leurs cibles et se repliaient en évitant toutes représailles. Grilok lutta pour garder le contrôle de ses troupes. Les esclaves poussant les attelages requéraient constamment d’être battus et aiguillés, et en même temps, il fallait contenir les Moines de la Peste. Rendus furieux par le harcèlement des Skinks, des nuées de Moines se ruaient dans la jungle à leur poursuite. La plupart revenaient bredouilles, mais parfois aucun ne revenait. Sans même tenir compte des embuscades potentielles, les Skavens étaient ralentis par les dangers liés au transport de toxines volatiles, ainsi que par les périls de la jungle, comme les sables mouvants, les lianes étrangleuses et les arbres carnivores.

Il devint bientôt évident pour Grilok qu’il atteindrait sa destination plus tard que prévu. Cette mauvaise nouvelle n’était pas compensée par son unique consolation : les fumées nocives qui s’échappaient de sa cargaison éloignaient les nuages d’insectes qui hantaient les marais. S’ils n’étaient pas assez puissants pour affecter les Moines de la Peste du Conclave de la Contagion, ces gaz faisaient succomber les esclaves qui poussaient les plates-formes roulantes. À chaque pas, surtout lorsqu’il marchait sur des esclaves agonisants, Grilok réaffirmait sa haine pour cette maudite jungle.

Peu après l’aube, la colonne disparate de Skavens s’extrayait des fourrés et arriva devant les remparts d’Itza. Grilok aurait dû se sentir soulagé d’avoir échappé à la jungle, mais il savait qu’il venait juste de troquer un péril contre un autre. Répartir les cuves d’infections spécialement préparées et charger les catapultes avec leur contenu était une tâche précaire. Un faux pas pouvait engendrer un nuage de fumées mortelles. Grilok savait que de tels accidents étaient exactement ce que son homologue, le corpulent Seigneur Gritch, espérait rapporter à la hiérarchie du clan.

La réunion entre les Seigneurs de la Peste se résuma à l’étrange obédience et aux pointes assassines coutumières du Clan Pestilens. Des passages du Liber Bubonicus furent entonnés, on secoua les encensoirs, et les pactes de la peste furent énoncés. Enfin, Grilok transmit ses créations de façon formelle. Les chefs acolytes du Conclave de la Contagion se répartirent parmi les machines de guerre, couinant des directives et veillant à ce que les procédures et les bénédictions fussent respectées. Peu après, les catapultes furent prêtes à entamer leur barrage répugnant.

Debout sur son rat pesteux, Gritch leva sa masse avant de l’abaisser brusquement. C’était le signal. Le pilonnage commençait. D’un bout à l’autre de la ligne monta le grincement des rouages, le craquement du bois pourri et le claquement des bras de catapulte propulsant leurs munitions. Les projectiles gélatineux s’élevèrent dans des traînées verdâtres malsaines. Une odeur putride typique emplit l’air, et les contrepoids sales étaient déjà treuillés pour la salve suivante, tandis que de faibles bruits en provenance d’Itza signalaient les impacts des premiers tirs en cloche.

Si les Prêtres-Mages avaient été éveillés, ils auraient immédiatement compris quelles horreurs avaient été libérées dans l’enceinte de leur cité. Tout ce qui était projeté par les catapultes distantes commença à se consumer. Les pierres taillées d’antiques monuments fumaient au contact de l’ignoble substance. Même l’obsinite, la plus dure des matières, se flétrissait tandis que le composé fluide bouillonnait et s’évaporait en une brume vert maladif. Un instinct primaire dicta aux Skinks, aux Saurus et à leurs bêtes de somme sauriennes qu’être souillé par cette pulpe, ou exposé à ses vapeurs, signifiait une mort immédiate. Ils ne furent toutefois pas tous assez rapides.

Les écailles, la chair et des os se dissolvaient en quelques secondes, et cette dégradation anormale était atrocement douloureuse.

Depuis leurs buttes poussiéreuses à l’extérieur d’Itza, les machines de guerre Skavens n’avaient pas une portée suffisante pour faire s’abattre leurs projectiles très loin dans l’immense cité. Du matin au soir, leurs tirs en pilonnèrent ainsi la périphérie. C’était une grêle de boue toxique qui plâtra les temples mineurs et trempait les avenues pavées jusqu’à ce qu’un liquide immonde s’écoule dans les égouts, et remplisse lentement les bassins de rétention. Une brume s’éleva dans l’air humide, mais le barrage se poursuivait.

Enfin seul, Skrolk s’appuya pesamment sur son bâton noueux. Ses pattes couvertes de bubons tâtonnaient sous ses robes crasseuses. Superviser l’invasion et s’assurer que le nouveau Seigneur de la Peste ait terminé à temps les mixtures infectieuses l’avait épuisé comme jamais. Ayant besoin de recouvrer ses forces, Skrolk produisit une fiole de liquide luisant. Alors qu’il en tripotait le bouchon, il sentit qu’on l’observait.

« Qui-quoi est là ? Annoncez-vous devant le Seigneur Skrolk, » exigea-t-il, ses orbites vides balayant la pièce.

Puis Skrolk fut atteint par une odeur de corruption si absolue qu’il pensa dans un premier temps être en présence de l’Archiseigneur Nurglitch, venu de Skarogne. Ce n’était cependant pas la même aura, celle dont les glorieuses visions de pestilence avaient poussé Skrolk à s’arracher les yeux. Celle-ci était différente…

Bien qu’aveugle, le Seigneur de la Peste perçut toutes les nuances de la ruine. Sans la voir, il contemplait une vision de sombre majesté si intense qu’il fut contraint de se prosterner. Un Verminarque était apparu, et son aura d’infinie perfidie emplissait la pièce.

« Ah, Skrolk, » dit l’entité d’une voix transpirant d’un mal ancien. « Toute ton œuvre, les plans de Nurglitch, fut éprouvante à observer, et ce sera encore pire de voir tout échouer. Je dois te prévenir que le Dieu Serpent agit contre toi en ce moment même. La défaite est proche. »

Baigné par ce rayonnement maladif extrême, Skrolk sentit les mots racler son esprit. Ils s’enfoncèrent et firent éclore plusieurs pensées : Quelle était cette menace ? Pourquoi l’avertir ? Était-ce véridique ou infondé ? Perdu dans les échos de la présence surnaturelle, Skrolk ne prit même pas conscience que sa gueule béante laissait s’écouler un filet de bave.

« Retiens bien mon nom, » murmura la voix doucereuse. « Je suis Vermalanx. Lorsque tout le reste t’aura fait défaut, appelle-moi. Ensemble, nous connaîtrons la victoire. Retiens bien… »

Skrolk était seul. Peut-être l’avait-il toujours été. Une hallucination n’eut rien eu d’étonnant. Il ne s'était pas reposé, sans parler de dormir, depuis plus de trois semaines, et tenait grâce à sa volonté et aux stimulants de Malepierre. L’invasion de la surface se déroulerait comme prévu. Lui-même, le Seigneur Skrolk, y veillerait.

D’une griffe tremblante, Skrolk ouvrit la fiole et la vida de son contenu luisant en renversant la tête en arrière. Il n’avait pas le temps de prendre du repos. Quelque chose tracassait le Seigneur de la Peste agité tandis qu’il descendait le corridor en quête des dernières nouvelles.

Le Clan Pestilens catapultait tout son arsenal de maladies dans l’enceinte d’Itza. Ces infections n’étaient pas de celles qui balayaient épisodiquement le Vieux Monde, mais des concoctions contre-nature. Chaque souche avait été patiemment cultivée, mijotée et mise à fermenter pendant des années, le tout amplifié par les pouvoirs des Chaudrons des Mille Véroles. Maintenant que ses opérations le conduisaient loin en dessous de la Lustrie, le Clan Pestilens avait ajouté les ingrédients finaux, de la Malepierre et une dose de tous les maux de la terre. Le clan avait créé de nouvelles maladies, entretenu les pires fléaux, et il les libérait tous à présent.

La Variole Rouge fut la première à être lachée. C’était une nouvelle souche de la pandémie que les Skavens avaient employée pour vaincre la Tilée et la Bretonnie. Puis des cuves de vérole purulente, de scalamundrax, de peste de l’œil suintant et d’autres immondices furent vidées dans les creusets des Catapultes de la Peste. Les munitions suivaient une séquence stricte, supervisée par les acolytes couverts de bandages du Conclave de la Contagion. Chacune de ces maladies était le fléau de tout ce qui respirait et leur mélange générait un nuage miasmatique persistant. Bientôt cette brume forma un anneau autour de tous les occupants d’Itza.


Enfin, la Lune du Chaos avait décliné, et une lueur à l’horizon augurait d’une aube prochaine. Depuis le Temple des Étoiles, le sang ancien Tekza, chef des armés d’Itza, scrutait de ses yeux vénérables les ténèbres qui reculaient. Tekza avait ordonné à ses cohortes de sortir et d’attaquer l’ennemi dès que ses machines de guerre avaient commencé pilonner Itza. Après avoir vu la première cohorte chanceler dans l’anneau de brume, il en envoya une seconde à une fin identique.

Avant que la troisième n’eût pénétré le nuage, Tekza avait rugi un ordre de repli. Il ramena ses légions plus au cœur de la cité, hors de portée du barrage régulier des Skavens, et loin des vapeurs nocives qui persistaient dans l’enceinte de la cité.

Le grand Saurus était serein. Si sa mort, ou celle des nombreux guerriers sous ses ordres, servait Itza, il en paierait le prix sans hésiter une seconde. Si Tekza avait été au fait des armes alchimiques ennemies, il aurait mené une attaque dès que les Skavens avaient érigé leurs machines de guerre. Il ne s’agissait ni de regrets ni d’autorécrimination, car ni l’un ni l’autre n’avaient pour lui la moindre signification, mais de pragmatisme.

Il ne reproduirait jamais cette erreur. Comme tous ceux de son engeance, Tekza était né pour se battre, destiné à protéger les Slanns et leur territoire, à tuer ceux qu’on lui ordonnait de détruire. Les plans de bataille défilaient dans son esprit reptilien, mais pour l’heure, le sang ancien observait et attendait.


Gritch était aussi gros et avide que son rat pesteux, mais il ne restait pas oisif. Il parcourait le périmètre d’Itza en pressant les équipages de ses catapultes de poursuivre leur barrage implacable. Lorsqu’il tombait sur une machine qui s’était rompue, il fustigeait les équipes en sueur trimant pour la réparer en exigeant des résultats plus rapides. Gritch semblait partout, un rythme qu’il pouvait maintenir indéfiniment grâce à la consommation d’élixir de Malepierre. Les fluides brillants conféraient à sa corpulence une énergie impie, tout en attisant par ailleurs son appétit des plus vorace.

Il était temps de passer à la deuxième phase du plan. Les esclaves furent fouettés une fois de plus. En érigeant des chaussées comblant leur fossé, les Skavens commencèrent à avancer les machines brinquebalantes une batterie à la fois. Les catapultes qui n’étaient pas déplacées poursuivaient leur pilonnage jusqu’à ce qu’elles soient interrompues.

Le sang ancien Tekza constitua des cohortes volantes à partir de plusieurs patrouilles de Téradons, et les envoya semer le chaos parmi les machines de guerre. Précédés de leurs cris perçants, les prédateurs aux ailes de cuir s’abattirent. Menés par des chefs Skinks, certains groupes de Téradons effectuèrent des passages rapides, en lâchant des rochers sur les catapultes. D’autres volèrent à plus basse altitude pour lancer des javelines empoisonnées ou des bolas à pyrosangsues. Quelques vols de Téradons furent trop téméraires et donnèrent aux hordes de Moines de la Peste une chance de les mettre à bas. Hurlant et battant des ailes, les bêtes roulaient au sol en tentant de se défaire de leurs assaillants avant d’être submergées. En dépit de la destruction de quelques catapultes, ces raids furent une nuisance plus qu’une menace. Gritch arrivait vite, dirigeait les réparations des pièces réduites en tas et ordonnait aux esclaves d’ériger des rampes.

Durant les attaques aériennes, Tekza tenta à nouveau de percer le mur de brume autour d’Itza. Avec pour cible les lignes distantes de catapultes, un trio de Bastiladons s’engouffra dans la grande Avenue des Étoiles Sacrée en direction des portes sud. Ces bêtes étaient protégées par de lourdes écailles et une peau si épaisse qu’elle pouvait détourner un coup de hache, aussi les pensait-il capable de résister à la brume toxique. Depuis le sommet du Temple du Zénith de la Tranquillité, Tekza n’avait pas besoin des rapports de ses éclaireurs. Lorsque les Bastiladons émergèrent de l’épais brouillard, les Skinks qui les montaient étaient pris de spasmes incontrôlables. Les bêtes elles-mêmes trébuchaient, leurs pas devinrent de plus en plus erratiques, et elles finirent par s’effondrer. Aveugle et agonisant, un des Bastiladons émit un ultime rugissement qui résonna parmi les monolithes tandis que la bête rendait son dernier soupir.

Tekza, qui raisonnait en termes tactiques directs, était à court d’idées. Le sang ancien se résolut à faire reculer ses cohortes plus encore à l’intérieur de la cité. Jusqu’au réveil des Prêtres-Mages ou l’avancée de ses ennemis, c’était sa seule possibilité. Cependant, ni Tekza, ni ses éclaireurs volants n’avaient remarqué que quelque chose émergeait de la jungle.

Des ombres s’étiraient sur Itza tandis que le soleil brûlant de l’après-midi était occulté par d’épais nuages.

L’air s’alourdit et dans la faible lumière, le brouillard verdâtre révéla une luminescente anormale. Les esclaves s’affairaient néanmoins, le bruit de leurs pelles se mêlant aux grincements et aux claquements des Catapultes à Peste. Le volume sonore était tel que personne ne prêta attention au bruissement des arbres en lisière de la jungle. Et quand bien même, les Skavens auraient juste imputé la chose au vent qui se levait. Toutefois, la nature de ce qui était en train d’arriver serait bientôt connue sans méprise possible…

Chaque formation placée par Gritch pour surveiller les arrières de son armée de siège avait été traquée et éliminée sans bruit avant de pouvoir donner l’alarme. Tout était paisible en bordure de la jungle jusqu’à ce qu’un puissant rugissement résonne dans le ciel, et que la forêt emmêlée ne laisse éclater la colère en son sein. Un tapis ondulant de serpents fut le premier à émerger, se tortillant en avant en une masse enchevêtrée. Vinrent alors des cohortes de Skinks à crêtes rouges, réunis autour d’imposants Kroxigors, suivies à leur tour par des Skinks très rapides aiguillant en avant des reptiles de la taille de chevaux. Traçant un sillage d’arbres renversés, avança ensuite un mur de Bastiladons, portant sur leurs carapaces d’étranges arches de pierre d’où jaillissaient toujours plus de serpents. Tandis que les nouveaux venus criaient leur défi au ciel assombri, les nuages noirs répondirent en déchaînant la foudre.

Tehenhauin, le Prophète de Sotek, Porteur de la Parole du Dieu Serpent.
Un Prêtre de la Peste, guidant ses disciples à la guerre.
Tehenhauin, Prophète de Sotek et Héraut du Dieu Serpent, était arrivé.

Alors que les Moines de la Peste les plus en retrait se retournaient pour faire face à cette nouvelle menace, les armées de Sotek percutaient leurs rangs. Le combat était âpre, car le cœur de Tehenhauin était embrasé par la haine qu’il éprouvait envers la vermine Skaven. À ses yeux, les hommes-rats incarnaient la chair corrompue, le pourrissement et la maladie, et à la tête de son avant-garde, il s’abattit sur eux avec la fureur d’une vengeance divine.

En première ligne de la tuerie se trouvait Tehenhauin. Renforcé par ses propres charmes et sa haine implacable, le premier et le plus illustre des prêtres de Sotek taillait à travers les Skavens. Il dévastait les rangs des Moines de la Peste, sa lame telle un éclair lumineux tandis qu’il frappait sans relâche et tuait à chaque coup. Tenenhauin avait invoqué les écailles impénétrables du Dieu Serpent, aussi les lames incrustées d’infections de ses ennemis ne parvenaient pas à l’entailler. Les Skavens assez courageux pour rester sur le chemin du Skink voyaient leurs armes détournées ou voler en éclats contre le prêtre vengeur. Partout où marchait un homme-rat, le sol se mouvait tandis que des vipères, des cobras aux crochets dégouttant de venin, des scolopendres à capuche et des boas constricteurs attaquaient.

La crème du Clan Pestilens, les Acolytes du Vert-Galeux, le Chœur Chancreux, et les Griffes Pourries aux robes tachetées, disparut tandis que les Skinks à crête rouge combattaient avec la même férocité que leur chef. Les raclements rauques de leurs cris de guerre accompagnaient les appels à Sotek et le nom de Tehenhauin. Ils repoussèrent les Skavens vers leurs fosses, rivalisant pour submerger les batteries de Catapultes à Peste.

Au moment où Tehenhauin lançait son attaque, Gritch engloutissait le corps d’un esclave qui ne creusait pas assez vite. Il éperonna son rat pesteux hors du fossé, et s’arrêta à côté des machines, la gueule béante d’horreur. Partout, les Moines de la Peste étaient assaillis. Il voyait ses lignes fluctuer en plusieurs endroits. Alors qu’il considérait la situation, Gritch vida involontairement son estomac, régurgitant des bouchées noires de sang et de chair. Où donc était passée son arrière-garde ? Et ses éclaireurs ? Gritch estima que ses mesures défensives l’avaient trahi ou avaient négligé leur mission. Il trouverait plus tard le temps de songer quel horrible sort leur réserver. Pour l’heure, le Seigneur de la Peste devait endiguer la marée de Skinks et reprendre le contrôle de ses Moines de la Peste.

Avant que Gritch ne se jette dans la mêlée sur le dos de son rat pesteux, le ciel se creva et des rideaux de pluie s’abattirent, transformant le sol boueux en bourbier. Derrière le Seigneur de la Peste, les esclaves tentèrent de ramper hors des retranchements, dont les versants étaient devenus glissants.

La jungle était le milieu naturel des Skinks. Ils supportaient des pluies diluviennes quotidiennement durant la saison des pluies et cela ne les perturbait pas plus que la chaleur ou l’humidité. En effet, on ne pouvait nier que les Skinks s’accordaient parfaitement avec ce climat. Quant aux Skavens, ils préféraient vivre sous terre. La plupart pouvaient compter sur leurs griffes le nombre de fois où ils s’étaient rendus en surface, et seuls les clans de la peste qui vivaient au sud pouvaient prétendre avoir vécu une chose similaire au déluge qui s’abattait à présent sur eux.

Sous la pluie battante, les Skinks et les Kroxigors repoussaient les Skavens. Désorientée par la violence de l’attaque et le sol qui se dérobait, la horde vermineuse paniquait. La bataille tourna vite en déroute tandis que les Moines de la Peste détrempés commencèrent à fuir. Beaucoup reculèrent, chutant dans leurs propres douves et se noyant par dizaines, leurs corps remplissant le fossé. D’autres détalèrent dans toutes les directions, avant de s’éparpiller dans la jungle.

Les Skinks Caméléons, qui avaient si habilement fauché l’arrière-garde du Seigneur Gritch avant qu’elle n’ait pu donner l’alarme, n’avaient pas rejoint la bataille. Au lieu de cela, ils restaient inaperçus aux abords de la jungle, leurs écailles se fondant avec le feuillage foncé. Ils avaient attendu ce moment. Aucun des Skavens qui s’enfuirent dans la jungle ne revit les lunes se lever.

La tempête qu’il avait invoquée se calma, mais pas Tehenhauin et ses troupes. Ils rôdaient parmi les champs boueux et fauchaient l’ennemi. Les Hommes-Lézards firent s’écrouler les machines de sièges échafaudées, les Kroxigors les réduisant aisément en petit bois. Ce n’est que lorsqu’ils eurent fini de massacrer tout ennemi vivant que le Prophète de Sotek tourna son attention vers Itza.

La tempête soudaine avait balayé les nuages de pestilence qui ceignaient la cité avant que la pluie et le vent ne les dispersent. Tehenhauin regardait à présent les avenues vides et les immenses pyramides, se demandant s’il avait sauvé quoique ce soit à part Itza elle-même.

Les Brumes de Xlanhuapec

Défenseurs de la Cité des Brumes

Les brumes magiques de Xlanhuapec sont capables de désorienter l’ennemi. C’est au milieu de ces nappes grisâtres qu’évoluent des bêtes mystiques qui dévorent les intrus. De plus, ce ne sont pas là les seules défenses de Xlanhuapec, car la cité dispose de nombreuses cohortes qui attendent de pied ferme les envahisseurs qui auraient le courage et la chance de traverser le brouillard.

Le Seigneur Huinitenuchli
Chakax

Le Seigneur Huinitenuchli
Il ne reste que peu de Prêtres-Mages en ce monde, surtout issus de la Deuxième Génération. Le Seigneur Huinitenuchli en fait partie. C’est lui qui a enseigné aux autres Slanns de la ville comment invoquer les brumes protectrices. Même si la peau pommelée de Huinitenuchli prend peu à peu une teinte jaunâtre, il n’a rien perdu de son acuité intellectuelle. Lorsqu’il est éveillé, Huinitenuchli est capable de déplacer des montagnes par la seule force de sa pensée. Malheureusement, sa lutte pour tenter d’empêcher qu’on modifie l’orbite de la Lune du Chaos l’a laissé pour l’instant groggy, et il est à peine en train de ressortir de sa torpeur.

Les Coureurs des Brumes
Les Cohortes Voilées

Chakax
Le gardien le plus célèbre de Xlanhuapec est également le plus âgé des Gardes du Temple de la Seconde Cité. Son devoir est de protéger les biens les plus précieux des Hommes-Lézards : les Prêtres-Mages. Il est leur garde du corps, et n’a jamais failli dans sa mission, car aucun Slann n’est mort tandis qu’il veillait sur lui. Armé de sa redoutable masse en pierre stellaire, Chakax pulvérise tous les intrus qui tentent de se faufiler près des Slanns.

La Garde du Temple de Xlanhuapec
La Cohorte de la Masse Noire

Les Coureurs des Brumes
Ces tirailleurs Skinks possèdent des couleurs étranges, sous la forme de taches grises sur leurs écailles bleues. Ils sont ainsi capables de se fondre dans le brouillard et les marécages qui entourent Xlanhuapec. De plus, ils ont pris l’habitude de se frotter les paupières avec des pétales de lotus bleu, si bien que leurs yeux ont pris une teinte opalescente, et sont désormais capables de percer les nappes de brume, ce qui permet aux Skinks de repérer leurs proies avec facilité. Ils les abattent à l’aide de javelines ou de fléchettes empoisonnées. Nul ne peut passer inaperçu dans les secteurs qu’ils surveillent.

Les Cohortes Voilées
Les Skinks et les Kroxigors de ces cohortes ont des couleurs similaires. Cette formation est tout aussi douée pour tendre des embuscades sur les flancs ou l’arrière de l’ennemi que pour former un régiment en rangs serrés capable de se positionner au milieu de la ligne de bataille des Hommes-Lézards. La caserne de ces cohortes se trouve dans les cavernes sous les champs de brume de Xlanhuapec, elles peuvent donc en sortir rapidement puis emprunter les ruisseaux qui rejoignent les canaux de la ville.

La Garde du Temple de Xlanhuapec
La génération de Gardes du Temple qui protège Xlanhuapec est très ancienne. Les épaisses écailles de ces Saurus sont ternies par le temps et portent les stigmates de nombreux combats. Les crânes cornus et les hallebardes qu’ils possèdent sont également marqués par l’usure et une utilisation continue. Les Hommes-Lézards ne considèrent pas cela comme un signe de mauvais entretien, mais plutôt comme la preuve du succès de ces guerriers. En effet, la liste de leurs exploits et de leurs victoires est sans fin.

La Cohorte de la Masse Noire
La Cohorte de la Masse Noire a été fondée dès le jour de la création des Saurus. Ces guerriers portent les armes en obsinite de leurs ancêtres, des massues à pointes décorées de bandes en or. Elle suit son totem en forme de serpent à deux têtes. Cet étendard a été le témoin des victoires des Hommes-Lézards sur tous les continents.


Défenseurs de la Cité des Brumes

Prêtre-Mages Slanns
Sept Prêtres-Mages encore plongés
dans l’inconscience, menés par le
Seigneur Huinitenuchli

Chakax
Le Gardien d’Éternité

Kroq-Gar
L’Ultime Défenseur de Xhotl

Tzlar, porteur de la Bannière de la Pierre Sacrée
Saurus porteur de la Grande
Bannière de Xlanhuapec

Tichi Plumejaune
Prêtre Skink

Les Coureurs des Brumes
Sept générations
de tirailleurs Skinks

Les Crêtes Vertes
Deux cohortes de Skinks
et de Kroxigors

Les Cohortes Voilées
Cinq cohortes de Skinks
et quatre Kroxigors

Les Défenseurs de Xlanhuapec
Sept cohortes de Skinks, deux
générations de Guerriers Saurus
et un génération de Chevaucheurs
de Sang-Froid

La Garde du Temple de Xlanhuapec
Neuf générations de Gardes
du Temple.

Les Cavaliers des Brumes
Trois ailes de cavaliers sur Téradon

Les Ouvriers de Xlanhuapec
Huit groupes de Kroxigors, deux
Stégadons et un Bastiladon

Les Chasseurs des Brumes
Quatre meutes de Salamandres,
deux meutes de Razordons et une
meute de Troglodons

La Cohorte de la Masse Noire
Quatre générations
de Guerriers Saurus

La Confrérie Pestilentielle

La foi et un arsenal de maladies ont propulsé le Clan Pestilens dans le club très fermé des Clans Majeurs. Sa plus grande force réside dans sa capacité à recruter aisément des hordes de clans serviles afin de servir sa cause, de plus ces derniers ne demandent rien d’autre que du zèle et de la contagion en guise de paiement.

Le Seigneur Blistrox
Reekit

Le Seigneur Blistrox
Ce puissant Prêtre de la Peste occupe la cinquième place parmi les sept Seigneurs de la Peste, sous l’égide de leur chef Nurglitch. Cette place lui accorde le titre de Porteur de la Parole, et le commandement de la Confrérie Pestilentielle. Il est également chargé de recruter et de diriger les clans tombés sous l’influence scrofuleuse du Clan Pestilens. Les méthodes inhabituelles de Blistrox sont souvent remises en question par ses pairs, cependant il a remporté de grandes victoires en utilisant à bon escient les talents des autres clans.

Les Infectieux
Les Griffes Noires

Reekit
Ce Technomage du Clan Skryre a emmené bon nombre de gadgets de son invention. Les optiques qu’il a fabriquées permettent de voir à travers les matières solides et de déceler les illusions, tout en faisant de Reekit un tireur d’élite quand il utilise son pistolet à Malepierre modifié. Cet inventeur doué porte aussi une arme d’hast crépitante, et alimentée aussi bien par des énergies mystiques que technologiques.

Les Lames Rouillées
Les Rats de la Peste

Les Infectieux
Convertir d’autres clans aux croyances du Clan Pestilens est une tâche risquée, car les clans rivaux mettent souvent en place des machinations pour empêcher la juste parole du Clan Pestilens de se répandre. C’est pour cette raison qu’un groupe de vrais croyants a été assigné au Seigneur Blistrox. Les Infectieux sont des Moines de la Peste dévots, une secte de prosélytes fanatisés. Que ce soit au combat, lors des rituels en l’honneur du Rat Cornu, ou afin de subjuguer les faibles, les infectieux montrent toujours l’exemple à suivre au reste des ouailles miteuses du Clan Pestilens.

Les Griffes Noires
Il s’agit d’une unité d’élite de Coureurs d'Égouts, les troupes de choc du Clan Eshin. Ils sont menés par Vroll la Griffe, et portent des armes et des étoiles de jet enduites de poisons virulents à base de Malepierre. Même s’ils ne travaillent pas habituellement pour le Clan Pestilens, puisque ce dernier n’a pas pour habitude de payer en Malepierre ou de sceller des alliances, cette coopération a été ordonnée par le Conseil des Treize. Au cours de cette alliance forcée, des Griffes Noires ont aidé le Clan Pestilens en empoisonnant avec ses maladies bon nombre de puits en Tilée, en Inja, et désormais en Lustrie.

Les Lames Rouillées
La plus grande partie du Clan Septik n’est pas encore arrivée en Lustrie, cependant le clan servile qu’on nomme les Lames Rouillées s’est assuré que sa bannière soit bien visible à la tête de l’assaut lancé par la Confrérie Pestilentielle. Le chef Grrzk Œil-Pourri et ses Vermines de Choc n’ont pas hésité à se joindre à l’assaut initial. Comme le reste de leur clan, ils disposent d’un équipement vétuste, car les maladies qu’ils véhiculent se répandent jusqu’au métal dont elles accélèrent la corrosion. Cependant, contrairement aux plus dévots, Grrzk et ses serviteurs convoitent tout butin potentiel. Grrzk reste donc à l’affût de l’or, des gemmes et des trésors que les autres clans abandonneront dans les ruines de la cité des Hommes-Lézards…

Les Rats de la Peste
Ces Rats Géants ont été exposés aux maladies corruptrices de la Confrérie Pestilentielle. Ces infections, combinées aux pâtées hyperprotéinées à base de Malepierre du Clan Moulder, ont donné naissance à ces monstres bouffis et couverts de tumeurs. Chaque Rat Géant est une bombe bactériologique ambulante, si perclus de maladies qu’il est tout aussi dangereux mort que vivant.


La Confrérie Pestilentielle

Le Seigneur Blistrox
Prêtre de la Peste

Reekit
Technomage

Les Infectieux
Cinq griffes de Moines de la Peste

Kiletto Lamevive
Assassin

Les Griffes Noires
Une équipe de Coureurs d’Égouts

Les Lames Rouillées
Cinq griffes de Guerriers des Clans

Les Rats de la Peste
Trois griffes de Rats Géants

Szik Vilepot
Seigneur de Guerre et Imperator
Exalté de Clan Gangrous

Le Clan Gangrous
Sept griffes de Guerriers des Clans,
trois légions d’Esclaves
et un Lance-Feu

Grotchrot le Belluaire
Maître des Bêtes du Clan Morbidus

Le Clan Morbidus
Six griffes de Guerriers des Clans,
une griffe de Vermines de Choc et
une griffe de Rats-Ogres

Rikzik Seepage
Seigneur de Guerre et Grand
Potentat du Clan Feesik

Le Clan Feesik
Six griffes de Guerriers des Clans
et deux légions d’Esclaves

Drib Bentblade
Chef de Guerre du Clan Griblobe

Le Clan Griblobe
Trois griffes de Guerriers des Clans
et une légion d’Esclaves

Vent de Mort
Trois griffes de Globadiers

Les Encapuchonnés
Deux griffes de Coureurs Nocturnes
déguisés



La cible d’une des trois armées des Skavens en Lustrie était Xlanhuapec, la Cité des Brumes. Afin de traverser le brouillard magique qui entourait cette métropole, le Clan Pestilens comptait utiliser deux grandes hordes. Chacune était menée par un des sept Seigneurs de la Peste du clan, qui venaient de deux directions opposées, et allaient employer des méthodes différentes pour tenter d’atteindre la ville.

Le Seigneur Skrimanx était considéré comme un commandant intransigeant, même selon les standards des Skavens. Skrimanx était particulièrement doué pour tirer le meilleur de ses légions d’esclaves, et parvenait souvent à des résultats spectaculaires. Tous les chefs Skavens parviennent à leur statut en grimpant sur les cadavres de leurs rivaux, et Skrimanx avait littéralement escaladé des montagnes de cadavres pour atteindre la deuxième position au sein du Clan Pestilens, celle d’Archidiacre de la Maladie. Parmi tous les Seigneurs de la Peste qui servaient Nurglitch, seul le Seigneur Skrolk était plus influent.

D’innombrables légions d’esclaves formaient le fer-de-lance de l’attaque du Seigneur Skrimanx. Même si ces malheureux étaient terrifiés par la brume et par les horreurs qui l’arpentaient, ils craignaient encore plus leurs maîtres. Les fouets les forçaient à avancer, et la moindre hésitation, même si elle était due au besoin de gratter pendant une seconde une pustule ou une croûte, était punie de la plus terrible des façons. Skrimanx et ses Prêtres suivaient cette horde, si bien que les esclaves n’étaient pas en mesure de reculer. Ils étaient enchaînés les uns aux autres et portaient des grands braseros, et furent poussés en avant dans les nappes de brume.

Une armée très différente arrivait par le nord. Le Clan Pestilens faisait partie des clans les plus actifs et les plus virulents, et recrutait sans cesse d’autres clans pou le rejoindre dans sa croisade miasmatique. Ces clans étaient regroupés sous le nom de Confrérie Pestilentielle, et ils formaient le gros de la seconde armée qui attaquait Xanlanhuapec. Leur chef était un Seigneur de la Peste fanatique appelé Blistrox, le Porteur de Parole.

Contrairement aux membres plus orthodoxes du Clan Pestilens, Blistrox était ouvert aux innovations. Il pensait que les armes et les troupes variées de l’Empire Souterrain devaient être employées pour vaincre l’ennemi, sans se limiter à l’arsenal décrit dans le Livre des Malheurs, et ce tant que cela permettait de répandre la corruption. C’était sur ce principe que Blistrox avait ancré sa réputation et sa vie.

Les Brumes de Xlanhuapec.
Son plan était de déjouer la brume de Xlanhuapec en ayant recours à la science. C’est ainsi que Reekit, un Technomage du Clan Skryre, avait apporté des lunettes qui permettaient à leur porteur de voir à travers le brouillard qui entourait Xlanhuapec. Le Technomage portait lui-même la plus sophistiquée de ces inventions, et beaucoup d’autres avaient été distribuées au sein de l’armée de Blistrox. De plus, ce dernier avait prévu plusieurs autres stratagèmes au cas où celui-ci échouerait. Après tout, il n’était pas devenu Seigneur de la Peste sans faire preuve de prévoyance dans tous ses plans…

L’armée du Seigneur Skrimanx effectua une marche forcée afin d’être la première à pénétrer dans la brume, car le Seigneur de la Peste ne souhaitait pas partager sa gloire avec Blistrox. La horde ne s’arrêta que pour prendre le temps d’allumer les braseros portés par les légions d’esclaves, et pour attacher les chaînes qui reliaient entre elles les formations de miséreux. Les Moines de la Peste suivirent la longue procession d’esclaves qui disparaissait lentement dans la brume.

Traverser les nappes de brouillard magique revenait à s’aventurer dans une autre dimension. Les rayons du soleil ne les pénétraient pas, les sons étaient étouffés et la chaleur et l’humidité collaient aux fourrures. Il ne fallut guère de temps pour que les Skavens se retrouvent trempés.

La végétation de la jungle disparut au profit d’un sol mou et boueux où on s’enlisait. Déjà gênés par leurs chaînes, les esclaves qui trébuchèrent et tombèrent furent piétinés et moururent noyés dans la fange. Ceux qui tentaient de s’extirper en tendant les bras et les pattes étaient recouverts de grosses sangsues noires, qui les vidaient de leur sang en quelques minutes. Toutefois, ces invertébrés ne s’accrochaient pas aux Moines de la Peste, sans doute repoussés par leurs maladies.

Au départ, la brume semblait ordinaire. Elle limitait la vision, si bien que même le Skaven aux yeux les plus entraînés n’y voyait qu’à quelques mètres. Les braseros étaient remplis d’un mélange de goudron, de charbon et de morceaux de Malepierre, et leur lueur verdâtre colorait les volutes autour d’elle. Et même lorsque les esclaves qui les portaient disparaissaient dans le brouillard, la lumière surnaturelle continuait de briller et indiquait le chemin à suivre.

La brume étouffait les sons. Il était impossible de dire si un bruit d’éclaboussure était distant, ou si au contraire il était provoqué par un esclave tout proche qui tombait museau en avant dans la boue. Il n’y avait pas de vent, toutefois des courants étranges formaient des silhouettes de brume qui surplombaient les Skavens de façon menaçante avant de disparaître soudainement. Les Skavens avaient perdu toute notion du temps, car ils ne pouvaient pas se fier au soleil ou aux lunes. Bon nombre d’hommes-rats s’étaient déjà évanouis, sans qu’on puisse dire s’il s’agissait de déserteurs, s’ils avaient été engloutis par les marécages ou s’ils avaient connu un destin pire encore.

La brume cache de nombreux dangers pour les envahisseurs…
Le Seigneur Skrimanx était désorienté et ordonna qu’on fasse halte. L’ordre fut lentement relayé le long de la ligne. Afin de freiner les esclaves, les Moines de la Peste tirèrent sur leurs chaînes, et ne constatèrent aucune résistance. Tirant davantage sur les maillons, ils découvrirent que les liens n’étaient plus attachés qu’à des moignons de pattes sanguinolents. On envoya des estafettes pour tenter de contacter les unités proches, mais aucun d’entre eux ne revint, et les appels des Skavens se heurtèrent au silence surréel. Pourtant, les lumières vertes étaient toujours visibles, et paraissaient terriblement proches, mais on ne parvint pas à retrouver les régiments en avant-garde ou sur les flancs. C’était comme si le brouillard avait englouti l’armée.

La brume tournoyante s’insinuait dans les esprits des Skavens. Même si les Prêtres-Mages de Xlanhuapec étaient plongés dans la torpeur, à l’instar de ceux des autres cités, leur bouclier de brouillard hallucinogène n’avait rien perdu de son efficacité. Des feux follets dansaient et poussaient les hommes-rats à se disperser. Des silhouettes inoffensives se formaient, cependant le brouillard n’était pas dénué de dangers bien réels. Des Lamprodon surgissaient de la fange pour gober des dizaines d’esclaves. Des Allisaures guettaient, la gueule grande ouverte, jusqu’à ce que des inconscients s’y jettent par mégarde. Des Troglodons livides restaient tapis dans la boue, et jaillissaient subitement pour dévorer des groupes entiers d’envahisseurs. Et les plus terribles de tous ces prédateurs n’étaient autres que les Skinks.

Grâce aux bénédictions de leurs Prêtres, et en se frottant les paupières avec du suc de lotus bleu, les Skinks pouvaient voir à travers la brume magique comme en plein jour. Même si les eaux vaseuses semblaient profondes tout au plus de quelques dizaines de centimètres, tout un réseau de ruisseaux souterrains s’étendait sous les marécages. Guidées par leurs braves, des cohortes entières prenaient position avant d’émerger et de tendre des embuscades. Les Skinks sortaient la tête et les épaules de l’eau pour tirer des grêles de javelines ou de fléchettes empoisonnées avant de disparaître.

D’autres se manifestaient dans le dos des Skavens pour les attaquer d’une direction inattendue. Lorsqu’ils rencontraient des unités d’esclaves enchaînés, ils les guidaient vers les profondeurs des marais pour les éloigner du reste de l’armée, ou attachaient les chaînes à un de leurs monstres reptiliens. Les plus gros de ces animaux pouvaient en effet traîner des dizaines de Skavens à travers les fagnes jusqu’à ce qu’ils se noient ou se brisent l’échine.

Les brumes qui entouraient Xlanhuapec faisaient plusieurs kilomètres d’épaisseur. En dépit des marais qui les ralentissaient, les Skavens auraient pu les traverser en quelques heures pour atteindre les viaducs qui les auraient menés au cœur de la ville. Celle-ci ne possédait pas de murailles, car la brume était une bien meilleure protection. Cependant, les Skavens ne cheminèrent pas en ligne droite, car ils étaient attirés par des illusions que les poussaient à décrire des cercles sans fin. Au final, les hommes-rats se retrouvèrent dispersés, désorientés et épuisés. Leurs formations furent traquées les unes après les autres, et les marécages devinrent peu à peu un immense bourbier sanglant.

La carrière du Seigneur Skrimanx avait été longue pour deux raisons. Tout d’abord, parce que la plupart de ses expéditions avaient été couronnées de succès. Quand il avait mené une armée, écrasé un clan rival ou recherché des artefacts perdus, il avait toujours connu le succès, et avait gravi les échelons du Clan Pestilens grâce à un mélange de ruse, de détermination et de dévouement envers sa mission. Deuxièmement, il avait appris à reconnaître la défaite et à limiter ses pertes. Et en cet instant, il constatait son échec. Son armée était éparpillée sans qu’il puisse la regrouper, c’est pourquoi il réfléchit à un moyen de sauver sa peau. La brume se jouait de l’odorat développé des Skavens, par conséquent il leur était difficile de revenir en arrière sur leurs propres traces. Skrimanx ordonna alors à ses Encenseurs d’allumer leurs armes et de former un cercle autour de sa garde rapprochée de Moines de la Peste. Les vapeurs libérées par les encensoirs dissipèrent aussitôt une partie des hallucinations suscitées par la brume. Les Skavens durent se frayer un chemin à travers quelques patrouilles, et Skrimanx lui-même fut forcé d’abattre un monstre à sang-froid qui s’était jeté contre ses Moines de la Peste, mais finalement, ils sortirent du brouillard.

Épuisés et honteux, le Seigneur Skrimanx et les Moines de la Peste survivants se retrouvèrent dans la jungle. Le Seigneur de la Peste entonna une prière fervente au Rat Cornu. Il ne remercia pas son Dieu de l’avoir sauvé, ni ne lui demanda de l’aider à retrouver les tunnels sous Quetza, car ce n’était pas la manière de faire des Skavens.

Au lieu de cela, il maudit Blistrox et supplia le Rat Cornu de le faire échouer dans sa mission : il serait mal vu qu’un subalterne de Skrimanx le surpasse…

Pour sa part, le Seigneur Blistrox rassembla son armée devant les nappes de brume et inspecta sa ligne de bataille. Sa queue frétillait d’impatience tandis qu’il attendait que les Technomages observant le brouillard lui fassent un signe positif. Reekit triturait des mollettes sur son instrument, et levait puis abaissait diverses lentilles au niveau de son œil. Il tenta diverses combinaisons jusqu’à ce qu’il pousse un couinement de satisfaction.

Grâce à trois épaisseurs de lentilles en Malepierre et d’un écran grossissant, Reekit put voir à travers la brume comme si elle n’existait pas. En revanche, la boue des marécages restait toujours aussi impénétrable, et apparaissait sous la forme d’une surface marron et visqueuse. D’autres Technomages ajustèrent leurs propres instruments, jusqu’à ce qu’ils trouvent les réglages optimums. Ces derniers furent alors transmis à tous les scientifiques et l’expédition put enfin se mettre en branle.

Les gadgets du Clan Skryre réduisent à néant les défenses de Xlanhuapec.
L’avance à travers le brouillard se fit lentement, avec des arrêts fréquents afin que les Technomages puissent effectuer des ajustements, et prévenir les unités de l’itinéraire à emprunter. Ainsi, Reekit et ses homologues du Clan Skryre purent annoncer que les silhouettes dans la brume étaient des mirages inoffensifs destinés à les désorienter, et ils avertirent les troupes de les ignorer. Plus important encore, les Technomages furent en mesure de voir les véritables ennemis qui attendaient en embuscade. Les Skinks qui espéraient apparaître derrière l’ennemi se rendirent rapidement compte que ce dernier les attendait de face, et en bon ordre. D’énormes sauriens attaquaient les Skavens, mais puisque ces derniers étaient en rangs serrés, leur nombre leur permit de prévaloir. De plus, Blistrox révéla bientôt d’autres ruses. Lorsque les Skinks se rapprochaient des hommes-rats en pensant que ces derniers ne les avaient pas repérés, Reekit faisait signe à une équipe de Lance-Feu d’agir. Des langues de flammes vertes et noires rugirent à travers la brume et carbonisèrent les Skinks aussi bien que les Kroxigors. Quand des volées de fléchettes sifflaient, les Technomages ripostaient avec des éclairs magiques qui abattaient les Hommes-Lézards avant qu’ils puissent battre en retraite. D’autres fois, les Skavens faisaient une halte pour permettre à des Mortiers à Globes Toxiques de faire feu sur les créatures qui attendaient tapies dans la fange. Lorsque les hommes-rats reprenaient leur avance, les fumées toxiques s’étaient dissipées, laissant derrière elles des corps d’immenses sauriens encore secoués de spasmes.

Évidemment, coordonner des tirs au jugé et l’avance de troupes qui ne pouvaient y voir qu’à quelques mètres était un travail difficile. Les Skavens étaient entrés dans le brouillard à l’aube, et le crépuscule s’annonçait quand ils sortirent enfin des nappes de brume. La sensation de se retrouver dans un environnement où la vision, l’ouïe et l’odorat n’étaient pas gênés était rassurante. Devant les hommes-rats s’étiraient les viaducs qui débouchaient sur les larges avenues de Xlanhuapec. Les temples-pyramides s’élevaient majestueusement dans la lueur du soleil couchant.

Même si les Skinks postés dans la partie nord des marais avaient été vaincus, ils avaient pris soin d’envoyer des patrouilles prévenir la ville de l’invasion imminente. Une ligne de bataille de défenseurs se tenait prête à intercepter les Skavens surgissant des brumes. Les dernières cohortes de la grande armée de Xlanhuapec étaient disposées en rectangles, et bloquaient les routes principales. Jamais au cours de l’histoire de la Seconde Cité si peu d’Hommes-Lézards avaient été présents pour la défendre. En effet, Xlanhuapec avait elle aussi envoyé de nombreuses cohortes auprès de Kroq-Gar pour l’aider à stopper la marée démoniaque à Xahutec. Il restait peu de guerriers pour répondre à l’appel des gongs de guerre, cependant tous se rendirent au nord de la ville pour faire face à l’ennemi. Parmi toutes les cohortes, seuls les Gardes du Temple n’étaient pas présents, car leur devoir était de protéger les temples-pyramides et les Slanns toujours plongés dans un état semi-comateux. Les maîtres de Xlanhuapec ne s’étaient pas attendus à ce qu’un adversaire parvienne à traverser la brume. Et désormais, la Seconde Cité et toutes les merveilles qu’elle abritait allaient payer le prix fort pour cette erreur.

Le fait d’être entouré de brouillard et attaqué de toutes parts avait plongé les Skavens dans une fureur terrible. Maintenant qu’ils pouvaient voir clairement leur ennemi, ils comprirent à quel point ce dernier était en infériorité numérique. Faisant sonner leurs cloches, les Moines de la Peste s’élancèrent. Ils passèrent à l’ombre des monolithes qui marquaient l’entrée de la ville, et sous des arches qu’aucun animal à sang-froid n’avait jamais contemplée. Au signal de Blistrox, d’autres armes secrètes furent dévoilées. Ce qui paraissait à première vue une formation de Moines de la Peste se débarrassa de ses robes, révélant une bande de Coureurs Nocturnes accompagnés des Coureurs d'Égouts des Griffes Noires. Ces guerriers ne se joignirent pas à la horde qui déferlait le long de l’avenue ; ils longèrent des canaux secondaires ou se servirent de cordes et de grappins pour escalader les ziggourats, et ne tardèrent pas à disparaître dans les ombres.

Le messager gravit l’escalier en colimaçon qui s’enroulait autour du monument monolithique. Il franchit les dernières marches et se retrouva sur la plate-forme qui surplombait l’avenue. Il s’arrêta et s’inclina. Il se tenait devant le Seigneur Blistrox. Ce dernier faisait les cent pas, perdu dans un soliloque. Le messager se contenta de délivrer sa missive en feignant d’ignorer la folie de son maître.

« Les dernières choses-lézards sont mortes, votre excellence. Mon Seigneur Vroll la Griffe m’a chargé de vous annoncer que la ville est vôtre… »

D’un geste impatient de la griffe, Blistrox congédia le messager et le regarda se carapater avant de retourner à ses observations.

« Idiot-stupide ! » marmonna-t-il. « Comme je l’ai dit, chaque triangle-montagne est gardé par les plus forts des lézards. Le combat n’est pas terminé. Et le Seigneur Skrimanx ne viendra pas. »

Pendant un instant, Blistrox s’arrêta pour réfléchir. « Bonne chose que Skrimanx ait échoué ! Mais plus beaucoup de temps avant le réveil des choses-crapauds. Je vais verser les chaudrons dans les Bassins de Frai, mais avant, il faut que les Griffes Noires trouvent et tuent les choses-crapauds… »

Des yeux rouges scintillèrent dans l’ombre. « Le pacte a été scellé pour une seule victime, pas pour plusieurs, » déclara la voix d’un nouveau venu.

« Oui-oui. Mais la situation a changé maintenant que Skrimanx a échoué. Je paierai le triple, et je te donnerai des guerriers pour t’aider. Mais tu dois faire vite-vite ! Il faut que la ville soit à nous avant que l’aube se lève. »

Après avoir poussé un couinement d’assentiment, l’ombre redescendit le long de la paroi en pierre et disparut dans les ténèbres de Xlanhuapec.


L’assaut des Skavens s’abattit sur les Hommes-Lézards. En dépit du poids du nombre, la horde fut stoppée net par le mur de boucliers des Saurus. S’ensuivit un corps à corps sanglant où les cadavres s’empilèrent rapidement. Les rangs arrières des deux camps se tenaient prêts à combler les brèches. Comparés aux hommes-rats, les Saurus étaient plus grands, plus forts et mieux protégés par leurs boucliers et leurs épaisses écailles. Ils étaient également en pleine forme, car ils ne venaient pas de passer la journée à arpenter la brume tout en étant harcelés par des assaillants invisibles. La plupart des Skavens étaient des Guerriers des Clans, qui n’étaient pas aussi fanatisés que les Moines de la Peste. Ils avaient tendance à se décourager au moindre signe de résistance. La bataille aurait donc pu se terminer avant d’avoir vraiment commencé, cependant Blistrox ne comptait pas conquérir Xlanhuapec grâce à la force martiale de ses troupes.

Pendant que les Guerriers des Clans bloquaient les Saurus, d’autres formations s’étaient mises en position, et la bataille bascula inexorablement en faveur des Skavens. Les Globadiers lançaient des bombes empoisonnées au milieu des rangs des Saurus. Des détonations étouffées indiquaient la présence de plusieurs Mortiers à Globes Toxiques derrières les lignes des hommes-rats. Il y avait également le rugissement caractéristique des Lance-Feu qui répandaient la mort. Les combattants étaient si serrés les uns contre les autres qu’autant de Skavens que de Saurus mouraient calcinés, toutefois Blistrox pouvait facilement se permettre de telles pertes.

Seule une poignée de cohortes de Saurus avait été présente pour défendre la cité, les autres ayant été envoyées à Xahutec. Les derniers guerriers étaient des Skinks. Ils étaient plus petits et agiles que les Saurus, et parfaitement adaptés aux patrouilles et aux missions de reconnaissance et de guérilla. Cependant, ils étaient beaucoup moins efficaces pour tenir une ligne.

Les Skinks furent à leur tour repoussés, et les Skavens purent s’infiltrer dans les brèches. Une fois vaincues les cohortes de Skinks chargées de soutenir les flancs, la fin était inévitable. Les Saurus se battirent jusqu’au dernier, mais à la nuit tombée, la ville avait été conquise.

Les Skavens envahirent la Seconde Cité des Hommes-Lézards. Leurs hordes se dispersèrent pour se répandre dans toutes les rues. Là, les hommes-rats étaient dans leur élément, et pouvaient mettre à bas les œuvres d’une autre civilisation. Après tout, les Skavens étaient des enfants du Chaos, les héritiers des déjections de ce monde.

Lorsqu’ils se retrouvaient bloqués par la porte d’une crypte ou par quelque piège ingénieux, ils parvenaient toujours à trouver un moyen de se faufiler. Ils creusaient des galeries, se glissaient dans les plus petites fissures, ou usaient simplement d’un feu surnaturel pour faire fondre la roche. Ils raflaient tout ce qu’ils trouvaient, et descellaient les pierres précieuses de leurs tablettes avant de les briser au sol. Le fait que ces plaques fussent plus anciennes que les Skavens eux-mêmes, ou qu’elles portassent des secrets inimaginables, n’intéressait pas les Skavens. Quant aux bêtes de somme de la ville, des herbivores titanesques dressés par les Skinks, ils furent tués et mangés. Xlanhuapec s’emplit des rugissements de terreur de ces bêtes acculées. L’incubatorum fut dévasté et son contenu éparpillé à la lueur de la lune. Les œufs, dont certains étaient plus gros que des Skavens, furent brisés sur le sol de pierre. Des créatures nées depuis quelques semaines à peine furent déchiquetées et dévorées.

Dans leur recherche frénétique de butin et de nourriture, les Skavens découvrirent de nombreux trésors. Xlanhuapec regorgeait de reliques datant du temps des Anciens. Généralement, les Hommes-Lézards ne savaient pas comment les utiliser, et les conservaient comme des reliques d’un âge passé et révéré. La Mare Placide, un bassin qui dévoilait des visions du monde, fut transformée en latrines. Les Technomages trouvèrent alors l’Engin de l’Au-delà, une machine de communications capable de parler à des êtres par-delà les étoiles. Lorsqu’ils firent tourner les nombreux boutons, une voix pleine de remontrances fut transmise par les haut-parleurs en pierre. Elle était si claire et autoritaire qu’elle fit reculer les Skavens de terreur.

Cet engin ressemblait au parle-loin des Skavens, toutefois les sons mélodieux qui en sortaient ressemblaient fort au langage délicat des Elfes. Puisqu’ils ne comprenaient pas cette langue extraterrestre, pas plus que le fonctionnement de cette machine, les Technomages se contentèrent de lui tirer dessus avec leurs pistolet à Malepierre jusqu’à ce qu’elle se taise.

Il restait quelques endroits où les Skavens n’osaient pas pénétrer. Même si la cité était tombée, ses structures les plus immenses étaient toujours âprement défendues. L’entrée de chaque temple-pyramide avait été scellée de l’intérieur. Les portes furent brisées par des Skavens avides, qui regrettèrent aussitôt leur erreur quand ils furent hachés menu par les hallebardes des Gardes du Temple. Ces Saurus avaient pour seule et unique mission de protéger le Slann situé au sommet de leur pyramide.

Plusieurs groupes d’hommes-rats furent donc massacrés lorsqu’ils tentèrent de s’infiltrer dans le temple du Zéphyr Bleu. Une escouade de Coureurs Nocturnes escalada le temple de l’Étoile Ascendante afin d’y pénétrer par le sommet, toutefois elle fut brutalement repoussée. La tentative la plus obstinée pour s’emparer d’un temple-pyramide eut lieu devant le plus grand de tous : l’immense ziggourat de la Sérénité Éternelle, qui dominait la vaste place centrale de la Cité-Temple de Xlanhuapec.

Les entrées inférieures du temple de la Sérénité Éternelle étaient assiégées par des Guerriers des Clans. Les portes en pierre furent détruites facilement, toutefois progresser dans les corridors étroits face à la fureur des Gardes du Temple s’avéra très coûteux en vies. Nonobstant, les Skavens étaient passés maîtres dans l’art de combattre dans un environnement confiné. Ils amenèrent des Lance-Feu pour dégager les couloirs. Les armes projetèrent des langues de flammes, cependant la technologie des Skavens est capricieuse, et comme les armes avaient déjà beaucoup servi au cours des combats précédents, les risques de dysfonctionnements étaient élevés. Les incidents de tir, le manque de carburant et le grippage de mécanismes se multiplièrent, et la plupart des engins finirent par immoler leurs servants dans des boules de feu vert. Alors que l’écho de la déflagration se répercutait encore contre les murs en pierres, les Gardes du Temple se contentèrent d’enjamber les morts et de reprendre les couloirs que les Skavens avaient conquis avec tant de difficultés. Néanmoins, cette attaque était avant tout une diversion, afin que les Saurus ne remarquent pas la menace qui se faufilait par le sommet de la Chambre des Étoiles.

En escaladant les murs de l’édifice et en utilisant un engin explosif, les Griffes Noires forèrent un trou à travers les énormes pierres situées au pinacle du temple de la Sérénité Éternelle. Ce groupe d’élite de Coureurs d’Égouts appartenait au mystérieux Clan Eshin. Ils se contorsionnèrent afin de se faufiler par l’ouverture, et se retrouvèrent dans les niveaux supérieurs du temple. Toutefois, tous les gardes n'étaient pas stationnés aux niveaux inférieurs, et plusieurs d’entre eux arrivaient déjà pour découvrir les origines de la détonation. Ils furent abattus par des grêles d’étoiles de jet empoisonnées dès qu’ils apparurent.

Les Griffes Noires se déplacèrent avec célérité et montèrent vers les niveaux supérieurs. Les adversaires que les Coureurs d’Égouts croisèrent furent tués de la même façon que les premiers. Finalement, ils se retrouvèrent devant la porte en pierre gravée de la Chambre Stellaire, au sommet du temple de la Sérénité Éternelle. Obéissant à un ordre silencieux, ils se mirent en position. Plusieurs se chargèrent d’ouvrir la porte tandis que les autres bondissaient à l’intérieur. Ils étaient si agiles qu’au moment où ils effectuaient leur roulade, ils repérèrent leur cible et lui lancèrent plusieurs étoiles de jet. Le vieux Prêtre-Mage Huinitenuchli était maintenu en suspension dans les airs par une technologie ancienne, juste au-dessus d’un petit bassin d’eau claire. Les étoiles de jet avaient été lancées avec précision, droit sur son ventre mou. Néanmoins, elles ne touchèrent jamais leur cible.

Chakax est le dernier rempart qui se dresse entre la lame d’un assassin et le Prêtre-Mage dont il assure la protection.
En effet, entre les acrobates Skavens et le Slann de troisième génération se tenait Chakax, le Premier Gardien de Xlanhuapec. Dans un mouvement si rapide que l’œil ne pouvait le suivre, l’énorme garde du temple brandit la Masse des Étoiles. Des étincelles jaillirent alors que les projectiles étaient déviés par l’antique relique taillée dans une roche originaire d’une autre galaxie. Comme les étoiles de jet ricochaient en tous sens, sept Coureurs d’Égouts bondirent.

La Masse des Étoiles frappa à plusieurs reprises. Ses grands arcs maintinrent les Skavens à distance. Au début, les agiles hommes-rats pensèrent que les coups de la masse étaient si lents qu’ils pourraient les esquiver et outrepasser la garde de Chakax. Mais lorsque les cadavres d’une poignée d’entre eux roulèrent au sol, ils réalisèrent que le Garde du Temple était d’une habileté et d’une force surnaturelles. En dépit de sa taille, Chakax faisait décrire des mouvements incroyablement rapides à son arme. Un des Coureurs d’Égouts évita de justesse la tête de l’arme et sauta à la gorge de son adversaire, mais il fut intercepté par l’énorme mâchoire du Garde du Temple. Son corps décapité tomba au sol dans un geyser de sang.

Croyant percevoir une opportunité, un autre membre des Griffes Noires s’élança. Il chercha à esquiver la Masse des Étoiles et à dépasser le Garde du Temple, afin de s’en prendre à la forme bouffie du Slann qui se trouvait derrière. D’un battement de queue, le Garde du Temple s’empara du Skaven et le souleva la tête en bas, avant de lui arracher la tête d’un revers d’une de ses griffes postérieures. Chakax éventra ensuite un autre homme-rat avec son casque cornu, et enfin les deux derniers furent réduits en pulpe lorsqu’il abattit son arme dans un arc dévastateur.

Néanmoins, au cours de ce combat inégal, une ombre s’était faufilée dans la chambre, en progressant au plafond vers le Seigneur Huinitenuchli, telle une grosse araignée maléfique. Ce n’était pas un simple Coureur d’Égouts, mais un assassin aguerri. Une goutte du venin qui suintait de son arme tomba sur le sol de pierre en grésillant. Il n’en fallut pas plus pour alerter Chakax de la présence de l’homme-rat.

Ce dernier se tortilla pour esquiver le coup ascendant de la Masse des Étoiles, puis il dégaina ses deux poignards et retomba lestement sur ses pieds. Ce fut au tour du tueur chevronné du Clan Eshin de passer à l’attaque. Découvrant ses crocs jaunis, l’assassin frappa comme la foudre, en faisant décrire des arcs scintillants à ses armes empoisonnées. Il effectua à la perfection l’attaque de la mante religieuse, un style de combat appris dans les terres mystérieuses d’Extrême-Orient. Même si Chakax n’avait jamais affronté un tel adversaire au cours de ses millénaires de service, il para sans faillir les cent trente-six coups de taille et d’estoc. Toutefois, comme le savait l’assassin, ils n’étaient que le prélude à la botte secrète finale. Le Skaven lâcha un de ses poignards pour prendre le second à deux mains et l’enfoncer jusqu’à la garde dans le corps de Chakax. L’arme traversa les écailles dures comme la pierre, les muscles et la chair.

Bien peu de mortels ont vu une épée suintante Skaven et ont survécu pour le raconter. Encore moins ont été blessés par une telle arme et ont survécu plus que quelques secondes. Toutefois, la victime était Chakax, le Gardien d’Éternité de Xlanhuapec. Au cours de ses milliers d’années de service, il n’avait jamais failli à son devoir. Et il n’allait pas échouer en cet instant…

L’assassin désarmé recula prudemment, en attendant que Chakax tombe raide mort. Il fut bien évidemment surpris lorsque le puissant Garde du Temple le saisit à la gorge de sa main noueuse, et le souleva dans les airs. Lorsque l’homme-rat fut brandi bien haut, Chakax frappa avec la Masse des Étoiles et projeta le tueur vêtu de noir à travers la pièce. Il y eut un bruit satisfaisant d’os broyés lorsque le Skaven percuta le mur, puis il glissa le long de la paroi et forma une masse inerte et molle sur le sol.

Ôtant le poignard fiché dans son torse, Chakax alla refermer la porte de la Chambre Stellaire et reprit sans broncher sa veille silencieuse.


Xlanhuapec était tombée, mais le Seigneur Blistrox n’était toujours pas satisfait. Sa mission était de tuer les choses-crapauds avant qu’elles se réveillent. Le Seigneur Skrolk avait lourdement insisté sur ce point : même si Blistrox ne parvenait pas à conquérir la ville, la mort des choses-Slanns primait sur tout le reste. L’armée de Blistrox avait accompli de grandes choses. Elle avait traversé les brumes magiques, massacré les défenseurs de Xlanhuapec, contaminé les Bassins de Frai et pillé la cité. Malgré tout, les Prêtres-Mages étaient toujours en vie, car leurs gardes du corps avaient empêché quiconque de pénétrer dans les sept temples-pyramides. Blistrox craignait de voir la réaction de Skrolk. Ses tentatives pour briser les défenses des ziggourats s’étaient soldées par des échecs cuisants. De plus, un nouveau problème était apparu : Blistrox perdait peu à peu le contrôle de son armée.

La majorité de son ost était composée de Guerriers des Clans appartenant à la Confrérie Pestilentielle. Ils n’avaient pas le zèle fanatique des Moines de la Peste, et étaient obnubilés par le pillage de la cité. Des combats fratricides avaient éclaté pour la possession des trésors. Même si la ville était envahie par les hommes-rats, il devenait chaque jour de plus en plus difficile de rassembler suffisamment de Guerriers des Clans pour tenter une attaque contre les temples-pyramides. Après plusieurs jours d’échecs répétés, Blistrox avait pris les choses en main et avait mené personnellement un assaut. Avec l’appui des redoutables sortilèges de leur chef, et désireux de prouver leur supériorité, les Moines de la Peste s’étaient taillé un chemin à travers les Gardes du Temple, jusqu’au sommet d’une des ziggourats.

Heureusement pour lui, Blistrox avait choisi d’attaquer le temple des Anneaux Infinis, tout simplement parce qu’il s’agissait du plus petit de ces édifices. Ce qu’il ne savait pas, c’est que c’était là qu’un Prêtre-Mage était chargé de conjurer les brumes qui entouraient Xlanhuapec. Tandis que Blistrox et ses Moines de la Peste massacraient les derniers Gardes du Temple et ouvraient la porte de la Chambre stellaire, ils furent estomaqués par ce qu’ils y découvrirent. La forme inconsciente d’un Prêtre-Mage Slann était suspendue à quelques mètres du sol, sur un nuage de vapeurs scintillantes. C’était le Seigneur Hua-Hua, un grand visionnaire issu de la Troisième Génération. Des vrilles de fumées s’échappaient de sa bouche entrouverte et s’enroulaient autour de lui et des colonnes de cristal qui l’entouraient, avant de s’écouler dans des ouvertures prévues à cet effet dans le sol. C’était clairement de cet endroit que provenaient toutes les nappes de brume hallucinogène qui protégeaient la cité.

Xlanhuapec est tombée…
Lorsque Blistrox entra, le Slann tressaillit et cligna plusieurs fois des paupières. Le Seigneur Hua-Hua se réveillait lentement à cause de la présence d’une créature du Chaos. Ironie du sort, le Prêtre-Mage venait à peine de retrouver ses sens lorsqu’il fut jeté à bas de son perchoir télékinétique et poignardé des centaines de fois par des lames barbelées. Suite à sa mort, les protections mystiques qui entouraient Xlanhuapec commencèrent à se dissiper lentement.

Pendant que les Moines de la Peste profanaient la Chambre Stellaire, Blistrox emprunta l’escalier qui menait au sommet de la ziggourat. C’était là, au cours des nombreux âges de ce monde, qu’un Prêtre-Mage Slann avait lévité sur son palanquin. Les rues de la ville s’étiraient en dessous, et même les lignes d’ordinaire invisibles du réseau géomantiques apparaissaient en traits luminescents. De ce pinacle, le Prêtre-Mage pouvait communier avec les esprits de ses semblables, et communiquer par télépathie vers d’autres cités et d’autres continents à travers le monde. Pour sa part, tout ce que le Seigneur de la Peste pouvait faire était de scruter l’horizon brumeux. Ce qu’il vit en provenance du nord lui fit éjecter involontairement le musc de la peur.

Les formes reconnaissables de cohortes progressaient aux côtés des silhouettes d’immenses reptiles. Une armée d’Hommes-Lézards arrivait vers la ville. Blistrox estima qu’elle n’était qu’à une heure de marche des viaducs.

Des messagers Skinks s’étaient échappés des marécages au nord de la cité pour se diriger vers Xahutec. Là, au milieu des combats contre les Démons, ils avaient prévenu Kroq-Gar de l’invasion des Skavens. Des messagers originaires d’autres cités étaient arrivés peu de temps après. Il fallut quelques heures à peine pour réorganiser les cohortes, puis le plus grand Chef de Guerre de Lustrie se mit en route.


Les merveilles de Xlanhuapec étaient telles que tout intrus posant les yeux sur la Cité des Brumes encourait immédiatement la mort. Au fil des millénaires, seuls quelques groupes d’aventuriers avaient réussi à traverser le brouillard. Une force d’Elfes Noirs avait emprunté pour ce faire une partie oubliée du Dédale Noir ; une bande de Norsca avait simplement eu de la chance. Ces intrus avaient ensuite été traqués et exterminés, et les trésors qu’ils avaient volés avaient été ramenés. En revanche, les dégâts que Blistrox avait infligés à la cité étaient incalculables. Des maladies surnaturelles avaient contaminé les Bassins de Frai. Des trésors antiques avaient été détruits. Xlanhuapec avait subi des dommages irréparables, notamment les nombreux Bassins de Frai profanés, et qui ne pourraient plus jamais accueillir de nouvelles générations d’Hommes-Lézards.

Malgré tout, la perte de la cité pouvait encore être vengée.

L’armée de Kroq-Gar n’était pas grande. Il avait laissé la plupart de ses guerriers afin de contenir les Démons qui se déversaient de la faille de Xahutec, sans parler des cohortes envoyées à l’aide de Tlaxtlan. Si les Skavens éparpillés dans Xlanhuapec se rassemblaient, ils bénéficieraient d’une supériorité numérique écrasante, et pourraient sans aucun doute conserver la ville qu’ils avaient si chèrement acquise. Alors que les cohortes de Kroq-Gar approchaient, Blistrox prit rapidement sa décision.

Sans hésiter, le Porteur de la Parole, le chef de la Confrérie Pestilentielle, rassembla sa garde de Moines de la Peste et s’enfuit de la ville. Puisque les divers clans étaient occupés à piller, personne ne remarqua son départ, d’autant plus qu’en Skaven digne de ce nom, il ne le signala à personne.

Kroq-Gar et ses cohortes entrèrent dans Xlanhuapec comme une tornade dévastatrice. Les lignes Skavens rassemblées à la hâte furent pulvérisées. Les Saurus étaient des vétérans de la guerre contre les Démons et firent un massacre. Les Chevaucheurs de Sang-Froid parcouraient les avenues et les places pour traquer impitoyablement la vermine. Les chefs Skavens les plus courageux qui se retrouvèrent acculés tentèrent d’organiser des derniers carrés en profitant de leur supériorité numérique, toutefois Kroq-Gar apparaissait systématiquement là où la résistance était la plus acharnée. Les rugissements de son Carnosaures s’élevaient par-dessus le tumulte des combats. Il se frayait un chemin sanglant à travers les Skavens tandis que sa monture broyait et déchiquetait les hommes-rats avec sa gueule garnie de crocs longs comme des poignards. La bête était plongée dans une fureur sanguinaire qu’aucun bain de sang ne pouvait étancher.

Aucun Skaven ne pouvait résister longtemps face à Kroq-Gar. À la fin de la bataille, les têtes de dix chefs de guerre pendaient de sa selle en pierre.


Toute joie de se retrouver sous terre s’évanouit lorsque Blistrox se jeta au sol devant le Seigneur Skrolk. Il savait qu’il devait faire son rapport au bras droit de Nurglitch, cependant il avait tenté de repousser cet instant aussi longtemps que possible, mais pas suffisamment pour réussir à échafauder une excuse valable.

« Je vous salue, Seigneur Skrolk, Porteur du Livre Sacré. Je ne m’attendais pas à vous rencontrer en ce lieu, » déclara Blistrox entre deux couinements.

« En effet, » répondit la voix râpeuse du vieux moine de la peste. « Quant à moi, je ne pensais pas te trouver si loin de la cité embrumée… »

Blistrox tremblait face au visage défiguré et aux orbites vides de Skrolk. Il avait l’impression que le Seigneur de la Peste buvait sa terreur, qu’il percevait les battements affolés de son cœur. Alors que Blistrox cherchait ses mots, Skrolk reprit la parole.

« Dis-moi, ô Porteur de la Parole, chef des clans serviles, ce que cela t’a apporté de te fier à d’autres que le Clan Pestilens ? Qu’est devenue ta Confrérie Pestilentielle ? » s’enquit-il dans un gargouillis.

Blistrox ne savait pas si Skrolk était déjà au courant de sa défaite ou s’il avait simplement deviné ce qui s’était passé.

Il courba davantage l’échine, et sentit que les mains calleuses de Skrolk serraient plus fort son bâton. Blistrox avait vu cette arme en action assez souvent pour savoir qu’une simple éraflure du bois d’araignée ou de son lourd encensoir signifiait une mort lente et atroce.

« J’ai… j’ai échoué, ô Corrompu parmi les Corrompus, » avoua Blistrox. Il ne tenta pas d’accuser quelqu’un d’autre ni de trouver des excuses. Il savait que son châtiment allait arriver, et il se crispait déjà en attendant le coup fatal. Lorsque ce dernier ne se produisit pas, même après cent battements de cœur, Blistrox osa relever la tête.

Skrolk avait la tête penchée sur le côté d’un air interloqué. Son museau défiguré pointait hors de la grande capuche. Il inspira l’air longuement, tout en paraissant réfléchir. « Nous avons tous échoué, Seigneur Blistrox. Toutefois, cette guerre n’est pas encore terminée. »

Alors que Skrolk faisait demi-tour, il produisit quelque chose de ses robes et le jeta vers Blistrox. Ce dernier reconnut immédiatement la tête de son rival, le Seigneur Skrimanx. L’Archidiacre de la Maladie, et second parmi les Seigneurs de la Peste, avait visiblement connu une mort longue et douloureuse.

« Suis-moi, » ordonna Skrolk en s’éloignant dans la galerie aux parois grossières. « Nous avons encore beaucoup de choses à faire. »



Skrolk n’a pas dit son dernier mot, le Clan Pestilens allait triompher.
L’assaut contre la Lustrie était une des campagnes majeures organisées par le Conseil des Treize, dont les plans englobaient toutes les terres connues. Le Conseil comptait que les clans œuvrent de concert ; cependant le Clan Pestilens avait bien évidemment sauté sur l’occasion pour faire cavalier seul. Il voyait là une chance de prouver sa supériorité et sa suprématie sur les autres clans de l’Empire Souterrain. Toutefois, le Clan Pestilens avait été vaincu et ses armées écrasées.

Malgré tout, les tunnels sous la Lustrie grouillaient toujours de Skavens. Certains faisaient partie des chanceux qui avaient échappé aux horreurs de la jungle, et qui s’étaient réfugiés de justesse dans les galeries humides. Toutefois, la plupart de ces hommes-rats étaient des renforts originaires d’autres régions. Il était prévu que ces armées arrivent à temps afin de débuter la phase suivante de l’invasion. Suite à de longues marches, elles arrivèrent dans les tunnels sous la Lustrie et rencontrèrent les survivants de l’attaque du Clan Pestilens.

Comme toujours chez les Skavens, les accusations mutuelles fusèrent, et la situation menaça de virer à la guerre civile. Les forts blâmaient les faibles, tandis que ces derniers cherchaient à s’esquiver. Les rivalités entre les clans virent de nombreuses factions en venir aux mains. C’était une répétition à petite échelle de l’histoire des Skavens : une série de défaites ou de déconfitures qui menaient à des trahisons, des assassinats et un chaos généralisé. Il en avait toujours été ainsi. Alors que les Skavens étaient sur le point de triompher, comme avec la Variole Rouge en Bretonnie, ou la Peste Noire dans l’Empire, leurs plans se soldaient finalement par une défaite cuisante et sans appel.

Mais cette fois, les choses se termineraient différemment.

Faisant preuve d’une énergie insoupçonnable pour son âge, le Seigneur Skrolk était partout. Il lui suffisait d’entrer dans une caverne pour que les disputes cessent sur-le-champ. D’un mot prononcé à travers ses lèvres desséchées, et les hommes-rats se soumettaient sans broncher. Skrolk refusa de battre en retraite, et de se contenter une fois de plus d’une défaite. Il se moquait des récriminations et des excuses de ses subalternes. Il voulait que le Clan Pestilens ressorte plus fort de ces épreuves, comme un convalescent qui devient plus résistant après avoir survécu à une maladie.

Le Seigneur Skrolk fit signe à ses frères d’éteindre les braseros à Malepierre et de quitter la pièce. Une fois seul dans la caverne, Skrolk sentit les ténèbres l’envelopper.

« Les armées sont en place, » dit-il. « Devons-nous exécuter la phase suivante de notre plan, ou faire notre rapport au Conseil ? »

Quelque chose s’agita dans l’ombre. Une voix qui ressemblait à la fois à un murmure et aux piaillements de milliers de rats répondit :

« Mon plan… oui-oui ! Laisse-moi m’occuper du Conseil… »

Mais dans l’ombre, plongé dans le désespoir, il avait prononcé un nom, afin d’appeler à son aide un pouvoir surnaturel. Vermalanx le Corrompu, un Verminarque, un avatar du Rat Cornu, lui avait répondu. Ensemble, ils étaient parvenus à empêcher l’effondrement du Clan Pestilens.

Ainsi, Skrolk était désormais accompagné par une ombre. Ses interlocuteurs voyaient les deux yeux qui luisaient derrière Skrolk et les surplombaient quand le Seigneur de la Peste parlait. La bataille de Lustrie n’était pas terminée, car les Skavens ne s’arrêteraient pas tant qu’il n’en resterait pas que des ruines.

Pour vaincre, une maladie doit muter. Elle doit se transformer pour surmonter toute résistance, et plusieurs fois s’il le faut. Skrolk en était conscient, au plus profond de son cœur pourri. Cette fois, le Clan Pestilens triompherait.

Partout en Lustrie, les Slanns survivants se réveillaient les uns après les autres. Avant d’écouter les discours effrénés des plus grands dignitaires Skinks de leurs cités, ils étendirent leurs esprits pour communiquer télépathiquement. En dépit des distances, des miasmes dans l’air et l’affolement des Vents de Magie, les Slanns parvinrent à se contacter les uns les autres. Ils étaient telles des étincelles de lumière et d’ordre au milieu d’une mer de Chaos.

Au cours de ce voyage mental, tous les Slanns notèrent les nouvelles failles dans le réseau géomantique, et ressentirent les énergies qui s’en échappaient. La ville de Tlaxtlan - et donc ses sites sacrés et ses pylônes stellaires - n’était plus. Elle avait été dévastée par la comète de Tetto'eko. Les Slanns ressentirent également les maillons brisés de la chaîne, les trous dans le réseau, là où auraient dû se trouver les esprits d’autres Prêtres-Mages. Ces connexions étaient désormais silencieuses, car beaucoup de Slanns avaient été tués ou infectés par les Skavens. Une aube sinistre se levait donc sur la Lustrie.

Les esprits des Slanns étaient subtils, et pouvaient déduire des choses invisibles pour les autres races à partir des remous dans les Vents de Magie. Ils remarquèrent aussitôt la présence d’un nouveau pouvoir - un pouvoir qu’ils connaissaient - car Nagash était de retour. Ils sentirent aussi les changements dans les Vents de Magie, et l’emprisonnement du Vent de la Mort dans le sol de Sylvanie. Ils ressentirent les spasmes du Grand Vortex.

Tout était corrompu par les énergies du Chaos. De plus, le monde était dans l’ombre d’une chose innommable, sous l’influence de la Lune du Chaos. En effet, Morrslieb était plus proche que jamais.

Lors de leurs voyages astropathiques, les Slanns passèrent au-dessus de Xahutec. La faille surnaturelle de la Cité des Échos était étrangement calme. Pour la première fois depuis des années, aucun Démon n’en jaillissait pour envahir le monde. Il était dangereux pour l’âme des Slanns de rester trop longtemps proche de ce lieu, car ils risquaient d’être repérés par ce qui se trouvait au-delà de la réalité. La logique cartésienne des Slanns brillait comme un fanal dans ce royaume de désirs insatiables et d’émotions tourbillonnantes. Par le passé, les puissances de la ruine avaient cherché à asservir les Slanns et à emprisonner leurs esprits dans des labyrinthes spirituels. Mais désormais, il n’y avait plus signe d’une telle menace, cependant un écho perpétuel troublait les Prêtres-Mages.

Au-delà des limites de la perception provenait un grondement sourd, comme le tonnerre au-dessus de l’horizon. C’était un son surnaturel, qui évoquait le rire moqueur des Dieux Sombres.

Chapitre II : DU SANG SOUS LES MONTAGNES - Automne 2523 / Hiver 2523

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La neige tombait d’un ciel lourd. Depuis les remparts de la citadelle de pierre, le Roi Belegar Marteau-de-Fer regardait le manteau blanc. Il se trouvait dans le cercle de Karak aux Huit Pics. Même si aucune n’était visible en raison de la tempête, il savait que de grandes montagnes l’encerclaient. C’était comme si le monde entier avait été avalé par une tempête de neige interminable. Peut-être, pensa gravement Belegar, que ce serait une fin préférable.

Descendant direct du dernier Roi de Karak aux Huit Pics, Belegar se tenait au centre de ce qui était soi-disant son royaume. En vérité, les Nains tenaient moins de territoire que leurs ennemis. L’ancien Karak, un mot désignant une cité, une mine et une forteresse, était tombé aux mains des Skavens depuis des millénaires. Au fil du temps, ses halls avaient changé de camp des centaines de fois. Au départ, les Skavens et les Gobelins de la Nuit se disputaient le butin, bien qu’en diverses périodes, ce bastion Nain jadis glorieux eût été dirigé par un Seigneur Orque ou un Tyran Ogre, et même occupé par des Trolls. Au fil des millénaires, des Nains envoyés en expédition secrète ou lors de guerres ouvertes avaient tenté de reprendre les halls de leurs ancêtres. Il y eut de brèves victoires, mais la plupart de ces efforts se soldèrent par davantage d’humiliation. Avant Belegar, aucune occupation Naine n’avait perduré plus de quelques années.

Cela faisait plus de cinquante ans que le Roi Belegar s’était frayé un chemin à l’intérieur de Karak aux Huit Pics. Il avait mené un terrible Throng à la guerre, composé des descendants des clans qui occupaient la forteresse jadis, appuyés par les troupes et de l’équipement du Haut Roi, Thorgrim le Rancunier. Ils avaient livré maintes batailles et s’étaient enfoncés dans l’ancien royaume comme une pointe d’acier dans la roche. Même ainsi, après tant de pertes, les Nains n’y avaient que tout juste pris pied.

Contrairement aux fois précédentes, les Nains se retinrent de reprendre le Hall du Roi, les caveaux, les armureries, ou les salles aux trésors scellées. Au lieu de cela, ils capturèrent la vieille citadelle, le fort central qui dominait autrefois la cité tentaculaire au sein du cercle montagneux. La ville était en ruine, après avoir été mise à sac et disputée durant des milliers d’années. C’est là, dans la citadelle, que les Nains s’établirent, en fortifiant rapidement les fondations ensevelies sous la crasse. Ils renforcèrent ses défenses à la façon supérieure de leur peuple, afin que les contre-attaques qui suivirent se brisent sur leurs murs comme le vent sur la montagne.

Depuis lors, Belegar et les Nains de Karak aux Huit Pics avaient fait de la citadelle leur foyer fortifié. Ils vivaient dans un état de siège permanent. Il arrivait que les Nains sortent pour étendre leur domaine, purgeant la cité haute en ruine, reprenant d’anciens halls souterrains et explorant des niveaux scellés par leurs mystérieux ancêtres. Le Roi Belegar rapporta chacun de ces succès au Haut Roi à Karaz-a-Karak, où ces nouvelles furent accueillies avec une joie féroce. L’ambition des Nains était de revivre leur Âge d’Or. C’était pour eux le signe qu’ils pouvaient reprendre ce qui leur revenait de droit, que le temps du déclin était achevé. Pourtant, ces victoires chèrement arrachées s’avérèrent temporaires, une réalité cruelle dans ce royaume impitoyable.

À chaque territoire ajouté, les Nains de Karak aux Huit Pics éparpillaient leurs défenseurs. C’étaient certes des combattants endurcis, équipés des meilleures armes et armures, couvertes de runes forgées par la plus compétente des races, mais ils étaient trop peu, et le domaine à garder trop vaste. Au final, c’était comme trouver de la poussière d’or dans un torrent de montagne, et la voir glisser entre ses doigts en tentant de l’extraire. A plusieurs reprises, les Nains tinrent les glorieux halls de leurs ancêtres, sans parvenir à une victoire durable. Infiltrés et submergés, tout ce que les Nains pouvaient faire était se frayer une retraite jusqu’à la citadelle, et se blottir dans leur seule position sûre. Ce n’est que grâce à un flux continu de renforts marchant depuis Karak Kadrin et Karaz-a-Karak que les Nains parvenaient à résister aux assauts constants de leurs ennemis. On disait dans les halls des autres rois Nains que Belegar et ses armées creusaient encore Karak aux Huit Pics. Toutefois, Ce n’était pas du Gromril, de l’or ou des joyaux qui emplissaient leurs coffres, mais des rancunes.

Avant que Belegar ait pu y pénétrer, Karak aux Huit Pics était en état de conflit permanent entre les Gobelins de la Nuit et les Skavens. Les Peaux-Vertes contrôlaient les montagnes et les innombrables cavités qui y étaient creusées. Beaucoup de tribus prospérèrent et s’éteignirent, mais ce fut celle de la Lune Crochue qui finit par s’imposer. Les Gobelins de la Nuit étaient menés par le plus fourbe d’entre eux, un individu devenu bien trop connu pour les Nains des Montagnes du Bord du Monde : Skarsnik. Autoproclamé Seigneur de Guerre des Huit Pics, Skarsnik était un maître des embuscades et des plans sournois. Son intelligence était aussi prononcée que son penchant pour tourmenter ses victimes. Ses espions étaient partout, et son ambition dépassait la simple domination de l’ancienne forteresse Naine. Comme la guerre se répandait sur les terres et que les Peaux-Vertes ressentaient partout la Waaagh!, Skarsnik comprit que son heure était venue.

Tout comme les Peaux-Vertes dominaient les montagnes et les halls supérieurs, les profondeurs étaient le territoire des Skavens. C’était le royaume le plus vaste, car la plus grande partie de Karak aux Huit Pics s’étendait sous les racines des montagnes. Les années qui suivirent l’expropriation des Nains virent ces souterrains se creuser tandis que les hommes-rats découvraient de nouvelles cavernes ou suivaient des veines de minerai. Ils rongèrent sous la surface sans relâche. Leur réseau de galeries, de mines et de tunnels était si vaste, et si souvent modifié qu’il était impossible à cartographier. Dans ce dédale souterrain, les Skavens étaient chez eux. Par la trahison et le sacrifice d’innombrables guerriers, les hommes-rats du Clan Mors devinrent les maîtres de la Cité des Piliers, leur façon d’appeler Karak aux Huit Pics.

Queek Coupe-Têtes

C’est le bras droit de Creuse-les-terriers. Il déteste les Prophètes Gris, en plus d’être arrogant et orgueilleux. Il cherche à assurer la domination de son clan sans avoir à s’allier aux Clans Majeurs.

Les Nains sont des combattants redoutables.
Le Clan Mors était le plus puissant et le plus populeux des Clans Guerriers. Son maître, Ronj Creuse-les-terriers, siégeait au Conseil des Treize et son bras droit était Queek Coupe-Têtes. Queek était craint des Gobelins, respecté par les Orques et abhorré par les Nains. Le Seigneur de Guerre Skaven avait gravi les échelons au cœur de Karak aux Huit Pics. En effet, Ronj Creuse-les-terriers considérait par le passé l’ancienne forteresse Naine comme un terrain où faire ses preuves. Il y avait distillé des renforts pour entretenir un climat de lutte permanente où seuls les plus forts pouvaient survivre. Cela ne changeait guère des luttes constantes qui conservaient aux Skavens des dents longues et tranchantes. Celui qui prévaudrait dans cet antre de mort serait digne de commander les armées du Clan Mors.

Loup parmi les chacals, Queek avait atteint le sommet en tuant tous ceux qui lui barraient la route. Il était depuis le haut commandant du Clan Mors, et avait semé la destruction depuis les tréfonds jusqu’aux pics des Montagnes du Bord du Monde. Sous les ordres de son maître, Queek avait défait les clans rivaux, anéanti des tribus Gobelines et pillé des bastions Nains. À présent, Queek Coupe-Têtes était revenu à Karak aux Huit Pics. Le lieu avait bien servi mais ne serait plus un terrain d’entraînement. Les ordres de Queek étaient de le purger de toute présence ennemie.

Tandis que le Roi Belegar observait la tempête, il savait que de grandes forces se mobilisaient contre lui. Il avait vécu et combattu ici chaque jour, et une étrange accalmie pesait sur Karak aux Huit Pics. L’endroit était loin d’être paisible ; les avant-postes Nains étaient assaillis et des messagers en Gyrocoptères devaient toujours libérer un rideau de feu pour atteindre la citadelle. Toutefois, il y avait eu peu d’attaques d’envergure récemment ; les défenses n’avaient plus été éprouvées depuis plusieurs mois. Belegar avait appris à se méfier de ces périodes, car elles auguraient toujours d’une chose : ses ennemis préparaient un mauvais coup.

Sur ordre de Belegar, les Rangers étendirent le rayon d’action de leurs patrouilles, se risquant sur les hauteurs comme dans les profondeurs du karak. Comme on pouvait s’y attendre, ils ne revinrent pas tous.

Les rapports de ceux qui rentrèrent confirmèrent les pires craintes du Roi Nain. Un flot de tribus Peaux-Vertes avait été repéré en train de progresser parmi les Terres Arides, et entrer par Karag Zilfin. Une multitude de Gobelins sur Loups venus des Terres Sombres formaient des caravanes le long du Col de la Mort, avec un nombre anormalement élevé d’Ogres nomades. Les nouvelles du sous-sol furent plus difficiles à obtenir et étaient pires encore. Des lecteurs sismiques et des machines d’écoute détectèrent des vibrations correspondantes à d’importants déplacements de troupes et des travaux d’excavation de grande ampleur. Les hommes-rats rassemblaient leurs forces, hissaient de l’équipement lourd et creusaient de nouvelles galeries.

Dès qu’il eut entendu les Rangers, Belegar agit sans tarder.



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La situation à Karak aux Huit Pics évoluait chaque jour, parfois toutes les heures.

Ce n’était guère surprenant ; en quel autre endroit du monde des armées montaient la garde si près de leurs ennemis jurés ? Ni océan, ni montagne, ni fleuve ne les séparaient comme c’était le cas avec d’autres nations rivales. Ici, des hordes de Skavens étaient éloignées des Throngs Nains par quelques escaliers et des tunnels bloqués. Des bandes de Gobelins de la Nuit élevaient des Squigs et fouillaient parmi des forêts de champignons adjacentes aux halls gardés par des Brise-Fer en armure de Gromril. Les frontières n’étaient pas figées, car les factions rivales les sondaient sans cesse, découvraient des accès, voire creusaient de nouveaux passages.

Chaque pouce de Karak aux Huit Pics, des grands halls aux puits désaffectés, avait été disputé. Le moindre poste de guet, les abîmes les plus noirs, tout pouvait se changer en champ de bataille. Les embuscades et les pièges étaient monnaie courante, et les attaques allaient de l’assassinat de messagers ou d’espion au fracas de vastes armées, en passant par des escarmouches entre patrouilles. Certaines batailles avaient lieu dans des passages étroits où manier une arme était impossible ; d’autres dans des halls de plusieurs milles de large, où des milliers de guerriers pouvaient se tenir côte à côte et où la voûte était si haute qu’on ne pouvait l’apercevoir.

Tout conflit risquait l’escalade. La moindre escarmouche pouvait s’amplifier à mesure que des renforts affluaient. Une tentative de prendre une caverne pouvait se changer en massacre sur un mois en s’étendant à tout un niveau souterrain. Avec trois belligérants, il était courant qu’un conflit entre deux camps voit en poindre un troisième pour rafler le butin. Chaque camp incitait en effet ses ennemis à s’en prendre l’un à l’autre pour profiter de la situation et massacrer un adversaire affaibli.

D’autres choses rôdaient parmi les ruines. Attirées par le sang versé, toutes sortes de créatures arpentaient les souterrains. De jeunes Vouivres, des Wyrms aveugles ou des Manticores se repaissaient des Nains, Gobelins et Skavens avec une égale délectation.

C’était dans cet environnement que revint Queek Coupe-Têtes. Il était retourné sur son vieux terrain de chasse plusieurs fois, mais ce serait la dernière. Il ne lui faudrait guère de temps avant de monter les têtes de Belegar et du méprisable Skarsnik sur son infâme râtelier de trophées.

Queek était à la fin du cinquième et dernier jour d’inspection des troupes qu’il avait amassées pour l’attaque à venir. Il lui avait fallu longtemps pour traverser les cavernes reliées. Le premier des grands contingents était entièrement composé de guerriers du Clan Mors, soutenus par des meutes de bêtes achetées au Clan Moulder. Thaxx Griffe Rouge était le Seigneur du contingent. C’était lui qui avait régné sur la Cité des Piliers tandis que Queek était appelé ailleurs, et sa connaissance des tunnels n’avait d’égale que sa sauvagerie. Les deux contingents suivants étaient chacun constitué d’une moitié de guerriers du Clan Mors, le reste provenant de clans dominés. Leur nombre était tel qu’aucune caverne ne pouvait contenir plus d’une parcelle de leurs effectifs, chaque force étirant son campement sur au moins trois souterrains. Deux des anciens lieutenants de la Garde Rouge de Queek tenaient le rôle de Seigneur de ces contingents démesurés.

Il fallut un long voyage à travers des tunnels prompt à s’effondrer pour atteindre le quatrième contingent. Il était situé profondément sous le pic que les Nains appelaient Karag Rhyn, où des courants de lave avaient autrefois façonné d’énormes grottes. C’était les Cavernes d’Os, de vastes espaces qui avaient servi d’antre à des monstres durant des âges. Une litière d’ossements formait un épais tapis sur lequel les hordes de nombreux clans attendaient l’ordre du début de l’invasion. C’étaient des Esclaves, des manges-carcasses et des clans-pillards, ainsi que des Clans Guerriers enfermés à juste titre avec des miséreux sous-équipés. Toutefois, Queek savait d’expérience que cette horde avait un rôle nécessaire. L’ennemi pouvait bien déployer des Canons à Flammes ou des Fanatiques, ses effectifs les engloutiraient.

Depuis son accession au titre de Chef de Guerre suprême du Clan Mors, Queek avait mené des centaines d’armées sur les milliers de champs de bataille différents. Avant même d’avoir inspecté le dernier groupe, ce qu’il avait vu était de loin la plus grande armée de Skavens qu’il avait jamais contemplée. Son autorité était de la commander, et cette pensée gonfla la poitrine de Queek pendant son voyage dans les profondeurs. Sa dernière étape était un endroit appelé la Tranchée. C’était une crevasse d’un mille de large au plus bas où les Skavens avaient osé s’aventurer. Des tunnels plus profonds existaient, mais ceux qui osaient s’y risquer revenaient rarement.

Queek sortit des galeries exiguës et émergea sur une corniche qui surplombait le canyon souterrain. En contrebas grouillait une mer d’hommes-rats plus grande que tout ce qu’il avait déjà observé. Avant de saluer les chefs du contingent, Queek avança sur le rebord et balaya du regard l’immense caverne. Ses yeux repérèrent une douzaine de bannières de clans différentes aux côtés d’énormes meutes du Clan Moulder.

Davantage étaient massés dans divers tunnels secondaires qui menaient hors de la Tranchée. C’était quelque chose. Ce n’est qu’après en avoir sondé l’immensité que Queek se tourna pour accepter les salutations de ceux qui se trouvaient à côté de lui. Toutefois, en se retournant, le Seigneur de Guerre ne put réprimer un léger sursaut.

Le chef du contingent n’était ni un chef, ni un Seigneur de Guerre, il s’agissait d’un Prophète Gris.

Grootose

Ce Maître de Meute a été envoyé à la Cité des Piliers - nom donné par les Skavens à Karak aux Huit Pics - pour tenter de gagner les faveurs de Queek Coupe-Têtes du Clan Mors. En effet, si une guerre civile éclate et que le Clan Mors rejoint le Clan Skryre, Grootose a pour mission d’assassiner Queek. Si cela doit arriver, le Maître de Meute a prévu un Rat Géant bourré d’explosifs et entraîné pour foncer droit sur le chef de guerre du Clan Mors…

Kranskritt

C’est un des plus puissants Prophète Gris. Il prête main-forte aux clans qui combattent dans la Cité des Piliers. Cependant, sous l’influence du maître du Clan Mors, le Seigneur Creuse-les-terriers, Kranskritt est en rivalité avec Queek Coupe-Têtes. Afin d’éviter que l’ardent chef de guerre lui tranche la gorge, le Prophète Gris a invoqué un Verminarque nommé Soothgnawer pour le protéger.

Le Skaven cornu se prosterna, tout comme ses nombreux sous-fifres. Il se redressa ensuite et salua Queek d’une longue série de superlatifs, comme il convenait. Sa contenance revenue, le Seigneur de Guerre se signa du symbole traditionnel du Clan Mors et hocha la tête tandis que le Prophète Gris Kranskritt se présentait ainsi que ses lieutenants. Puis, au signal du Prophète Gris, les légions d’Esclaves et les clans en dessous entamèrent des manœuvres à travers la caverne et dans salles latérales où se trouvaient leurs campements rudimentaires. Kranskritt énuméra divers noms de clans tandis que les Skavens traînaient des pieds ou étaient fouettés.

C’était un étalage de troupes et d’équipements que le Prophète Gris savait être impressionnant. Il y avait de nombreux clans que Queek reconnut, certains étaient loin de leurs repaires. Le Clan Krizzor venait des Terres Sombres infestées de monstres et le Clan Volkn, de la Montagne de Feu. Le poil de Queek ne se hérissa qu’une fois, en voyant les marquages du Clan Gritus, une branche divergente de traîtres du Clan Mors. L’exhibition demanderait des heures pour aller jusqu’au bout, tant les troupes étaient interminables. Queek était clairement irrité. Il signifia bien vite qu’il en avait vu assez, et que son bras droit, le Seigneur Skrikk achèverait le passage en revue. Sur ce, le chef du Clan Mors prit congé.


Cela faisait longtemps que Queek n’était pas retourné dans son antre à trophées, mais il connaissait le chemin. Des âges avant d’avoir été pillée, cette pièce avait été une armurerie des choses-barbes. À présent, il y entreposait son fatras. Des os, des armures fatiguées et d’autres souvenirs brutaux du temps où il revendiquait sa part du butin en tant que chef gisaient là, en tas. Il faisait courir sa griffe sur le crâne d’une Manticore lorsqu’il entendit les pas de ceux qu’il avait convoqués.

Même le dos tourné, Queek reconnaissait les deux arrivants : le pas léger du poignardeur-tueur du Clan Eshin et la démarche lourde de l’imposant dresseur.

« Je vous salue, ô le plus malveillant des potentats, ô souverain du puissant Mors. J’ai accouru vite-vite à votre appel, » dit Skewit en se courbant. « Mes espions m’ont déjà rapporté beaucoup de choses. »

« Salutations grand Coupe-Têtes, » clama Grootose. Le Skaven charpenté baissa la tête.

Contrairement à la plupart des Skavens de son rang, Queek n’avait cure des titres honorifiques à rallonge. C’était peut-être la raison pour laquelle il appréciait Grootose, le plus ancien Maître Corrupteur au service du Clan Mors. Il était bourru, direct et mortel en combat ; les qualités que Queek admirait par-dessus tout.

Skewit, quant à lui, était un espion utile, mais comme tous ceux du Clan Eshin, il affectionnait les intrigues et devait jouer plus de rôles qu’il n'avait de griffes.

Queek marqua l’arrivée de ses serviteurs en se retournant. Sans préambule, il alla au cœur du sujet. « Un Prophète Gris ! Qu’est-ce que cela signifie ? N’ai-je pas parlé-parlé au Seigneur Ronj Creuse-les-terriers de l’ingérence des gris ? Est-ce que l’un d’entre vous sait que le cinquième contingent est mené par un cornu ? »

Grootose regarda Queek dans les yeux et montra les dents : un non absolu. Skewit agita nerveusement ses doigts les uns contre les autres, gratta ses moustaches et regarda ses pieds : un oui évident.

D’un geste brusque du poignet, Queek abattit Perce-Nains sur le crâne de Manticore et le fendit en deux.

« Tu peux retourner auprès de tes bêtes, Grootose, » trancha Coupe-Têtes. « Skewit, dis-moi tout ce que tu sais à ce propos. C’est assurément la volonté du Conseil, mais est-ce que Ronj Creuse-les-terriers était au courant lui aussi ? Parle-moi de Kranskritt. Dis-dis-moi tout ce que tu sais. »


Queek Coupe-Têtes, le Faucheur de Nains.
La zone de Karak aux Huit Pics.
Tous les Guerriers des Clans étaient anxieux d’entamer l’invasion de Karak aux Huit Pics, mais aucun plus que Queek. Il avait toujours été impatient, même au sein d’une espèce nerveuse et agitée. Queek n’était pas de ces Seigneurs de Guerre amusés par les conspirations. Le Chef de Guerre du Clan Mors préférait de loin l’action aux manigances politique ou aux machinations subtiles.

Au contraire de nombre de ses pairs au pouvoir, Queek n’avait pas souvent recours aux coups tordus. Il employait rarement des substituts pour user de la violence à sa place. Ce n’était pas pour rien qu’on l’appelait Coupe-Têtes. Ses manières étaient soudaines et violentes. Il trucidait tous ceux qui s’opposaient à lui et provoquait en duel quiconque complotait ouvertement à sa perte. Plusieurs, y compris le grand Seigneur Ronj Creuse-les-terrier, avaient estimé que les façons de Queek de foncer tête baissée pour s’en prendre à ses adversaires mettraient un terme précoce à une carrière prometteuse. Jusqu’ici, Queek leur avait donné tort.

C’était une erreur de croire que puisqu’il dénigrait les intrigues politiques et la manipulation, Queek était idiot. S’il fallait de la ruse pour devenir grande griffe, s’élever au sommet d’un clan puissant requérait une ingéniosité extraordinaire. Tout comme il voulait se concentrer sur la bataille qui s’annonçait, Queek ne cessait de penser à l’aide qu’avait fournie le Conseil pour soutenir son attaque. Comme tous les accords passés avec les Seigneurs de la Ruine, celui-ci sentait la conspiration. Avec l’ensemble des contingents, Queek était sûr d’obtenir la victoire réclamée par le Conseil des Treize, mais que souhaitaient donc accomplir ces sournois comploteurs par ailleurs ?

L’invasion imminente des Montagnes du Bord du Monde s’inscrivait dans un vaste plan orchestré par le Conseil des Treize, et qui devait unir les Clans Majeurs autour d’une cause commune. De ce que Queek avait déjà vu et entendu, les attaques à venir éclipseraient l’ampleur et la férocité de la campagne qui avait ravagé la Tilée et l’Estalie. Naturellement, le Clan Mors ne souhaitait pas seulement s’acquitter de sa part, mais également obtenir un gain substantiel. Les ordres du Conseils étaient de s’emparer de la Cités des Piliers, mais Ronj Creuse-les-terriers en voulait plus, bien plus.

Avant de quitter Skarogne, Queek avait été convoqué pour une audience privée avec le Grand Seigneur Ronj Creuse-les-terriers. Il lui avait rappelé que toutes les ressources du Clan Mors étaient en jeu et que d’autres clans, en particulier le Clan Rictus, souhaitaient discréditer le Clan Mors. C’était une course pour accaparer la plus grande partie du butin en termes de richesses et d’influence au sein du Conseil. D’autres attaques étaient planifiées le long des Montagnes du bord du Monde. Le Clan Rictus s’était joint au Clan Skryre pour prendre d’assaut Karak Azul au sud, et les Clans Moulder et Clan Kreepus s’en prendrait à Karak Kadrin. Ailleurs, le Clan Ferrik mènerait maints contingents contre Zhufbar, tandis que Barak Varr, la forteresse maritime des Nains, serait la cible du Clan Krepid par la terre, et du Clan Scorbut et des flottes des clans par la voie des mers.

Ronj Creuse-les-terriers souhaitait que Queek s’empare de Karak aux Huit Pics aussitôt que possible, afin que le Clan Mors « aide » les autres. Selon la volonté de son maître, Queek avait envoyé des milliers de ses guerriers revêtus de tenues volées et portant de faux symboles de clans. Ils devaient infiltrer les autres sites de bataille et par leurs actes de sabotage, endiguer la progression des autres clans, afin que Queek et ses contingents arrivent à temps pour arracher la victoire au nom du Clan Mors.

En dépit de pactes supplémentaires, de la disgrâce des Prophètes Gris et de la perte de leur siège au Conseil, les alliances des Skavens étaient aussi versatiles qu’auparavant. D’une certaine façon, la directive d’œuvrer de concert avait empiré les choses. Les actions secrètes et les tentatives pour étouffer les affaires demandaient plus d’efforts que jamais. Des plans dans les plans, des pactes à l’intérieur des pactes, Queek savait que les traîtres et les déserteurs seraient partout. Il serait mieux de s’assurer uniquement de tuer les choses-vertes et les choses-à-barbes, mais le Chef de Guerre savait qu’il ne disposait pas de ce luxe.

Queek ne croyait que ce qu’il voyait. La Magie, l’espionnage, les alliances politiques, chaque chose était utile, mais ne pouvait se comparer avec le fait de plaquer sa lame sur la gorge de son ennemi. L’ordre obscur des Prophètes Gris à la triple parole avait provoqué sa colère il y avait longtemps, et nul n’avait été plus heureux que Coupe-Têtes lorsqu’à l’issue de la campagne de Tilée, ce clan dédaigneux avait perdu sa superbe. À l’aube de l’invasion, Queek avait découvert qu’un de leurs membres occupait un poste élevé de commandement au sein de sa force. Le Prophète Gris contrôlait le plus vaste des contingents, bien que tandis qu’il passait son pouce sur le tranchant de Perce-Nains, il pensât que le premier contingent serait sûrement le plus redoutable. Plus il y songeait, plus il réalisait que c’était le genre de défi qu’il affectionnait.

« Salutation Prophète Gris Kranskritt, le plus sage et le plus habile, rapporte des nouvelles de Coupe-Têtes. »

Se détournant des runes qu’il traçait sur le sol de la pièce, Kranskritt lança au messager un regard noir.

Le Skaven se prosterna et fit son rapport. « Un piège a manqué son coup. Le rocher a tué trois Gardes Rouges de Queek, mais Coupe-Têtes est parvenu à bondir de côté. »

Le museau de Kranskritt frémit. « Il saura que c’était un piège, oui-oui, » dit le Prophète Gris. « Qui va-t-il soupçonner ? Dis-moi, qui a-t-il interrogé au sujet de ma présence ? »

« Grootose, Skewit, et le Seigneur Skrikk, Monseigneur, » répondit le messager sans se redresser

« Hmmmm… mais pas Croc-Tordu ? » fit le Prophète Gris. « Oui-oui, étrange. Fais venir Skewit immédiatement. »

Kranskritt inclina sa tête pour écouter les pas du messager s’éloigner, puis il revint à son pentagramme runique.

« Cela ne fonctionnera pas, murmura-t-on depuis les ombres. Tu ne les traces pas correctement. »

Kranskritt se figea. « Pourquoi ne pas expliquer à Coupe-Têtes que ce n’est pas nous ? Il va me poursuivre très bientôt, » lança Kranskritt aux ténèbres.

Un rire doux et cruel emplit la pièce, un son aussi tangible que des griffes grattant de l’ardoise polie. « Bien sûr qu’il te suspecte, mais il ne serait d’aucune utilité de lui révéler que c’est le Seigneur Ronj Creuse-les-terriers qui se cache derrière tout cela. Il ne te croirait pas. Et oui, ses agents sont déjà en route. »

Après un long silence, la voix reprit. « Je pourrais te protéger, mon petit Kranskritt, mais il ne doit plus y avoir aucune tentative de me contraindre… »

Les nouvelles rapportées par les Coureurs Nocturnes avaient été mauvaises, mais prévisibles. Les Peaux-Vertes des Terres Arides gonflaient les rangs de Skarsnik et les Terres Sombres pullulaient d’activité en raison de la présence des Ogres, des caravanes Gobelines et des Chevaucheurs de Loup. Cela n’affecta pas la pavane de Coupe-Têtes, qui ne se souciait pas du nombre d’ennemis, mais seulement de l’imminence de la bataille.

Le signal de l’attaque pouvait être donné à tout moment. Tandis que les contingents étaient dispersés dans le complexe souterrain, les niveaux les plus habitables étaient bondés d’hommes-rats. Les niveaux inférieurs étaient les pires, car c’est là que les Maîtres de Meute gardaient les créations les plus enragées du Clan Moulder. Les hurlements des bêtes enchaînées rendaient nerveux tous les Skavens alentours. Leur peur était justifiée, car les racoleurs ratissaient les coursives en quête de traînards et de déserteurs. Être à proximité était un risque de servir de nourriture, car la définition des déserteurs par les Chefs de Meute était fonction du nombre de victimes potentielles par rapport aux effectifs des racoleurs.

Avec tant de clans différents pressés les uns sur les autres, des disputes éclatèrent inévitablement. Queek Coupe-Têtes, accompagné par sa Garde Rouge, allait de contingent en contingent. Sa seule présence instilla la peur et la discipline, et tempéra les ardeurs belliqueuses. Sa vie de guerrier avait enseigné à Queek que les disputes d’avant bataille n’étaient pas mauvaises à faible dose. Si la horde était agitée, cela jouerait à l’avantage des Skavens. En outre, les Skavens réfléchiraient à deux fois avant de tourner les talons en sachant que les formations derrière eux seraient bien trop heureuses de les pourfendre en cas de fuite. En rendant à nouveau visite à chaque campement, le Chef de Guerre du Clan Mors vérifiait les plans et les voies d’invasion tandis qu’il tentait d’estimer quels clans abritaient des traîtres dans ses rangs.

Durant son périple, Queek évita de justesse un effondrement, égorgea un Assassin du Clan Eshin et fut forcé de tuer deux de ses propres subalternes. Coupe-Têtes n’avait aucune preuve ni indice sur le clan rival qui avait payé pour ces actes perfides, ni même sur les chefs qui les avaient commandités. En revanche, il avait quelques idées précises sur le sujet.


Cela commença par un grondement sourd. Les Nains étaient les plus proches des montagnes, et reconnurent instantanément ce son. Quant aux Skavens, dont les sens étaient sans doute les plus développés, ils comprirent juste après eux. Leurs chefs firent fouetter les Esclaves pour qu’ils se rassemblent et firent passer les potions stimulantes à base de Malepierre en prévision de la bataille, car il s’agissait du signal qu’ils attendaient. Les Gobelins de la Nuit, en dépit de leur vie troglodyte, ne remarquèrent rien jusqu’à ce que les grondements prennent de l’amplitude. Mais lorsque ceux-ci provoquèrent des vibrations si fortes qu’elles pouvaient faire tomber un Brise-Fer à la renverse, même le Troll de Pierre le plus stupide comprit que quelque chose d’inhabituel survenait.

Les cieux avaient été chargés de nuages noirs et de neiges, mais ils s’ouvrirent au nord, autre signe qu’un changement arrivait. À des lieues de là, Karag Dron, la Montagne du Tonnerre, entra en éruption et cracha des nuées ardentes haut dans le ciel. Les secousses affectaient toutes les Montagnes du Bord du Monde tandis que d’autres volcans se réveillaient. Les sorts visant à rapprocher Morrslieb, et ceux des Slanns pour les stopper, se déchaînaient très loin de là, cependant leurs ramifications se ressentaient sur toute la planète. L’air semblait crépiter et la pression souterraine augmenta de façon délirante alors que la Lune du Chaos se rapprochait lentement.

L’attraction du satellite n’affecta pas seulement les marées et la pression sismique, car elle emplit également de vigueur les cœurs de toutes les créatures maléfiques. Les tunnels de la Cité des Piliers s’animèrent lorsqu’un océan de vermine surgit des profondeurs pour débuter l’invasion attendue depuis si longtemps.

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Les premiers tremblements donnèrent le signal. Les Technomages cachés dans des salles souterraines au cœur des montagnes connectèrent des fils et déclenchèrent des décharges électriques.
Loin sous le sol des quatre montagnes qui délimitaient le domaine de Karak aux Huit Pics, les tremblements de terre donnèrent aussi un signal à des groupes plus discrets. Dans le secret le plus absolu, des équipes de Foreuses à Malepierre avaient utilisé les inventions du Clan Skryre pour creuser des tunnels dans les montagnes. Les galeries existantes sous lesquelles elles creusaient avaient été réalisées jadis par les Nains, mais elles étaient désormais infestées de Gobelins de la Nuit. C’était une tâche dangereuse de s’aventurer aussi profondément dans le territoire des Peaux-Vertes. Derrières les équipes de sapeurs, des Coureurs d'Égouts attendaient. Ils portaient des tonneaux de poudre et des engins aux rouages et aux mécanismes étranges. Ils avaient œuvré pendant plus d’un mois pour mettre en place les charges explosives. Au cours de ce laps de temps, beaucoup de Peaux-Vertes ou de leurs créatures étaient tombés par hasard sur les Skavens, et il avait fallu les réduire au silence rapidement…

Les premiers tremblements donnèrent le signal. Les Technomages cachés dans des salles souterraines au cœur des montagnes connectèrent des fils et déclenchèrent des décharges électriques. Parfois, les câbles avaient été sectionnés, soit parce qu’ils avaient été rongés par des Squigs, soit parce qu’ils avaient été débranchés par des Snotlings. D’autres connections furent perdues à cause d’éboulements, lorsque les éruptions volcaniques envoyèrent des ondes sismiques à travers les montagnes. Enfin, certains engins ne fonctionnèrent pas, car comme toutes les inventions des Skavens, une forte proportion souffrait de graves défauts de fabrication. Et comme le plan était de provoquer un effondrement majeur, ces dysfonctionnements épargnèrent une grande partie du territoire des Gobelins. Malgré tout, les explosions coupèrent de nombreux tunnels et tuèrent des milliers de Peaux-Vertes.

Cependant, dans l’unique cas où les engins fonctionnèrent précisément comme les Technomages l’avaient prévu, le résultat fut cataclysmique. Sous Karag Nar, la Montagne de l’Aube, les explosions en chaîne déclenchèrent des ondes de choc dévastatrices. Des halls entiers s’effondrèrent. Des tombes souterraines restées secrètes pendant des milliers d’années grâce à l’ingéniosité des Nains furent ensevelies. À l’extérieur, les immenses glissements de terrain provoquèrent l’affaissement de toute une partie de la montagne. Des dizaines de milliers de Peaux-Vertes périrent en quelques instants.

Des avalanches dévalèrent les pics, envoyant des rochers gros comme des maisons s’écraser sur la cité établie au fond de la vallée. Depuis leurs postes d’observation sis à l’entrée de tunnels secrets dans les pics alentours, les Technomages ajustèrent les optiques d’appareils qui leur permettaient d’observer le résultat à travers les nuages de poussière et la neige tourbillonnante. Ils ne purent s’empêcher d’émettre des couinements de joie en constatant les ruines qui parsemaient le paysage. La porte est était ensevelie sous les décombres. Karag Nar, la montagne la plus au sud de Karak aux Huit Pics, s’était affaissée sur presque la moitié de sa hauteur.

Les Skavens venaient de provoquer des destructions sans précédent à la Cité des Piliers, pourtant, ce n’était que le début. Alors que les survivants s’extirpaient des gravats d’un air hagard, ils entendirent les piaillements d’excitations de dizaines de milliers de Skavens se ruant pour la curée.

Dans les Galeries des Rois, Queek Coupe-Têtes observait les événements. Thaxx Griffe Rouge, le chef de la première meute, était là lui aussi. Une tête de Nain encore fraîche était fichée au sommet de sa bannière personnelle. Le Seigneur de Guerre Skaven retenait encore son avant-garde, laissant les légions sans fin de la quatrième meute gravir le Grand Escalier. Les esclaves écumaient à cause des drogues qu’on leur avait distribuées, et étaient en proie à une soif de sang incontrôlable. Malgré tout, ils ne manquèrent pas de remarquer les rangs serrés des Vermines de Choc du Clan Mors qui allaient suivre dans leur sillage. Le plan était bien calculé. Queek savait que lorsque les esclaves se heurteraient aux premières poches de résistance et aux pièges des Nains, ils ne tarderaient pas à flancher. Mais en sachant que derrière eux se trouvaient les plus terribles tueurs du Clan Mors, les esclaves n’oseraient pas battre en retraite : ils avaient un tout petit espoir de survivre face aux Nains, alors que la fuite ne leur apporterait que la mort sous les hallebardes des Vermines de Choc…

Les rapports des estafettes indiquaient que la montagne s’était partiellement effondrée. Queek ne s’était pas attendu à un résultat aussi satisfaisant de la part des inventions peu fiables du Clan Skryre. Les quatre montagnes visées étaient celles où se rassemblait l’essentiel de la population de Peaux-Vertes. Selon les rapports des espions, c’était également dans ce domaine que Skarsnik passait le plus clair de son temps. Même s’il savait que les Gobelins de la Nuit seraient facilement vaincus sans leur chef pour les diriger, Queek espérait secrètement que Skarsnik avait survécu aux éboulements : il voulait avoir le plaisir de le tuer de ses propres mains. Trop souvent par le passé, le Chef de Guerre de la Lune Crochue lui avait glissé entre les griffes, et Queek souhaitait plus que tout l’entendre hurler de douleur avant de l’achever. D’autres explosions au-delà de la voûte le tirèrent de ses rêveries et lui indiquèrent que les esclaves avaient rencontré les premiers obstacles.

Les Skavens envahirent les tunnels telle une marée de vermine. Ils se montaient les uns sur les autres pour passer en tête, et dans leur progression démente, ils ne remarquèrent pas les fils invisibles tendus dans les galeries, ou les dalles descellées qui se déclenchèrent sous leurs pas. Les Ingénieurs de Belegar n’étaient pas restés oisifs et les Skavens en payèrent le prix fort.

Des charges à poudre noire et des bombes à shrapnels explosèrent au beau milieu de la horde. Des leviers pneumatiques firent se rapprocher brutalement les parois pour écraser les malheureux situés au milieu. Des blocs de pierre tombèrent du plafond, et des puits sans fond s’ouvrirent sous les pieds des Skavens. Des mécanismes de tir à ressort saturèrent les couloirs de carreaux d’arbalètes, ou projetèrent des épieux capables d’embrocher une demi-douzaine de Skavens.

Les Nains avaient constellé de pièges mortels les corridors, les salles et les escaliers de leur domaine. Des Coureurs d’Égouts auraient peut-être pu flairer ces dangers et les éviter, tout comme les guerriers du Clan Mors qui étaient nés et avaient grandi à Karak aux Huit Pics. Ils auraient pu repérer les fausses cloisons, ou les blocs de pierre qui avaient été récemment déplacés. En revanche, les légions d’esclaves n’étaient pas nées dans la Cité des Piliers, sans compter que leur course effrénée les empêchait de pressentir le moindre danger. Il était déjà suffisamment difficile pour un esclave de ne pas finir piétiné par ses congénères, il était donc impensable qu’il se concentre sur autre chose.

Il est certain que plus de Skavens périrent à cause des pièges qu’il n’y avait de Nains à Karak aux Huit Pics, néanmoins les Skavens s’attendaient à de telles pertes. Ce n’était pas un simple raid, mais le premier assaut d’une attaque destinée à exterminer tous les Nains de la citadelle, et il servait simplement à dégager le passage vers les positions des fils de Grungni. Queek et ses lieutenants se doutaient d’ailleurs que les attaques suivantes seraient tout aussi meurtrières.

Sur les soixante-dix-huit passages vers le domaine des Nains, plus de la moitié avait été bloquée par des éboulis si importants que pour l’heure, il fallait les considérer impraticables. Naturellement, il fallut un peu de temps pour le constater, et les Skavens qui débouchèrent sur ces culs-de-sac subirent une mort cruelle, car ils furent étouffés par les rangs qui se pressaient derrière eux. Seuls les plus forts, et à l’instinct de survie le plus développé, parvinrent à s’extirper de la nasse des corps. Ils émergèrent des monticules de cadavres piétinés, la fourrure poisseuse et le regard dément, si bien que leur comportement fut jugé mauvais pour le moral des troupes : ils furent massacrés par les Vermines de Choc qui suivaient de près la progression des phalanges d’esclaves.

Toutefois, de nombreux tunnels étaient encore ouverts, et c’est par eux que se déversèrent les milliers d’esclaves qui constituaient la première vague.


Ce qu’on appelait désormais le Hall du Jugement était jadis une artère nommée la Grande Avenue.
Le Thane Borrik Norgrim commandait les gardes qui surveillaient le Hall du Jugement. Les Nains étaient parfaitement capables de faire la différence entre le grondement lointain d’un volcan, le tonnerre des avalanches de Karag Nar et les bruits secs des pièges déclenchés par l’ennemi. Et même s’il n’y avait pas eu les glapissements étouffés des Skavens montant des profondeurs, le changement de pression dans l’air stagnant leur indiquait que de nombreuses créatures approchaient.

Ce qu’on appelait désormais le Hall du Jugement était jadis une artère nommée la Grande Avenue. Elle reliait les Portes Est et Ouest aux profondeurs de Karak aux Huit Pics. C’était de fait une continuation de l’Ungdrin, ou Dédale, c’est-à-dire le réseau de routes souterraines qui parcouraient l’empire des Nains. Autrefois, les passages larges et bien éclairés étaient dotés de parois lisses, et s’étiraient sur des milliers de kilomètres. Cependant, cet âge d’or était révolu depuis longtemps.

La section du Hall du Jugement que Borrik Norgrim gardait mesurait seulement quatre cents pieds de long. C’était une grande salle fermée sur deux extrémités par des éboulis, et située à la frontière du domaine du Roi Belegar. Derrière Borrik, un passage étroit menait à la porte scellée de Bar-Undak. Celle-ci protégeait un des accès à la citadelle des Nains. La mission de Borrik Norgrim était de la surveiller, et pour cela, il était prêt à donner sa vie et celle de ses guerriers. En effet, il était accompagné par une vingtaine de Brise-Fer nommés les Haches de Norr, et par un groupe de Dracs de Fer baptisés les Fureurs de la Forge. Tous provenaient du même clan, les [[:Catégorie:Nains#Les Fils de Norgrim|Norgrimlings. Ces combattants avaient conscience d’être le seul rempart entre la horde des Skavens et le dernier bastion Nain de Karak aux Huit Pics. Toutefois, Borrik était confiant.

Borrik était au courant des trois entrées existantes vers la citadelle, cependant il était préoccupé par autre chose. Deux des passages étaient taillés dans la pierre, et leurs arches étaient décorées de têtes ancestrales érodées, au point qu’elles étaient à peine visibles sur le linteau. Ces deux couloirs avaient été garnis de pièges. La troisième entrée du Hall du Jugement était une galerie au beau milieu du sol qui formait un puits vertical. Il fallait des grappins ou d’excellentes compétences de grimpeur pour passer par là. En plus de ces trois accès pour une attaque potentielle, Borrik éprouvait des doutes après avoir minutieusement sondé les murs : un des arcs-boutants lui causait quelques soucis, car il était persuadé qu’il y avait une sape juste derrière.

Les premiers Skavens apparurent au niveau de l’escalier nord. Alors que la marée de vermine jaillissait, les Fureurs de la Forge ouvrirent le feu. Les canons trapus vomirent des flammes qui illuminèrent la salle. Les Nains lâchèrent plusieurs salves sur les hommes-rats, au point que le Hall du Jugement était tour à tour plongé dans la pénombre puis dans une clarté aveuglante. Les tirs foraient des trous énormes dans les poitrines des hommes-rats, et décimaient les premiers rangs tandis qu’ils avançaient à travers la salle. Néanmoins, d’autres arrivaient sans cesse pour combler les brèches.

La marée de vermine progressait inexorablement par l’étroit passage. D’innombrables Skavens étaient fauchés par les tirs ou piétinés par leurs camarades, mais l’avance se poursuivait toute même. À l’opposé de la salle, le mur sud se mit à vomir également un flot de créatures malingres, les rebuts de la société des Skavens.

La salle s’emplit d’une horde pouilleuse et décharnée, au point que de nombreuses créatures tombèrent dans le puits situé au centre. Toute la puissance de feu des Fureurs de la Forge suffisait à stopper une marée de vermine, mais l’arrivée d’une deuxième horde fit basculer la situation. Obéissant à un ordre grommelé par Borrik, les Dracs de Fer tirèrent une dernière salve avant d’épauler leurs armes et de faire demi-tour. Les Skavens se déplaçaient bien plus vite que les Nains, surtout qu’ils étaient poussés par les rangs arrières, et lorsqu’ils virent leurs ennemis jurés leur tourner le dos, ils redoublèrent d’efforts. Ils contournèrent le trou dans le sol et foncèrent vers le coin défendu par les Nains. La mer de fourrure et de griffes couinait de frustration à l’idée que les Nains battent en retraite derrière leur porte avant qu’elle puisse les atteindre.

Les Brise-Fer sont le seul rempart protégeant les Nains des invasions souterraines.
Avec une précision métronomique, les Brise-Fer prirent position à travers l’étroit passage, laissant des espaces tout juste assez grands pour que les Dracs de feu puissent continuer à tirer. Alors que le dernier des Fureurs de la Forge passait derrière eux, ils levèrent leurs boucliers, qui s’entrechoquèrent dans un bruit métallique qui résonna dans tout le Hall du Jugement. Quelques secondes plus tard, les Skavens percutèrent violemment les défenses des Nains. Un mur de boucliers de dix guerriers et de large et deux de profondeur bloquait le passage vers la porte de Bar-Undak.

Gardant leurs boucliers serrés, les Brise-Fer essuyèrent le choc sans broncher. Des centaines de corps avaient beau se presser contre eux, ils ne bougèrent pas d’un pouce, fermement campés sur leurs robustes jambes. Des griffes lacéraient leurs boucliers, des massues à pointes s’abattaient et des lames rouillées tentaient de trouver des failles dans leurs armures. Les boucliers des Nains résistaient aux coups, qui ne les affectaient pas plus qu’une ondée de printemps : leur surface n’était même pas éraflée ou entamée, cependant on ne pouvait pas en dire autant des piètres armes des Skavens. Les hampes de leurs lances se brisaient et leurs lames se tordaient en frappant le Gromril des Nains. De plus, ces Brise-Fer n’étaient autres que les redoutables Haches de Norr.

Les Nains avaient résisté à l’élan de l’ennemi, ainsi qu’à sa tempête de coups. Maintenant, ils allaient riposter. Poussant leur cri de guerre, ils abattirent leurs haches par-dessus leurs boucliers, fendant les têtes des Skavens et tranchant leurs membres frêles. Les cadavres des hommes-rats s’empilèrent et les dalles en pierre du sol devinrent glissantes à cause du sang et des entrailles qui les maculaient.

Les Skavens continuaient de pousser désespérément. Ils ne pouvaient pas profiter du poids du nombre à cause de l’étroitesse du passage, et ils ne parvenaient pas non plus à pénétrer le mur de boucliers des Nains. Certes, parfois, une pointe de lance traversait ces défenses, ou un homme-rat à terre parvenait à passer sa lame sous la garde de l’ennemi avant de finir piétiné par ses congénères. Cependant, même ces tentatives misérables ne menaient à rien, car les Brise-Fer étaient protégés de la tête aux pieds par d’épaisses armures en Gromril. En dépit de la faible haute de la voûte, plusieurs Skavens enragés grimpèrent sur le dos de leurs camarades et sautèrent par-dessus le mur de boucliers des Nains. Ils furent tous cisaillés en plein vol par les haches du rang arrière des Brise-Fer, et lorsqu’ils retombèrent au sol en couinant et en se tordant de douleur, des bottes ferrées mirent rapidement fin à leur existence insignifiante.

Des Dracs de Fer en plein… nettoyage
Le combat se poursuivit ainsi des heures durant. À deux reprises, le Hall du Jugement résonna des ordres beuglés par le Thane Borrik. En l’entendant, les Haches de Norr rentrèrent la tête dans les épaules et firent plusieurs pas inexorables pour repousser la horde de Skavens. La masse des Nains était telle que les centaines d’hommes-rats furent incapables de lui résister. Les Skavens surpris étaient désemparés tandis que les boucliers les poussaient aussi facilement qu’une charrue laboure la terre. À l’arrière, des dizaines d’hommes-rats trébuchèrent et tombèrent dans la faille. Les autres perdirent tout espoir et prirent leurs jambes à leur cou. Après avoir ainsi dégagé momentanément leur position, les Brise-Fer se replacèrent à l’entrée du couloir menant à la porte de Bar-Undak et attendirent.

D’autres Skavens arrivaient déjà par les escaliers, et rencontrèrent ceux qui venaient de fuir face au mur de boucliers des Nains. Ils étaient épuisés, haletants. Leurs petites poitrines se levaient et s’abaissaient à un rythme effréné, et leurs fourrures étaient poisseuses à cause du sang et de la sueur. Les Nains ne restèrent pas oisifs au cours de ce bref répit. Le Thane Borrik donna un nouvel ordre. Les boucliers des Brise-Fer se séparèrent et les Fureurs de la Forge s’avancèrent de nouveau pour déverser le feu et la mort sur les nouvelles vagues de Skavens qui déboulaient des escaliers.

L’odeur de la peur et la puanteur des cadavres étaient déjà immondes, si bien que les salves des canons furent la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Les hommes-rats détalèrent, se montant dessus les uns les autres dans leur empressement d’échapper à la colère des Nains et de regagner la sécurité des ténèbres d’où ils venaient.

Après de longues heures de combat, le silence retomba sur le Hall du Jugement.

La Porte de Bar-Undak avait été protégée. Les Nains finirent par ressortir du couloir. Malgré tout, Borrik Norgrim était plus anxieux pendant ce répit qu’il ne l’avait été pendant les combats. Cela faisait cinquante ans qu’il combattait à Karak aux Huit Pics, et il avait appris au moins deux choses : tout d’abord, que l’ennemi reviendrait tôt ou tard, et deuxièmement, qu’il devait s’attendre à l’inattendu. Il poussa un juron en retirant son casque et en sentant la puanteur de l’air. Il était chargé de l’odeur du sang, des entrailles fumantes et des déjections de terreur des Skavens. Néanmoins, il donna ses ordres en quelques secondes.

Le premier rang des Haches de Norr inspecta ses boucliers et ses armures. Un des Nains nommé Gromley prononça alors une série d’insultes à faire rougir un Longue Barbe : en examinant attentivement son bouclier, il avait décelé une légère éraflure, fine comme un cheveu et longue de quelques centimètres. Les Brise-Fer du rang arrière, c’est-à-dire les plus jeunes du groupe, et dont la tâche consistait à appuyer leurs aînés, maugréaient également, mais pour d’autres raisons. Ils étaient chargés de dégager les cadavres des Skavens. Borrik avait finalement trouvé une utilité à la faille qui s’ouvrait dans le sol. Elle était si profonde qu’on n’entendait même par l’impact des corps lorsqu’ils touchaient le fond…

La Porte de Bar-Undak était une des entrées vers la citadelle des Nains. Il y avait trente-neuf autres passages connus vers le bastion des Nains, et tous avaient subi des attaques similaires à celle que Borrik Norgrim avait repoussée. À chaque fois, les Nains avaient tenu bon, toutefois, Borrik était une exception, car il était le seul à n’avoir subi aucune perte. Des estafettes qui passèrent de l’autre côté des portes scellées tapèrent des codes secrets contre celles-ci afin de venir aux nouvelles. Après avoir transmis leurs rapports aux divers avant-postes, ceux-ci finirent par atteindre les niveaux supérieurs de la citadelle, et le Hall des Piliers de Fer.

Il y avait fort longtemps, le Hall des Piliers de Fer servait simplement de soubassement pour les halls situés au-dessus, dont la magnifique Chambre du Roi. Ce hall aux arches immenses abritait le trône du roi, lorsque c’était Lunn Marteau-de-Fer qui régnait, et même avant, quand les Dieux Ancestraux marchaient encore parmi les Nains. En ce temps-là, les halls étaient aussi lumineux que le jour, car beaucoup de salles étaient dotées de fenêtres sur l’extérieur qui permettaient d’admirer les huit pics environnants. Et même si elles étaient situées sous la surface, les salles intérieures étaient lumineuses et joyeuses. On disait même qu’elles scintillaient, car la nuit, les flammes des foyers se reflétaient sur les parois polies incrustées de gemmes de lumière. Mais désormais, tout était sombre et triste, en dehors de la lueur de quelques braseros noyés au milieu des ténèbres. Les ruines des niveaux supérieurs étaient visibles depuis la surface. Elles formaient un labyrinthe de décombres, triste écho des guerres, des glissements de terrain et des séismes. La citadelle de jadis avait perdu sa superbe, cependant, ses fondations restaient solides, c’est pourquoi il avait été possible pour les Nains d’y établir un bastion. Et c’était dans une des dernières salles intactes que se trouvait l’austère trône en fer sur lequel Belegar ruminait.

Jusqu’à présent, les pertes avaient été légères, toutefois cela n’améliorait pas l’humeur du Roi. Les rapports faisaient état d’hommes-rats chétifs et faméliques, qui portaient souvent des colliers, des fers et des chaînes, ce qui indiquait qu’il s’agissait d’esclaves. Belegar avait trop souvent affronté les Skavens pour être rassuré par les éclatantes victoires des Nains. Il s’agissait clairement d’une première vague d’assaut censée faciliter la tâche des troupes suivantes. Les Skavens tentaient de déceler des failles dans les défenses des Nains, ou ils essayaient juste de les fatiguer un peu et d’entamer leurs réserves de munitions.

« Un messager arrive… » prévint l’ombre.

Kranskritt sursauta. La façon dont le Verminarque se matérialisait dans les ténèbres jouait avec ses nerfs.

« Il y a toujours des messagers qui arrivent ? Qui ? Pour quoi ? » répondit le Prophète Gris d’une voix irritée.

« C’est un de la Garde Rouge. Il va délivrer les ordres que j’ai prédits. Queek a deviné le piège. Tu vas t’aventurer dans les montagnes des Gobelins. Est-ce que tu te souviens de ton plan ? »

Kranskritt frémit. Ce plan n’était absolument pas le sien, et il n’aimait pas la façon de parler du Verminarque, car c’était en réalité lui qui se servait de ses dons de prescience pour échafauder ses machinations. Le rat-démon avait toujours une longueur d’avance sur tout le monde.

Kranskritt se tourna vers la silhouette d’ombres et vit une paire d’yeux maléfiques qui le toisaient. Les nombreuses cornes du Verminarque semblaient se contorsionner dans les ténèbres. Une main griffue tenant un orbe luminescent apparut.

« Tu as raison de craindre le futur, Kranskritt. Regarde ! Les chemins possibles sont innombrables, et ils sont tous funestes sauf un. Au cours de mon existence mortelle, j’étais moi aussi un Prophète Gris. Désormais, je peux voir à travers l’espace et le temps. Et je peux t’assurer qu’il n’y a pas d’autre solution, » déclara le Verminarque Maledevin.

La voix emplissait l’esprit de Kranskritt. Elle était à la fois rassurante et menaçante, elle posait des questions tout en semblant fournir des réponses.

« Oui-oui, » répondit Kranskritt. « Je le vois aussi. » Il voulait feindre la sagesse auprès de cette créature, mais le trémolo dans sa voix le trahit. On disait que les Verminarques décelaient la moindre hésitation.

Kranskritt se redressa. Il ferma les yeux, ce qui chez les Skavens était un signe d’arrogance face à un adversaire potentiel. Il parla de nouveau, cette fois avec plus d’assurance. « Oui-oui, je vais trouver le Gobelin et lui proposer notre marché. »

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était seul. La créature était partie, mais l’écho de sa voix résonnait encore : « Cela aussi, je le sais déjà… » disait-elle.

Plus troublantes encore étaient les nouvelles annonçant l’éruption de Karag Dron et des explosions qui avaient provoqué l’affaissement de Karag Nar, la Montagne de l’Aube. La destruction de ce pic était semblable à la perte d’une partie de la mémoire collective des Nains. Les Nains les plus vieux - et dont les barbes étaient les plus longues - étaient d’accord avec leur Roi. Ils avaient déduit que les explosions qui avaient secoué Karak aux Huit Pics étaient destinées à tuer Skarsnik, ou tout au moins à plonger les Peaux-Vertes dans la confusion. En un seul coup de maître, les Skavens avaient éliminé une bonne partie des Gobelins résidant dans les montagnes, et avaient peut-être même tué leur chef. Nul doute que les hommes-rats avaient remarqué l’afflux récent de Peaux-Vertes en provenance des Terres Arides, et que Coupe-Têtes souhaitait en finir une bonne fois pour toutes avec les Nains avant de se concentrer sur les ennemis qui représentaient la plus grande menace envers sa suprématie.

Finalement, un sourire fendit le visage buriné de Belegar. Il réservait encore quelques mauvaises surprises à Queek.


Profondément sous terre, la vague suivante de Skavens s’était mise en branle. Une fois de plus, ces attaquants étaient les parias de la société des hommes-rats. En revanche, ils étaient suivis par des Guerriers des Clans.

Les Arbalétriers postés sur les Grands Escaliers tirèrent jusqu’à être à court de munitions, puis ils défendirent les portes à coups de haches. Sur les quais de la rivière souterraine, une formation de guerriers de dix rangs de profondeurs défendit les portes. À l’ouest du domaine des Nains, les immenses fonderies s’emplirent de Skavens, mais les tunnels d’accès à la citadelle avaient été bloqués par des mineurs, dont les pioches fauchèrent des centaines d’ennemis. Des jours et des nuits s’écoulèrent sans que le flot d’hommes-rats se tarisse. Les défenses des Nains tenaient bon, néanmoins des faiblesses commençaient à apparaître.

Dans les entrailles de la terre, Queek Coupe-Têtes s’impatientait. La destruction annoncée des quatre montagnes s’était soldée par l’effondrement d’une seule d’entre elles, et on ne savait toujours pas si Skarsnik avait survécu. Les rapports faisaient état des guerres intestines habituelles parmi les tribus de Peaux-Vertes, par contre aucune lutte entre les chefs ne s’était produite, ce qui indiquait que Skarsnik était sans doute en vie. Entre temps, les Skavens avaient perdu des dizaines de milliers d’esclaves, soit près de la moitié de leurs effectifs, sans le moindre résultat probant.

Queek était indécis. Il relut le parchemin en peau de Nain portant le sceau de Ronj Creuse-les-terriers, même si rien ne prouvait qu’il était authentique.

Queek se souvint du message privé du Seigneur de la Déchéance qui le poussait à capturer rapidement la Cité des Piliers. Alors pourquoi ce parchemin ordonnait une guerre d’usure ?

Finalement, Queek fit appeler ses gardes du corps, et envoya des messagers aux Chefs de Meutes afin qu’ils lancent l’attaque sur-le-champ.

Les assauts des Skavens s’écrasaient sur les défenses des Nains telles les vagues contre une falaise. Les forces de l’attaquant n’étaient plus composées d’esclaves miteux, mais de régiments de Guerriers des Clans appuyés par des unités de Vermines de Choc. Les Nains étaient en mauvaise posture partout dans les fortifications. Leurs armes s’émoussaient peu à peu et leurs armures étaient cabossées.

À Bar-Undak, le Thane Borrik Norgrim était passé au premier rang.
À Bar-Undak, le Thane Borrik Norgrim était passé au premier rang. Il maniait la hache forgée par ses ancêtres au cours de l’âge d’or de Karak aux Huit Pics. Ses runes brillaient dans la pénombre du Hall du Jugement tandis que le Thane combattait auprès de ses Brise-Fer pour massacrer les hommes-rats. Le mur de boucliers des Haches de Norr était intact. Plusieurs fois par jour, les Nains contre-attaquaient depuis le passage étroit où ils s’étaient positionnés, et ils pénétraient dans la salle en repoussant les Skavens. Toutefois, l’affrontement devenait de plus en plus difficile pour les fils de Grungni.
Les Nains sont en mauvaise posture.
Sept Brise-Fer étaient tombés, alors que tous les survivants avaient subi des blessures. Gromley avait perdu plusieurs maillons de son haubert et n’arrêtait pas de s’en plaindre. Certaines blessures étaient sérieuses. Dreksson ne pouvait plus utiliser son bras droit et avait dû se retirer à l’arrière, quant à Ulik l’Ancien, il avait perdu un œil lorsque la hallebarde d’une Vermine de Choc avait perforé la visière de son casque. Malgré tout, ce groupe de Nains figurait parmi ceux qui s’en sortaient le mieux de tous les avant-postes de la citadelle. Plusieurs régiments avaient été exterminés, et Belegar avait dû faire appel à ses réserves pour les remplacer.

Borrik profita d’un répit entre deux assauts pour vérifier le moral de ses guerriers. Les Nains sont fiers de leur endurance et de leur capacité à supporter les pires épreuves, si bien que Borrik constata que les Haches de Norr aussi bien que les Fureurs de la Forge étaient toujours déterminés.

Les liens qui unissaient ces Nains étaient inébranlables. Aucun ennemi ne passerait la Porte de Bar-Undak tant que l’un d’eux respirerait.

Borrik ne s’attendait pas au signal sonore qu’il perçut contre la porte. Le code était pourtant correct, et frappé avec trois marteaux de tailles différentes. Et il demandait que les Brise-Fer et les Dracs de Fer dégagent le seuil afin qu’on ouvrit la porte.

Au cours des récents affrontements, la Porte de Bar-Undak avait été ouverte tous les deux ou trois jours, afin de récupérer les cadavres des Nains morts au combat et de fournir de la nourriture aux survivants, généralement sous la forme d’un tonneau de bière brune.

Ces contacts entre les défenseurs et l’intérieur de la forteresse étaient rares, car tout bon Brise-Fer sait qu’une porte ouverte est une porte inutile. Et dans le cas présent, les Skavens qui grouillaient dans la salle se préparaient à un nouvel assaut lorsque les battants bardés de fer s’ouvrirent. Un rai de lumière pénétra dans le Hall du Jugement. Dès que le Thane vit ce qui se trouvait de l’autre côté, il sut ce qui allait se passer.

Des silhouettes à crêtes orange se tenaient dans le vestibule, de l’autre côté de la Porte de Bar-Undak. Borrik les avait reconnues instantanément. La décision avait sans doute été difficile, mais le Roi Belegar avait finalement consenti à faire appel au contingent de Tueurs. De toute façon, ils devaient sans doute ronger leur frein depuis des jours, à attendre derrière les portes fortifiées l’occasion d’une mort glorieuse. Le Roi avait pris la décision de les envoyer pour deux raisons. Tout d’abord, une tentative de sortie prendrait certainement les Skavens au dépourvu, il était donc possible que des groupes de Tueurs mettent la main sur des chefs hommes-rats, peut-être même sur Queek Coupe-Têtes en personne. Même si dans sa sagesse, Belegar doutait que les Tueurs puissent mettre fin au siège, il espérait que la confusion et la diversion qu’ils créeraient seraient inestimables. Cela donnerait un répit d’au moins plusieurs heures à tous les défenseurs.

La seconde raison de les laisser partir était plus pragmatique : le Roi n’était tout simplement pas sûr de pouvoir les retenir plus longtemps.

Avant de quitter le Hall du Roi, les Tueurs avaient eu droit à une cérémonie en grande pompe. Elle avait duré deux jours et deux nuits, et de nombreux fûts de bière furent vidés. Il n’y eut point de discours ou de harangues enflammées. Après avoir vérifié une dernière fois les cartes et écouté les conseils des anciens, les Tueurs se divisèrent en sept groupes, à l’exception d’Aldrik le Balafré, qui choisit d’affronter seul les ténèbres. Ces contingents lancèrent leur attaque depuis les différentes portes.

Borrik et ses Brise-Fer s’écartèrent pour laisser passer la file indienne de Tueurs. Ces derniers allaient au combat nus, ou vêtus de simples braies. Borrik les regarda passer solennellement. Certains étaient vieux, et leur peau portait aussi bien des tatouages en forme de runes que les stigmates de leurs nombreux combats. Quelques-uns étaient à peine plus âgés que des poils-au-menton. La plupart avaient les yeux vitreux, mais ceux qui croisèrent le regard de Borrik hochèrent la tête d’un air déterminé. Aucun mot ne fut échangé ; c’était inutile, car tous les Nains comprenaient parfaitement la valeur du devoir, de l’honneur et des serments.

Les Skavens qui avaient été chassés du Hall du Jugement avaient commencé à revenir par les escaliers. Des centaines d’entre eux se rassemblaient tandis que vingt et un Tueurs formaient leurs rangs juste devant le couloir gardé par les Brise-Fer. La Porte de Bar-Undak se ferma dans un bruit funeste, et seule la lueur des gemmes de lumière incrustées dans le plafond subsista. Pendant plusieurs secondes, un silence de plomb s’installa. Les Skavens attendaient nerveusement, les queues frétillantes.

La rédemption ne peut venir que d’une mort héroïque dans une situation perdue d’avance.
Sans dire un mot, sans pousser de cri de guerre, les Tueurs saisirent fermement leurs haches et avancèrent d’un pas décidé. Les hommes-rats hésitèrent et pendant un instant, il sembla qu’ils allaient fuir. Finalement, un de leurs chefs sortit des rangs et découvrit ses crocs en brandissant une lame barbelée. L’appréhension des Skavens fut aussitôt balayée, et la horde s’élança à la rencontre de l’ennemi.

Le meneur taciturne des Tueurs s’appelait Unfer. Il maniait deux haches gravées de runes. Les symboles se mirent à étinceler quand il brandit ses armes, laissant derrière elles des traînées de flammes aussi brûlantes qu’un feu de forge. Elles se reflétèrent dans les yeux de centaines de Skavens soudainement terrifiés. Faisant preuve d’une agilité insoupçonnable de la part d’un être aussi trapu, Unfer plongea dans la horde. Il tranchait les hampes des lances, les têtes et les membres des hommes-rats sans jamais reprendre son souffle. Par chance, ou grâce à un talent au combat incroyable, il décapita le Chef de Guerre des Skavens dès ses premières passes d’armes. Quelques secondes plus tard, il avait disparu au milieu du tapis de vermine. Les autres Tueurs l’imitèrent et percutèrent les hommes-rats dans un bruit d’os broyés.

Les Tueurs ne combattaient pas de la même façon que les Brise-Fer, en formant un mur de boucliers et en attaquant de façon disciplinée. Ils avaient tous un style de combat personnel, et se battaient individuellement. Certains maniaient deux haches, d’autres avaient de lourdes armes à deux mains. Néanmoins, tous traçaient un sillon sanglant à travers les rangs adverses.

Les Skavens paniquèrent rapidement. ils prirent la fuite pour tenter de s’échapper. Les Nains les poursuivirent en silence et abattirent les traînards. Borrik avait l’impression que la nuée de vermine était telle une coulée d’eau drainée par un caniveau. Elle s’écoulait par les tunnels nord et sud. Sans hésiter, sans que le moindre commandement fût prononcé, les Tueurs se divisèrent en deux groupes et s’élancèrent à la poursuite des hommes-rats. Le vacarme des combats qui résonnait dans les deux escaliers ne tarda pas à se dissiper, et le Hall du Jugement fut de nouveau aux mains des Nains. Borrik hocha la tête pour faire signe à ses Brise-Fer de commencer à jeter les corps des Skavens dans la faille. Au milieu des cadavres velus se trouvaient les dépouilles de cinq Tueurs.

Les autres groupes de Nains aux cheveux orange avaient accompli le même exploit partout dans le royaume des Nains. Ils avaient tracé un sillon sanglant à travers la horde avant de disparaître dans les galeries, puis de se diviser en groupes de plus en plus petits afin de traquer leurs ennemis dans le dédale de tunnels. Certains de ces Nains virent leur quête funeste se terminer rapidement. Svlok N’a qu’un Bras se précipita en bas des escaliers contre un mur de lances, et les hommes-rats transpercèrent son corps et le profanèrent. Au coin d’un tunnel, les frères Brimlok débouchèrent devant une formation de Vermines de Choc censée dissuader les poursuivants. Leurs corps furent ainsi souillés par la vermine. D’autres Tueurs se taillèrent un chemin jusqu’à ce qu’ils atteignent la vague d'assaut suivante et rencontrent la mort qu’ils appelaient de leurs vœux.

Seul Aldrik le Balafré et une poignée d’autres Tueurs vécurent assez longtemps pour s’enfoncer profondément sous la citadelle, dans les entrailles de la montagne.

La contre-attaque des Tueurs donna à Belegar un répit suffisant pour mettre en place la phase deux de son plan. Les défenseurs battirent en retraite vers la ligne de défense suivante, constituée de quelques tunnels, mais surtout d’un point central : le Hall du Clan Skalfdon. Il s’agissait jadis du plus puissant des clans de la noblesse de Karak aux Huit Pics, car la lignée des Skalfdonsson remontait à Grungni en personne. Ce hall était le cœur de leur royaume, mais désormais, aucun d’eux n’avait survécu pour contempler sa ruine. Le dernier Nain de ce clan était mort près de mille ans plus tôt, aux côtés de l’arrière grand-père de Belegar, lorsqu’il avait tenté de reconquérir la forteresse.

La moitié des colonnes de l’immense hall s’étaient effondrées. Les débris des piliers formaient comme les pentes de vallons sur le sol. Certaines piles de maçonnerie avaient été déplacées afin de boucher les galeries que les envahisseurs avaient ouvertes dans le sol au cours des siècles.

Un Throng se rassemblait dans le hall. Les Nains se positionnaient au nord, et alignaient leurs machines de guerre afin de couvrir les entrées des trois couloirs qui arrivaient au sud. Des voix graves entonnèrent des chants de guerre tandis que les Nains attendaient la venue de l’ennemi. Ils se doutaient que l’attente serait courte.


Les Lance-Feu dévastaient les rangs des Nains avec des jets de flammes vertes
Queek Coupe-Têtes ordonnait à toutes les meutes de monter vers les hauteurs de la citadelle, y compris le contingent de tunneliers. Des chefs maniant des fouets forçaient des esclaves équipés de pioches à avancer, tandis que des Technomages mettaient en route les moteurs d’appareils de forage étranges. Une petite fortune en Malepierre avait été déboursée afin d’acquérir des Foreuses à Malepierre. Celles-ci se préparèrent à creuser de nouveaux tunnels. Le côté hasardeux d’un tel processus n’effrayait pas Queek. Il espérait que par chance, les galeries excavées ouvriraient des voies afin de prendre l’adversaire à revers.

Les Skavens ne savaient pas creuser la pierre à la façon des Nains. Ils étaient incapables de créer des tunnels géométriques, et négligeaient systématiquement leur étayage, sans parler de leur esthétique. Cependant, lorsqu’il s’agissait de creuser vite, même à travers la roche la plus dure, aucune race ne pouvait les égaler.

Certes, c’était une tâche très dangereuse. Les esclaves étaient drogués afin qu’ils travaillent plus rapidement sans se soucier de leur vie, mais cela décuplait également leur agressivité, et augmentait donc les risques de soulèvements. Et comme aucun Skaven ne se souciait de consolider les ouvrages, les effondrements étaient monnaie courante. Les appareils du Clan Skryre amélioraient le rendement de façon significative, malheureusement ils étaient sujets à des cas de combustion spontanée. Et même si de tels problèmes ne survenaient pas, dans la plupart des cas, les tunnels des Skavens déviaient de leur trajectoire, soit parce que les mineurs se laissaient distraire par une veine de minerai ou des pépites de Malepierre, soit tout simplement parce qu’ils oubliaient leur objectif initial. Il n’était pas rare qu’un tunnel se termine en rencontrant une rivière souterraine ou un gouffre sans fond. Malgré tout, un seul tunnel débouchant à l’endroit voulu pouvait renverser le cours d'une bataille.

Certes, attaquer par les galeries existantes était plus rapide et plus fiable, si bien qu’avant que le moindre tunnel fût creusé en territoire ennemi, les défenses des Nains subirent les premiers assauts des Skavens. Une fois de plus, les fils de Grungni établirent de solides murs de boucliers. Ils faisaient face à tout l’éventail des troupes et à tout l’arsenal des Skavens. Les hommes-rats eurent recours à ce qu’ils avaient appris pendant des milliers d’années de combats souterrains.

Les régiments de Guerriers des Clans s’arrêtèrent à quelques mètres des murs de boucliers et s’écartèrent pour laisser passer des équipes d’armes. Les Lance-Feu dévastaient les rangs des Nains avec des jets de flammes vertes ; les Mitrailleuses Ratlings déversaient un déluge de projectiles. Les armures et les boucliers runiques, qui jusqu’à présent avaient stoppé les lames et les griffes, étaient inutiles face aux gaz des Mortiers à Globes Toxiques.

Et ce n’était pas tout. Des formations de Vermines de Choc arrivèrent par les trois galeries à l’opposé des Nains et chargèrent férocement. Des Rats-Ogres percutèrent le mur de boucliers devant les Portes de Bar-Kragraz. Les Nains tinrent bon face à la masse terrifiante de ces monstres, mais de justesse.

Partout aux frontières de la citadelle, des centaines de Nains mouraient face aux assauts des Skavens.

Les Skavens tombaient souvent sur des avant-postes abandonnés. Les hommes-rats traversèrent le Hall du Jugement avec nervosité, s’attendant à tout instant à déclencher un piège. Leurs camarades avaient parlé des guerriers invincibles qui gardaient la porte, pourtant ces nouveaux assaillants ne les rencontrèrent pas. Ils commencèrent alors à s’attaquer à la Porte de Bar-Undak, mais il fallait une force titanesque pour espérer entamer les battants renforcés. Des rapports arrivèrent jusqu’à Thaxx Griffe Rouge, le chef de la première meute. Il attendait l’obtention d’une percée. Lorsqu’il arriva dans le Hall du Jugement, les Skavens étaient finalement parvenus à défoncer la Porte de Bar-Undak en ordonnant à des Rats-Ogres de s’y attaquer à coups de rochers.

Sur ordre de Thaxx, l’assaut fut stoppé sur toute la ligne de front. Il voulait s’assurer que l'intervention de sa première meute fût synchronisée avec les attaques de toutes les autres.

Il affirmait que Coupe-Têtes voulait éviter que les guerriers du Clan Mors subissent les pièges que les Nains avaient posés à leur intention. Alors que Thaxx s’adressait à ses subalternes, une nouvelle formation de guerriers pénétra dans le cliquetis de ses armures dans la salle où il se trouvait.

Queek Coupe-Têtes, le grand Chef de Guerre du Clan Mors, se fraya un chemin à travers la foule de Skavens. Il se campa face à Thaxx, son premier lieutenant. Ses yeux rouges et luisants lui lancèrent un regard si haineux que Griffe Rouge frémit.


« Quelle a été ta récompense pour trahir le Clan Mors ? » demanda Coupe-Têtes. Sa queue était dressée et bougeait lentement, comme une vipère des cavernes prête à frapper.

Les Skavens présents autour des deux chefs s’écartèrent pour former comme une arène vivante. Les combattants commencèrent à se tourner autour, prêts à bondir.

Les excuses, la mauvaise foi, les suppliques et le déni étaient les méthodes habituelles que les Skavens utilisaient en de telles circonstances pour tenter de sauver leur peau. Toutefois, Thaxx Griffe Rouge connaissait Queek depuis trop longtemps pour avoir recours à de telles méthodes. Il savait ce qui allait se passer. Il esquissa un rictus menaçant et dégaina son épée barbelée et enduite de poison à base de Malepierre. Comment Queek avait appris sa traîtrise ? Thaxx n’avait parlé à personne de ses manigances avec le Clan Skryre. Et comment Coupe-Têtes était arrivé aussi vite ? Il était trop tard pour se poser ce genre de question.

Coupe-Têtes sembla deviner les pensées de Thaxx. « Je dispose d’informateurs que tu ne soupçonnerais jamais… maintenant réponds-moi, quelle a été ta récompense ? Sûrement pas de la Malepierre ou des femelles, tu en as déjà bien assez… Oui-oui, ne feint pas la surprise, je sais ce que tu caches dans tes terriers personnels. Non, le Grand Thaxx n’a pas été tenté par ce qu’il a déjà. On t’a proposé le commandement du Clan Mors, n’est-ce pas ? Oui-oui ! Tu devais repousser l’assaut jusqu’à ce qu’on me remplace, ou que je subisse un accident malheureux ! »'

Thaxx bondit. Queek esquiva, néanmoins l’attaque de Griffe Rouge n’était qu’une feinte pour dégainer le pistolet à Malepierre qu’il conservait dans un holster caché.

« Meurs-meurs ! »' couina Thaxx en pressant la détente.

Queek sut qu’il avait commis une erreur lorsqu’il vit Thaxx dégainer son arme. Il inversa ses appuis avec agilité pour s’élancer vers son adversaire, puis, voyant qu’il ne l’atteindrait pas à temps, il lança son épée.

Thaxx eut le temps de tirer à trois reprises avec son pistolet à répétition avant que l’arme de Queek lui arrache l’arme de la main. La lame trancha également son index posé sur la détente. Le Skaven blessé regarda sa main ensanglantée d’un air effaré, puis son regard se porta vers le pistolet qui gisait au sol. Ce fut sa seule erreur.

Queek l’atteignit d’un bond et abattit Perce-Nains avec une force terrifiante.

Lorsque Thaxx Griffe Rouge retrouva ses esprits, il était allongé sur le dos, et faisait face aux crocs jaunes et aux yeux rouges de Queek. Le museau du Seigneur de Guerre était à seulement quelques centimètres du sien.

« Je sais reconnaître un cadeau du Clan Skryre lorsqu’il me tire dessus, » feula Queek, « mais qui te l’as donné ? De plus, ce poison sur ton épée pue le Clan Eshin à plein nez. Réponds-moi, et ta mort sera rapide. »

Queek se pencha afin que les mots que Thaxx parvint à prononcer au milieu d’un gargouillis ne fussent audibles que par lui seul. Visiblement satisfait, Queek se redressa, puis retira brutalement la pointe de son arme plantée dans l’abdomen de Thaxx, arrachant dans le même geste les entrailles de celui-ci.

Le Grand Seigneur de Guerre des Huit Pics se dressa fièrement et jeta un regard autoritaire aux spectateurs. « Première meute ! » rugit-il. « Thaxx a trahi le Clan Mors, par conséquent, à partir de maintenant, c’est moi qui vais vous commander. »

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Les Montagnes se Brisent

Le Grand Ost du Roi Belegar

Les Nains qui combattent pour le Roi Belegar sont des vétérans endurcis. La vie est dure à Karak aux Huit Pics, toutefois chaque affrontement est l’occasion de rayer des rancunes passées. Chaque Nain de ce Throng en a accumulé de nombreuses, et compte bien saisir cette occasion de se venger.

Le Roi Belegar
Durggan Ventrefer

Le Roi Belegar
S’il fallait donner une incarnation à la détermination et à la ténacité, elle prendrait l’apparence du Roi Belegar. Quels que soient les dangers et les coups du sort, le Roi de Karak aux Huit Pics n’a jamais perdu espoir. Les années de guerre n’ont fait que renforcer sa détermination à restaurer l’ancien royaume de sa lignée, même si son peuple est entouré d’ennemis et que ses défenses s’écroulent lentement. Tant que Belegar vivra et qu’il brandira le Marteau des Rois, l’espoir demeurera.

La Confrérie de Fer
Les Haches de Norr

Durggan Ventrefer
Ce Maître Ingénieur a un don particulier avec les machines de guerre. Qu’il s’agisse de les réparer, de les positionner sur le champ de bataille ou de les pointer vers l’ennemi, personne ne peut l’égaler. L’odeur de la poudre noire s’accroche à lui, au point qu’on dit qu’il est risqué de fumer la pipe quand on s’approche de lui à moins de dix pas. Lorsqu’il a eu vent des intentions de Belegar de reconquérir Karak aux Huit Pics, Durggan n’a pas hésité à quitter Zhufbar pour se joindre à sa cause.

Les Nattes de Pierre
Golgfag Mangeur d’Hommes

La Confrérie de Fer
Des Nains de toutes origines ont rejoint la Confrérie de Fer, c’est-à-dire la garde rapprochée du Roi Belegar. Ils sont venus pour différentes raisons : protéger le digne héritier de la cité, rejoindre la croisade visant à effacer d’anciennes rancunes, ou simplement prouver qu’ils sont capables de survivre à un des plus rudes champs de bataille du monde. Ceux dont les prouesses martiales leur ont valu une place au sein de ce régiment ont reçu les marteaux cérémoniels forgés au cours de l’âge d’or de Karak aux Huit Pics.

Les Haches de Norr
Ces Brise-Fer sont les plus célèbres membres du Clan Norgrimlings. Leur cri de guerre, « Gand Dammaz, Az Baraz, Norgrimssons-za ! » se traduit littéralement par « Les haches des ancêtres de Norr sont sur vous ! ». Ils combattent pour le Roi Belegar depuis son retour à Karak aux Huit Pics, et se sont taillé une féroce réputation à la bataille de la Porte Est. Commandés par Borrik Norgrim, ils repoussèrent les Peaux-Vertes suffisamment longtemps afin que la citadelle soit reconquise. Ces Brise-Fer sont habitués à protéger les passages souterrains. Ils sont si confiants dans leurs capacités qu’il n’est pas rare que les rangs arrières de leur unité piquent un roupillon pendant leurs interminables tours de garde, en s’appuyant sur les parois des galeries et contre leurs camarades pour rester debout.

Les Nattes de Pierre
Il ne reste que quarante survivants du Clan Nattes de Pierre dans le monde entier, et ils sont tous regroupés au sein d’un seul régiment. Cela ne fait qu’un an que ces Longues Barbes ont rejoint Karak aux Huit Pics pour renforcer ses défenses avec leurs lourdes haches. Ils ne parlent jamais de ce qui est arrivé à leur famille et à leur forteresse, et disent simplement qu’ils ont préféré l’exil au serment du Tueur, car ils souhaitent mourir en portant les couleurs et la bannière de leur clan et de leurs ancêtres.

Golgfag Mangeur d’Hommes
Alors que les Royaumes Ogres sont dévastés par les éruptions volcaniques et que la guerre se répand dans le monde, Golgfag se dirige vers l’ouest. Il a rassemblé une petite armée autour de lui et souhaite vendre ses services au plus offrant. Alors qu’il franchissait le Col de la Mort au milieu d’une violente tempête de neige, on lui a fait une offre qu’il ne pouvait refuser. C’est ainsi que l’Ogre mercenaire le plus célèbre du monde a rejoint Karak aux Huit Pics en comprenant les énormes opportunités qui s’offrent à lui.


Le Grand Ost du Roi Belegar

Belegar Marteau de Fer
Roi de Karak aux Huit Pics

La Confrérie de Fer
Trois régiments de Marteliers

Borrik Norgrum
Thane

Les Haches de Norr
Un régiment de Brise-Fer

Les Fureurs de la Forge
Un régiment de Dracs de Fer

Les Nattes de Pierre
Un régiment de Longues Barbes

Notrigar Angrund Throng
Thane porteur de la Grande Bannière

Le Clan Angrund
Thane Burrogar Belergarsson,
trois régiments de Longues Barbes,
et un régiment de Brise-Fer

Le Clan Zhorrak Tête Bleue
Deux régiments d’Arbalétriers

Le Clan Hodak Throng
Thane Grokki, deux régiments
de Guerriers, un régiment de
Longues Barbes et deux régiments
d’Arquebusiers

Le Clan Zhudak Throng
Deux régiments de Guerriers,
un régiment de Longues Barbes
et un régiment de Mineurs

La Batterie de Ventrefer
Deux Canons et une Catapulte
des Rancunes

La Batterie de Grimhall
Un Canon, une Catapulte des
Rancunes et un Canon Orgue

La Batterie de Thunderhall
Un Canon, un Canon Orgue
et un Canon à Flammes

Golgfag Mangeur d’Hommes

Les Ogres de Golgfag
Deux régiments de Mangeurs
d’Hommes
, une meute de Crocs de
Sabre
, un régiment de Cavaliers
Férox
, un régiment de Ventres-Durs
et un régiment de Crache-Plomb

Première Meute du Clan Mors

Les forces vives du Clan Mors attaquent après une première vague d’esclaves et de parias. D’innombrables meutes de Guerriers des Clans et de Vermines de Choc avancent, soutenues par des armes du Clan Skryre et par des bêtes du Clan Moulder, toutes portant le rouge distinctif du Clan Mors.

Queek Coupe-Têtes
La Garde Rouge
Les Berserks à Queue Noire

Queek Coupe-Têtes
Courageux et rusé, ce qui est assez rare chez un Skaven pour être noté, Queek Coupe-Têtes appuie ses prétentions sur des victoires rapides. Ceux qui lui font défaut connaissent une fin prématurée sous les coups de Perce-Nains, son terrible pic de guerre. Ce Chef de Guerre adepte des combats souterrains n’a sans doute qu’une seule faiblesse, son aversion proclamée des Prophètes Gris. Coupe-Têtes affirme que c’est le Clan Mors qui devrait diriger le Conseil des Treize, puisqu’il s’agit du Clan Guerrier ayant connu la plus grande réussite, et il est persuadé que ce sont les machinations des Prophètes Gris qui l’en empêchent.

Les Rats du Warp
Les Gaziers

La Garde Rouge
Seuls les Skavens les plus féroces peuvent survivre aux combats sanglants sous la Cité des Piliers. Pour rejoindre la troupe d’élite de la Garde Rouge, un Skaven doit être fort, agile et doué au combat. Queek Coupe-Têtes veille personnellement au recrutement et à l’entraînement de ces Vermines de Choc. Il en garde dix meutes en réserve, chacune forte de cent guerriers. Ces Skavens reçoivent les meilleures armes et armures, ainsi que des rations de nourriture quotidiennes. La Garde Rouge sert de garde rapprochée à Queek, ou comme fer-de-lance lors des assauts d’envergure.

Les Tireurs d’Élite de Ssizik

Les Rats du Warp
Il s’agit d’une griffe de Guerriers des Clans du Clan Mors qui est née dans les Terriers Luminescents, au plus profond du repaire du clan. Ce lieu était jadis une des citerne d’eau utilisée par les Nains, mais elle est désormais vide. Cependant, ses parois luisent toujours sous l’effet de l’empoisonnement des anciennes eaux par la Malepierre. Les Rats du Warp ont des yeux qui brillent d’une teinte verdâtre, et peignent leurs boucliers en vert. Étrangement, ils font aussi partie des guerriers les plus riches du clan : alors que les autres régiments peuvent s’estimer heureux s’ils possèdent une seule arme du Clan Skryre, les Rats du Warp alignent pas moins de quatre Mitrailleuses Ratlings.

Les Berserks à Queue Noire
Stratenoire se trouve profondément enfouie sous la montagne nommée Karagril. Il s’agit d’une veine d’un minerai inconnu. Les Skavens du Clan Mors qui vivent là-bas possèdent une queue noire, et chez eux, les breuvages à base de Malepierre provoquent des accès de rage incontrôlés. Ils portent des boucliers triangulaires et des lances sombres comme l’ébène, mais ce qui les rend si particulier est bel et bien leurs capacités d’ingurgitation de potions de Malepierre, et les réactions qu’elles entraînent chez eux. Il leur suffit de les renifler pour se transformer en maniaques écumants insensibles à la douleur. La plupart des Skavens meurent de crise cardiaque au bout de quelques minutes, alors que les Berserks à Queue Noire ne deviennent qu’un peu plus accros à ces décoctions au fil du temps.

Les Tireurs d’Élite de Ssizik
Le Clan Mors a fait appel à ce régiment pour lui assurer une puissance de feu à longue portée. Ces équipes de Jezzails ont rapidement déployé leurs armes, et lâchent des salves avec une précision redoutable. Leur chef est le Technomage Ssizik Œil du Warp. Il fait preuve d’une grande sévérité envers ses troupes, et utilise des Nains ou des Gobelins de la Nuit capturés comme cibles mouvantes lors des entraînements, mais également ses propres tireurs s’ils ne se montrent pas assez doués. Les Nains ont appris à se mettre à couvert lorsqu’ils aperçoivent les pavois portant le symbole du Clan Mors des Tireurs d’Élite de Ssizik, pour éviter de finir avec une balle dans la tête.

Les Gaziers
Le Clan Mors compte sur des équipes de Globadiers pour nettoyer les défenses établies dans les tunnels. La plus efficace d’entre elles a été baptisée les Gaziers. Les invincibles murs de boucliers des Nains et leurs armures en Gromril ne sont d’aucune utilité face aux gaz des Globes de Vents empoisonnés. La vue des Gaziers, avec leurs masques étranges, les tuyaux de leurs respirateurs et leurs paquetages corrodés, suscite la crainte chez leurs ennemis, qui savent que même le guerrier le plus robuste peut être terrassé par les gaz de leurs globes en verre.


Première Meute du Clan Mors

Queek Coupe-Tête
Seigneur de Guerre du Clan Mors

La Garde Rouge
Dix griffes de Vermines de Choc

Les Rats du Warp
Une griffe de Guerriers des Clans
et quatre Mitrailleuses Ratlings

Les Berserks à Queue Noire
Deux griffes de Guerriers des Clans

Les Tireurs d’Élite de Ssizik
Technomage Ssizik Œil du Warp
et trois équipes de Jezzails

Les Gaziers
Une griffe de Globadiers

Rotrik le Lacérateur
Porteur de la Grande Bannière
du Clan Mors

Le Premier Croc
Seigneur de Guerre Niktz
Queue Pointue, six griffes de Guerriers
des Clans, une griffe de Rats Géants
et une légion d’Esclaves

Le Second Croc
Seigneur de Guerre Skree,
quatre griffes de Guerriers de Clans,
deux griffes de Vermines de Choc
et une griffe de Globadiers

La Horde de Griffe Rouge
Treize griffes de Guerriers des Clans,
cinq Mitrailleuses Ratlings,
trois Mortiers à Globes empoisonnés,
et cinq griffes de Vermines de Choc

Les Peaux de Fer
Chef de Guerre Ikk l’Écorcheur,
et trois griffes de Vermines de Choc

Les Dos Pointus
Seigneur de Guerre Vremix,cinq
griffes de Guerriers des Clans, deux
Lance-Feu et deux Mortiers à Globes
empoisonnés

Les Bêtes
Maître de Meute Grootose,
huit griffes de Rats Géants,
trois griffes de Rats-Ogres,
deux Abominations de Malefosse
et deux meutes de Rats-Loups

Les Frondeurs
Dix légions d’Esclaves



Jusqu’à présent, les batailles de Karak aux Huit Pics avaient été des escarmouches. Cela allait changer dans le Hall du Clan Skalfdon.
Jusqu’à présent, les batailles de Karak aux Huit Pics avaient été des escarmouches. Cela allait changer dans le Hall du Clan Skalfdon.

L’armée du Roi Belegar était de loin la moins nombreuse, mais elle alignait les troupes les mieux protégées et les plus redoutables. La tactique du Roi consistant à défendre des points stratégiques était donc logique. De plus, les pièges des Ingénieurs Nains avaient provoqué de lourdes pertes chez l’ennemi. Les Nains avaient consenti à battre en retraite, mais cela aussi faisait partie de leur plan. Une armée Skaven se rassemblait et fonçait vers le grand Hall, précisément là où Belegar voulait qu’elle aille…

Le Roi prit position au centre de la ligne de bataille, au milieu de la Confrérie de Fer. Son cousin, le Thane Notrigar, portait fièrement la Bannière du Marteau-de-Fer, afin que l’adversaire sache qu’il allait affronter le digne Roi de Karak aux Huit Pics. Belegar passa ses troupes en revue. C’était un grand Throng, pourtant il paraissait minuscule au milieu du vaste hall, car ce dernier avait été creusé à une époque ou Karak aux Huit Pics pouvait accueillir des millions de Nains. Le Roi scruta ensuite l’autre extrémité de l’immense salle, là où les premiers tirailleurs ennemis commençaient à arriver par les tunnels. Les hommes-rats trottaient prudemment entre les décombres en humant l’air, puis grimpaient au sommet de colonnes brisées pour observer l’armée de Nains déployée au bout du hall.

Belegar bouillonnait de colère en les regardant envahir la salle. C’étaient des créatures repoussantes et veules, mais ce n’était pas cela qui l’irritait. En vérité, il avait conscience que la cité était désormais davantage le domaine des Skavens que celui des Nains. Il suffisait de voir l’aisance avec laquelle les hommes-rats arpentaient les décombres. La vue de ces créatures le dérangeait autant qu’un éclat de pierre sous l’ongle d’un mineur. Comme tous les Nains, Belegar aimait le travail bien fait. Il admirait les choses ciselées, alors que les hommes-rats ne cherchaient qu’à détruire, à souiller et à répandre l’entropie. Ils ne construisaient rien qui fût fait pour durer, car leurs royaumes étaient toujours sis sur les ruines de la civilisation. Il paraissait injuste que les Skavens fussent destinés à survivre, en se raccrochant aux débris de l’histoire, tandis que les races plus sages et plus civilisées étaient destinées à sombrer dans les abysses de l’oubli. Voir ces agiles créatures accroupies sur les bustes de statues ancestrales brisées le rendait malade. Le contact de leurs griffes sur la pierre sacrée s’apparentait à une horrible profanation. Il allait les faire payer pour leur témérité.

Désormais, un flot ininterrompu de Skavens se déversait des tunnels. La marée de vermine ressemblait à des jets d’eau jaillissant de failles dans un barrage, et qui emplissaient le hall d’un liquide poilu et miteux. L’avant-garde était constituée de nuées d’esclaves et de Rats Géants. Ils étaient si nombreux qu’ils se montaient dessus les uns les autres. Cependant, Belegar pouvait voir que les troupes qui suivaient étaient mieux ordonnées. Une ruse maléfique semblait guider les Skavens de l’avant-garde, tandis que derrière eux, des régiments de Guerriers des Clans et de Vermines de Choc investissaient le hall.

Le Roi Nain distinguait les innombrables totems du Clan Mors. Il était étonné d’en reconnaître la plupart. Sur le flanc gauche se trouvaient les Dos Pointus et les Griffes Rouges, des guerriers qui avaient déjà fait une incursion dans le domaine des Nains six mois auparavant. Leur intrusion s’était faite dans le cadre d’une alliance momentanée entre les hommes-rats et les Peaux-Vertes. Tous les Nains détestaient particulièrement ces Skavens, car ils avaient tué Yorrik le Maître Brasseur au cours de cette attaque. Même s’il était trop loin pour le voir, Belegar se doutait que des morceaux de Yorrik devaient décorer l’étendard des Dos Pointus. Il aperçut aussi le symbole des Heaumes Rouillés, des Vermines de Choc qui avaient réussi à piller une des armureries et à dérober un grand nombre de cottes de mailles irremplaçables. Le Roi ne savait pas que depuis, les hommes-rats s’étaient fait renommer les Peaux de Fer, cependant il nota que beaucoup portaient des pièces d’armures Naines rivetées sur leurs protections miteuses. Les têtes des bannières et les boucliers des Skavens lui rappelaient également bon nombre de rancunes tenaces.

Finalement, le Roi décela l’étendard du Clan Mors et la Garde Rouge, qu’il ne connaissait que trop bien. Cela lui suffit pour deviner quel Seigneur de Guerre menait l’attaque. D’une seule voix, les Nains reprirent en chœur leur cri de guerre, frappèrent leurs boucliers avec leurs haches et tapèrent des pieds dans un bruit de tonnerre : eux aussi avaient compris que le plus détestable de tous les chefs Skavens était présent sur le champ de bataille.

De l’autre côté du Hall du Clan Skalfdon, Queek entendit le vacarme et sut que ses ennemis l’avaient repéré. Bombant fièrement le torse, il continua de donner des ordres et de mettre en place sa ligne de bataille. Maintenant que les Nains avaient été débusqués, il n’avait plus qu’à les écraser. Si tout se passait bien, d’ici quelques heures, il serait repu de chair Naine et de nouvelles têtes viendraient décorer son râtelier à trophées. Le sol tremblait doucement sous ses pieds, signe qu’une horde de vermine allait peut-être bientôt jaillir de terre. Une nouvelle voie d’accès pour des renforts serait utile, et si les tunneliers parvenaient à sortir au beau milieu des lignes des Nains, voire derrière elles, les Skavens pourraient les exterminer encore plus rapidement.

Alors qu’il cheminait orgueilleusement, il était tout de même conscient que s’il n’obtenait pas une victoire rapide, les Nains pourraient battre en retraite derrière d’autres portes fortifiées, et tout serait à refaire. Certes, la victoire des Skavens était inéluctable, mais Queek savait que les Nains ne capituleraient jamais, et qu’il allait devoir empaler toutes leurs têtes sur des piques pour se débarrasser d’eux.

Une fois qu’une horde suffisante se fût rassemblée à l’avant, Queek donna le signal. Des couinements aigus, des cloches dissonantes et des gongs résonnèrent au-dessus des lignes des hommes-rats, jusque dans les galeries derrière eux. Quelques secondes plus tard, l’immense première vague d’esclaves et de Rats Géants se mit en branle en direction du Throng. Les Nains observaient en silence. Le hall était si vaste que l’artillerie ne pouvait pas tirer tant que les Skavens sortaient par les tunnels. Les Nains avaient déjà estimé les différentes distances. Les Canons et les Catapultes des Rancunes pourraient ouvrir le feu lorsque les hommes-rats atteindraient la statue brisée du Dieu Ancestral, tandis que les Canons Orgues devraient attendre qu’ils dépassent la plus grande pile de gravats. Les Nains étaient des gens prévoyants. Les servants de leurs machines de guerre et le Maître Ingénieur Durggan connaissaient les capacités de leurs engins sur le bout des doigts. Ils avaient même anticipé les différentes bourrasques d’air qui pourraient souffler subitement.

Les Canons Nains avaient donc synchronisé leur première salve avec la vitesse moyenne de l’ennemi, et ils ouvrirent le feu à l’unisson. Les lignes des Nains regardaient impassiblement les boulets qui traçaient des sillons sanglants dans les formations adverses. Les tirs des catapultes suivirent quelques secondes plus tard. Le claquement sec qui accompagnait leurs tirs fut inaudible au milieu du tonnerre des canons, et peu d’hommes-rats remarquèrent les rochers qui décrivirent des trajectoires paraboliques dans les airs. À l’impact, ces projectiles explosèrent en centaines d’éclats tranchants qui lacérèrent les hommes-rats. Les servants étaient trop occupés à amener des tonnelets de poudre, à recharger les fûts et à retendre les crémaillères pour apprécier le carnage qu’ils provoquaient. De toute façon, ils savaient pertinemment que cela ne suffirait pas. En sueur malgré la fraîcheur de l’immense salle souterraine, ils s’activaient et exécutaient des gestes précis.

Le crépitement des Jezzails se joignit au vacarme, et des balles traçantes vertes strièrent les airs. Plusieurs rebondirent sur le bouclier runique de Belegar, mais autour de lui, d’autres balles pénétraient les armures et les protections de ses guerriers, dont plusieurs s’effondrèrent. Les Arbalétriers ripostèrent contre les esclaves et les Rats Géants. Ce fut ensuite au tour des arquebuses, dont les nuages de fumée ne tardèrent pas à recouvrir les lignes des Nains. De nombreux Skavens périrent et d’autres tournèrent les talons, cependant le plus gros de la horde continua d’avancer. Sur le flanc droit, le Canon à Flammes projeta un jet incandescent qui engloutit tout un régiment. Belegar était suffisamment proche pour voir un des hommes-rats en périphérie des flammes se rouler par terre en hurlant. Les lambeaux de chair brûlée se détachaient de ses os, qui à leur tour noircissaient et étaient réduits en cendre. Au même instant, il vit clairement les lueurs démentes dans les yeux des Skavens survivants ; leurs gueules écumantes. Puis il tourna le regard vers ses guerriers qui attendaient stoïquement. Et soudain, la violence de la mêlée l’entoura.

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Les Rats-Ogres se dirigent vers les Nains.
Le tumulte des corps à corps éclata le long de la ligne de bataille des Nains.

La bataille dans le Hall du Clan Skalfdon était sauvage et sans merci. Les Nains blessés qui tombaient au sol n’avaient jamais l’occasion de se relever. Ils périssaient piétinés, transpercés par les lances, décapités ou traînés loin du combat pour être dévorés vivants.

Même après l’assaut de la première vague et son extermination, les Skavens écrasaient toujours les Nains sous le poids du nombre. Pourtant, au cours des premières heures de combats, les troupes supérieures et les excellentes armures des Nains annulèrent cet avantage numérique. Belegar et ses guerriers étaient animés par une haine profonde, si bien qu’ils ne ressentaient ni la peur, ni la douleur. Pendant ces quelques heures, le hall résonna des chants guerriers des Nains, la joie féroce d’un peuple fier, et ils abattirent tous les ennemis qui vinrent les défier. Les haches tranchaient les membres tandis que les marteaux broyaient les crânes. Les boucliers en bois se pressaient contre les écus en acier Nain.

Queek envoyait sans cesse des renforts dans ce creuset de violence. Il se tenait sur un monticule de détritus afin de diriger l’assaut et de coordonner ses réserves. Il savait que ces dernières étaient dix fois plus nombreuses que les troupes qu’il avait déjà envoyées à la mort. Derrière Queek, les hordes s’étiraient sur des kilomètres dans les galeries. Les Skavens se bousculaient en avançant, avides de déchiqueter la chair des Nains.

Et ce n’était que la première meute, une portion des forces à la disposition de Queek. Il était persuadé que pour leur part, les Nains n’avaient presque pas de réserves. Chaque griffe qui était engloutie par les combats emmenait avec elle une poignée de vétérans Nains irremplaçable, et il y avait toujours plus de Skavens prêts à se ruer au combat. À chaque souffle de vent chaud, Queek savait qu’une équipe de Lance-Feu venait de provoquer de nouvelles pertes chez l’ennemi. Coupe-Têtes était certain que s’il ne relâchait pas la pression, les Nains finiraient par craquer en dépit de leur ténacité légendaire. À chaque nouvelle vague d’assaut, il savait que ce moment fatidique se rapprochait.

Un son terrifiant attira l’attention des combattants qui pouvaient se permettre de détourner la tête un instant. Grootose du Clan Moulder avait enfin décidé de lancer ses meilleurs spécimens dans la mêlée. Le Grand Maître Corrupteur lâcha deux Abominations de Malefosse. Ces montagnes de chairs cousues avancèrent pesamment tandis que leurs innombrables gueules lançaient des piaillements aigus. La vision de ces horreurs fit frémir même le plus déterminé des Nains. Les Abominations étaient des choses horribles à contempler alors qu’elles se traînaient sur le sol inégal.

De plus, contre toute attente, les Abominations étaient bien plus rapides qu’on pouvait croire. Le moindre de leurs mouvements semblait leur infliger des douleurs atroces, tout comme le simple fait de respirer. Et c’était sans doute le cas, car tandis que les Nains les regardaient, de nouvelles têtes rouges et luisantes poussaient au milieu des replis de chair, et piaulaient de colère suite à cette naissance douloureuse. Cependant, les souffrances continuelles de ces créatures ne les empêchaient pas d’avancer. Au contraire, elles paraissaient poussées en avant par une rage sans fin.

Les canons de la Batterie Grimhall tirèrent plusieurs boulets contre le torse de l’Abomination de Malefosse la plus proche. Les boulets forèrent des trous dans le corps du monstre, et la puissance des impacts faillit le renverser. Alors qu’il beuglait de colère en se redressant, on pouvait voir non pas du sang, mais des nuées de rats jaillir de ses blessures. La vermine recouvrit le corps du monstre en dévorant ses lambeaux de chair pendants, et peu à peu, de nouveaux tissus vinrent les recouvrir. Sous les replis nouvellement constitués, il était encore possible de distinguer les corps des rats qui se contorsionnaient. Les deux Abominations percutèrent les lignes des Nains avec la force d’une avalanche. Leurs têtes aveugles frappaient au hasard tandis que leurs corps bouffis s’abattaient sur les murs de boucliers dans un raz-de-marée de chairs difformes. Les deux monstres s’enfoncèrent dans les formations des Nains tels des rongeurs s’enfouissant dans un cadavre.

À droite de la garde personnelle de Belegar, des Nains coiffés de casques bleus et maniant des arbalètes tentèrent d’abattre les Rats-Ogres qui se dirigeaient vers eux. Plusieurs bêtes s’effondrèrent, percées par une dizaine de traits, mais les autres atteignirent l’ennemi. Les créatures droguées possédaient une musculature surnaturelle et déchiquetèrent les Nains à coups de griffes. Les entrailles et les membres volaient dans toutes les directions. Les derniers Arbalétriers tentèrent de fuir, mais ils furent rattrapés et piétinés dans leur course. Il n’y avait pas de réserves disponibles chez les Nains pour combler cette brèche, si bien que les Rats-Ogres fous furieux plongèrent dans le flanc droit de la Confrérie de Fer.

Une fois la garde personnelle du Roi engagée au corps à corps, Queek sut qu’il était temps de frapper. La ligne de bataille des Nains flanchait. jusqu’à présent, le Roi et sa garde avaient été en mesure d’écraser plusieurs griffes, mais désormais, ils étaient bloqués face aux Rats-Ogres. Il était temps d’attaquer le centre de l’armée Naine. Au signal de Queek, une nouvelle vague d’assaut s’élança derrière la Garde Rouge et son Seigneur de Guerre afin de s’en prendre directement à Belegar.

Golgfag entre dans la danse…
Voyant que ses troupes faiblissaient, Belegar fit un signe de tête à l’intention de son porte-étendard, qui relaya son ordre. Le cor d’or de la Confrérie de Fer avait été étrangement silencieux jusqu’à présent, mais il sonna enfin. Un son clair s’éleva vers les hauteurs de l’immense hall. Quelques secondes plus tard, les Portes de Skalfdon s’ouvrirent. Des mécanismes et des poulies levèrent les énormes battants, et une lumière dorée inonda le champ de bataille. On put entrapercevoir les halls qui se situaient au-delà, cependant les Skavens virent surtout les énormes silhouettes qui franchirent le seuil.

Il avait fallu à Belegar une quantité d’or astronomique et plusieurs dizaines de tonneaux de bière pour convaincre Golgfag Mangeur d'Hommes et ses mercenaires de se joindre à lui. Et par chance, l’Ogre avait accepté le marché.

Cela avait été choix difficile pour Belegar, car aucun Nain n’accepte facilement de céder une partie de son trésor. De plus, les Nains avaient accumulé un certain nombre de rancunes à l’égard des Ogres, notamment à l’encontre du célèbre Golgfag. Toutefois, la situation de Belegar était si désespérée qu’il n’avait guère le choix. Il avait besoin d’alliés, même s’il devait les payer. Le Roi Nain avait posé une seule condition, en refusant catégoriquement que des Gnoblars pénètrent dans son royaume ancestral. Sans surprise, le capitaine Ogre s’était servi de cette demande pour négocier, et avait forcé Belegar à céder toujours plus d’or, soi-disant en guise de compensation pour le tort que causait à Golgfag l’abandon de ses Gnoblars chéris. En dépit des protestations véhémentes de l’Ogre, Belegar était certain que les Gnoblars avaient finalement terminé leur existence dans son estomac. Cependant, cela n’avait plus la moindre importance désormais.

Les Ogres ne perdirent pas de temps et se mirent à l’œuvre dès qu’ils pénétrèrent dans le Hall du Clan Skalfdon. Ils se ruèrent au combat en beuglant. Leurs massues et leurs gros poings envoyèrent des cadavres désarticulés de Skavens voler dans les airs. Un trio équipé de canons lâcha des salves de mitraille sur les Guerriers des Clans, et tout un régiment périt, percé par une grêle de shrapnels. Des Rats-Loups menaçaient le flanc de la Batterie Ventrefer, toutefois une contre-attaque d’une meute de Crocs de Sabre suffit à chasser les bêtes mutantes. Les Cavaliers Férox percutèrent les lignes des Skavens sans que ces derniers parviennent à les stopper. Pourtant, parmi tous les régiments d’Ogres, aucun n’était aussi féroce que Golgfag et ses Mangeurs d’Hommes. Ces mercenaires disloquaient les formations ennemies avec brutalité terrifiante, et avec une efficacité redoutable en dépit de leurs armements et de leurs styles de combat très différents.

Queek Coupe-Têtes ne vit que partiellement ce retournement de situation, car il venait d’atteindre la Confrérie de Fer à la tête de sa Garde Rouge. Les Nains qu’il affrontait étaient d’excellents guerriers, qui plus est équipés de marteaux runiques capables de fracasser un bouclier et tout Skaven qui se cachait derrière. Un seul de ces Marteliers aurait pu tenir tête à lui seul à une dizaine de Guerriers des Clans. Néanmoins, c’était Queek Coupe-Têtes et sa Garde Rouge qu’ils affrontaient à présent. Perce-Nains poinçonnait aisément même les armures de plates en Gromril, et plus de dix vaillants Marteliers étaient déjà tombés sous les coups du Seigneur de la Cité des Piliers tandis qu’il se taillait un chemin vers le Roi Belegar.

La Garde Rouge était composée de guerriers d’élite qui avaient déjà capturé les étendards de Brise-Fer, abattu des Géants, et dont certains membres portaient des colliers en crocs d’Orques Noirs. Malgré tout, ils n’étaient pas de taille face à la Confrérie de Fer. Cinq fois plus de Skavens que de Nains mouraient dans ce combat. Les marteaux broyaient les crânes et fracassaient les armures des hommes-rats, et sans la présence autoritaire de Queek et celle des derniers Rats-Ogres sur le flanc des Nains, la Garde Rouge n’eût pas tenu bon plus de quelques minutes.

Ainsi, grâce au poids du nombre et à la présence de Queek, les rangs arrières de la Garde Rouge continuaient de combler les brèches. Cela donna suffisamment de temps à Queek pour atteindre sa proie.

Queek se déplaçait avec une grâce mortelle. En comparaison, les Nains semblaient lents et maladroits. Ils étaient ralentis par leurs lourdes armures, et abattaient leurs marteaux avec un manque de vivacité flagrant. Le Seigneur de Guerre du Clan Mors bondit par-dessus un membre de la Confrérie de Fer, et prit appui sur le casque et l’épaule du Nain avant qu’il puisse réagir. Alors qu’il bondissait de nouveau, il frappa et tua deux autres adversaires, puis atterrit et se baissa pour esquiver un coup de marteau. En quelques coups, trois Nains de plus périrent. Queek se retrouva enfin face au Roi Belegar Marteau-de-Fer. La bataille faisait rage autour des deux protagonistes, mais les guerriers des deux camps surent instinctivement que leurs chefs ne souhaitaient pas qu’on vienne leur prêter main-forte dans le duel à mort qui s’annonçait.

Le Roi Nain se mit en garde. Seule la lueur de haine dans son regard indiquait que son stoïcisme pouvait céder à tout instant. Queek adorait ces quelques secondes avant la mise à mort. Il aimait lancer son défi au visage de l’adversaire, se délectait de son regard affolé lorsqu’il lui ôtait la vie. Le Seigneur de Guerre croisa ses armes en guise de salut, puis découvrit ses crocs et se mit en garde à son tour.

Le Roi Belegar Marteau-de-Fer affronte…
… le Coupe-Têtes.
Il attaqua à une vitesse époustouflante, toutefois Belegar anticipait le moindre de ses coups et les contrait avec son bouclier. Ce fut d’ailleurs le Roi Nain qui porta le premier coup au but : un revers du Marteau d’Angrund fendit l’épaulière de Queek. Les deux combattants se séparèrent en titubant. Queek avait été sonné par la force du coup tandis que Belegar souffrait à cause de la décharge que lui avait envoyé l’armure magique. À cinq reprises, Queek fut certain d’avoir porté un coup avec succès, mais à chaque fois, Belegar le para avec son bouclier. Seules quelques éraflures sur l’écu témoignaient des efforts de Queek, par conséquent le Skaven décida de pousser son adversaire à la faute. Il lui lança des injures à propos de leurs affrontements précédents, et lui raconta par le menu comment il avait tué son frère. Belegar regarda furtivement le crâne auquel était encore accrochée une barbe miteuse, et qui pendait du râtelier à trophées de Queek. Submergé par la rage et la frustration de ne pas parvenir à vaincre rapidement son adversaire, Belegar commit une petite erreur. C’était tout ce dont Queek avait besoin pour prendre l’ascendant.

Parant un coup de l’homme-rat avec son bouclier, Belegar se prépara à une contre-attaque de Perce-Nains. Au lieu de cela, Queek effectua une pirouette et passa à l’intérieur de la garde du Nain, puis frappa son adversaire avec la pointe de son pic de guerre. Il fut repoussé brutalement par un coup de bouclier, et roula au sol. Son heaume s’était déformé sous la violence du coup. Cependant, alors qu’il se relevait, Queek vit que ses efforts avaient payé : la pointe de son pic de guerre était maculée du sang de Belegar, qu’il lécha avidement. Perce-Nains avait prouvé son efficacité une fois que Queek avait réussi à outrepasser le bouclier or et azur de Belegar. L’arme magique avait aisément transpercé l’armure en Gromril, et blessé le Roi Nain au flanc. Belegar saignait abondamment mais n’abdiquait pas. Rassemblant ses dernières forces et poussé par le désespoir, il se rua vers son adversaire.

Queek regarda rapidement autour de lui. Il avait beau être arrogant, il n’était pas stupide. Il savait qu’il était en mesure de vaincre le Roi Nain, mais bien que ce dernier fût blessé, cela allait lui demander au moins quelques minutes de plus. Et d’après ce qu’il voyait, Queek pouvait déduire qu’il n’avait pas une seconde à perdre. L’arrivée des Ogres avait renforcé la ligne de bataille des Nains. Quelques minutes plus tôt, la Confrérie de Fer était cernée par ses ennemis, et formait un îlot de résistance au milieu d’une mer de Skavens. Maintenant, la situation s’était inversée. Les Nains contre-attaquaient en force et parvenaient même à mettre en déroute des régiments entiers. Queek menaçait d’être encerclé par ses adversaires.

La Garde Rouge succombait sous les coups de marteau, qui se firent plus violents lorsque les Nains virent leur Roi en mauvaise posture. Les autres adversaires des Marteliers avaient été vaincus, par conséquent il ne restait que les Vermines de Choc pour s’opposer à eux. Queek était conscient que sa garde personnelle pouvait tourner les talons à tout instant, et qu’il risquait de se retrouver seul au milieu des Nains.

Queek esquiva la charge de Belegar et ordonna à ses troupes de battre en retraite. Et il ne faut pas dire deux fois à un Skaven de fuir pour qu’il s’exécute. L’intégralité de la Garde Rouge se carapata avec une discipline remarquable, chacun de ses membres tentant de distancer ses camarades. Privé de sa proie, Coupe-Têtes refusa cependant de partir sans trophée. Il sauta par-dessus ceux qui tentaient de lui bloquer le passage et frappa avec son épée. Le coup décapita le Thane Notrigar, le porte-étendard et parent de Belegar. La tête vola à une dizaine de mètres, et atterrit au milieu des Gardes Rouges. Une des Vermines de Choc s’en empara avant de continuer à détaler. La bannière du Clan Angrund tomba au sol. Les Nains alentours se précipitèrent pour la redresser, ce qui donna le temps à Queek de s’échapper.

Les Ogres avaient renversé le cours de la bataille. L’armée des Skavens battait en retraite en bon ordre, ou résistait encore en quelques endroits. Les équipes de Jezzails de Ssizik s’étaient positionnées sur une grande pile de décombres et continuaient de tirer sur les Ogres. Il fallait plusieurs coups au but pour abattre une des brutes tandis qu’elles réduisaient en pulpe les Skavens en fuite. Une des Abominations avait empêché tout un flanc des Nains de poursuivre l’ennemi, mais elle avait finalement succombé sous les coups de hache des Nattes de Pierre. En revanche, la seconde Abomination continuait de semer la mort sans que les pioches de Mineurs ou les boulets de canon parvinssent à la tuer. Constatant qu’il était inutile de poursuivre l’ennemi, Belegar ordonna à ses Marteliers de se diriger vers le monstre. L’immense créature écrasa plusieurs Nains sous son corps bouffi, malgré tout le Roi et ses guerriers réussirent à l’achever, en brisant ses nombreuses têtes à coups de marteau.

C’est alors que les Nains sentirent le sol trembler de plus en plus. Tous les Skavens s’arrêtèrent, même ceux qui couraient encore comme des dératés quelques secondes plus tôt, car ils avaient senti eux aussi les vibrations dans la terre. Celles-ci se muèrent en une secousse de plus en plus violente. Même les Ogres, qui pourtant n’étaient pas les plus fines des créatures, notèrent leurs ventres qui tressautaient et les fissures qui s’ouvraient dans le sol. Des monticules de pierres s’élevèrent tandis que plusieurs tunnels apparaissaient dans le hall. Les Skavens reformèrent leurs rangs en couinant d’excitation.

Le Verminarque nommé Soothgnawer regardait son plan se dérouler dans la boule de cristal. Il serait bientôt temps pour le Prophète Gris Kranskritt de se manifester. La voix qui résonna dans les ombres le fit sursauter.

« Ta marionnette a mené le Gobelin à travers les tunnels ? Pourquoi ? »

Pendant un instant, Soothgnawer perdit sa composition. Un éclair noir crépita. Aucune créature mortelle, pas même le Maître Assassin Snikch, ne pouvait s’approcher d’un Verminarque sans être vu. Le Verminarque Maledevin avait le pouvoir de lire le futur et les pensées. Qui était donc cet intrus ?

« Ahhhh, » dit Soothgnawer en décelant finalement l’origine de la voix, ainsi que la silhouette qui venait de le déranger dans ses observations. « C’est toi, Lurklox. Oui-oui. Cela explique bien des choses. Maintenant je comprends comment Queek a trouvé Thaxx aussi rapidement. Je ne pouvais pas le prédire… »

Lurklox ne sortit pas des ombres, car il était l’ombre. Il se dévoila en pleine lumière. Il était le couteau dans l’obscurité, la chose qui arpentait les ténèbres. Bien peu de mortels et d’immortels l’avaient vu et avaient survécu à une telle rencontre. « Parle-moi de ton plan avec le Gobelin. » demanda-t-il.

Pendant un instant, le Verminarque Maledevin considéra l’éventualité de s’attaquer à Lurklox, mais il chassa cette pensée. « J’essaie de restituer un siège aux Prophètes Gris au Conseil des Treize, et le Clan Mors s’y oppose. Ronj Creuse-les-terriers est contre moi. Et dans cette bataille, » poursuivit Soothgnawer en brandissant la boule de cristal, « Kranskritt arrivera pour l’arrêter. Coupe-Têtes sera obligé de reconsidérer son alliance avec les Prophètes Gris. »

En vérité, le plan était de laisser les choses-vertes se battre contre Queek et les choses-barbes, afin qu’il apparaisse à la fin de la bataille et achève les survivants. Ainsi, Kranskritt pourrait s’arroger la victoire. Cependant, Soothgnawer ne pouvait décemment pas révéler cette partie du plan à Lurklox.

En revanche, maintenant qu’il savait que Queek avait un bienfaiteur, il avait besoin de faire quelques ajustements de dernière minute à son plan.

Le Maître Assassin Snikch

Alors que les Skavens lancent leur assaut contre les races de la surface, on se doute que le maître assassin du Clan Eshin a reçu une mission secrète. Le temps s’écoule sans qu’on reçoive aucune nouvelle de lui, et des rumeurs commencent à se propager, certaines faisant état de sa mort dans des contrées lointaines. Cependant, les plus perspicaces savent bien que le Clan Eshin se contente simplement de garder son atout le plus précieux par-devers lui, afin de l’utiliser au moment opportun pour ravir le siège du Conseil.

Les dalles en pierre du sol étaient soulevées alors que des tas de terre semblables aux excavations de taupes géantes se formaient partout dans le Hall du Clan Skalfdon. Une lueur surnaturelle apparut au sommet du monticule le plus au nord. Dans un éclair de lumière verte, un trou béant apparut. Pendant quelques instants, seule de la fumée en sortit, puis des formes s’extirpèrent. Ce n’étaient pas des Skavens, mais des orbes rouges dotés de deux pieds et d’une gueule béante : des Squigs ! Ils bondirent sur leurs pattes musclées en direction d’une formation d’Arquebusiers. Les Nains n’eurent pas le temps de charger leurs armes et disparurent sous une nuée de créatures rouges dotées de crocs grands comme des dagues. Certains Squigs étaient chevauchés par des Gobelins de la Nuit, dont les robes et les capuches noires volaient au vent tandis que leurs montures bondissaient en tous sens. Des bandes d’archers Gobelins émergèrent ensuite des tunnels, et tirèrent des grêles de flèches sur les Nains pris au dépourvu.

Skarsnik, le Seigneur autoproclamé des Huit Pics, s’était enfin joint à la bataille à la tête de l’intégralité de la tribu de la Lune Crochue.

Skarsnik, le Seigneur autoproclamé des Huit Pics, apparaît enfin.
Le plus puissant Chef de Guerre Gobelin de la Nuit de tous les temps avait lancé sa Waaagh!, appelant à lui non seulement des multitudes de Gobelins de la Nuit, mais aussi toutes sortes de monstres et de Peaux-Vertes. Des tribus Orques des Terres Arides, des Gobelins des Forêts et des Orques Noirs des Terres Sombres envahirent le hall.

Il était difficile de dire combien d’entrées de tunnels venaient d’apparaître, toutefois l’une d’elles apparut précisément au pied de la Porte Skalfdon. Des Gobelins de la Nuit portant le symbole de la Lune Crochue en jaillirent et formèrent une forêt de lances. Ils apparurent si près des formations de Nains qu’ils lâchèrent immédiatement leurs Fanatiques gavés de bière de champignon, dont les boulets fixés au bout de longues chaînes commencèrent à semer la mort.

Skarsnik apparut enfin. Il pointa son aiguillon et envoya un éclair vert qui arracha tout un pan de maçonnerie au plafond. Belegar était dressé sur le cadavre de l’Abomination qu’il venait d’abattre, et reconnut immédiatement un de ses ennemis jurés. Il pensa que l’éclair de Skarsnik était destiné à faire s’effondrer le plafond, et ce n’est qu’après qu’il comprit ce que ce geste signifiait en réalité.

L’éclair vert était un signal. En plus d’annoncer de façon théâtrale l’arrivée de Skarsnik sur le champ de bataille, il indiquait aux Ogres que le moment de changer de camp était arrivé.

Jusqu’alors, les Mangeurs d’Hommes et les Brise-Fer avaient combattu côte à côte contre la vermine. Désormais, sans crier gare, les Ogres tournèrent leurs armes contre les Nains, et en tuèrent plusieurs avant que ceux-ci réalisent leur trahison. Au bout de plusieurs heures, la véritable bataille du Hall du Clan Skalfdon débutait enfin.

L’arrivée de Skarsnik chamboulait totalement les plans de Belegar. Le changement d’allégeance des Ogres était inattendu, non pas parce que le Roi Nain leur faisait confiance, mais parce qu’il ne savait pas quand ses ennemis avaient pu rencontrer ces brutes.

Sa colère en constatant la trahison était une rancune de plus, pourtant celle-ci palissait en comparaison de la haine que Belegar et ses guerriers éprouvaient envers leurs ennemis jurés : les Skavens et les Peaux-Vertes. Dans leur rage, beaucoup de Nains firent fi de leur survie, et souhaitèrent uniquement enfoncer leurs haches dans les crânes des envahisseurs de leur domaine ancestral. Néanmoins, Belegar n’oubliait pas son devoir et envisageait de faire sonner la retraite. Celle-ci était désormais risquée, car le couloir de retraite des Nains était bloqué. Les tunnels des Gobelins débouchaient entre le Throng et les portes qui menaient à l’intérieur de la citadelle.

De plus, ces nouvelles galeries avaient divisé l’armée des Nains. Les deux tiers se trouvaient avec Belegar dans le coin nord-ouest du hall, alors que le troisième tiers formait une ligne de bataille à l’opposé. Le Maître Ingénieur Durggan Ventrefer en avait pris le commandement, et ordonnait à ses pièces d’artillerie de tirer sans discontinuer. Des boulets de canon et des jets de flammes dévastaient les rangs des Peaux-Vertes qui arrivaient par les tunnels fraîchement creusés.

La situation était désastreuse, toutefois Belegar avait encore un atout dans sa manche. Alors qu’il pesait le pour et le contre, l’Abomination qu’il avait tuée quelques minutes plus tôt poussa un rugissement et ressuscita.

Partout dans le hall, les Skavens s’étaient remis en formation, y compris Queek Coupe-Têtes et sa Garde Rouge. Des griffes en provenance des réserves permettaient à l’ost des Skavens d’être aussi populeux qu’au début de la bataille. Cependant, pour atteindre les Nains, les hommes-rats devaient se frayer un passage à travers les Gobelins. Cela ne dérangeait pas Queek, qui se mit en devoir de massacrer les Peaux-Vertes à la tête de ses Vermines de Choc.

Pour sa part, Skarsnik était dans son élément. Une bonne embuscade était pour lui le meilleur moyen de débuter un combat. Il se tenait dressé sur les gravats d’une statue de nabot, à côté de son énorme Squig des cavernes, Gobbla. Entre deux ordres lancés à ses guerriers, Skarsnik projetait des éclairs verts avec son aiguillon. Peut-être les Vents de Magie soufflaient-ils particulièrement fort, ou alors la présence de tant de Peaux-Vertes décuplait les pouvoirs de l’arme, toujours est-il que l’aiguillon tirait des rayons terriblement destructeurs. Un seul tir vaporisa toute une meute de Rats Géants, et un autre fit exploser le Canon à Flammes de la Batterie Thunderhall. La conflagration fut telle qu’elle fit trembler tout le hall. Et tandis qu’il déchaînait la foudre, Skarsnik gloussait et ricanait comme un dément.

L’armée de Peaux-Vertes qui surgissait des tunnels grossissait à chaque instant. Les archers Gobelins en robes noires et les unités de lanciers étaient innombrables. Les Gobelins de la Nuit portaient sur leurs boucliers et leurs bannières le symbole de la Lune Crochue, mais il y avait aussi d’autres tribus. Des bandes d’Orques poussaient leurs petits congénères pour passer en première ligne. Les icônes peintes sur leurs boucliers en bois indiquaient qu’ils venaient aussi bien des montagnes que des Terres Arides. Les Squigs bondissaient en tous sens, et les Trolls de Pierre s’arrêtaient fréquemment pour se repaître des cadavres qui constellaient déjà le champ de bataille. Ils enfournaient aussi bien les corps des Skavens que des Nains dans leurs énormes gueules baveuses.

Golgfag et ses Ogres avaient déjà provoqué de lourdes pertes aux Nains. Les murs de boucliers étaient mis à mal par les gourdins surdimensionnés. Golgfag avait déjà tué des milliers de Nains au cours de sa carrière, mais cette fois-là, il ne faisait pas preuve du même entrain. Il n’éprouvait pas de remords à cause de sa trahison envers Belegar, car après tout, le business passait avant les états d’âme, mais il était simplement ennuyé par ce travail fastidieux. En effet, les Nains demandaient de gros efforts pour être tués, et Golgfag préférait les cibles plus tendres. Néanmoins, Skarsnik lui avait proposé une somme royale…

Les Nains de Durggan se battaient férocement, bien qu’ils fussent assiégés par les Ogres et les Gobelins. Les deux derniers canons tiraient leur mitraille pendant que les Fureurs de la Forge formaient un cercle autour des engins et tiraient des salves avec leurs propres armes. Ils stoppèrent une charge de Ventres-Durs, mirent en déroute trois attaques de Gobelins et incinérèrent des Crocs de Sabre. Quant à Durggan, il abattit personnellement deux Fanatiques qui tournoyaient un peu trop près avec ses pistolets. Ce furent finalement Golgfag et ses Mangeurs d’Hommes qui durent achever le boulot. Durggan figura parmi les derniers Nains à mourir. Son ultime tentative visant à tirer au canon à bout portant contre le capitaine des Ogres fut avortée lorsqu’un tir de pistolet de celui-ci fora un trou gros comme le poing dans la poitrine du Maître Ingénieur.

Pendant que ses guerriers entamaient le pillage des corps, Golgfag se tourna vers la nuée d’hommes-rats qui approchait. Une mer de Gobelins noire comme la nuit allait à sa rencontre. Dans un coin, le Roi Nain avait organisé un dernier carré. De plus en plus de Gobelins et de Skavens déferlaient dans le hall. À ce spectacle, Golgfag se dit qu’il était au milieu d’une horde de fous. Ce champ de bataille souterrain lui rappelait une arène où les combattants se livraient des duels à mort. Et il se moquait de savoir qui allait émerger vainqueur. Il tapota sa poche, sentant le poids satisfaisant de la couronne de joyaux de Karak aux Huit Pics que Skarsnik lui avait proposée en guise d’acompte. Le capitaine Ogre se dit qu’il avait payé sa dette, et qu’il était temps de mettre les voiles…

Des hurlements de Gobelins terrifiés montèrent du tunnel central, puis un geyser de flammes jaillit de l’ouverture et incinéra des centaines de Peaux-Vertes. La silhouette d’un Skaven cornu émergea de la fumée. Sa fourrure grise se découpait dans la pénombre, d’autant plus qu’elle était illuminée par une aura de pouvoir. Kranskritt puisait librement dans les énergies magiques du lieu. D’un geste de la main, il agrandit les fissures dans le sol. La roche grondait de protestation, mais finalement, des failles s’ouvrirent depuis les pieds du Prophète Gris.

Ceux qui posèrent les yeux sur lui virent quelque chose d’autre. Derrière le Skaven s’étendait une ombre, celle d’un sorcier également cornu, mais beaucoup plus grand et puissant. Un Verminarque venait de se manifester dans le Hall du Clan Skalfdon. Il émanait de lui des vrilles de contamination et d’entropie. Les failles engloutirent des bandes entières de Peaux-Vertes, quant aux Nains qu’elles atteignirent, ils furent encore moins prompts à éviter une chute mortelle.

Alors que le sol tremblait, les galeries fraîchement creusées s’effondrèrent. Profitant du chaos ambiant, Belegar fit sonner la retraite générale. Dès cet instant, des charges de démolitions placées par ses Ingénieurs détruisirent une dizaine de colonnes soutenant la voûte. Elles s’écroulèrent en ensevelissant des centaines de combattants, et la poussière des débris recouvrit le champ de bataille.

Pour les survivants, le reste de l’affrontement fut une course mortelle vers la sortie. Des régiments entiers étaient piégés, soit par les failles, soit par des piles de décombres. D’autres continuèrent le combat jusqu’à la mort tandis que la voûte du hall s’effondrait.

Chapitre III : GÖTTERDÄMMERUNG[1] - Automne 2524 / Hiver 2525

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Aldrik le Balafré scrutait le tunnel désert en humant l’air. Il avait une estafilade à la tête et une douzaine d’autres blessures, pourtant, il n’abandonnait pas le combat, poussé en avant par son serment. Il avait perdu le fil du temps passé dans les ténèbres. Sa sortie de la citadelle, accompagnée de celle de sept groupes de Tueurs, semblait remonter à des mois.

C’était une mission suicidaire, qui néanmoins promettait une mort plus glorieuse que celle qui les attendait derrière les fortifications. Les Tueurs savaient défendre les goulets étroits, mais ils préféraient traquer et tuer les plus gros monstres. Ils avaient exposé leurs doléances au Roi Belegar, et celui-ci les avait finalement autorisés à partir. Aldrik se doutait qu’à l’heure qu’il était, la plupart des Tueurs avaient trouvé la mort qu’ils cherchaient.

Elle ne l’effrayait pas. Il avait prêté le Serment du Tueur, un vœu qui le poussait à chercher à périr au combat contre les ennemis les plus dangereux. Qu’un Tueur soit occis par un Dragon était un honneur pour la famille et les ancêtres du défunt. Le pire cauchemar du Tueur était de mourir de façon déshonorante : à cause d’une maladie, d’un accident, ou face à de la vermine. Se présenter face à ses ancêtres dans les halls de l’après-vie après une telle mort revenait à se couvrir de honte.

Les combats avaient été ininterrompus depuis qu’Aldrik avait quitté les salles en pierre de Bar-Kragdi. Il lui était impossible de se souvenir de tous les ennemis qu’il avait abattus. Sous la surface du monde, on ne pouvait pas se référer au jour ou à la nuit, mais cela ne le dérangeait pas. Ceci dit, les batailles incessantes et les graves blessures qu’il avait subies le désorientaient. Le Tueur se souvenait s’être frayé un chemin à travers des hommes-rats malingres, et qu’ils avaient fini par fuir face à sa colère. Il les avait poursuivis dans les profondeurs, là où il y avait toujours plus de Skavens qui se terraient dans les recoins de galeries fétides.

Leur flot était ininterrompu, quel que soit le nombre de ces créatures qu’il tuait. Finalement, ses adversaires étaient devenus plus gros, mais même les Vermines de Choc étaient impuissantes face aux coups de Dammstok, sa hache de guerre. Sa lame brillait d’un feu bleu, et ses runes donnaient à Aldrik la force et la détermination nécessaires pour trouver une mort digne. Maintenant qu’il était de nouveau seul, le feu magique de son arme s’était estompé. Les pouvoirs des runes dormaient dans le métal. Il pouvait sentir leur présence réconfortante et revigorante.

Il atteignit l’extrémité de la galerie de ventilation. Il cherchait la mort depuis longtemps à Karak aux Huit Pics, et avait mené plusieurs quêtes. À chaque fois, il s’était enfoncé un peu plus profondément dans l’immense labyrinthe que formaient les entrailles de la cité. Néanmoins, il ne savait pas où il se trouvait à présent. Il estima que ce devait être les anciennes mines, à en juger à la façon dont les parois étaient taillées. De plus, elles avaient été rongées afin de les élargir, ou pour effacer les visages ancestraux qui les décoraient par intermittence. Aldrik s’arrêta pour écouter les bruits de pieds griffus. Il était constamment poursuivi. Il devait se retourner de temps à autre, et livrer un combat contre ceux qui le traquaient en pistant le sang qui s’écoulait de ses blessures. Seules la ténacité et l’endurance légendaires de son peuple lui avaient permis de survivre jusque-là, et seule la nécessité d’informer Belegar de ce qu’il avait vu l’aidait à poursuivre sa marche.

Dans les souterrains, Aldrik avait tué tous les hommes-rats qui avaient osé s’approcher de lui : des Guerriers des Clans, des Vermines de Choc, des Rats-Ogres. Aucun n’avait survécu face à Dammstok. Il ne savait pas combien d’heures il avait passé à se battre.

Finalement, les Skavens avaient amené leurs armes expérimentales pour tenter de le tuer. Alors que les Guerriers des Clans fuyaient devant sa hache, Aldrik avait pu entrapercevoir une machine au canon allongé. C’était une invention de bric et de broc, cependant le Tueur savait qu’il s’agissait d’une arme permettant de projeter de la foudre. Sa dernière pensée avait été que mourir à cause de cette arme n’était pas honorable. Puis sa vision s’était emplie d’une lumière verte.

Lorsqu’il était revenu à lui, il était enseveli sous des décombres. Sa tête lui faisait souffrir le martyre, mais il avait pu estimer à quelle profondeur il était enfoui. Les dalles en pierre sur lesquelles il s’était tenu s’étaient effondrées, et il avait dévalé dans les ténèbres sur plusieurs centaines de mètres. Aldrik avait deviné qu’il n’était pas au plus profond de la citadelle, et qu’il était plutôt dans les niveaux médians. Il avait compris qu’un dysfonctionnement dans la mise à feu du canon avait provoqué une énorme explosion : le noyau de Malepierre de l’engin avait fondu, et il avait eu la chance de ne pas être tué par la déflagration. Périr à cause de l’incompétence des Skavens en ingénierie eût été pire que tout.

Il s’était extirpé des gravats. Son corps était malmené, mais miraculeusement, il ne souffrait d’aucune fracture. Il avait passé plusieurs heures à fouiller les décombres afin de retrouver sa hache. Dammstok devait se trouver avec lui lorsqu’il périrait. Lorsqu’il avait boitillé hors de la petite caverne, son arme à la main, il était tombé sur plusieurs galeries rongées dans la pierre. Elles suivaient des directions improbables et empestaient le rat.

Finalement, il était ressorti de ces galeries et était revenu dans des tunnels creusés par des Nains. Cependant, la puanteur était devenue insoutenable, et il avait entendu quelque chose d’étrange. Il avait suivi le corridor jusqu’à arriver dans un grand hall. Il avait reconnu les grandes cheminées en pierre et avait déduit qu’il se trouvait juste au-dessus des forges des fonderies nord. Cependant, il n’en avait pas cru ses yeux lorsqu’il avait débouché à l’entrée de l’immense caverne.

Les femelles nourricières étaient rares, pourtant les Skavens dépendaient d’elles pour leur survie
Lors de son voyage dans les profondeurs, Aldrik était tombé sur des repaires pestilentiels. Beaucoup d’expéditions Naines s’étaient aventurées dans les ténèbres dans le but d’éradiquer ces terriers. Elles étaient rarement couronnées de succès, et bien peu de Nains en revenaient pour raconter leurs aventures. Généralement, ces antres se trouvaient dans les profondeurs, et étaient systématiquement bien gardés. Les femelles nourricières étaient rares, pourtant les Skavens dépendaient d’elles pour leur survie, ils les protégeaient donc avec férocité. Chacune de ces monstruosités fécondes pouvait donner naissance à des centaines de portées, chacune composée de dizaines de bébés hommes-rats couinants.

Et là, sous les yeux d’Aldrik, se trouvaient des dizaines de nourricières : non pas une, comme c’était habituellement le cas, mais des centaines, peut-être même des milliers. Elles étaient telles des chaînes de montagnes de chairs frémissantes enchaînées au sol. Leurs têtes étaient minuscules comparées à leurs abdomens hypertrophiés. Dénuées d’yeux, elles bougeaient en tous sens en reniflant l’air et en piaulant, ouvrant des gueules aux incisives longues comme des épées. Leurs nombreuses paires de membres fouettaient l’air de façon sporadique. Des esclaves et des Technomages s’affairaient autour d’elles, leur injectant des décoctions chimiques luminescentes et récoltant les portées avant qu’elles les dévorent.

À en juger par la faible accumulation d’excréments et de rebuts, ces nourricières n’avaient été montées que récemment des profondeurs. On supposait que ce genre d’événement annonçait une offensive majeure, car les Skavens pouvaient ainsi amener des renforts, en accélérant la croissance des bébés avec de la Malepierre et des stéroïdes. Aldrik savait que même les clans les plus populeux ne disposaient que d’une poignée de nourricières. Pourtant, celles-ci n’étaient pas protégées. Les Skavens étaient-ils sûrs à ce point de leur victoire ?

Aldrik avait débuté l’extermination. Les esclaves ne pouvaient pas l’arrêter. Lorsqu’il eût fini, il avait poursuivi sa route et fait une autre découverte inquiétante. Les cavernes adjacentes étaient autrefois des manufactures souterraines, là où le minerai était raffiné, et où les lingots d’or et d’argent étaient entreposés en attendant d’être acheminés vers les forges. Leurs feux s’étaient éteints depuis longtemps. Désormais, ces cavernes étaient elles aussi pleines de nourricières. Même si aucun guerrier homme-rat ne les protégeait, Aldrik avait compris qu’il faudrait une armée de Tueurs et des jours entiers pour en venir à bout.

Aldrik avait entonné son chant de mort. Il était un Tueur, et il avait accepté son destin funeste. Mais ce qu’il avait vu dans ces grottes l’avait effrayé, car cela n’annonçait pas seulement sa fin, mais également celle de son peuple. Le Roi Belegar devait être mis au courant. Il était impossible de reconquérir Karak aux Huit Pics, et il fallait tout faire pour conserver les quelques cités survivantes. Aldrik doutait que même Karaz-a-Karak puisse résister.

Cela remontait à plusieurs semaines. Depuis ce moment, Aldrik avait livré d’autres combats, parfois contre des créatures inconnues. Les crocs et les griffes l’avaient lacéré, toutefois il avait poursuivi sa route vers la citadelle. Il reconnaissait enfin ces galeries. Il touchait au but. S’ils avaient survécu, les Nains avaient sûrement battu en retraite vers le cercle défensif suivant.

Aldrik était concentré sur le désir de délivrer son message et n’entendit pas le bruit de pas discret derrière lui. La lame venimeuse s’insinua entre ses omoplates ; Dammstok tomba en tintant sur le sol. Le Tueur s’écroula sur les genoux, et parvint à traîner son corps anesthésié par les toxines sur quelques mètres de plus. Alors qu’il poussait son dernier souffle, il sut qu’il avait échoué. Il n’était pas parvenu à transmettre son message, et en dépit du Serment du Tueur qu’il avait prêté, il connaissait une fin ignominieuse.


Cela faisait des mois que le Roi Belegar avait mené les survivants hors du Hall du Clan Skalfdon. Ils avaient été forcés d’escalader les monticules de roche et de traverser des failles, tout en combattant les Gobelins et les Skavens. Et lorsqu’ils avaient atteint la Porte de Skalfdon, ils s’étaient aperçus qu’elle était bloquée par les décombres. Pendant que la plupart des Nains dégageaient le passage, le Roi et la Confrérie de Fer avaient formé un anneau protecteur. Là encore, le coût en vies avait été élevé.

Certains pensaient qu’il restait une chance que les ennemis des Nains s’entre-tuent, cependant ce faux espoir avait été rapidement balayé par de nouvelles attaques. La citadelle était assiégée de toutes parts par des Skavens, des Peaux-Vertes et des Ogres. Et même si ces factions avaient au final des objectifs différents, elles désiraient toutes voir les têtes des Nains plantées au bout de piques.

À six reprises, les Nains avaient été forcés de réduire leur cercle défensif. Le dernier anneau protégeait les portes menant vers l’extérieur de la citadelle, en surface. Il était tombé la veille. Les premiers niveaux résonnaient encore des coups de boutoir des béliers des Peaux-Vertes qui martelaient la Grande Porte de l’Obstination. Elle était en acier, en pierre et en Gromril, et était gravée de runes de protection. Auparavant, les Nains auraient ri en voyant les efforts futiles des machines de guerre ennemies. Seule la plus terrible des sorcelleries avait une chance de briser ces battants. Mais les Runes de la Demeure et du Foyer, les symboles protecteurs de Valaya, avaient toujours résisté à de telles attaques. Toutefois, les runes de la Déesse des Nains étaient désormais inertes.

Les Forge-runes versés dans l’art des runes antiques avaient tenté d’invoquer la Déesse Ancestrale des Nains, toutefois leurs coups de marteau étaient restés sans réponse. Les runes Valaya ne scintillaient plus lorsqu’elles étaient frappées. C’était comme si la Déesse de la Guérison, de la Protection et des Karaks ne pouvait plus les entendre. Et au dehors, les vents du Chaos soufflaient en rafales.

Belegar ne s’étonnait pas que ses blessures ne guérissent pas puisque Valaya semblait avoir abandonné ses enfants. En effet, en dépit des efforts de ses soigneurs, sa blessure au flanc ne s’améliorait pas. Blessé, avec son armée décimée et ses ennemis assiégeant son royaume, le Roi de Karak aux Huit Pics menaçait de céder au désespoir. Toutefois, ce n’étaient pas ces difficultés qui l’inquiétaient le plus.

Son emprise sur Karak aux Huit Pics avait toujours été ténue. Dans les faits, il vivait en état de siège depuis plus de cinquante ans. C’était le message qu’il avait reçu la veille qui lui tirait le plus de soucis. Alors que les fortifications de la surface tombaient les unes après les autres, les Nains étaient tout de même parvenus à conserver ouvert le promontoire rocheux de Tor Rudrum jusqu’à ces dernières heures. Même si elles n’égalaient pas les plates-formes mécaniques et aériennes de Zhufbar, les falaises et les cavernes de Karag Lhune faisaient des pistes d’atterrissage idéales pour les Gyrocoptères.

Alors que des nuées de Gobelins montés sur des Araignées Géantes gravissaient les falaises, un ultime escadron de Gyrocoptères était arrivé du nord. Lorsqu’il vit les tirs destinés à l’abattre, un des pilotes avait fait demi-tour et était parti dans la direction opposée. Les Gyrocoptères servaient depuis longtemps à relier Karak aux Huit Pics au monde extérieur, néanmoins leurs vols étaient devenus de plus en plus hasardeux. Les dangers autour de la cité étaient si nombreux que seuls les pilotes les plus téméraires se risquaient dans ce qu’ils avaient surnommé « l’Arène ». Au sommet des pics contrôlés par les Gobelins, des Lance-Rocs, des Balistes, des Plongeurs de la Mort ou même des Vouivres attaquaient les Gyrocoptères dès qu’ils apparaissaient. Beaucoup de pilotes essayaient donc de passer en rase-mottes, mais ils risquaient alors d’être pris pour cible par des équipes de Jezzails ou par des armes à foudre des Technomages.

Les défenseurs avaient poussé des vivats en observant l’approche des deux aéronefs, et avaient crié de colère en voyant un des appareils abattus par les tirs verdâtres des Jezzails. L’explosion de la machine avait illuminé tout le flanc de la montagne. Laissant derrière lui une traînée verte après avoir essuyé un tir de Jezzail, le dernier Gyrocoptère avait réussi à se poser. Son pilote, l’Ingénieur Torin Marteau à Piston Algenonsonn, passait tout juste la porte en pierre au fond de la caverne lorsque les premiers monteurs d’araignées apparaissaient par-dessus le rebord de l’à-pic. Torin poussait des jurons et s’arrachait des poils de la barbe en descendant précipitamment les volées de marches, car il entendait au loin le vacarme que faisaient les Peaux-Vertes alors qu’ils mettaient en pièces son Gyrocoptère bien-aimé.

Ikit la Griffe

Ikit est le Maître Technomage et l’émissaire de Morskittar. Il a prouvé à de nombreuses reprises qu’il était l’inventeur le plus talentueux du clan, et ce depuis des siècles. Toutefois, le rôle de créateur des plus importantes innovations ne revient pas à Ikit, mais à son protégé. Cela a provoqué des dissensions entre Ikit et Morskittar. Ce dernier s’est lassé des machinations d’Ikit et l’a envoyé combattre les Nains de Karak Azul.

Le message de Torin provenait de Karaz-a-Karak. Il portait le sceau en or du Haut Roi Thorgrim le Rancunier et était écrit en runes que seul Belegar était capable de voir. Il les relut plusieurs fois. Depuis, il était resté assis sur son trône et broyait du noir. Les termes n’étaient pas tout à fait les mêmes, mais dans les faits, les réponses qu’il avait reçues des diverses cités étaient identiques, sauf en ce qui concernait Karak Azul, qui n’avait pas répondu du tout. Toutes les forteresses étaient assiégées, et aucune aide ne pouvait parvenir à Karak aux Huit Pics. Deux des cités - Zhufbar et Barak Varr - avaient même demandé le retour de leurs clans qui combattaient pour Belegar à Karak aux Huit Pics.

Dans son message, le Haut Roi expliquait les raisons du silence de Karak Azul. Le Roi Kazador et Thorek Tête en Fer étaient tombés lors de la bataille de la Passe Perdue. C’étaient des pertes tragiques, car Kazador était le dernier de sa lignée, quant à Thorek, il était le plus doué des Maîtres des Runes en activité. Ce Nain irascible savait lier la Magie à la pierre avec un talent que nul autre ne pouvait égaler. Thorek avait aidé Belegar à plusieurs reprises à Karak aux Huit Pics, et ses conseils étaient précieux, quoiqu’un peu réactionnaires. Et ce n’était pas le pire.

Karak Azul était tombée.

Queek entendait le tintement du harnais métallique et ses sifflements de vapeur bien avant que son porteur apparaisse. Ce n’était pas un hasard si Ikit la Griffe était obligé de marcher le long du corridor. Les parois étaient constellées de bannières ensanglantées et de totems. Le premier lieutenant du Clan Mors aimait répéter qu’il possédait plus de bannières Naines que le Rois des choses-barbues lui-même.

Ikit ne parla pas avant de s’être arrêté devant l’imposante litière à trophées de Queek. Sa voix râpeuse sortit de derrière son masque en fer. « Salutations, ô Grand Queek, Seigneur de la Cité des Piliers. J’apporte des nouvelles. Oui-oui ! J’ai tué beaucoup de choses-barbes, j’ai vaincu le Pic de Fer ! »

Queek avait entendu que ses rivaux du Clan Rictus avaient grandement aidé Ikit dans cet exploit, mais il évita de le souligner. Trop impatient pour observer le protocole, avec ses flatteries et ses flagorneries, il alla droit au but.

« Pourquoi es-tu là ? »

Une lueur verte et menaçante émanait du masque. « J’apporte un tribut au grand Queek. Le Conseil m’a demandé de te donner des armes du Clan Skryre. Des armes très meurtrières. Mais je ne peux pas rester plus longtemps. Je dois aller à la montagne de la chose-barbe à crête, » expliqua Ikit. Sans attendre, le Maître Technomage fit demi-tour et partit. « Je reviendrai si le grand Queek ne peut pas accomplir cette tâche… » dit-il en s’éloignant.

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Sans leur Roi et le Seigneur des Runes pour les guider, les Nains de Karak Azul avaient été attaqués et leur forteresse envahie par les Skavens. Il était impensable que les forges et les armureries du Pic de Fer fussent désormais silencieuses, car c’étaient les plus glorieuses des royaumes des Nains, mais c’était pourtant le cas. La cité avait résisté au Temps du Malheur, à des sièges, à des invasions, à des séismes et à des attaques de Démons. Jamais depuis la chute de Karak aux Huit Pics les royaumes des Nains n’avaient connu une telle calamité.

Le message du Haut Roi faisait état de réfugiés repérés par les Gyrocoptères, et faisant route vers Karak aux Huit Pics. Ils étaient encore à plusieurs jours de marche. Thorgrim demandait qu’on leur vienne en aide, car ils faisaient des proies faciles.

D’ailleurs, une partie des Skavens qui avaient pillé Karak Azul était sortie à la surface et poursuivait les réfugiés. On ne savait pas si les hommes-rats les traquaient aussi par voie souterraine, mais c’était probable. Jadis, trois routes du Dédale reliaient Karak Azul et Karak aux Huit Pics. Lors de l’Âge d’Or, c’étaient des voies commerciales que pouvaient également emprunter des armées entières pour venir en aide aux forteresses alliées. Depuis, ces routes avaient été détruites, et les tronçons qui restaient étaient plongés dans les ténèbres. Il était toujours possible d’effectuer le voyage par voie souterraine, à condition de faire des détours par des tunnels secondaires. Nul ne connaissait précisément l’étendue du réseau des Skavens.

Peut-être que les clans de Karak Azul se rapprochaient rapidement de Karak aux Huit Pics, à l’insu de Belegar.

Ce dernier était face à un terrible dilemme. Il avait envoyé ses Rangers au secours des réfugiés. Il pouvait difficilement se priver du moindre guerrier, et il était improbable que les Rangers parviennent à échapper aux assiégeants, sans parler de trouver les réfugiés, mais en son temps, Lunn, son ancêtre, avait mené l’exode depuis Karak aux Huit Pics. L’histoire de cette odyssée terrible hantait Belegar. Il ne pouvait pas rester les bras croisés.

Le domaine de Belegar s’était étiolé au fil des affrontements. Les Nains battaient un peu en retraite avant chaque assaut d’envergure pour consolider leurs positions, mais également pour être en mesure d’aligner plus de combattants dans les zones à défendre. Par le passé, cette tactique avait toujours fini par épuiser l’assaillant, puis l’arrivée de renforts avait permis à Belegar de contre-attaquer et de reconquérir le terrain perdu. Cependant, cette fois, aucune aide ne proviendrait de l’extérieur. Ainsi, cette stratégie permettait surtout de gagner du temps avant l’inéluctable, et d’espérer que les nombreux ennemis des Nains s’entre-tueraient, ou qu’ils useraient leurs forces vives contre les défenses des Nains. Il restait encore trois cercles défensifs à l’intérieur de la citadelle avant que l’ennemi atteigne le cœur du domaine de Belegar, le Hall des Piliers de Fer.

Les nouvelles en provenance des autres royaumes étaient mauvaises, cependant Belegar pensait que s’il pouvait tenir suffisamment longtemps, de l’aide arriverait tôt ou tard. Le Haut Roi Thorgrim et Ungrim Poing de Fer, le Roi Tueur de Karak Kadrin, ne lui avaient jamais fait défaut auparavant. Ils avaient beau être eux-mêmes assiégés, ils finiraient par l’emporter et par envoyer des renforts. L’absence de ses Rangers rendait Belegar incapable de connaître les mouvements de ses adversaires. Il n’était pas certain de l’arrivée d’une horde de Skavens depuis le sud, alors que c’était bel et bien le cas, et n’était pas au fait du flot de Peaux-Vertes qui se déversait par le Col de la Mort. Néanmoins, il n’allait pas tarder à l’apprendre.


La première position défensive à subir le courroux des Skavens fut l’Arche des Rois, un pont de pierre qui n’était pas une fortification à proprement parler, mais un lieu de passage au-dessus d’une rivière souterraine. Les eaux de celle-ci avaient été empoisonnées et détournées depuis longtemps, si bien qu’il ne restait sous le pont qu’un abîme de plusieurs centaines de mètres de profondeur. L’endroit était un goulet d’étranglement naturel. Le pont était assez large pour qu’une petite armée s’y déploie, toutefois il se terminait par une solide porte en pierre à son extrémité sud, nommée la Porte de l’Arche. Elle était surplombée par un grand balcon où avait pris position un régiment d’Arbalétriers.

Comme les Nains le savaient depuis longtemps, une porte sans guerriers pour la protéger finissait tôt ou tard par être ouverte par les Skavens. Si on les laissait s’approcher, ils amenaient des inventions diaboliques qui faisaient fondre le Gromril et fendaient la pierre runique. Leurs Foreuses à Malepierre pouvaient percer n’importe quelle roche. C’est pour cette raison que des Brise-Fer s’étaient mis en place bien avant la venue du premier homme-rat.

Les premiers assauts des Skavens ne purent pas progresser sous la grêle de traits des Arbalétriers. La marée de vermine arriva telle une vague brune qui perdit son élan avant de refluer. Ensuite, une grosse horde de Guerriers des Clans, et un groupe de Vermines de Choc bien protégées survécurent aux tirs et atteignirent les Brise-Fer. Ils se heurtèrent à un mur de boucliers impénétrable. Les Nains hachèrent les hommes-rats tandis que les Arbalétriers décimaient les lignes arrières. Les équipes d’armes qui sortirent des rangs pour utiliser leurs armes furent abattues sur-le-champ.

La guerre entre les Skavens et les Nains évoluait constamment. Les Nains, bien que traditionalistes, affinaient sans cesse leurs méthodes. Ils amélioraient leurs armures, perfectionnaient leurs runes de protection et l’efficacité de leurs murs de boucliers, jusqu’à ce que leurs régiments combattent avec une synchronisation parfaite. Les méthodes des Skavens étaient plus aléatoires et expérimentales. Ils alignaient de nouvelles armes instables, des monstres amalgamés à partir de plusieurs créatures, ou testaient des souches virulentes. La plupart de ces tentatives étaient des échecs et ne dépassaient jamais le stade du prototype. Quelques-unes, comme le Lance-Feu, les Mortiers à Globes Empoisonnés et la Mitrailleuse Ratling, s’avéraient suffisamment efficaces (et fiables) pour connaître une production en masse. Toutefois, contre les défenses de l’Arche des Rois, une nouvelle arme fut testée…

C’étaient des Rats-Ogres, mais qui avaient subi de lourdes modifications. Le Clan Moulder avait mis à profit ses connaissances en anatomie pour fusionner les Maîtres de Meutes et leurs bêtes. Sur le dos de chaque Rat-Ogre était donc cousu un Skaven au corps atrophié. Grâce à des décoctions expérimentales et à des échanges repoussants de fluides crâniens, le Maître de Meute pouvait plus ou moins contrôler la fureur animale de sa monture. Pour sa part, le Clan Skryre avait rendu ces monstres plus dangereux que jamais. Combiner la force brute d’un Rat-Ogre et les armes expérimentales offrait des possibilités nouvelles. Ces créatures pouvaient porter un harnais à Malepierre doté d’un générateur puissant bien qu’erratique. Il fournissait l’énergie nécessaire à des armes variées. Alors qu’il fallait deux Skavens pour porter un Lance-Feu, un seul Rat-Ogre était en mesure de manier une de ces armes au bout de chacun de ses bras.

La Malebrute fit cuire les Nains à l’intérieur de leurs armures en Gromril.
La première de ces Malebrutes équipés de Lance-Feu apparut à la tête d’un régiment de guerriers Skavens portant les couleurs du Clan Rictus. Les Arbalétriers tentèrent de l’abattre, mais leurs carreaux rebondirent contre les gantelets, l’armure ou les cuves blindées du monstre. Certains projectiles s’enfoncèrent dans la chair tuméfiée, cependant le monstre ne ralentit pas dans sa course. Les Brise-Fer étaient les Haches de Fer du Clan Angrund. Ils resserrèrent leurs rangs et se préparèrent à l’impact. Ils avaient déjà eu affaire à des meutes de Rats-Ogres, et s’attendaient à devoir mener un combat sanglant contre cette bête. Néanmoins, la Malebrute ne chargeait pas comme un monstre avide de sang, car il était contrôlé par son Maître de Meute atrophié. Elle pointa une des deux armes greffées au bout de ses bras.

Le réacteur à Malepierre se mit à vrombir, et un jet de flammes jaillit des canons puis engloutit les Haches de Fer. Les Nains connaissaient et redoutaient les capacités de destruction des Lance-Feu, mais ces flammes-là étaient encore pires. Leur combustible poisseux collait à tout ce qu’il touchait, et fit cuire les Nains à l’intérieur de leurs armures en Gromril lorsqu’elles surchauffèrent. La vague de chaleur atteignit les Arbalétriers juste avant la puanteur de la chair brûlée. Ils regardèrent avec horreur le Rat-Ogre pointer les bras dans leur direction. Cette fois, la créature tira deux cônes de feu. Il n’y eut aucun survivant. Il ne restait des Nains que de grosses flaques de matières organiques visqueuses et fumantes.

Il fallut trois tirs pour faire fondre les runes, le Gromril et la pierre de la Porte de l’Arche. Des vrilles de Maleflamme s’insinuèrent de l’autre côté et carbonisèrent le portier. Partout dans la citadelle, la troisième ligne de défense, ou ligne de défense Kromdal, comme les Nains l’appelaient, connaissait des scènes similaires. Les servants du Canon à Flammes et les Arquebusiers de la Porte d’Argent furent asphyxiés par un Malebrute portant des Mortiers à Globes Empoisonnés. Trois de ces monstres dotés de masses mécaniques en guise de poings pulvérisèrent le mur de boucliers qui protégeait l’Arche de Pierre de Valaya. Même les armures des Brise-Fer ne pouvaient résister à leurs coups et finirent en piles de métal tordues d’où dégoulinait du sang.

Les Skavens avaient lancé dans la bataille de nouvelles troupes de choc redoutablement efficaces.

Lorsque la Porte de la Voûte Noire fondit, des régiments de Nains se placèrent afin de bloquer le tunnel. C’était une artère menant directement à la citadelle. Si elle était conquise, les Skavens pourraient s’attaquer à la deuxième ligne de défense, la ligne Khrokk, avant qu’elle soit renforcée. Le Thane beuglait des ordres aux guerriers du Clan Angrund. Mais s’ils étaient prêts à donner leurs vies face à une marée de vermine, les Nains ne s’attendaient pas à ce qui allait passer sous la Porte de la Voûte Noire.

La Mitrailleuse Ratling était depuis longtemps une des armes favorites du Clan Skryre, car elle pouvait projeter une grêle de projectiles en quelques secondes à peine. La meute de Malebrutes qui arriva portait des armes similaires, bien qu’encore plus efficaces, au bout de chaque bras. Une troisième de ces armes était même intégrée au thorax des Rats-Ogres. Alors que les énormes monstres approchaient, leurs armes à Malepierre se mirent en rotation et brillèrent d’une lueur verte. Des rafales de projectiles emplirent l’air, jusqu’à le saturer alors que la cadence de tir des armes augmentait jusqu’à un rythme infernal. Les balles perçaient les boucliers et les armures, et arrachaient de gros fragments aux murs en pierre.

Même guidés mentalement par leurs Maîtres de Meutes, les Rats-Ogres manquaient de précision, cependant cela était largement compensé par la cadence de tir. Les douilles tombaient en cascades sur le sol tandis que les canons crachaient des balles si nombreuses que les Nains étaient coupés en deux. Tous périrent en quelques secondes, mais cela n’empêcha pas les Rats-Ogres de continuer à tirer. Les cadavres et les corps démembrés dansaient dans les airs au rythme de cette tempête de tirs, et finissaient éparpillés dans tout le tunnel. Même lorsque les systèmes de sécurité des armes se déclenchèrent pour éviter toute surchauffe, les Malebrutes continuèrent d’appuyer sur les détentes. Une des connexions mentales fut coupée, laissant le Rat-Ogre incontrôlable. Il fit volte-face et arrosa les Guerriers des Clans. Toutefois, cela n’avait aucune importance.

L’avant-dernière ligne de défense avait été percée.

La Bataille dans la Vallée

Skarsnik et l’Avant-Garde de la Lune Crochue

L’armée que Skarsnik mène depuis les hauteurs des pics pour combattre dans la vallée de Karak aux Huit Pics n’est qu’une partie de sa horde. Il a mêlé les tribus de ses montagnes avec celles des Peaux-Vertes arrivant des Terres Arides et des Terres Sombres.

Skarsnik, Seigneur des Huit Pics
Les Lances Crochues

Skarsnik, Seigneur des Huit Pics
Chef de Guerre de la tribu de la Lune Crochue, Skarsnik est peu à peu devenu le maître incontesté de toutes les tribus de Gobelins de la Nuit des Montagnes du Bord du Monde. Il possède l’ambition et la détermination dignes des plus grands Seigneurs de Guerre Orques, mais également deux atouts supplémentaires. Tout d’abord, Skarsnik est terriblement rusé, et fait preuve d’une intelligence telle que ses embuscades parviennent souvent à prendre de court même les Skavens. De plus, il dispose pour le protéger de Gobbla, un énorme Squig aux crocs et à l’appétit démesurés.

Le Rougeaud
Les Tueurs de Drilla

Les Lances Crochues
La façon dont ce régiment de lancier a gagné son nom n’est pas clairement déterminée. Certains disent qu’il provient des exploits de son Chef, Snargit la Grande Gueule, qui avait perfectionné l’art de déloger les Squigs des recoins à l’aide d’une lance recourbée. D’autres affirment que ce nom est en rapport avec la cleptomanie et la déloyauté des Peaux-Vertes de cette bande. Ce qui est certain, c’est qu’ils se battent bien pour des Gobelins, et que leurs Fanatiques ingurgitent une bière de champignon extrêmement forte. Ils se rendent au combat sous la bannière de la Lune Crochue, et portent sur leurs boucliers le visage jaune et grimaçant commun à toute la tribu.

Les Rampeurs Mortels de Snagla l’Glaviot
Les Dératiseurs de Frik

Le Rougeaud
Ce Squig est aussi grand qu’un géant, et deux fois plus affamé. Il sortit autrefois des Fosses à Champ’, et depuis, il suit la tribu de la Lune Crochue partout où elle se rend. Skarsnik prétend que cette créature se comporte ainsi car il est l’élu de Mork, un Gobelin destiné à la grandeur. Avant de mourir poignardés, les détracteurs de Skarsnik disaient plutôt que le Rougeaud le suivait à cause des Nains enchaînés que Skarsnik laissait derrière lui pour l’appâter.

Les Tueurs de Drilla
Le Chef de Guerre Orque Noir Drilla a rejoint la Waaagh! de Skarsnik avec la ferme intention d’en prendre le commandement, car il paraît normal à tout Orque Noir des Terres Sombres d’usurper tout ce qu’un Gobelin possède. Cependant, au bout de quelques raids, Drilla s’est aperçu qu’il était en présence d’un Gobelin vraiment pas comme les autres. Depuis, il voue ses prouesses guerrières au pluss ruzé de tous les Peaux-Vertes. Les Tueurs n’aiment pas combattre pour Skarsnik, mais les combats incessants et l’assurance d’être en première ligne assurent leur docilité.

Les Rampeurs Mortels de Snagla l’Glaviot
Le grossissement de la Waaagh! Skarsnik a attiré à elle le plus célèbre des pillards Gobelins. En effet, l’Glaviot et ses Rampeurs Mortels sont sortis des forêts du Vieux Monde pour se joindre aux Gobelins de la Nuit. Snagla est un maître dans l’art de l’embuscade, et ses bandes de monteurs d’Araignées ont prouvé leur talent dans des dizaines d’affrontements autour des Huit Pics. Ils ont récemment mis un terme à leurs affrontements incessants contre les Rangers de Belegar, et plusieurs têtes de Nains décorent les lances et les totems de cette bande tandis qu’elle s’aligne sous la bannière des Plumes de Sang.

Les Dératiseurs de Frik
La bande de monteurs de Squigs de Frik nourrissait autrefois ses montures exclusivement avec de la viande de Nain, et lorsque celle-ci s’est faite rare, elle a opté pour un régime à base d’hommes-rats. Ces Gobelins et leurs Squigs combattent au sein de la Grosse Bande d’Odgit. Ils attaquent (et dévorent) les Skavens avec un tel enthousiasme que ces derniers sécrètent le mucus de la peur et détalent rien qu’en les voyant.


Skarsnik et l’Avant-Garde de la Lune Crochue

Skarsnik
Seigneur des Huit Pics, avec le Squig
des cavernes Gobbla

Les Rampeurs Mortels de Snagla l’Glaviot

Les Six Hurluberlus
Six Chamans Gobelins de la Nuit

Unkus Choppahawk
Grand Chaman Gobelin
sur Arachnarok

Krolg Krazkask
Chef de Guerre Orque sur Vouivre

Les Lances Crochues
Snargit le Chef Gobelin,
une bande de Gobelins de la Nuit
et une bande de Fanatiques

La Grosse Bande de Grabbla
Chef de Guerre Gobelin Grabbla
Deux-Épées, six bandes de Gobelins
de la Nuit et quatre Trolls de Pierre

La Grosse Bande d’la Griff’Rouj'
Six bandes de Gobelins de la Nuit
et une bande de Chasseurs de Squigs

La Grosse Bande d’Odgit
Trois bandes de Gobelins de la Nuit,
deux bandes de Chasseurs de Squigs,
deux bandes de Monteurs de Squigs

Les Tueurs de Drilla
Chef de Guerre Orque Noir Drilla
et trois bandes d’Orques Noirs

Les Plumes de Sang
Chef de Guerre Gobelin Mogwa sur
mère des Araignée, cinq bandes de
Gobelins des Forêts sur Araignée et
deux Arachnaroks

Les Bondisseurs
Deux duos de Squigs Broyeurs

La Batterie du Borgne
Grand Chef Orques Nar le Borgne,
trois Catapultes, deux Balistes
et trois Catapultes à Plongeurs
de la Mort

Le Rougeaud
Squig des Cavernes Géant

La Guerre contre les Choses-Vertes

Queek Coupe-Têtes compte se déployer dans la vallée entre les montagnes de Karak aux Huit Pics et ordonner à ses troupes d’exterminer toutes les créatures vivantes qu’elles rencontreront. Cette armée inclut des formations de la première et de la deuxième des grandes meutes pour traquer Skarsnik, car il faudra en finir avec les Gobelins sitôt les Nains éliminés !

Lurklox
Rotrik le Lacérateur

Lurklox
Usant des ombres pour rester caché, Lurklox fait partie des Manipulateurs, des Verminarques faisant usage de la ruse, de la trahison et de l’assassinat pour parvenir à leurs fins. Lurklox préfère manipuler les autres pour faire le boulot à sa place, car il a horreur de se dévoiler. Cependant, lorsqu’il n’a plus le choix, ou quand il veut envoyer un message clair à l’ennemi, il lui arrive de se joindre aux combats. De telles occurrences sont excellentes pour sa réputation de tueur, car il peut montrer sa fureur aux yeux de tous, alors que d’habitude, ceux qui le voient ne survivent pas pour en parler.

Ikk Hackflay et les Peaux de Fer
Les Lames Rongées

Rotrik le Lacérateur
C’est un honneur de porter au combat le totem de guerre du Clan Mors, car il s’agit de la bannière garnie de trophées du plus puissant des Clans Guerriers. C’est un objet sinistre, recouvert de crânes, de barbes, de pièces d’armures et de crocs, sans parler des symboles du clan. Son porteur actuel est Rotrik le Lacérateur. Il a été choisi après avoir tué à lui seul tout un groupe de Mineurs Nains. Rotrik apprécie l’honneur qui lui est fait, toutefois il n’oublie pas le funeste destin de son prédécesseur…

La Batterie de l’Arc Noir
Les Tunneliers

Ikk Hackflay et les Peaux de Fer
Par l’usage de la ruse et de la violence, Ikk Hackflay s’est hissé dans la hiérarchie du Clan Mors. Jadis, il était le simple chef des Heaumes Rouillés, puis ce régiment de Vermines de Choc commença à faire parler de lui. Ikk l’emmena piller une armurerie Naine, et vola assez de cottes de mailles pour que ses guerriers puissent se confectionner des protections avec celles-ci. Le régiment se fit alors renommer les Peaux de Fer, et sa férocité ne tarda pas à attirer l’attention de Queek Coupe-Têtes.

Les Lames Rongées
Les Lames Rongées sont originaires des Cavernes Suintantes, un niveau inférieur de la Cité des Piliers hanté par des monstres. Ils ont appris à éviter de finir dans l’estomac d’un Troll ou d’un Wyrm aveugle, et saisissent toutes les opportunités. Pour gagner un avantage au combat, ces guerriers aiguisent leurs incisives avec du silex. Pareillement, leurs boucliers ne portent pas les symboles du Clan Mors, car ils sont dotés de longs clous. Ainsi les Lames Rongées sont capables de blesser l’ennemi aussi bien avec leurs épées que leurs dents ou leurs écus.

La Batterie de l’Arc Noir
Même si Queek ne se fie pas aux armes du Clan Skryre, il n’est pas stupide au point de ne pas les utiliser s’il en a à sa disposition. La Batterie de l’Arc Noir est commandée par Zzikt, un Technomage de Skarogne, et comprend trois Canons à Malefoudre. Elle en comptait quatre auparavant, mais une des machines a subi un dysfonctionnement de son noyau de Malepierre, ce qui a provoqué son explosion et la destruction d’une partie des tunnels de Blackgnaw. Les trois engins restants sont mis en position et pilonnent les plus grosses formations ennemies sous l’œil vigilant de Zzikt.

Les Tunneliers
Bien qu’ils proviennent du Clan Eshin, les Tunneliers ont été accueillis chaleureusement pas les Skavens du Clan Mors, car dans les combats souterrains qui prédominent dans la Cité des Piliers, la capacité des Tunneliers a suivre leur Foreuse à Malepierre et a ouvrir de nouvelles galeries a permis aux Skavens d’engranger bon nombre de barbes Naines. Les Tunneliers sont équipés de lames empoisonnées et d’étoiles de jet, et savent rester en retrait pour attendre le bon moment, et infliger des dégâts tout en minimisant leurs pertes.


La Guerre contre les Choses-Vertes

Queek Coupe-Têtes
Seigneur de la Cité des Piliers

Lurklox
Verminarque

Rotrik le Lacérateur
Porteur de la Grande Bannière

La Garde Rouge
Dix griffes de Vermines de Choc

Les Peaux de Fer
Le Chef Ikk Hackflay et trois griffes
de Vermines de Choc

La Batterie de l’Arc Noir
Technomage Zzikt,
et trois Canons à Malefoudre

Les Tireurs d’Élite aux Boucliers Rouges
Technomage Kravak
et cinq équipes de Jezzails

La Horde de Grifferouge
Treize griffes de Guerriers des Clans
cinq Mitrailleuses Ratlings, trois
Mortiers à Globe empoisonnés
et cinq griffes de Vermines de Choc

Les Coupeurs de Têtes
Le Chef Szrat, trois griffes de
Guerriers des Clans, une griffe de
Vermines de Choc et deux Lance-Feu

Le Clan Lancenoire
Le Chef Likspittl, quatre griffes
de Guerriers des Clans,
une légion d’Esclaves, un Lance-Feu,
une Roue Infernale

Les Tunneliers
Trois griffes de Coureurs Nocturnes

Les Lames Rongées
Trois griffes de Guerriers des Clans

Le Clan Skryre
Trois griffes de Malebrutes,
trois griffes de Globadiers et trois
Mortiers à Globe empoisonnés

Les Bêtes
Maître de Meute Grootose, huit
griffes de Rats Géants, trois griffes
de Rats-Ogres, deux Abominations et
deux meutes de Rats-Loups

Les Enchaînés
Trois légions d’Esclaves
et une griffe de Guerriers des Clans



Les balles traçantes révélaient la présence de Jezzails
Pendant que les Skavens attaquaient les défenses des Nains, une guerre de plus grande envergure avait lieu ailleurs dans Karak aux Huit Pics. Puisque les Nains de Belegar étaient circonscrits dans leur citadelle, Queek Coupe-Têtes estima qu’il était temps de tourner son attention vers les Peaux-Vertes. Il dirigea l’assaut personnellement. Le but était de détruire les campements que les Peaux-Vertes avaient établis entre les huit montagnes. Le jour se couchait, malgré tout les Skavens clignaient des yeux en se mettant en position, car ils n’étaient pas habitués à la lumière du soleil. Leur plan n’était pas subtil : l’armée s’étira le long de la vallée et débuta son avance.

Au début, les hommes-rats ne rencontrèrent aucune opposition, comme si les Peaux-Vertes avaient été prévenus et se cachaient. L’armée escaladait les piles de décombres et d’ossements, et abattait les masures en pierres grossières et les tentes en peau. Les flammes warp calcinèrent les campements à l’abandon, et des Globes empoisonnés furent jetés dans les trous qu’on suspectait être des antres de monstres. On utilisa les Rats-Ogres pour mettre à bas les idoles des Peaux-Vertes. Les monstres musculeux firent tomber les statues en pierre, en bois ou en excréments. La moitié de la vallée avait été nettoyée lorsque des cors, des tambours de guerre et des rugissements de bêtes résonnèrent le long des pentes. Les Orques et les Gobelins venaient enfin à la rencontre de l’ennemi. Ils pénétrèrent dans la vallée par les Portes Austères, Skarsnik à leur tête.

Dans le ciel, des Plongeurs de la Mort tombèrent à travers la voûte nuageuse. Ils décollaient depuis les plus hauts pics, puis planaient brièvement sur les courants ascendants avant de replier leurs ailes et de foncer vers le sol. Les Skavens contre-attaquèrent avec des Canons à Malefoudre installés sur des châssis en bois dotés de roues. Des éclairs verts creusèrent d’énormes trous dans les bandes en approche. Les balles traçantes révélaient la présence de Jezzails, et des bruits assourdis indiquaient que des Mortiers à Globe empoisonnés commençaient à projeter leurs armes bactériologiques sur les formations de Gobelins vêtus de noir.

Alors que les deux lignes de bataille se rapprochaient, les Gobelins de la Nuit lâchèrent leurs Fanatiques gavés de bière de champignon. Queek ne craignait pas les Peaux-Vertes, toutefois il avait appris à se méfier de ces lunatiques aux boulets dévastateurs. Tournoyant sous l’effet de leur propre inertie, les Fanatiques plongèrent dans la première ligne de Skavens, projetant en tous sens de la cervelle, des membres et des jets de sang. Plusieurs légions d’esclaves détalèrent dans toutes les directions en mordant frénétiquement quiconque leur barrait la route. Certains esclaves s’empêtrèrent dans les chaînes des Fanatiques, et leur mort fut ainsi plus utile aux autres Skavens que leur vie misérable ne l’avait été.

Queek et sa Garde Rouge tailladèrent tour à tour deux formations de Gobelins de la Nuit. Les petits Peaux-Vertes n’étaient pas de taille face aux agiles Vermines de Choc et leurs redoutables hallebardes. Même s’il était difficile de manœuvrer une fois au corps à corps, Queek parvint à diriger son régiment vers le centre de l’armée adverse. Il espérait y trouver Skarsnik, mais au lieu de cela, il se heurta à une bande d’Orques Noirs. Ces ennemis musclés et bien protégés étaient parfaitement capables de se mesurer à la Garde Rouge. Les Kikoup' se riaient des armures des Vermines de Choc, tout comme les hallebardes de ces dernières se révélaient efficaces pour transpercer les protections des Orques. Au milieu du carnage, Queek faisait des bonds et se dirigeait rapidement vers le chef du régiment adverse. Celui-ci était un Orque Noir énorme engoncé dans une lourde armure de plaques.

Le duel fut bref. Perce-Nains défonça le torse de l’Orque, pendant que l’épée de Queek s’enfonçait dans la visière de son casque. Queek arracha le heaume en acier et délivra le coup de grâce. Le Skaven brandit alors la tête du capitaine Orque Noir. Ses guerriers mugirent d’étonnement et de dépit à la vue de celle-ci, pourtant ils ne se débandèrent pas. Prenant simplement le temps de planter la tête sur une des pointes de son râtelier à trophées, Queek retourna ensuite au combat. Privés de leur chef, et face au Skaven le plus sanguinaire qu’ils avaient jamais vu, les Orques finirent par flancher, et lorsque leur grand totem cornu fut piétiné dans la boue par Queek, ils prirent la fuite.

Beaucoup de régiments Gobelins détalèrent également quand ils virent le meilleur régiment de leur armée vaincu de telle manière. Le centre de la ligne de bataille des Peaux-Vertes implosa en une masse de fuyards. Il était probable que Skarsnik se trouvait parmi eux, et prenait lui aussi ses jambes à son cou. Alors qu’il se tournait vers ses propres troupes pour leur faire signe de lancer la poursuite et de massacrer l’ennemi, le cri de victoire de Queek se mua en un râle étranglé. Il aurait dû se douter qu’aucune bataille contre Skarsnik ne pouvait être aussi simple.

Partout le long de la ligne de bataille des Skavens, des embuscades plongeaient les hommes-rats dans la confusion. Des hordes de Squigs avaient jailli des cavernes. Elles étaient menées par le plus gros spécimen qu’on eût jamais vu, une montagne de chair rouge, de crocs et de muscles. Il percuta les Skavens avec la force d’une avalanche. La Magie des Peaux-Vertes avait animé une idole de pierre, et celle-ci massacrait les Guerriers des Clans. Ses poings gigantesques écrabouillaient les hommes-rats par dizaines. Pire encore, tout un contingent de monteurs d’Araignées avait descendu les falaises à l’arrière de l’armée des Skavens. D’innombrables hommes-rats ne remarquèrent pas leur présence jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Ils périrent sous les mandibules empoisonnées des arachnides, ou empalés par les lances des Gobelins qui les chevauchaient.

Un nouveau vol de Plongeurs de la Mort tombait du ciel. Les cris perçants qui accompagnaient leur chute mortelle étaient perturbants pour les Skavens. Cependant, un rugissement plus terrifiant encore emplit la vallée. Planant sur ses immenses ailes de cuir pour freiner sa descente, une Vouivre atterrit sur un promontoire rocheux. Elle rugit de nouveau et scruta le champ de bataille à la recherche de son prochain repas. Elle finit par repérer une griffe de Guerriers des Clans vulnérables, et plongea depuis son perchoir, tel un oiseau de proie gigantesque.

La Vouivre avait atterri au milieu des Guerriers des Clans et faisait un carnage.
Les Skavens avaient pris l’habitude de combattre sous terre, où les flancs d’un régiment étaient toujours protégés par des parois, si bien que l’ennemi n’avait pas la possibilité d’effectuer des prises de flanc ou des encerclements. La panique se répandit au sein de l’armée de Queek, et si en cet instant le centre de l’ost de Skarsnik n’avait pas été brisé, nul doute que la force de Queek eût été totalement exterminée.

Les Skavens ne tenaient bon qu’à proximité de Queek et du porteur de la Grande Bannière du Clan Mors. D’ailleurs, la plupart des ennemis aux alentours étaient en fuite. Après des milliers de batailles et des années de campagne, Coupe-Têtes avait appris à ne jamais céder à la panique. C’était une erreur que ses rivaux et ses subalternes commettaient trop souvent. Ils se comportaient alors comme de vulgaires esclaves et cédaient à leur instinct de survie. Ce comportement le dégoûtait. Une fois la bataille terminée, il décapiterait ses lieutenants, mais pour l’heure, il fallait réagir.

Donnant rapidement ses ordres, Queek fit appel à ses réserves et divisa ses forces. Il se dirigea vers l’ouest à la tête de la Garde Rouge et d’une meute de Rats-Ogres. Il envoya les Peaux de Fer et des équipes d’armes pourchasser les régiments de Gobelins en fuite. S’ils ne parvenaient pas à les rattraper, ils devraient tenir fermement le centre du champ de bataille.

Les ordres et les manœuvres de Queek étaient instinctifs. Le monstre volant était la menace la plus immédiate ; il devait l’éliminer. Au même moment, il envisagea la possibilité que les Gobelins de la nuit se rallient et reviennent au combat. D’ailleurs, peut-être que leur fuite faisait partie du plan de Skarsnik. Si les Gobelins contre-attaquaient pendant que les Skavens étaient aux prises avec les Peaux-Vertes des embuscades, il était probable que l’ennemi se repaîtrait de leurs cadavres avant la tombée de la nuit.

De plus, la décision de Queek avait été motivée par le fait que le chef des Peaux de Fer, Ikk Hackflay, devenait un peu trop influent à son goût. En l’envoyant au centre avec ses Vermines de Choc, Queek donnait au chef Skaven une occasion de se distinguer, ou de mourir. Il ne suffisait pas à Queek de gagner des batailles. Il devait aussi les mettre à profit pour trouver des lieutenants compétents, et pour s’assurer que ses rivaux trop ambitieux y rencontraient une fin prématurée.

La Vouivre avait atterri au milieu des Guerriers des Clans et faisait un carnage. Elle n’était pas majestueuse comme un Dragon, et ressemblait plus à un énorme lézard brutal. Sa tête plongeait vers les hommes-rats pour les enfourner dans sa gueule et les encorner. Des viscères pendaient de sa mâchoire, et elle ingurgitait tant de Skavens qu’elle devait simultanément vider ses propres entrailles pour faire de la place dans son estomac distendu. Ainsi vautrée au milieu de ses propres excréments, elle continuait de se nourrir d’une façon écœurante. L’Orque juché sur la Vouivre était aussi noueux qu’elle. Il frappait de temps à autre avec sa lance pour empaler les Skavens qui tentaient de fuir. Un des hommes-rats embroché continua de hurler tandis que le Chef Orque l’agitait sous le nez de sa Vouivre pour le proposer en guise de casse-croûte.

Faisant signe à la Garde Rouge de s’arrêter, Queek fit un pas en avant et défia son adversaire : le Chef Orque était Krolg Krazkask de la tribu de la Dent Cassée. Même les Orques des Terres Arides avaient entendu parler de Queek Coupe-Têtes, et il se douta qu’il s’agissait du Skaven qui avait l’audace de le défier ainsi. Si l’énorme formation de Vermines de Choc s’était avancée, Krolg se serait contenté de s’envoler avec sa Vouivre, mais il ne pouvait pas se retirer devant un seul adversaire. La Vouivre étendit ses ailes et rugit férocement pour répondre au défi lancé par Queek.

Krolg talonna sa monture. S’aidant de ses ailes, le monstre fit un long bond, bien plus rapidement que ce que sa masse laissait imaginer. Le sol trembla lorsqu’elle atterrit lourdement. Maniant ses deux armes à la vitesse de l’éclair, Queek évita facilement le coup de lance de l’Orque et riposta en direction de la tête de la Vouivre. Les écailles du reptile étaient dures comme l’acier, et dévièrent le coup d’épée. Ainsi débuta un duel à mort. L’agile Skaven esquivait les estocades de l’Orque et les coups de dard venimeux du monstre. En retour, ses attaques laissaient des éraflures sur les écailles de la Vouivre, sans pour autant causer de blessure profonde.

Une ombre se déplaçait au fond de la vallée. Elle s’insinuait entre les piles de gravats, sautait d’un endroit à l’autre à une vitesse ahurissante.
Ailleurs, les Skavens sortaient des cavernes creusées dans les Falaises Brûlées. Ces renforts aidèrent à stabiliser la situation au niveau du flanc des Skavens situé au pied de la Montagne d’Argent. L’assaut de Squigs Broyeurs y avait été dévastateur, mais désormais, les monstres déments bondissaient inutilement loin de la mêlée. Cela laissa aux hommes-rats l’occasion de se reformer pendant que les Canons à Malefoudre visaient les monstres rouges déchaînés. En revanche, les monteurs d’Araignées sous les ordres de Snagla l'Glaviot posaient un problème plus épineux.

Les Gobelins montés foncèrent au combat. Plusieurs bandes similaires profitaient de la mobilité de leurs montures pour grimper les monticules de décombres. Une fois au sommet, les Gobelins équipés d’arcs firent pleuvoir la mort sur les Guerriers des Clans. Derrière les Peaux-Vertes arrivaient les formes immenses de deux Arachnaroks. Chacune d’elles portait un howdah en bois et en toile d’Araignée garni d’archers Gobelins. Une d’elles emmenait aussi un Chaman Gobelin qui projetait des rayons verts.

La plus grande des Araignées se dirigea droit vers les Canons à Malefoudre. Avant que les Skavens puissent les faire pivoter pour faire face à cette menace, l’Arachnarok était sur eux. Ses immenses pattes chitineuses dévastèrent les châssis en bois sur lesquelles les engins étaient fixés, et le Technomage qui commandait la batterie connut une mort atroce lorsque l’abdomen du monstre s’abattit vers lui et l’empala sur son dard venimeux. Il ne restait plus du Technomage qu’un tas de pulpe rouge au milieu d’une flaque de venin fumant.

Skarsnik avait atteint les Portes Austères et ordonna à ses troupes de faire volte-face. D’autres bandes de Gobelins de la Nuit surgissaient de la porte dans la montagne que les Nains nommaient Karag Zilfin, et que les Gobelins appelaient le Pic Hurlant. Skarsnik observait le déroulement de la bataille dans la vallée. Il estimait les résultats de ses embuscades et les réactions de Queek, son ennemi juré. En quelques secondes, ses petits yeux rouges et cruels remarquèrent quelque chose qu’il n’avait jamais vu de sa vie. Une ombre se déplaçait au fond de la vallée. Elle s’insinuait entre les piles de gravats, sautait d’un endroit à l’autre à une vitesse ahurissante. Elle laissât derrière elle un sillage de Gobelins de la Nuit morts. Une arme en métal scintillait à chaque fois qu’elle frappait, puis l’ombre se reformait autour de cette silhouette insaisissable.

Lurklox, le plus redoutable des Verminarques Manipulateurs, s’était enfin manifesté. Quand il se déplaçait à la lueur du jour, le rat-démon paraissait entouré de ténèbres, et sur ce champ de bataille sombre, il était tel une nappe de brumes noires comme la nuit qui se déplaçait à toute allure. Néanmoins, on apercevait ses armes quand elles frappaient. Une énorme étoile de jet laissait derrière elle une traînée de lumière verte. Le grand projectile décrivait de larges paraboles et tranchait net tout ce qu’il touchait avant de revenir dans les mains du Verminarque. On voyait de temps à autre la main du rat-démon qui jaillissait de l’ombre pour projeter de nouveau l’étoile de jet dans un arc mortel.

D’un coup précis, Lurklox sectionna la patte d’une Arachnarok au niveau de la jointure de la chitine. L’Araignée bascula sur le flanc et son howdah se renversa. Des volées de flèches visèrent l’ombre mouvante, mais au moment où les traits allaient l’atteindre, elle s’était déplacée un peu plus loin. L’ombre apparut ensuite derrière les monteurs d’Araignées. Le Verminarque se manifesta alors dans toute sa terrible splendeur. Ses yeux scintillaient derrière un masque noir. Avec sa lame et son étoile de jet, il décapita les Gobelins et trancha les pattes des Araignées. Les cavaliers survivants ne tardèrent pas à fuir devant sa colère. D’autres bandes prirent la poudre d’escampette après avoir croisé son regard.

Cette scène se déroula à l’insu de Queek, car il était concentré sur son duel. Il avait fallu du temps, mais maintenant, il savait à quoi s’en tenir avec ses adversaires. Il décida d’utiliser surtout Perce-Nains et attaqua à une vitesse fulgurante. Le coup était si précis que la pointe du pic de guerre s’enfonça dans l’orbite de la Vouivre. Instinctivement, le monstre retira sa tête tandis qu’une fontaine de sang jaillissait. Queek tint bon suffisamment longtemps avant de lâcher prise, afin de prendre de l’élan. Il fut projeté dans les airs, et lorsqu’il passa à proximité de l’Orque, il le décapita d’un coup d’épée foudroyant. Il atterrit ensuite avec la grâce d’un félin. Il attendit que la Vouivre eût fini d’agoniser pour récupérer son arme fétiche, et un nouveau trophée.

Sur les pentes menant aux Portes Austères, Skarsnik en avait vu assez. À son signal, les Peaux-Vertes retournèrent dans la montagne.

Les combats n’étaient pas tout à fait terminés, car Skarsnik avait volontairement abandonné ses troupes d’embuscade. Queek laissa Ikk Hackflay exterminer ces derniers Peaux-Vertes et superviser le festin de la victoire : les cadavres des deux camps allaient être dévorés par les hommes-rats. Tel était le butin convoité par l’armée.


Queek parada devant ses troupes, la fourrure et l’armure maculées du sang de ses ennemis. Les hommes-rats se prosternaient devant lui, les yeux rivés sur les nouveaux trophées qui décoraient son râtelier. Queek retourna à ses terriers personnels. Se méfiant des trahisons, il n’autorisait que ses esclaves à pénétrer dans ses quartiers. Ces derniers étaient castrés, aveugles et faméliques, et ne représentaient aucun danger pour Queek ou ses femelles.

Le Seigneur de la Cité des Piliers ne supportait pas d’être sale comme un Moine de la Peste. Ses esclaves étaient habitués au rituel qui suivait chaque bataille. Ils ôtèrent l’armure de Queek, et le lavèrent à coups de langues, utilisant leurs incisives préalablement limées pour ôter les parasites et les croûtes. Même l’armure de Queek fut récurée de cette façon. Cette victoire n’était qu’un premier pas, mais Queek ne voulait pas que ce succès rejaillisse sur le Clan Skryre. Trop souvent, les Clans Guerriers étaient condamnés à mener l’essentiel des combats tandis que les Clans Majeurs accaparaient toute la gloire devant le Conseil des Treize. Perdu dans ses pensées, il ne vit pas les ombres s’épaissir dans un coin de la pièce…


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« Le petit Seigneur fait sa toilette. Bien-bien ! Pas d’odeur, pas de trace… » susurra l’ombre.

En dépit de leur cécité, les esclaves sentirent l’aura de puissance de l’intrus et se carapatèrent. Cela faisait plusieurs fois que Queek le voyait, pourtant il ne pouvait s’empêcher d’être anxieux à la vue du Verminarque qui émergea gracieusement des ombres qui l’entouraient.

Queek n’aimait pas le ton de Lurklox. Il n’aimait pas non plus la façon dont sa fourrure se hérissait en sa présence. « Qu’as-tu découvert ? » demanda-t-il.

« Quelle impudence ! C’est toujours soit des ronds-de-jambes, soit un manque de politesse ! Les Clans Guerriers ne changeront donc jamais ? »

Queek ne répondit pas et le Verminarque poursuivit : « Le Prophète Gris a besoin de toi comme allié. Ronj Creuse-les-terriers, ton Seigneur, veut se joindre au Clan Skryre. Il veut ta mort. C’est lui qui a corrompu Thaxx pour qu’il retarde l’assaut. C’est lui qui a fait appel à Ikit la Griffe. On te manipule. Ronj Creuse-les-terriers veut te remplacer. »

Lurklox n’apprenait rien à Queek. Tous les Seigneurs testaient leurs subalternes. Certains mouraient, d’autres survivaient jusqu’à l’épreuve suivante.

Lurklox révéla alors à Queek quelque chose qu’il ne savait pas. « J’ai rencontré Skarsnik, et j’ai passé un pacte avec lui. »

L’étonnement qui passa sur les traits de Queek suscita un frisson de plaisir chez le Verminarque. « Oui-oui ! Si tu lui livres la tête du Roi Nain d’ici demain soir, Skarsnik quittera à jamais la Cité des Piliers ! »

« Et que lui as-tu promis d’autre ? » demanda Queek.

« En plus de cette tête barbue ? Je lui ai promis quelque chose qui appartient à Ikit la Griffe, et dont la disparition est pour l’instant passée inaperçu… »


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La forteresse assiégée de Karak Kadrin se trouvait loin au nord. Il avait fallu des mois de voyages souterrains à Ikit la Griffe et à son expédition pour l’atteindre.

Puisque le Clan Skryre était le plus influent des clans Skavens, et qu’Ikit était le bras droit de Morskittar, il avait des privilèges, notamment le droit de traverser librement les domaines des autres clans. Pendant des années, les Prophètes Gris avaient eux aussi profité de tels privilèges, et demandé des droits de péages. Désormais, c’était Ikit qui disposait de tels pouvoirs. Les Clans Guerriers grouillaient dans les tunnels, et le manque de respect dont ils faisaient preuve envers lui énervait Ikit. Il envoya des escadrons de Roues Infernales pour lui dégager le passage de la plus sanglante des façons. Bientôt, tous se prosternaient devant la puissance du Clan Skryre.

Throt le Galeux

Ce mutant à trois bras est un des neuf Seigneurs de Malefosse. Il a reçu pour ordre d’aider le Clan Skryre. Même s’il est irrité par l’arrogance d’Ikit la Griffe, il a beaucoup appris auprès de lui dans les domaines de la science et de la sorcellerie. En revanche, Ikit n’a montré aucun intérêt pour les talents de modeleur de chair de Throt, qu’il considère comme indignes de sa personne.

Quand il arriva à Karak Kadrin, il se rendit au quartier général des Skavens. Cet endroit avait été creusé dans les parois du Col du Pic, et servait auparavant d’avant-poste aux Nains afin de surveiller la route. Les halls de pierre portaient encore les stigmates de combats féroces, comme des boulets de canon ou des balles de Jezzail incrustés dans les murs. Le sol était maculé de taches de sang séché et jonché d’os rongés. Depuis les remparts, Ikit put contempler la montagne qui se dressait du côté ouest du col.

Il s’agissait de Karak Kadrin, également nommée le Fort du Tueur. Lors de jours plus glorieux, les marchands de l’Empire payaient des droits de péage pour passer le Col du Pic. Aujourd’hui, la route n’était que rarement empruntée, sauf par les armées d’invasion, les monstres errants et les meutes de loups. Les Skavens n’avaient pas besoin de la contrôler, car ils préféraient voyager sous terre, toutefois ils connaissaient bien Karak Kadrin, et l’avaient d’ailleurs nommée le Pic de la Mort, car elle avait résisté à plus d’attaques de Skavens que toute autre forteresse.

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Ikit toléra à peine l’interruption de la première estafette, qui apporta son message d’un air paniqué, mais le second Skaven fut grillé sur pied dès qu’il se présenta. Comment aurait-il pu ne pas entendre les cors des Nains ? Ses propres messagers lui amenèrent celui qu’il mandait.

Ikit tourna sa silhouette bardée de fer vers celle à trois bras du nouveau venu. « Throt. Ces crétins du Clan Rictus ne vont pas tenir longtemps. Il faut que tu empêches les choses-barbes de venir ici. »

Throt était repoussant et malodorant, comme tous les Skavens de Malefosse, et il parlait d’une voix lente. Il était également plus habitué à donner des ordres qu’à les recevoir. « J’ai beaucoup de griffes et de meutes, » dit-il en tournant le regard vers la Passe du Pic et l’armée de Nains. « Mais les montagnes ont encore plus de canons cachés en elles, » ajouta-t-il en indiquant les falaises qui dominaient la passe. « Tant qu’ils seront là, aucune de mes créatures ne fera long feu… »

Des rouages grincèrent quand une lunette télescopique apparut hors d’un compartiment de l’armure d’Ikit. Il observa à travers elle. Au début, il ne vit que de la roche, mais avec quelques ajustements, il fut en mesure de voir à travers les parois, et décela les systèmes de levage hydrauliques. Ces maudites choses-barbes avaient camouflé leurs meurtrières, et plusieurs batteries derrière elles.

« Seules mes plus glorieuses créations peuvent résister à cette puissance de feu, » précisa Throt. « Je les garde dans des enclos près de la porte principale. »

« Oui-oui. Bien sûr. Il me faut juste un peu de temps… » répondit Ikit en réfléchissant à toute allure à un nouveau plan. « Envoie tes créatures retenir l’ennemi, mais confie-moi tes Abominations. J’ai besoin d’elles pour transporter quelque chose… »


Depuis presque un an, les hommes-rats assiégeaient de nouveau le Pic de la Mort. Ils attaquaient depuis les entrailles de la terre, mais également depuis d’autres directions. Jusqu’à présent, les succès avaient été minimes, c’est pourquoi les trois Seigneurs de Guerre en charge des opérations venaient d’être promus suite au limogeage de leurs prédécesseurs. Ils étaient le vingt-et-unième, le vingt-deuxième et le vingt-troisième à occuper ces postes. Ils remuaient la queue avec anxiété à l’arrivée d’Ikit, car ils pensaient qu’il avait été envoyé pour se débarrasser d’eux et prendre le commandement suprême de l’assaut contre Karak Kadrin.

Lorsqu’il commença le conseil de guerre, il demanda aux Seigneurs de Guerre de lui exposer ce qu’ils savaient. Il posa des questions sur les défenses, sur le nombre de griffes à disposition de chacun, et sur la taille des diverses galeries. Ses interlocuteurs lui répondirent du mieux qu’ils pouvaient, même si Ikit n’était pas dupe, et se doutait qu’ils pensaient avant tout à sauver leur peau, comme tout bon Skaven aurait fait à leur place. Après avoir écouté leurs réponses pendant plus de trente secondes, Ikit fut à bout de patience et envoya un jet de flammes avec son gantelet. Les trois Seigneurs de Guerre furent engloutis par le feu verdâtre et consumés entièrement.

S’ils pensaient pouvoir lui apprendre quoi que ce soit, ils se trompaient lourdement. Que s’imaginaient-ils ? Bien sûr qu’il était là pour les remplacer !

Alors que les reliquats des trois chefs étaient balayés vers le côté de la pièce, le Seigneur de Guerre Rikcruk Sliceblade du Clan Rictus prit en charge les opérations militaires. Lui et ses subalternes allaient recevoir leurs ordres d’Ikit et de ses Technomages en chef. En quelques jours, l’état-major fut entièrement purgé, et tous ceux qui osèrent remettre en question la nouvelle hiérarchie furent éliminés eux aussi. Pendant que Rikcruk restructurait les clans mineurs, les Technomages s’attelèrent à leurs propres tâches.

Les caisses amenées par leurs esclaves furent ouvertes et l’assemblage débuta. De nombreuses armes du Clan Skryre furent greffées à des Rats-Ogres, et d’autres prototypes furent remontés. Cependant, les Technomages ne retrouvèrent pas l’émulateur de bombe à Malepierre. Ikit punit cette disparition mystérieuse par la mort de trois Technomages et de milliers d’esclaves.

En effet, cette machine était unique. Plus Ikit y pensait, moins il savait ce qu’elle était devenue. Est-ce que ses sous-fifres incompétents l’avaient perdue, ou avait-elle été volée ? Il n’avait pas vérifié sa présence depuis Karak aux Huit Pics. C’était le plus puissant explosif qu’il eût jamais conçu, pour une taille à peine supérieure à celle du crâne d’un Rat-Ogre. Il comptait fabriquer une roquette pour la propulser, afin d’anéantir une bonne partie du Pic de la Mort.

Le Grand Skreeductor Zingetail

Cet inventeur de génie a reçu le titre de Grand Skreeductor et a été placé à la tête du projet Objectif Lune. Avec de nombreuses forges warp, des réacteurs à Malefoudre et des millions d’esclaves à sa disposition, qui peut dire quel sera le résultat de ses expérimentations ? Zingetail s’est en effet assuré que son invention diabolique soit mille fois plus puissante que toutes les précédentes, y compris le terrifiant hémisphère infernal, ou encore le très redouté canon séisme.

Cependant, un tel plan n’était plus envisageable, alors qu’il aurait sans doute été un des plus beaux coups d’Ikit. Il aurait prouvé au Seigneur Morskittar qu’il avait fait une erreur en choisissant ce parvenu de Zingetail plutôt qu’Ikit lui-même. Ce dernier bouillonnait d’avoir été évincé du projet Objectif Lune par son ancien protégé. Certes, Ikit pouvait toujours fabriquer une roquette, mais elle ne pourrait plus être dotée d’un explosif aussi dévastateur. Finalement, il mit sur pied un plan de rechange consistant à placer une batterie d’énormes catapultes capables de pilonner les portes et de détruire les tours érigées à flanc de falaise. Cette méthode avait l’avantage d’être éprouvée. Néanmoins, Ikit avait aussi une autre idée en tête. Il avait emmené plusieurs cuves d’un gaz empoisonné plus efficace que ceux utilisés jusqu’à présent. S’il parvenait à endommager suffisamment les structures des Nains pour exposer les salles situées derrière, les catapultes pourraient projeter d’énormes sphères remplies de ce gaz mortel. Pendant qu’il nettoierait les niveaux supérieurs, les Skavens pourraient mener des attaques en parallèle. Et si ces assauts étaient lancés au moment où le Clan Moulder mettait en application son plan pour détruire les portes, la forteresse des Nains tomberait inévitablement.

La batterie était trop imposante pour être entreposée sous terre, c’est pourquoi Ikit choisit un site de construction sur le Pic de la Passe, à une lieue des portes colossales de Karak Kadrin. Tandis qu’il supervisait les opérations, il se plaisait à imaginer que les visages ancestraux des Nains sculptés dans les parois observaient l’érection des armes qui allaient causer leur perte. Il nota intérieurement de graver les symboles du Clan Skryre sur ces visages avec ses Canons à Malefoudre une fois le siège terminé.

S’il avait écouté les avis des Seigneurs de Guerre qu’il avait immolés, ou s’il avait passé plus de temps avec les troupes qui combattaient contre les Nains depuis un an, peut-être aurait-il été mieux préparé à ce qui allait suivre. Ungrim Poing de Fer, le Roi Tueur de Karak Kadrin, n’hésitait pas à tenter des sorties. C’était lui qui avait mené une force de Tueurs afin de nettoyer l’abîme d’Undertarn sous la Passe du Pic. Les Nains y avaient massacré toute une grande meute et détruit l’équipement de siège. Le Roi Tueur avait aussi lancé un raid pour anéantir le repaire du Trou Noir. Son agressivité était légendaire, et il n’allait pas laisser les Skavens fabriquer des armes diaboliques sous son nez !

La porte de Karak Kadrin s’ouvrit au son des cors et Ungrim sortit à la tête d’un ost de guerriers et de Tueurs. On voyait bon nombre des plus célèbres bannières de la cité. Les batteries de la porte donnèrent de la voix et des explosions dévastèrent les rangs des guerriers de clans qui surveillaient l’entrée. Une fois l’ost à l’extérieur, les portes se refermèrent dans un claquement sonore.

Désastre à Karak Kadrin

Le Throng de Karak Kadrin

Le contingent Nain qui marche hors de Karak Kadrin pour éliminer les Skavens qui ont pris position dans la Passe du Pic rassemble des troupes triées sur le volet et commandées personnellement par le Roi Tueur Ungrim Poing de Fer. Il compte frapper vite et fort les hommes-rats qui ont eu l’impudence de s’aventurer à découvert dans la Passe du Pic, puis aller détruire les machines de guerre diaboliques qu’ils sont en train d’assembler.

Ungrim Poing de Fer
Les Haches de Grimnir

Ungrim Poing de Fer
Jamais aucun Nain n’a été plus tiraillé entre plusieurs responsabilités qu’Ungrim Poing de Fer. En tant que Roi de Karak Kadrin, il a juré de protéger son royaume et son peuple. En tant qu’aîné du Clan Drakesson, il doit s’assurer que sa lignée perdure, et en tant que Tueur ayant prêté serment, il doit trouver la mort face aux pires créatures qu’on puisse imaginer. Ungrim ne reste jamais oisif sur son trône, et saisit la moindre opportunité de porter le fer à l’ennemi.

La Confrérie Perdue
Les Rangers de Rordak
L’Escadron Poing du Tonnerre

Les Haches de Grimnir
Cette vaste formation de Tueurs est composée de Nains originaires de toutes les Montagnes du Bord du Monde, et même d’au-delà. Ils ont effectué le long pèlerinage jusqu’à Karak Kadrin dans l’espoir d’accomplir leur vœu macabre. Après avoir fait des offrandes au Temple de Grimnir, chacun de ces guerriers a effectué un périple à l’ouest de la Passe du Pic. Ceux qui en sont revenus ont alors rejoint les Haches de Grimnir pour y servir une année durant, et traquer les plus gros monstres de la passe.

Les Chercheurs d’Or

La Confrérie Perdue
Alors que la guerre se répand dans les Montagnes du Bord du Monde, la plupart des forteresses mineures et des mines ont été pillées, si bien que des colonnes de réfugiés arrivent sans cesse à Karak Kadrin. Parmi ces Nains, ceux qui ont connu les pires horreurs prêtent le Serment du Tueur. Les membres de la Confrérie Perdue sont des guerriers déterminés qui ne cherchent qu’une chose : détruire l’ennemi, ou mourir en essayant. Ils portent des tatouages bleus sur tout le corps, qui signalent qu’il ne faut pas poser de questions sur leurs vies passées.

Les Rangers de Rordak
Nul ne connaît aussi bien la Passe du Pic que le vieux Rordak, le chef des Rangers de Karak Kadrin. Il part souvent pendant des mois, menant ses guerriers dans les plus hautes montagnes, les emmenant sur des sentiers cachés que lui seul sait repérer. Et comme il est le compagnon de beuverie de Grumblesson, le Maître Ingénieur de Karak Kadrin, Rordak peut équiper ses Rangers d’objets inhabituels, comme des bombes à cendrée ou des torpilles à Trolls. Il dispose même d’un tonneau de Bugman XXXXXX si les choses tournent au vinaigre.

Les Chercheurs d’Or
Ces Mineurs font partie du clan éparpillé des Chercheurs d’Or et se sont installés à Karak Kadrin. Ils préfèrent généralement rester sous terre, pour chercher infatigablement de nouvelles veines de minerai. Cependant, ils ont juré de protéger leur forteresse d’adoption, et ont donc accepté sans hésiter de se joindre à la sortie d’Ungrim. Ces tunneliers experts emmènent des charges de démolition particulièrement puissantes, parfaites pour disloquer la roche la plus dure tout autant que les adversaires les plus coriaces.

L’Escadron Poing du Tonnerre
Le Marteau à Peaux-Vertes, les Gardiens de la Passe… Les surnoms ne manquent pas pour ce trio de Gyrobombardiers qui appuient souvent les troupes au sol de Karak Kadrin. Leur base se trouve au sommet du pic inaccessible de Karag Zhundak. Les Nains ont perdu le décompte des fois où l’Escadron Poing du Tonnerre est arrivé à temps pour larguer ses bombes et nettoyer en un seul passage le Col du Pic des ennemis qui s’y agglutinaient.


Le Throng de Karak Kadrin

Ungrim Poing de Fer
L’Ultime Roi Tueur de Karak Kadrin

Durnok le Vengeur
Tueur de Démons

Forek Hachefeu
Tueur de Démons

Le Dernier Ulleksson
Tueur de Dragons

Bulfast le Rancunier
Tueur de Dragons

Alrufnok Fléau des Rats
Tueur de Dragons

Les Rangers de Rordak
Trois régiments de Rangers

Les Haches de Grimnir
Huit régiments de Tueurs

Les Frères Grimmsson
Bundak et Zhurr, Tueurs de Géants

Le Thane Thordek Barbedrac
Porteur de la Grande Bannière
de Karak Kadrin

Le Throng de Clan Barbedrac
Thane Durrik Barbedrac,
deux régiments de Guerriers Nains,
deux régiments de Longues Barbes,
et un régiment de Marteliers

La Garnison de Bar Dawazbak
Un régiment de Guerriers Nains,
un régiment de Brise-Fer,
et un régiment d’Arquebusiers

La Confrérie Perdue
Six régiments de Tueurs

Kranok le Fou
Tueur porteur de la Grande Bannière

L’Escadron Rouge et Or
Trois Gyrocoptères
et un Gyrobombardier

La Batterie Gardienne
Trois Canons, deux Catapultes des
Rancunes
et une Hacheuse
de Gobelins

L’Escadron Poing du Tonnerre
Trois Gyrobombardiers

La Force d’Interposition d’Ikit

Ikit la Griffe compte anéantir les défenseurs des niveaux supérieurs de Karak Kadrin par un bombardement de sphères de gaz empoisonné. Cependant, le Roi Tueur mène son armée dans une sortie pour détruire les Skavens de la Passe du Pic, si bien que le Maître Technomage doit revoir ses plans. Comme tout génie le sait, l’adaptation est la solution à tous les problèmes.

Ikit la Griffe
Throt le Galeux
Rikcruk Sliceblade
Les Horreurs de Malefosse
Les Mitrailleurs

Ikit la Griffe
Ikit est impatient de retrouver les faveurs du Seigneur Morskittar, le chef du Clan Skryre, par conséquent il est prêt à tout pour remporter la victoire. Les plans de bataille d’Ikit sont comme ses inventions, et bénéficient de ses coups de génie et de son intelligence démente. Parfois, ils fonctionnent, et parfois Ikit doit fuir en vitesse et accuser quelqu’un d’autre d’être responsable des explosions catastrophiques. Cette fois, c’est la disparition d’une arme essentielle qui a forcé Ikit à improviser un nouveau plan.

Throt le Galeux
Il s’agit d’un des Maîtres Mutateurs les plus doués du Clan Moulder. Il a reçu pour mission de travailler de concert avec le Clan Skryre. Ses dernières expériences (qui ont été ensuite améliorées par la technologie du Clan Skryre) ont abouti aux Malebrutes, dont le succès a été immédiat. Throt a hâte de retourner à Malefosse, car il s’inquiète de ce que ses subordonnés font dans ses laboratoires pendant son absence.

Rikcruk Sliceblade
Le quatrième Seigneur de Guerre le plus influent du Clan Rictus est puissant, agile et incroyablement ambitieux. Ce guerrier à fourrure noire n’envisage pas de régner un jour sur le Mont Bossu, où se trouve la forteresse de son clan, car il a des projets encore plus démesurés. Il ne souhaite rien moins que prendre la place du Seigneur de la Déchéance du Clan Rictus, Kratch Griffe de Damnation. Et au final, il espère même devenir le maître du plus puissant des Clans Guerriers, avant de ravir la place des Clans Majeurs. Du haut de sa litière de guerre et engoncé dans une armure Naine reforgée, Rikcruk assène ses ambitions à ses rivaux et à ses ennemis à grands coups d’épée en Malepierre.

Les Mitrailleurs
Ces deux meutes de trois Malebrutes sont équipées de Canons Ratling, des versions plus lourdes de la Mitrailleuse Ratling. Les Mitrailleurs sont capables de déverser un véritable torrent de feu, et ont déjà annihilé des légions d’esclaves lors de leur entraînement au tir. Ikit la Griffe a hâte de voir ce que ces créatures qu’il a contribué à créer sont capables de faire lorsqu’elles opèrent de concert. Pour sa part Throt, l’autre co-inventeur de ces mélanges de Rats-Ogres et d’armes démentes, a la sagesse de ne pas vouloir se trouver à proximité lorsque les Mitrailleurs ouvriront le feu sur le champ de bataille.

Les Horreurs de Malefosse
Throt et ses meilleurs Maîtres de Meute avaient créé et élevé une demi-douzaine d’Abominations en prévision de l’assaut contre Karak Kadrin. Ces monstres ont suivi un régime strict de prisonniers Nains et Peaux-Vertes, sans parler des injections constantes de stéroïdes et de décoctions à base de Malepierre, jusqu’à devenir immensément fortes et résistantes. Pour couronner le tout, Throt a pris soin de les tourmenter sans cesse afin de décupler leur agressivité. Du coup, il n’en reste que les trois plus grosses, car elles ont dévoré leurs congénères. Throt leur a greffé des roues, des injecteurs de drogues et même des braseros à Malepierre.


La Force d’Interposition d’Ikit

Ikit la Griffe

Throt le Galeux
Maître Mutateur et troisième
Seigneur de Malefosse

Le Clan Skryre
Treize Technomages, trois griffes de
Globadiers, un Canon à Malefoudre,
trois Roues Infernales et six légions
d’Esclaves

Les Meutes du Clan Moulder
Maître de Meute Rritchit le Croc,
Maître de Meute Skweel le Rogneur,
treize Maîtres de Meutes, huit
griffes de Rats Géants, quatre griffes
de Rats-Ogres, cinq griffes de
Malebrutes, deux meutes de Rats-
Loups
, six Nuées de Rats et quatre
légions d’Esclaves

Le Premier Croc du Clan Rictus
Seigneur de Guerre Rikcruk
Sliceblade, sept griffes de Guerriers
des Clans
, huit griffes de Vermines
de Choc
, quatre Lance-Feu, quatre
Ratlings, deux Roues Infernales et
quatre légions d’Esclaves

Le Second Croc du Clan Rictus
Seigneur de Guerre Grzzt Blackfang,
cinq griffes de Guerriers des Clans,
six griffes de Vermines de Choc,
deux Lance-Feu, deux Mortiers
à Globes empoisonnés
et quatre
légions d’Esclaves

Le Clan Snikbak
Le Chef Gratchflea, cinq griffes
de Guerriers des Clans
et deux légions d’Esclaves

Les Moucheurs de Natty
Technomage Natty Longgrifle
et cinq équipes de Jezzails

Les Clans Serviles
Le Chef Kilik Whiptai,
deux griffes de Guerriers des Clans
et six légions d’Esclaves

Les Mitrailleurs
Deux griffes de Malebrutes

Les Horreurs de Malefosse
Trois Abominations



Ungrim Poing de Fer, dernier Roi Tueur de Karak Kadrin
Ungrim Poing de Fer était furieux. D’un côté, il était toujours en colère, mais ce siège qui durait depuis un an le mettait franchement hors de lui. La vision de Skavens déambulant librement dans le Col du Pic était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. La présence d’une horde de vermine au vu et au su de tout Karak Kadrin ne pouvait être tolérée. Il lui avait fallu moins d’une heure pour rassembler ses troupes et organiser une sortie.

Il marchait à la tête de son ost et se préparait à assouvir sa colère. Les Nains suivaient d’un pas décidé, dans le silence le plus total. Il n’y avait aucun bruit en dehors du hurlement du vent et le son rythmique des bottes ferrées sur la route caillouteuse. Les Nains avaient déjà couvert la moitié de la distance qui les séparait de leurs ennemis jurés. Le campement de Skavens bourdonnait d’une activité encore plus frénétique qu’auparavant. Des échafaudages branlants entouraient une grande structure en poutres dotée de gros rouages. D’innombrables ouvriers et esclaves allaient et venaient, soulevaient des madriers, tiraient des caisses ou surélevaient les échafaudages. Des cuves étranges et des condensateurs libéraient des jets de vapeurs colorées qui se dispersaient aussitôt dans le vent. Une maigre ligne de Guerriers des Clans brandissant des totems inhabituels protégeait le site.

Des Rats Géants et des Guerriers des Clans commencèrent à émerger des tunnels le long de la passe. Ils se précipitaient pour renforcer les positions des Skavens. Beaucoup de Nains furent soulagés de voir les Skavens et leurs créatures sortir de terre, car ils craignaient plus les ruses veules des hommes-rats que leurs talents de combattants. Ils avaient hâte d’engager le corps à corps. Les meutes de Rats Géants se déplaçaient à vive allure sous la morsure du fouet. La marée de vermine enfla jusqu’à occuper toute la passe, et se précipita à la rencontre des Nains. Les batteries camouflées dans les falaises derrière le Throng ne restèrent pas silencieuses plus longtemps.

Leurs premières salves tonnèrent, et des langues de flammes révélèrent les emplacements cachés des canons. Dans les petites cavernes où les pièces d’artillerie étaient installées, les servants Nains suaient sang et eau pour tirer sans discontinuer. Ils pouvaient embrasser toute la passe du regard depuis les hauteurs, et voyaient une mer brune avancer vers le Throng. Les boulets de canons traçaient des sillons dans cet océan de vermine, qui reflua légèrement lorsque les premières meutes furent mises en déroute. Les Skavens répondirent avec leurs équipes de Jezzails postées dans les rochers, et bientôt les balles en Malepierre crépitèrent contre la paroi des falaises.

À trois reprises, la marée de vermine chargea, et à trois reprises elle fut repoussée par la puissance de feu des Nains. La horde de rats n’était pas constituée uniquement de créatures quadrupèdes, car elle comptait aussi des Guerriers des Clans et des Vermines de Choc. Au quatrième assaut, les lignes de Skavens essuyèrent les tirs sans s’arrêter, et un mur de vermine percuta les régiments Nains qui avançaient.

Les Nains poussèrent leurs cris de guerre en même temps que leur Roi. Les chants guerriers en Khazalid louaient la haine de l’ennemi et la soif de revanche. Chaque strophe était ponctuée du bruit écœurant des haches tranchant la chair. C’en était trop pour les Skavens, et seule leur vivacité leur permit d’échapper à un massacre total et unilatéral. Les Nains reprirent leur avance.

La vague suivante d’hommes-rats s’était déjà rassemblée. En dépit du pilonnage d’artillerie, elle ne flancha pas et s’interposa. Son Seigneur de Guerre, Rikcruk Sliceblade, ne s’était pas élevé par accident dans la hiérarchie. C’était un chef féroce qui dirigeait ses guerriers d’une main de fer. Ces derniers le craignaient plus que n’importe quel ennemi. Le Clan Rictus avait prospéré malgré la rigueur des Terres Sombres, au point de rivaliser avec le Clan Mors pour le titre de plus puissant des Clans Guerriers. Rikcruk savait qu’Ikit la Griffe et les Technomages du Clan Skryre n’avaient aucune confiance en sa capacité à stopper les Nains, toutefois l’ambitieux Seigneur de Guerre ne comptait pas laisser passer sa chance.

Intelligemment positionné au sein de sa horde, il se tenait fièrement debout sur sa litière de guerre et donnait des ordres. Au début, il fut à la tête de la charge, mais lorsque les Skavens atteignirent les Nains, il avait prudemment battu en retraite dans les rangs arrières. Porté par ses serviteurs, il semblait flotter au-dessus d’une mer de Vermines de Choc en armures noires. Ces guerriers étaient la fierté du Clan Rictus. Ils n’hésitaient pas à frapper les autres Skavens dans le dos et à piétiner les blessés tant leur désir de se joindre à la mêlée était grande. Leur collision avec les Nains fut si violente que ces derniers durent s’arrêter. Les lignes de bataille se pressèrent l’une contre l’autre dans une étreinte mortelle.

Lentement mais inexorablement, les Nains repoussèrent la multitude. Parfois, ils réussissaient cet exploit grâce à leur poids combiné à celui de leurs armures. Une poussée brutale du mur de boucliers du Clan Barbedrac ou le Gromril impénétrable des Brise-Fer de Bar Dawazbak suffisait à vaincre la résistance de n’importe quel Skaven. Cependant, la plupart du temps, c’étaient les coups de haches des Tueurs enragés qui venaient à bout des hommes-rats. Néanmoins, les Tueurs payaient un plus lourd tribut que les guerriers en armure pour chaque mètre de terrain gagné ; ils laissaient derrière eux un grand nombre de Nains morts ou mourants.

Déchiré par ses responsabilités contradictoires, et courroucé par son incapacité à briser définitivement le siège de sa forteresse, Ungrim Poing de Fer trouvait la rédemption dans un seul acte : l’ordalie du corps à corps. Au milieu de la mêlée, il pouvait ressentir la joie de la bataille, le besoin de délivrer la mort à ses ennemis honnis. Et aucun Nain ne commettait un massacre plus grand que le Roi Tueur. La Hache de Dargo se levait et s’abattait comme un couperet, au point qu’Ungrim se frayait à lui seul un chemin à travers les rangs adverses. D’un coup terrible, il disloqua le palanquin en bois du Seigneur de Guerre Skaven et dispersa ses gardes du corps. Le coup suivant coupa en deux Rikcruk Sliceblade au niveau de la taille. Constatant la mort de leur chef, les Vermines de Choc choisirent de prendre la tangente.

Ce dénouement était exactement ce à quoi Ikit la Griffe s’attendait. Heureusement, la ligne suivante de défenseurs avait été mise en place. Aiguillonnés et fouettés jusqu’au sang par les Maîtres de Meute, les bêtes du Clan Moulder étaient sorties des tunnels et avaient été positionnées dans la Passe du Pic, juste devant le site de construction. Toutefois, leurs premières victimes ne furent pas les Nains, mais les hommes-rats en fuite. Les meutes de Malebrutes s’avancèrent en piétinant les Vermines de Choc qui couraient dans leur direction. Chacun de ces monstres portait un arsenal terrifiant dont les canons luisaient sous l’effet de la Malepierre qui les alimentait. Une fois les Skavens en fuite exterminés, ils eurent enfin une ligne de tir dégagée.

La fusillade qui s’ensuivit fit un massacre. Des langues de Maleflamme recouvraient les Nains tandis qu’un barrage de Globes empoisonnés s’abattait. Les Rats-Ogres équipés de Canons Ratling avançaient pas à pas en libérant un déluge de projectiles. La grêle de mort déchiqueta les Tueurs dénués de protections. Les corps dévastés semblaient danser la gigue avant de s’écrouler tandis que les balles les perçaient de part en part.

Alors que les Nains se remettaient à peine de ce déluge de feu, les Malebrutes continuaient d’avancer sans cesser de tirer, et finirent par atteindre leurs rangs. Ses Lance-Feu crachaient la mort comme un des monstres progressait au milieu d’un régiment de Tueurs. Il abattit ses bras musculeux, envoyant une poignée de Nains voler dans les airs. Un dernier jet de flammes vint parachever le carnage.

Les masses de Skavens déferlent sur les Nains…
De plus en plus de Skavens arrivaient derrière les meutes de Malebrutes, par conséquent Ungrim et son armée couraient le risque d’être submergés. Toutefois, le Roi Tueur n’était pas aveugle au point de sortir de sa forteresse sans un soutien approprié. Synchronisant leurs attaques à la perfection, les engins de l’escadron Poing du Tonnerre passèrent au-dessus des cimes enneigées et plongèrent à vitesse maximale vers la vallée que formait la Passe du Pic. Les trois Gyrobombardiers lâchèrent leurs bombes sur les nuées de Skavens. Alors que les explosions ravageaient l’armée des hommes-rats derrière eux, les engins reprirent de l’altitude et passèrent derrière un des pics qui entouraient la passe. Ils ne tarderaient pas à revenir pour une seconde attaque.

De plus, une série d’explosions en haut d’une des parois envoya un déluge de rochers sur les têtes de Skavens. Dans la foulée de ce glissement de terrain vinrent les Rangers de Rordak, qui descendirent la falaise en rappel. Lorsqu’ils touchèrent le sol, les rudes montagnards lâchèrent une salve d’arbalètes sur les esclaves et les Technomages du site de construction.

C’était le répit qu’Ungrim et son Throng attendaient. Même si beaucoup de Nains étaient morts, l’armée continua d’avancer et abattit les Rats-Ogres privés de soutien. Ungrim menait l’assaut. Alors qu’il tuait le dernier Rat-Ogre, sa hache fendit la cuve de carburant qui alimentait les Lance-Feu du monstre. Des flammes noires engloutirent le Roi Tueur, formant autour de lui une boule de feu dévastatrice. Pour les Nains, le temps sembla suspendu pendant quelques secondes. Ungrim, le Roi Tueur qui avait survécu à des milliers de batailles et d’ennemis, était à l’épicentre de la déflagration.

Les flammes firent fondre la roche et creusèrent un cratère au sol rougeoyant. Alors que les Nains allaient maudire leur sort, leur Roi sortit indemne du brasier. Des flammèches dansaient à l’extrémité de sa barbe et de sa crête ; la Hache de Dargo scintillait au milieu de la fumée noire. Ungrim Poing de Fer avait été protégé par sa cape en peau de Dragon, et il était plus furieux que jamais. Aucun Skaven n’osa se dresser face à lui lorsqu’il chargea leurs rangs.

Les Nains suivaient avec détermination leur invincible chef. La plupart des esclaves qui assemblaient les échafaudages s’enfuirent vers les tunnels. En revanche, les Technomages tentèrent de défendre leur machine avec un arsenal de pistolets et de fusils aux formes bizarres. Des arcs d’énergie jaillirent des canons et carbonisèrent plusieurs Nains, mais ces derniers ne ralentirent pas. Ils atteignirent rapidement les structures instables, et usèrent de leurs haches pour taillader aussi bien les poutres mal ajustées que les Technomages terrifiés. Grzzt Blackfang, un autre Seigneur de Guerre du Clan Rictus, arriva alors à la tête de plusieurs griffes et une mêlée éclata au milieu des débris des échafaudages.

Pour sa part, Ikit la Griffe avait quitté le site de construction depuis belle lurette, et s’était réfugié sous terre. Il avait emmené des esclaves qui poussaient un haquet sur lequel étaient posées trois grandes cuves cylindriques. Le Maître Technomage était anxieux de se trouver aussi près de son stock de gaz empoisonné, car même son respirateur et les protections de son harnais en fer n’étaient pas suffisants face à la virulence de ces vapeurs. Après tout, c’était lui qui les avait mises au point, c’est pourquoi il était parfaitement au fait de leur létalité.

La combinaison des Vents de Magie qui soufflaient en rafales et la grande quantité de Malepierre amassée par le Clan Skryre avaient en effet donné à Ikit la possibilité de créer un gaz particulièrement dangereux. Au cours des tests, il avait constaté que ces vapeurs tuaient plus vite que n’importe quelle décoction de ces imbéciles du Clan Pestilens. Une seule des cuves suffirait à remplir des dizaines de milliers de globes en verre. Et Ikit en avait trois à sa disposition.

Son plan avait été au départ d’aligner des Globadiers équipés de telles armes aux côtés des nouveaux modèles de Rats-Ogres. Avec ces armes secrètes, les Skavens auraient pu vaincre les défenses du Pic de la Mort. Cependant, plus Ikit y pensait, plus il réalisait qu’une telle bataille prendrait des mois pour être remportée. Et il avait hâte de retourner dans les tunnels humides et surpeuplés de Skarogne. De plus, pendant son absence, Zingetail avait le libre accès aux ateliers, aux générateurs et à toutes les inventions conservées à Skarogne. Voilà pourquoi Ikit souhaitait que sa campagne militaire fût la plus courte possible.

La fabrication des machines de guerre n’avait plus d’importance. Avant même qu’Ungrim Poing de Fer eût couvert la moitié de la distance jusqu’au site de construction, Ikit avait déjà échafaudé un nouveau plan afin d’utiliser au mieux son arsenal chimique. La méthode qu’il envisageait serait beaucoup plus efficace qu’un bombardement hasardeux et imprécis des impénétrables murs de la forteresse.

L’idée lui était venue suite à sa courte conversation avec Throt. Jusqu’à présent, leur collaboration avait donné naissance aux Malebrutes et aux braseros à Malepierre sur certaines Abominations, qu’on pensait capables de défoncer les portes des cités Naines. C’était cette tactique légèrement modifiée qu’il allait tenter.

Pendant qu’Ikit préparait les cuves, Throt se rendit aux enclos pour préparer ses Abominations. Il avait avec lui les plus doués de ses Maîtres de Meute : Rritchit le Croc et Skweel le Rogneur. Pendant que ces derniers dirigeaient une petite armée de dresseurs afin de distraire les Abominations, Throt se mit au travail. Il utilisa sa lame pour inciser le ventre distendu d’un des monstres, et se servit de son Attrape-choses pour maintenir la plaie ouverte. Une nuée de rats jaillit en claquant des mâchoires. Une équipe de Technomages chassa les minuscules rongeurs et inséra une des cuves de gaz dans le corps de l’Abomination.

Ils fixèrent l’immense réservoir à l’aide de clous et de soudures, de chaînes enroulées autour des os, et de rivets dans les vertèbres. Pendant ce temps-là, l’Abomination rugissait et ruait. Ses blessures se refermèrent si vite sous l’effet de sa vitalité surnaturelle que plusieurs Technomages furent pris au piège à l’intérieur de son corps.

Ikit appuyait frénétiquement sur le bouton rouge du boîtier qu’il tenait, et jetait des regards furieux aux Technomages à ses côtés.
L’Abomination se heurta à un nouveau barrage de tirs dès qu’elle apparut dans le hall d’entrée de Karak Kadrin.
Ikit doutait de plus en plus de son plan. Dans leur rage, les Abominations arrachaient les chaînes qui les retenaient. Encore quelques minutes, et les serviteurs de Throt ne parviendraient plus à les retenir. Beaucoup étaient déjà morts, coupés en deux par une gueule écumante, ou aplatis comme des crêpes, mais finalement, une cuve fut greffée à chacune des créatures. Throt ordonna à ses subalternes de guider les Abominations une dernière fois, et abaissa sans attendre le levier qui permettait de libérer les monstres de leurs lourdes chaînes.

Les Maîtres de Meutes les moins chanceux furent abandonnés dans la caverne avec les Abominations afin de servir d’appât. Ils menèrent les monstres hors des immenses grottes, et sortirent à l’ouest de la Passe du Pic, face aux portes de Karak Kadrin.

Plus loin dans la passe, Ungrim Poing de Fer venait de tuer le deuxième Seigneur de Guerre du Clan Rictus, et son armée avait repoussé la contre-attaque des Skavens. Les Tueurs tatoués de la Confrérie Perdue les poursuivirent jusqu’à l’entrée des cavernes. Ungrim s’appuya sur sa hache et laissa les jeunots dépenser leur fougue, non pas parce qu’il était lui-même fatigué, mais parce qu’il sentait que quelque chose se tramait. Son Throng était trop loin des portes. Il fallait absolument qu’il retourne les protéger.

Alors que le Roi Tueur commandait à son Thane de sonner la retraite, il perçut les piaulements des Abominations et le rugissement de l’artillerie qui gardait les portes. Son cœur faillit défaillir. Même s’il était vieux, et désabusé depuis qu’il avait connu la mort de son fils unique, Ungrim était totalement dévoué à Karak Kadrin. Comme le cor de guerre sonnait la retraite, les Nains abandonnèrent le site de construction et la Confrérie Perdue qui avait poursuivi les Skavens dans les grottes, et retournèrent vers les portes en toute hâte.

Les trois Abominations se traînaient vers les immenses battants. Elles étaient bouffies et difformes, pourtant elles se déplaçaient à une vitesse terrifiante. Les Maîtres de Meutes qui les avaient guidées les avaient abandonnées depuis plusieurs centaines de mètres, car dès que les monstres frénétiques étaient apparus en plein jour, ils s’étaient heurtés au feu nourri de l’artillerie. Enragés par cette grêle douloureuse, ils s’étaient élancés vers Karak Kadrin.

Les rochers projetés par les Catapultes des Rancunes tombaient près des Abominations et saturaient l’air de fragments de pierre. Les boulets de canon s’enfonçaient dans leur chair molle. Bientôt des Canons Orgues, des Arbalétriers et des Arquebusiers se joignirent au pilonnage. Les monstres vagissaient de douleur tout en continuant d’avancer. Une armée entière n’aurait pu survivre au déluge de tirs en provenance des portes, et seules les capacités de régénération surnaturelles des Abominations leur permirent de résister à la tempête de tirs. Elles essuyaient les coups, et les têtes arrachées repoussaient en quelques secondes. Les trous forés dans leurs corps se refermaient si rapidement que la chair ondulait et palpitait sous les yeux éberlués des Nains.

Malgré cela, une des créatures finit par s’écrouler en libérant un nuage de gaz. Les vapeurs inondèrent les deux autres monstres, qui en ressortirent juste devant les portes en toussant et en crachant. Le vacarme des impacts ne tarda pas à résonner dans la passe. Elles martelaient les portes avec leurs poings de la taille d’un rocher. Les portes avaient résisté à bien des ennemis depuis la naissance du monde. Les battants en pierre et en acier s’étaient révélés invincibles face aux coups de pied des Dieux Orques, aux éclairs d’énergie des Elfes et aux vrilles entropiques des Démons. À chaque fois, les enchantements s’étaient dissipés. Pendant des milliers d’années, ni la force brute, ni la Magie n’avaient réussi à fissurer les portes. Jusqu’à ce jour.

À chaque coup, les braseros à Malepierre ainsi que les poings des Abominations maltraitaient les battants. Les runes de Valaya forgées par les aïeux des Nains ne scintillaient pas, et restaient désespérément ternes. Finalement, une des fissures fut assez large pour qu’une des Abominations s’y immisce en se tortillant de façon grotesque. Comme un rat d’égout se faufilant dans un trou minuscule, elle parvint à pénétrer dans la forteresse.

L’Abomination se heurta à un nouveau barrage de tirs dès qu’elle apparut dans le hall d’entrée de Karak Kadrin. Des balles, des boulets et des torpilles à Trolls en vinrent finalement à bout. Des jets de vapeurs verts s’échappèrent de sa carcasse tandis que la dernière monstruosité entrait à son tour.

Ikit appuyait frénétiquement sur le bouton rouge du boîtier qu’il tenait, et jetait des regards furieux aux Technomages à ses côtés. L’explosif commandé à distance ne fonctionnait pas alors que c’était le moment ou jamais. Alors qu’il passait sa colère sur ses sbires en les foudroyant avec sa hallebarde, un bruit assourdi résonna dans la passe. Les débris des portes furent arrachés de leurs gonds et un nuage vert engloutit la forteresse.



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La morosité régnait chez les Nains de Karak aux Huit Pics. Après des semaines de combats désespérés dans les tunnels, les Skavens avaient repoussé les Nains dans leurs ultimes retranchements. En dehors du Hall des Piliers de Fer, le reste de la citadelle était aux mains de l’ennemi. Les Nains avaient provoqué l’effondrement de nombreux tunnels et barricadé les portes. Moins de deux cents guerriers étaient encore en mesure de manier leurs haches.

Au lieu d’essayer de défendre les diverses entrées, les Nains s’étaient disposés en carré au centre du hall. Belegar se tenait au milieu de ses troupes. Il ne les encourageait pas, et ne prononça aucune harangue. Les bras étaient croisés dans un silence de mort. C’était la cérémonie solennelle d’un peuple taciturne. Quelques heures auparavant, le Roi avait autorisé ceux qui le voulaient à essayer de fuir Karak aux Huit Pics par un puits étroit qui filait vers les entrailles de la terre sur plusieurs centaines de mètres. Après avoir descendu des milliers d’échelons en acier, une galerie se dirigeait vers le sud sur des lieues avant de remonter vers la surface en un lieu caché.

Seule une trentaine de Nains avait décidé de partir. Plusieurs d’entre eux n’avaient pas fait ce choix de leur plein gré, mais pour obéir aux ordres de leur Roi. En dépit de leurs protestations, ils ne pouvaient pas désobéir à leur suzerain. C’étaient pour la plupart des poils-au-menton, les plus jeunes membres du Clan Angrund. Si le groupe avait de la chance et que le tunnel était inconnu de l’ennemi, ils n’allaient pas tarder à ressortir à la surface. Le voyage entre les pics serait dangereux, sans parler du long chemin qui les emmènerait au nord.

La Confrérie de Fer combat…
… la Garde Rouge de Queek.
Ceux qui restaient étaient là par devoir et pour l’honneur. Le fait qu’ils n’eussent aucun espoir de survie n’importait pas. En vérité, ils se savaient condamnés depuis longtemps. Au fond de leurs cœurs, ces Nains étaient conscients que tenter de reconquérir Karak aux Huit Pics était impossible. Mais ce n’était pas le genre de chose qui les effrayait, car ils étaient guidés par le serment qu’ils avaient prêté envers leurs ancêtres et leur clan.

Malgré tout, Belegar se raccrochait à un mince espoir. Il pensait qu’ils pourraient peut-être résister assez longtemps, jusqu’à ce que des renforts arrivent. À deux reprises par le passé, les Nains s’étaient retrouvés dans des circonstances similaires, et à chaque fois ils avaient été sauvés de justesse par l’arrivée de leurs frères.

À quelques kilomètres de là, Queek Coupe-Têtes se préparait pour l’assaut final. Il venait de clore son conseil de guerre et avait hâte de retourner au combat. Le Seigneur de Guerre du Clan Mors savait mener ses meutes avec brio, et combattre les Nains n’avait plus de secret pour lui. Les choses-barbes étaient robustes mais prévisibles. Des messagers ou des bandes disparates essaieraient peut-être de passer dans les mailles du filet, toutefois les autres guerriers ne tenteraient pas de fuir. Même s’ils étaient encerclés et submergés par le nombre, ils se battraient jusqu’à leur dernier souffle, telles des bêtes des cavernes acculées.

En dehors du combat à venir, Queek Coupe-Têtes ne se sentait pas à l’aise. Au cours du conseil de guerre précédent, il avait eu affaire au Prophète Gris Kranskritt et à l’immense Verminarque qui le suivait comme son ombre. Au début, dans le Hall du Clan Skalfdon, Queek avait cru que le rat-démon avait été invoqué momentanément par le Prophète Gris, mais au bout de quelques minutes de conversation, il avait changé d’avis. C’était bel et bien Soothgnawer qui commandait le duo, et utilisait Kranskritt pour parvenir à ses objectifs mystérieux. Pour sa part, Queek était accompagné par Lurklox, ce qui était tout aussi dérangeant. Il ne parvenait pas à dire si les Verminarques œuvraient de concert, ou s’ils poursuivaient des buts divergents.

Queek était intimement persuadé que c’était Kranskritt qui avait mené Skarsnik vers les tunnels ; le Seigneur de Guerre du Clan Mors s’était donc préparé à une éventuelle guerre civile. Cependant, au lieu de cela, Lurklox l’avait convaincu de s’allier avec le Prophète Gris pour attaquer Skarsnik. Visiblement, tout ceci était de l’intimidation. Les Verminarques voulaient prouver aux Peaux-Vertes qu’une guerre contre les Skavens serait longue et stérile. Les rats-démons avaient atteint leur but, car après la bataille dans la vallée, ils étaient allés voir Skarsnik et avaient conclu un pacte avec lui, sans prendre la peine de prévenir Queek de leurs intentions.

Afin de sceller cette alliance et d’hériter de la suprématie sur Karak aux Huit Pics, Queek devait offrir à Skarsnik la tête du Roi Nain. Après cela, le Gobelin devait quitter les Montagnes du Bord du Monde définitivement. Queek avait déjà été trahi à plusieurs reprises par Skarsnik dans le passé. Le Gobelin était un menteur invétéré, aussi retors que le pire des Skavens. Queek n’avait aucune idée précise des tenants et des aboutissants du pacte que Lurklox avait passé avec lui. S’il s’écoutait, il leur ferait tous tâter de Perce-Nains. Après tout, Queek ne faisait confiance ni aux Gobelins, ni aux Prophètes Gris, et encore moins aux Verminarques.

Chassant ces pensées, il se concentra sur la tâche à venir. Il était temps d’en finir avec les choses-barbes. Il envoya la première grande meute au combat, puis effectua un large détour afin d’atteindre l’autre côté du dernier hall tenu par les Nains. Une fois là-bas, il ordonna au reste de la force d’assaut d’avancer, en rappelant à ses guerriers que le Roi Nain était à lui. Après avoir lancé ses attaques depuis différentes directions, il n’eut plus qu’à attendre. Il connaissait bien les Nains. Ils avaient inévitablement posé des pièges à poudre noire ou reliés à des rochers qui s’effondreraient dès que les portes seraient ouvertes. Il imaginait déjà les murs de boucliers et les gueules des canons qui attendaient à l’intérieur du hall.

Queek jugea qu’il devrait patienter entre sept et huit repas (soit l’essentiel d’une journée) avant de rejoindre les combats à la tête de la Garde Rouge. Mais comme c’était un Skaven terriblement impatient, il n’attendit finalement que la moitié de ce laps de temps. Les tunnels qui menaient au Hall des Piliers de Fer grouillaient d’hommes-rats. L’odeur du musc des rongeurs céda la place à celle de la poudre noire, des entrailles fumantes et de la peur lorsqu’il arriva sur le champ de bataille. Le nombre de cadavres d’hommes-rats qui s’entassaient était impressionnant.

À d’innombrables reprises, les Skavens avaient traversé la forêt de piliers pour assaillir le mur de boucliers des Nains, et à chaque fois, ils avaient été repoussés suite à de lourdes pertes. Des Globadiers s’agglutinaient derrière un pilier, et guettaient le moment opportun pour intervenir. Lorsque la mêlée se faisait dense, ils bondissaient de leur cachette et se préparaient à jeter leurs sphères mortelles. Les Arbalétriers Nains n’avaient que quelques secondes pour les repérer et les abattre, mais leurs volées étaient d’une précision redoutable. Les Globadiers meurtris battaient alors piteusement en retraite en attendant l’assaut suivant.

Les guerriers Nains étaient attaqués de tous côtés. Aux cris de « Vive Belegar ! » et « Pour Karak aux Huit Pics ! », ils combattaient sans faiblir. Leur carré défensif rétrécissait au fil des pertes qu’ils subissaient. De temps à autre, la lance d’un homme-rat trouvait une faille dans les épaisses cottes de mailles, ou une épée barbelée frappait à la jointure d’un gorgerin. Sans se laisser abattre, les Nains resserraient les rangs autour de leur Roi, afin de créer un mur avec leurs corps. En dépit de la fatigue, de la soif et des blessures, les fils de Grungni poursuivaient la lutte, d’autant plus que la mort de leurs camarades ne faisait que raffermir leur détermination.

Les Skavens battirent en retraite une fois de plus, toutefois la vague suivante s’élança dans la foulée. C’est alors qu’arrivèrent les Vermines de Choc en armures écarlates de la Garde Rouge. Ces guerriers étaient frais et dispos, et figuraient parmi les plus redoutables de leur race. Une fois de plus, ils affrontèrent la Confrérie de Fer, les Marteliers servant de gardes du corps à Belegar. Mais cette fois, ce furent les Skavens qui triomphèrent. Au moment où leurs hallebardes abattaient le dernier Nain du régiment, les hommes-rats se jetèrent sur les cadavres pour s’emparer de trophées tels que des têtes, des barbes et des pièces d’armures, car depuis des siècles, les guerriers de la Confrérie de Fer étaient le fléau des rats, et aujourd’hui leur règne de terreur prenait fin.

La douzaine de Nains survivants formait un cercle autour de son Roi. Les Skavens les assaillirent à plusieurs reprises et furent repoussés. Belegar abattait son marteau en appelant à lui ses ancêtres. Nul ne pouvait résister à sa colère, toutefois ses gardes du corps périrent les uns après les autres sous le poids du nombre. Belegar se retrouva au milieu d’un cercle d’hommes-rats. Son armure était cabossée et son bouclier éraflé, mais il se dressait fièrement. Queek entra dans l’arène.

Le duel qui suivit fut bref, mais pas aussi déséquilibré que Queek l’avait imaginé. Belegar était condamné, épuisé et blessé, mais il ne montra pas de signe de faiblesse et se battit jusqu’à son dernier souffle. Queek saignait et son armure portait la trace distincte de la tête du marteau de son ennemi une fois le combat terminée. Il se baissa. Lorsqu’il se releva, il brandissait bien haut la tête de Belegar, sous les couinements de joie de ses guerriers.

Le duel final entre le Roi Légitime des Huit Pics et le Faucheur de Nains…



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Après tant de millénaires, le monde changeait inexorablement, et certainement pas en bien.

Le Haut Roi Thorgrim le Rancunier observait l’horizon depuis la plus haute tour de Karaz-a-Karak. C’était une spire de roche taillée proche du sommet de la montagne. S’y tenir donnait l’impression de se dresser au sommet du monde. Il regarda les nuages et les pics enneigés des Montagnes du Bord du Monde aux alentours. Le soleil se couchait et ses derniers rayons coloraient de rouge les montagnes. De la fumée s’élevait au loin, signe des guerres et des éruptions volcaniques. Au nord, les cieux luisaient sous l’effet d’une tempête boréale multicolore. Des éclairs zébraient le ciel.

Des milliers de mètres plus bas, la plus grande forteresse des Nains était assiégée. De nombreuses portes avaient été attaquées, pas seulement celles de la Route de l’Argent, mais aussi des entrées réparties sur les divers flancs et falaises de la montagne colossale. Même des portes secrètes avaient été assaillies. Sous terre, dans les anciennes mines et les profondeurs insondables, les combats étaient encore plus violents. Que tant de passages anciens et oubliés fussent assaillis prouvait qu’il ne s’agissait pas d’une invasion quelconque, mais bien d’une campagne d’extermination lancée contre le peuple des Nains.

Des messages en provenance de régions aussi lointaines que les Montagnes Grises annonçaient tous la même chose : les forteresses Naines et les mines tombaient les unes après les autres. Les Skavens attaquaient depuis les profondeurs en nombres ahurissants. Contrairement aux hommes de l’Empire, les Nains avaient toujours su que les hommes-rats étaient une menace majeure, pourtant nul n’aurait pu prédire que cette race maléfique eût pu se reproduire aussi rapidement, et gagner autant en agressivité. Karak Azul était tombée.

Les pilotes de Gyrocoptères disaient que des nuages verts s’accrochaient toujours à Karak Kadrin, et que la grande porte de la Passe du Pic gisait détruite. Zhufbar avait fermé toutes ses entrées dans l’espoir de se claquemurer. La Marine Naine avait subi une lourde défaite en défendant Barak Varr, et désormais de la fumée s’échappait des tours de cette forteresse maritime.

Était-ce le crépuscule des Nains ? La fin du monde ? Les légendes racontaient que les Dieux Ancestraux reviendraient pour la bataille finale. En dépit du flot constant de pèlerins dans les temples de Grungni, de Grimnir, de Valaya et des autres Dieux Mineurs, aucun miracle ni aucune manifestation divine ne s’était produit.

Les nouvelles des autres nations, même si elles étaient moins fiables, n’étaient pas meilleures. La Tilée, l’Estalie et la Bretonnie avaient été dévastées au cours de ces dernières années et n’étaient plus que des champs de ruines. La plus grande partie de l’Empire aussi. Plusieurs rapports faisaient état de la disparition, voire de la mort de l’Empereur Karl Franz. Nagash était revenu ; le cœur pourri de la Sylvanie vomissait des Vampires et leurs Morts-Vivants. Et au nord marchaient les armées du Chaos, précédées d’une avant-garde de monstres. La rumeur disait que les Hauts Elfes livraient une guerre civile sanglante contre leurs sombres cousins. Les relations entre les Nains et les Elfes avaient toujours été compliquées, et même si Thorgrim ne doutait pas que cette race capricieuse était effectivement en difficulté, il devait reconnaître qu’il préférait les avoir comme alliés plutôt qu’être seul.

Au cours du temps, Karaz-a-Karak avait surmonté de nombreuses épreuves. C’était la plus grande des forteresses, le cœur de pierre de l’empire des Nains. Désormais, moins de la moitié des cités étaient habitées, cependant elles restaient des merveilles inégalées. Les halls et les tunnels célébraient dans la roche l’histoire des Nains, et les chambres au trésor recelaient les plus. puissants artefacts de ce monde.

Le nom Karaz-a-Karak signifiait en Khazalid « Pinacle des Montagnes », ou encore « La Ville Indestructible ». C’est pourquoi les autres races l’appelaient Le Pic Éternel. Karaz-a-Karak avait connu le Temps du Malheur, les Guerres Gobelines, les sièges des Elfes et des milliers d’autres conflits. Tant qu’elle résisterait, les Nains survivraient.

Alors que la nuit tombait et que la seconde lune affichait son visage sinistre dans le ciel fuligineux, Thorgrim descendit du promontoire. La lueur verdâtre de Morrslieb était dérangeante. Il passa plusieurs heures à descendre l’interminable escalier en colimaçon avant de retrouver ses porteurs qui l’attendaient. S’asseyant sur le Trône de Pouvoir, il effleura Azamar, la seule Rune d’Éternité au monde. Sa douce chaleur le réconforta quelque peu. Le vieux Roi fut alors emmené par ses porteurs jusqu’à la salle de son trône, afin qu’il endure une autre réunion lors de laquelle ses conseillers allaient lui dérouler la liste des malheurs du monde.


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Le Prophète Gris Thanquol se trouvait au plus profond des égouts de Nuln, plongé dans le désespoir. Son rêve de remporter une victoire éclatante s’éloignait de plus en plus. Le plan échafaudé pour conquérir la cité des choses-hommes était en train d’échouer, et une fois de plus, c’est lui qu’on blâmait. Le Conseil des Treize avait été très clair : soit il réussissait, soit il paierait son échec de sa vie.

Même si ses tentatives précédentes avaient échoué de façon désastreuse, le sorcier au pelage blanc tenta une fois de plus d’ouvrir le voile entre les réalités dans le but d’invoquer un redoutable Verminarque… et il échoua une fois encore. Heureusement, cette fois, les conséquences ne furent pas aussi terribles que précédemment. Fouettant l’air avec sa queue de frustration, le Prophète Gris vérifia les symboles primitifs gravés sur le sol en pierre. Les rigoles qu’ils formaient étaient remplies de sang.

C’est à cet instant que Thanquol aperçut une main translucide qui émergeait des ténèbres. Ses griffes déchirèrent la réalité dans un crissement qui hérissa les poils du Prophète Gris. La main immense s’empara de Thanquol et le souleva la tête en bas tandis que son propriétaire s’extirpait de l’abysse.

Thanquol ne put que couiner de terreur et d’étonnement.

Bien évidemment, il avait déjà vu des Verminarques, mais jamais comme celui-là. Ses cornes immenses étaient incontestablement un symbole de statut et de noblesse. Plusieurs paires formaient des courbes gracieuses au-dessus de son front. Elles paraissaient même bouger tandis que Thanquol les regardait.

« Ahhh, Thanquol ! » ronronna le Verminarque. « J’attendais que tu m’appelles, petit prophète. Nous avons beaucoup à faire ! »

« Qui… qui êtes-vous, ô mon maître ? » s’enquit Thanquol alors que le rat-démon le reposait doucement au sol. Ce n’est qu’à cet instant qu’il remarqua que les pieds griffus du Verminarque ne trempaient pas dans les immondices du caniveau, mais que l’étrange créature lévitait au-dessus de la surface. Elle était borgne. Son orbite vie semblait aussi noire et profonde qu’un puits sans fond.

« Je suis Skreech Verminking, » répondit le Verminarque. « Mes congénères sont nombreux… » Alors qu’il parlait, Thanquol vit que son corps se modifiait pour incarner tour à tour les divers aspects de ses frères : la silhouette contaminée d’un Prêtre de la Peste, l’Assassin discret, les hordes affamées, le Technomage ingénieux, le Prophète… « La ruine, la décadence. Elles me donnent de la force. La maladie et la destruction m’ont appelé, » expliqua-t-il en reniflant l’air et en tournant la tête à droite et à gauche. « Sans vouloir minimiser l’effet de ton rituel, bien sûr… »

Les Prophètes Gris parlaient parfois de celui qu’on nommait l’unique, un Roi des rats, le mal incarné. La société des Skavens était hiérarchisée à l’extrême, avec ses clans et ses castes. Venait-il vraiment d’invoquer le plus puissant des Verminarques ? Thanquol avait toujours su qu’il était spécial, mais cette confirmation flattait son ego au plus haut point.

Le Prophète Gris leva les yeux vers cet être qui semblait scruter jusqu’à son âme. Il parut lire dans ses pensées car il sourit avec indulgence, et vint caresser affectueusement les cornes de Thanquol avec son énorme griffe. « Oui-oui, petit prophète. Ensemble, nous allons conquérir ! »

Chapitre IV : LE GLAS SONNE POUR NULN - Hiver 2524 / Printemps 2525

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Les attaques des Skavens contre l’Empire débutèrent au moment où le Clan Pestilens lançait son assaut contre la Lustrie. Le minutage de l’attaque était parfait, puisque l’Empire était déjà en difficulté, et livrait plusieurs guerres tout en étant victime d’épidémies. Cependant, le minutage était bien la seule chose qui œuvrait en faveur des Skavens.

L’offensive des Skavens était composée d’une douzaine d’opérations de grande envergure, chacune rassemblant les troupes de plusieurs Clans Guerriers mineurs. Les campagnes dans l’Empire ne bénéficiaient donc pas d’un chef suprême ou d’un clan chargé d’organiser l’effort de guerre. Elles étaient menées séparément, ou pire, suivaient parfois des buts divergents.

Après des mois de préparatifs et d’excavations, beaucoup d’attaques durent être avortées. Parfois, les Clans Guerriers se disputaient et des affrontements fratricides éclataient. En d’autres occasions, les Skavens arrivèrent tout simplement trop tard. La guerre avait déjà englouti l’Empire. Au nord, le Reikland et le Nordland étaient à feu et à sang. Quelques clans n’ayant aucun lien de parenté avec le Clan Pestilens furent même victimes des épidémies qui ravageaient les terres des humains. Plusieurs fois, les Skavens émergèrent dans les ruines que les armées du Chaos avaient laissées derrière elles, et devinrent plus des fouineurs que des envahisseurs, car ils n’avaient plus qu’à fouiller les détritus à la recherche d’un maigre butin.

Le Grand Technomage Skribolt

Il s’agit de l’étoile montante du Clan Skryre. C’est Skribolt qui est responsable de la destruction de la cité Tiléenne de Pavona et des rafles d’esclaves dans les Terres Arides. Actuellement, il fomente une attaque contre Nuln, car il doit capturer les forges de la ville et piller ses ressources, dont les stocks de poudre noir et un moteur en état de marche afin de le rapporter à Zingetail.

Thanquol et son nouveau Vorhax.
Quatre Clans Guerriers furent assignés à l’attaque de Nuln : les clans Gristlecrack, Vrrtkin, Kryxx et Carrion, chacun d’eux bénéficiant de l’appui d’un Clan Majeur différent. À cause de l’importance de l’objectif, ces clans bénéficiaient du soutien de nombreux Technomages sous les ordres du Grand Technomage Skribolt, et de deux Prophètes Gris, Thanquol et Gribikk. Avant leur déchéance récente, le commandement de cette mission leur aurait été confié, mais cette époque était révolue. Depuis leur limogeage du Conseil des Treize, les sorciers cornus n’étaient guère plus que des laquais pour les Seigneurs de Guerre. Au mieux, ils occupaient des postes de conseillers.

Suite à l’ascension du Clan Skryre jusqu’au sommet de la hiérarchie des clans, c’était un de ses membres qui avait reçu le commandement suprême. Le Grand Technomage Skribolt était un inventeur de talent et un habile manipulateur des énergies électriques. Néanmoins, il n’était pas doué pour diriger autre chose qu’une équipe de sous-fifres dans son laboratoire, si bien que ses tentatives visant à coordonner les Clans Guerriers avaient été désastreuses.

Le premier assaut, qui devait capturer les stocks de poudre de Nuln, n’avait jamais eu lieu. Le Clan Vrrtkin voulait garder pour lui tous les droits de pillage, et il se retourna contre ses alliés du Clan Carrion. Thanquol fut accusé d’être responsable de cet échec, alors qu’à ce moment-là, il se trouvait à des lieues de l’opération : on l’avait envoyé explorer un réseau de vieux tunnels sous la Sol. Lorsqu’on le rappela et qu’on l’informa de son échec, il fut forcé de se justifier de la perte de milliers de Guerriers des Clans devant le représentant du Conseil des Treize.

Thanquol reconnaissait qu’il fallait toujours un bouc émissaire pour porter le poids d’un échec. Il avait souvent eu recours à cette méthode par le passé lorsqu’il avait connu des difficultés à cause de subalternes incompétents. Cependant, les boucs émissaires étaient toujours choisis parmi les faibles, par conséquent Thanquol s’inquiéta de voir à quel point la déchéance des Prophètes Gris était totale. Pire encore, le messager du Conseil des Treize n’était pas un Prophète Gris, mais un de ces bricoleurs du Clan Skryre. Voir un de ces minables escorté par les Gardes Albinos du Conseil fit l’effet d’une gifle à Thanquol. Au cours de cette entrevue, le messager ne fut pas tendre avec lui, et lui fit comprendre qu’un autre échec lui serait fatal.

La mission suivante de Thanquol relevait du simple rôle de messager, mais un événement étrange réveilla la paranoïa du Prophète Gris. Les Technomages du Clan Skryre lui confisquèrent Vorhax, officiellement pour améliorer son Lance-Feu, cependant Thanquol n’était pas dupe. Sans son garde du corps, il se sentait vulnérable. Lorsqu’il revint de sa mission, il apprit qu’une autre attaque avait été mise sur pied. Elle avait échoué elle aussi, même si cette fois, les Guerriers des Clans avaient atteint la surface. Le raid avait été organisé par les Clans Gristlecrack et Kryxx, et ce fut une fois encore le Clan Vrrtkin qui le fit échouer. Les humains étaient tombés sur les Skavens en train de s’entre-tuer, si bien que les hommes-rats avaient fui dans les égouts en laissant de nombreux guerriers morts derrière eux.

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Derechef, Thanquol apprit qu’on le blâmait pour cet échec, alors qu’il n’avait pas été mis au courant de l’existence de ce plan. Lors du conseil de guerre suivant, le premier ordre de Skribolt fut de renvoyer Thanquol, et de l’obliger à informer le Conseil des Treize de son échec par le biais d’un parle-loin.

Sachant que cela équivalait à une condamnation à mort, Thanquol fit ce qu’il savait faire le mieux : il mentit. Il raconta des fables faisant état de contretemps mineurs, sans jamais mettre en doute le succès final. Avant qu’on lui pose la moindre question, il coupa la communication en arrachant plusieurs fils du parle-loin. La machine tomba alors malencontreusement au sol une première fois, puis une deuxième, car la première chute ne semblait pas avoir suffi. Lorsque Thanquol essaya ensuite de rétablir la communication, il ne capta que des grésillements.

Lorsque les Technomages éberlués pénétrèrent dans la pièce, Thanquol les invectiva pour le manque de fiabilité de leur invention, et avant qu’ils puissent tenter de la réparer, il sortit d’un air méprisant. Il savait bien que les Technomages feraient leur rapport à Skribolt, c’est pourquoi il enfourna rapidement dans sa gueule un fragment de Malepierre. Les flots de Magie qui l’envahirent calmèrent son anxiété.

S’étant éclairci l’esprit, Thanquol se rendit dans les égouts. La situation était désespérée. Il grava sur le sol les runes sacrées d’invocation…


Le Grand Maître de Meute Manxrot

Ce Maître Mutateur est un des Neuf Seigneurs de Malefosse. Il doit aider le Clan Skryre à s’emparer de Nuln. Et si le Clan Skryre tente de prendre le contrôle du Conseil des Treize, Manxrot et ses bêtes de guerre doivent tuer Skribolt, le chef de l’expédition du Clan Skryre.

Pendant ce temps, le conseil de guerre des Skavens se poursuivait. Le groupe avait débattu pendant des heures sur les meilleures façons d’attaquer les choses-hommes, et le ton montait peu à peu. Le chef du Clan Kryxx, le Seigneur Throttlespine, dégaina sa lame et défia son rival, le Seigneur de Guerre Trikstab Gribnode du Clan Vrrtkin. Incapable de se faire écouter, Skribolt était en train d’enclencher son générateur à Malefoudre lorsque du bruit à l’extérieur de la pièce attira l’attention de tout le monde. Des tintements sonores indiquaient que les sentinelles étaient projetées contre les murs. Un rugissement terrible poussa l’assemblée à secréter le musc de la peur.

Un coup puissant disloqua la porte. Le plus gros Rat-Ogre qu’on eût jamais vu apparut. Même le grand Maître de Meute Manxrot de Malefosse n’en avait jamais vu de tel. Le monstre à quatre bras se baissa pour passer sous l’encadrement et toisa l’assemblée. C’est alors que Thanquol, le Prophète Gris récemment banni du conseil, entra nonchalamment dans la pièce.


« Bien-bien ! Tout le monde est là ? J’apporte des nouvelles du Conseil des Treize. » déclara Thanquol, visiblement très sûr de lui.

Cette déclaration effara tout particulièrement Skribolt, toujours occupé à tourner la manivelle de son condensateur à Malefoudre. Ses moustaches frémirent alors qu’il cherchait ses mots.

« Oui-oui… après tant d’incompétence, » poursuivit Thanquol en lançant un regard appuyé à Skribolt, « j’ai reçu le commandement des opérations. Les objections peuvent être soumises à Vorhax, mon garde du corps. » ajouta-t-il en indiquant l’énorme Rat-Ogre.

« Mais ce n’est pas Vor… » bredouilla Skribolt avant que Thanquol le coupe.

« C’est mon nouveau Vorhax, » précisa le Prophète Gris, « l’ancien était un cadavre ambulant. Celui-ci est en pleine forme, et beaucoup plus performant. Maintenant que l’avantage de la surprise est perdu, » continua Thanquol, « il est temps de changer de tactique. Mon plan consiste donc à… »

Skribolt retrouva enfin sa contenance. « Ça suffit ! Stop-stop ! » dit-il d’une voix plus stridente qu’il ne l’aurait voulu. « Qui t’as donné cette autorité ? Pourquoi n’ai-je pas été informé ? »

Il s’était redressé. Des éclairs crépitaient autour de lui tandis que sa machine ésotérique aspirait les Vents de Magie. Les autres Skavens présents - des Seigneurs de Guerre, un Maître Assassin et un Maître Mutateur - reculèrent des deux adversaires.

Tous se retournèrent en entendant la voix qui parla depuis les ombres. Le moindre de ses murmures était chargé d’un pouvoir si terrifiant que plusieurs Skavens relâchèrent involontairement leurs sphincters.

« C’est moi qui lui ai conféré cette autorité, Technomage, » déclara l’ombre. La pièce fut plongée dans le noir en dehors du faible éclairage apporté par les éclairs magiques. Une longue et élégante griffe s’étendit et étouffa d’un geste les vrilles verdâtres qui crépitaient autour du condensateur de Skribolt. Un unique œil rouge scruta tour à tour les hommes-rats présents.

L’ombre disparut aussi rapidement qu’elle était apparue. La lueur des braseros à Malepierre redevint normale. Les membres du conseil de guerre étaient abasourdis et désorientés.

« Quels sont vos ordres, ô grand chef Thanquol ? » finit par dire le Seigneur de Guerre Throttlespine en s’inclinant.

Les autres Skavens l’imitèrent tout en s’éloignant discrètement de ceux qui avaient souillé leurs vêtements.

Thanquol avait déjà remarqué que Throttlespine était le plus malin du lot, et sa réaction le confirmait. Il se contenta de hocher la tête avant de reprendre : « Comme je le disais, mon plan consiste donc à… »



L’armée impériale n’a aucune idée de ce qui s’apprête à frapper…
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Nuln était sur ses gardes. C’était une ville prospère, et une des plus puissantes de l’Empire. Elle rivalisait avec Altdorf en richesse, en industries et en population. Elle était située au confluent de l’Aver et du Reik, et était célèbre pour ses ponts et ses murailles. Toutefois, ces structures architecturales étaient éclipsées par ses fonderies et ses manufactures.

Les coffres de Nuln étaient toujours pleins, tout simplement parce que la ville fabriquait l’essentiel de l’artillerie impériale. Les forges, les fonderies et les manufactures fournissaient des canons et des munitions à toutes les autres cités-états et provinces. Aucune ville ne savait fabriquer des pièces d’artillerie aussi fiables, une poudre aussi efficace ou des boulets aussi lisses. Seuls les Nains étaient plus doués dans ces domaines, mais comme ils ne vendaient jamais leurs armes à quiconque en dehors de leur peuple, il était impossible d’établir une comparaison.

On disait souvent que Nuln tétait les mamelles de la guerre, et effectivement, jamais les coffres de la ville n’avaient été aussi plein qu’en cette période. La plus grande partie de l’Empire était en proie à la guerre, si bien que les demandes en canons dépassaient les capacités de production de la ville. Les forges tournaient nuit et jour, au point que la cité tout entière était baignée dans un nuage de fumée noire et âcre. La suie tombait doucement sur les toits comme des flocons de neige fuligineuse. Elle recouvrait les rues et les maisons.

En plus de cette activité frénétique, la ville avait fermé ses portes, car les nouvelles en provenance du reste de l’Empire étaient mauvaises. Au nord, le Bastion Doré avait été battu en brèche et les forces du Chaos s’en déversaient. Des armées de Morts-Vivants sortaient de Sylvanie. Marienburg était tombée, et une horde de barbares et de Démons marchait sur Altdorf. Pour couronner le tout, des réfugiés du Wissenland et de l’ouest de l’Averland fuyaient les Peaux-Vertes et les Ogres.

Des nombreux bataillons et des trains d’artillerie avaient déjà quitté Nuln pour aller secourir les autres provinces. On recevait de temps à autre des rapports, mais aucun soldat de Nuln n’était revenu. En dépit de ces pertes, la cité possédait toujours une puissante armée. Les gardes postés sur les murailles et les ponts étaient nombreux, et les fortifications étaient garnies de meilleures pièces d’artillerie de l’Empire. Les vétérans des Compagnies de Fer se tenaient prêts. Nuln était parfaitement capable de se défendre seule si le besoin s’en faisait sentir. Cette puissance militaire était teintée d’une pointe d’arrogance, et c’était sans doute celle-ci qui avait poussé les nobles et les chefs de la ville à ne pas s’inquiéter outre mesure des événements récents. On parlait d’une tentative d’invasion de la ville, non pas terrestre, mais souterraine. Certains affirmaient avoir vu des hommes-rats sortir des bouches d’égouts.

Cependant, la majorité des soldats et des habitants ne croyaient pas à ces fadaises. Ils clamaient haut et fort que personne n’oserait jamais assiéger la ville ou s’attaquer aux murailles, et que donc une tentative d’infiltration par les égouts était envisageable, toutefois, ils affirmaient que ces histoires d’hommes-rats n’étaient bonnes qu’à effrayer les enfants. Peut-être que quelques Hommes-Bêtes étaient parvenus à se réfugier dans les égouts ? Dans tous les cas, une telle éventualité était plus qu’improbable. Au cours des dernières décennies, Nuln avait vaincu les osts de Tamurkhan et plusieurs hordes de Peaux-Vertes. Si de tels ennemis avaient été stoppés, que pouvait une poignée de créatures veules cachée dans les égouts ? Néanmoins, quelques habitants de Nuln ne partageaient pas ce point de vue.

Le Capitaine Drechsler des Compagnies de la Tour Noire était inquiet. C’était son régiment qui avait eu affaire aux créatures des égouts. Ses soldats avaient été alertés par le bruit d’un combat au cours d’une patrouille nocturne, et étaient tombés sur une scène étrange : une armée d’hommes-rats était sortie des égouts près du Grand Bief, et ses guerriers s’entre-tuaient. Alors que ses hommes observaient la scène d’un air éberlué, Drechsler leur avait ordonné de se mettre en formation à coups de taloches. Il n’avait jamais vu d’hommes-rats auparavant, et ne savait pas ce qu’ils faisaient ici, toutefois il se douta que leur plan originel n’était pas de s’entre-tuer. La patrouille s’était mise en formation rapidement, et les Arquebusiers avaient ouvert le feu. Drechsler avait veillé personnellement à l’entraînement de ses hommes, et il fut satisfait de voir que leurs tirs étaient précis. Les hommes-rats tombaient comme des mouches sous les balles.

En dépit des Arquebusiers qui les massacraient, les hommes-rats continuaient de se battre entre eux. D’autres patrouilles arrivèrent sur le lieu de l’affrontement. Drechsler les dirigea afin qu’elles s’organisent en une véritable ligne de bataille. Les premiers hommes-rats avaient commencé à s’attaquer aux humains, toutefois ils étaient indisciplinés et leurs assauts manquaient de détermination. Finalement, ils perdirent toute ardeur guerrière et prirent leurs jambes à leurs cous. Ils détalèrent à une vitesse ahurissante et disparurent dans les égouts. En moins d’une minute, ils avaient tous disparu, alors que toujours plus de patrouilles arrivaient.

En tant qu’officier le plus gradé sur place, on posa de nombreuses questions à Drechsler. Il reçut même la visite du Grand Maréchal Erkstein, le commandant en chef des armées et de la marine de Nuln. S’il n’y avait pas eu des piles de cadavres d’hommes-rats pour étayer ses dires, Drechsler n’était pas certain qu’on l’aurait cru. Que tant d’hommes-rats puissent apparaître si soudainement au beau milieu d’une cité fortifiée était inconcevable. Les humains n’avaient perdu qu’une poignée de soldats, toutefois Drechsler attribua ces pertes légères au fait que les hommes-rats étaient désorganisés.

Drechsler était un soldat professionnel à la carrière longue et bien remplie. D’après ce qu’il avait vu, il pouvait affirmer que les hommes-rats étaient une menace sérieuse. Il avait été témoin de leur férocité et de leur nombre, et avait pu repérer des armes étranges, comme ce fusil qui projetait des flammes ou ce tube qui lançait des sphères remplies de gaz mortel. Il frissonnait à l’idée du carnage que ces armes auraient provoqué si elles avaient pris ses hommes pour cible.

La patrouille de la Tour Noire et son Capitaine furent chaudement félicités. Les doyens de l’université conservèrent quelques cadavres d’hommes-rats dans le but de les disséquer, mais la majorité furent incinérés. Lorsque le capitaine et ses hommes affirmèrent que ces cadavres ne représentaient qu’une petite partie des hommes-rats qu’ils avaient vus, ils se heurtèrent au scepticisme de leurs interlocuteurs. On fit venir des égoutiers, et des patrouilles furent chargées d’explorer le réseau secondaire qui s’étendait sous la ville. Bien évidemment, c’était une mission qui ne suscita pas l’enthousiasme des soldats et des officiers, car la puanteur et la crasse des égouts étaient terribles à supporter. Ainsi, les soldats tirés au sort ressortirent le plus vite possible des égouts, sans en avoir exploré la totalité.

Nonobstant, leurs patrouilles sous la ville délogèrent de nombreux rats, mais il s’agissait d’animaux ordinaires qui n’éveillèrent aucun soupçon. Mais pour sa part, Drechsler n’était pas rassuré. Il était persuadé que seul le différend qui avait poussé les hommes-rats à se jeter les uns contre les autres avait entraîné l’arrivée de sa patrouille. Par chance, cela avait sans doute permis d’éviter le pillage des Fonderies Krupthof, une des plus anciennes et des plus vastes manufactures de canons de la ville. Le Capitaine s’était basé sur les bouches d’égouts utilisées par les hommes-rats pour déterminer l’objectif qu’ils avaient probablement projeté d’atteindre.

Drechsler ne fut pas surpris lorsque le Maréchal et ses officiers supérieurs rejetèrent cette théorie, en prenant pour preuves les immenses piles d’hommes-rats morts et l’absence de leurs congénères dans les égouts. De plus, aucun des cadavres ne portait les armes décrites par le capitaine, mais seulement des lames rouillées, des lances vermoulues, des boucliers en bois et des armures de fortune. On les considéra donc comme une bande de pillards qui avait réussi à pénétrer dans la ville en passant par les égouts, et il paraissait ridicule d’affirmer que ces animaux désiraient s’emparer de toute une fonderie. Certes, il fallait trouver leur terrier et les exterminer, mais il n’y avait pas lieu de s’alarmer, d’autant plus que les bonnes raisons de s’inquiéter ne manquaient pas par les temps qui couraient…

Seul le Sorcier Bernt Aberwald, un individu particulièrement barbu et taciturne, resta après cette rencontre pour s’entretenir avec Drechsler. Visiblement, il croyait ses dires et partageait sa préoccupation.

Suite à des requêtes répétées de la part de Drechsler, des patrouilles furent mises en place dans les principaux collecteurs d’égouts. Il fut même autorisé à recruter des Miliciens pour lui prêter main-forte. Se fiant à son intuition, le Capitaine de la Tour Noire s’assura que ces patrouilles étaient tout spécialement nombreuses dans le quartier des fonderies. Il ne comptait pas se laisser surprendre une fois de plus par les hommes-rats.



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Il avait fallu à Thanquol plusieurs entretiens avec le Grand Technomage Skribolt pour découvrir quels étaient les véritables objectifs du Conseil des Treize à Nuln. La présence à ses côtés d’un rat-démon capable de repérer les mensonges et de renifler la moindre hésitation l’aida grandement. Thanquol n’avait jamais bénéficié de toutes ces informations, et il était en colère d’être obligé de les soutirer.

L’objectif n’était pas uniquement de piller la ville et de réduire ses habitants en esclavage, comme cela avait été fait en Tilée, car ce n’étaient là que des objectifs secondaires. Le but principal était la récupération de matériel spécifique afin d’aider à l’accomplissement d’un projet du Clan Skryre à Skarogne. Ce matériel serait indispensable pour parvenir à une victoire totale, c’est du moins ce qu’on avait dit à Skribolt. Ce n’était qu’à Nuln que les Skavens pouvaient le trouver. En effet, ils désiraient voler une immense quantité de poudre noire, ainsi qu’un moteur à vapeur en état de marche.

Jusque-là, Skribolt ne s’était emparé ni de l’un, ni de l’autre. Au lieu de cela, les Clans Guerriers rivaux s’étaient dressés les uns contre les autres, et avaient alerté les humains de leur présence dans les égouts. Thanquol secouait la tête d’un air préoccupé. Il semblait condamné à travailler avec des incompétents. Skribolt l’informa également qu’il lui avait été interdit de prendre le moindre risque d’endommager les stocks de poudre noire. Cela expliquait sa décision de ne pas simplement envahir la ville, car le combat aurait pu durer des semaines. Thanquol ne se souvenait que trop bien avec quelle rapidité les armées de Nuln avaient réagi la dernière fois…

En effet, il s’était déjà rendu à Nuln auparavant, et cela ne lui avait pas laissé un bon souvenir. Il avait failli remporter la victoire, mais celle-ci l’avait été ravie au dernier instant. Malgré tout il était parvenu à mettre la moitié de la cité à feu et à sang.

Cette fois, il jura que lorsqu’il en aurait terminé avec Nuln, il n’en resterait que des ruines.

Le Prophète Gris produisit plusieurs fragments luminescents de sa sacoche et les fourra dans sa gueule. Parfois, Thanquol croquait la Malepierre, parfois il la laissait se dissoudre dans sa bouche en jouant avec les morceaux avec sa langue. Même s’il se trouvait dans les profondeurs de la terre, il sentait que la nuit tombait et que la lune du warp se levait. La Malepierre lui donnait des visions. L’heure était idéale pour établir un plan.

Il devait agir vite. Les agents du Clan Skryre avaient probablement déjà informé leurs supérieurs à Skarogne qu’il avait pris le commandement des opérations. Tout d’abord, il devait mettre fin aux luttes intestines. Il avait d’abord pensé à faire un exemple sanglant du Seigneur de Guerre Trikstab du Clan Vrrtkin, car il était le plus agressif de ses subordonnés, et la source de la plupart des problèmes. Tout les Skavens craignaient les éclairs de Malefoudre de Thanquol lorsqu’il était courroucé. Toutefois, Verminking lui avait suggéré une autre solution, que Thanquol s’était empressé d’acquiescer, bien évidemment. Ensuite, l’étape suivante consista à établir le plan d’attaque.

L’idée de Skribolt était d’encercler le quartier des fonderies avec ses troupes, le temps que les esclaves démantèlent les installations et les emmènent sous terre. Thanquol jugea que ce plan ne valait pas un clou : les tours noires qui entouraient ce quartier étaient garnies de troupes, et les humains réagiraient avec véhémence. Les Skavens avaient besoin de plus de temps pour piller en toute tranquillité.

Thanquol avait beaucoup d’interrogations, cependant il était difficile de discuter avec un Verminarque. Juste après avoir permis à Thanquol de prendre le commandement, le rat-démon était retourné dans les ombres. Cela remontait à plusieurs jours.

Depuis, Thanquol avait entendu la voix de Skreech dans sa tête à plusieurs reprises. C’était toujours la nuit, lorsque la lune verte apparaissait dans le ciel, et quand Thanquol avait consommé beaucoup de Malepierre. Au cours de ces quelques heures enfiévrées, les idées venaient à l’esprit du Prophète Gris plus vite qu’il ne pouvait les noter. Le monde physique se faisait intangible, tandis que les motivations et les intrigues de ses subalternes devenaient claires comme l’eau de roche.

Au cours de ces transes, Thanquol découvrait subitement - comme si on lui chuchotait dans l’oreille - la meilleure façon de parvenir à ses fins. Il devinait si ses sous-fifres devaient être punis, encouragés, complimentés ou grillés à coups de Malefoudre. Il savait quand montrer les crocs pour intimider, quand faire apparaître une aura de pouvoir autour de ses mains pour impressionner, et quand un simple froncement de sourcils suffisait à obtenir ce qu’il désirait.

Il mit en place un plan qui allait débuter le lendemain soir. Il appela à lui les Coureurs d'Égouts, car seules ces troupes étaient suffisamment discrètes pour la tâche à accomplir.

Le Clan Eshin disposait d’agents dans le monde entier. Les Coureurs d’Égouts qu’on surnommait les Ombres Tranchantes étaient les yeux et les oreilles du clan à Nuln. Ils vivaient sous la cité depuis deux ans, et effectuaient régulièrement des sorties pour espionner l’ennemi. Ces maîtres du déguisement utilisaient de longues capes pour se fondre dans la population d’indigents. Au cours des mascarades, ils se faufilaient dans le palais de la Comtesse Emmanuelle von Liebwitz, l’Électrice du Wissenland qui avait élu résidence à Nuln. Il n’y avait aucun lieu où les Coureurs d’Égouts n’osaient s’aventurer, et ils connaissaient les tunnels comme leur poche. Les agents du Clan Eshin écoutèrent attentivement le plan de Thanquol et comprirent immédiatement à quel point celui-ci était brillant.

Les Ombres Tranchantes emmenèrent plusieurs griffes de Coureurs d’Égouts pour leur prêter main-forte, et empruntèrent les galeries qui menaient aux égouts de la ville. Ils escaladèrent les puits de drainage des eaux de pluie. Ils se déplaçaient rapidement et en silence, aussi vite qu’un homme en train de sprinter, pourtant ce n’était pas là leur vitesse maximale. Ils avaient une longue nuit de travail devant eux, et devaient économiser leurs forces. Lorsqu’ils atteignirent un premier collecteur, le Coureur Mortel Skewit fit signe à ses camarades de s’arrêter et huma l’air. Il regarda dans les différentes directions, puis fit signe à ses troupes. Les Skavens se séparèrent. Chaque groupe se rendit au point convenu afin d’accomplir sa mission.

Au bout de quelques instants, le collecteur fut de nouveau désert. Le seul bruit qu’on entendait était le goutte-à-goutte des eaux d’infiltration. Puis survinrent les grattements caractéristiques des rats ordinaires, lorsqu’ils ressortirent de leurs cachettes pour chercher de la nourriture. Ils ne tardèrent pas à devoir décamper de nouveau, cette fois à cause du bruit de lourdes bottes, lorsqu’une patrouille de l’Empire passa, lanternes à la main.

Les Coureurs d’Égouts sont de véritables escadrons de la mort vêtus de noir.
Morrslieb pendait dans le ciel et projetait des ombres étranges sur Nuln. Les Skavens parcouraient les rues désertes en bondissant d’un recoin sombre à l’autre. Ils suivaient les venelles et traversaient discrètement les arrière-cours encombrées de déchets. Au moindre signe de mouvement, les Skavens se cachaient derrière les tas d’immondices. Ils passaient inaperçu auprès des ivrognes qui titubaient en rentrant chez eux, mais également auprès des patrouilles aux effectifs conséquents qui passaient parfois à moins d’un mètre.
« Par le Marteau de Sigmar, je déteste Drechsler ! » maugréa un des soldats à l’avant. C’était sans doute Klaus, ou peut-être Arnulf.

Même si le soldat disait sans doute cela juste pour susciter une réaction de sa part, le Sergent Bruno ne laissa pas passer l’occasion : « Le prochain qui se plaindra de partir en patrouille tâtera de ma botte ! » prévint-il. « Plus tôt on trouvera la patrouille de Gloff, plus tôt on pourra ficher le camp d’ici. »

Les bruits résonnaient en échos dans l’environnement confiné des égouts : les pas des bottes, les tintements de l’équipement des soldats, les boucliers raclant contre les murs crasseux. L’injonction de Bruno se perdit dans le tunnel. En vérité, le sergent détestait les égouts lui aussi, et il commençait à s’inquiéter. Ils auraient déjà dû tomber sur l’autre groupe.

« C’est pas pour ce genre de patrouille qu’on a des Miliciens, Sergent ? » demanda Klaus en s’essuyant le front. En plus de l’odeur, l’air dans les égouts était moite et stagnant.

Alors que Bruno se rapprochait de Klaus pour mettre sa menace à exécution, Berndt poussa un cri de surprise. Bruno se fraya un chemin à l’avant de la patrouille et vit que la lanterne de Berndt éclairait une pile de cadavres qui portaient tous le même uniforme.

Bruno était sur ses gardes.

Il dégaina son épée et se rapprocha en chassant les rongeurs en train de se nourrir. Les corps portaient les traces de coups d’épées, et certains avaient été lacérés par des projectiles étranges en forme d'étoiles. « On dirait qu’on a trouvé la patrouille de Gloff… » déclara le Sergent du guet d’un air sombre.

Lorsque les rues redevenaient enfin calmes, les Skavens ressortaient des ombres et poursuivaient leur chemin vers le quartier des fonderies afin d’accomplir la mission que leur avait confiée le Prophète Gris.

L’aube se levait lorsque les Coureurs d’Égouts revinrent de leur mission. Le Coureur Mortel Skewit compila les rapports de ses troupes et les apporta au terrier de Thanquol. La mission avait été menée avec succès, et tous les engins avaient été mis en place. Presque toutes les griffes étaient parvenues à éviter les patrouilles, alors que celles-ci étaient particulièrement nombreuses. Il y avait enfin un dernier détail que Skewit envisagea d’omettre, toutefois le regard que lui jeta Thanquol lui donna l’impression que le Prophète Gris pouvait lire dans ses pensées : il y avait eu plusieurs escarmouches, néanmoins les Coureurs d’Égouts étaient catégoriques sur le fait que toutes les choses-hommes qui les avaient vus étaient morts.

Pendant qu’il faisait son rapport, le Coureur Mortel remarqua quelque chose qui bougeait dans l’ombre derrière le Prophète Gris. Quelque chose qui le fit frémir. Il n’avait vu une silhouette similaire qu’une seule fois auparavant, et il en émanait la même aura de puissance. Lorsqu’il retourna dans son terrier, il affirma à ses camarades que le puissant Thanquol avait bel et bien un Verminarque sous ses ordres. C’était un signe des faveurs du Rat Cornu. La victoire était donc inéluctable…


À la surface, le soleil inondait la terre de ses rayons, mais Nuln restait dans l’ombre. La couche de pollution au-dessus de la ville était si épaisse qu’il était difficile de deviner que le matin se levait. Seuls les plus observateurs remarquaient la lumière qui s’insinuait parfois à travers les nuages. L’un d’eux était le Capitaine Drechsler. Les rapports matinaux le préoccupaient encore plus que les jours précédents. Une des patrouilles manquait à l’appel, et une autre avait été retrouvée massacrée dans les égouts.

Le Capitaine Drechsler était de plus en plus inquiet. Il pressentait plus que jamais que quelque chose de terrible se préparait sous terre. Peut-être que cela n’avait rien à voir avec l’invasion des hommes-rats, qu’il s’agissait d’un monstre errant qui écumait les tunnels, mais comment savoir ? Malgré tout, les hommes-rats et les événements récents paraissaient intimement liés. Massacrer toute une patrouille n’était pas à la portée du premier venu. Il était possible que toute une armée de ces créatures attendit le bon moment pour resurgir.

Une fois de plus, Drechsler fit minutieusement son rapport. On lui répondit que la patrouille manquante était constituée de Miliciens, et qu’il n’était pas rare que ces derniers désertent. Bien souvent, ils reparaissaient quelques jours plus tard, l’haleine chargée d’alcool frelaté. Drechsler s’attendait à une telle objection. Certes, les Miliciens avaient peut-être failli à leur devoir, mais la patrouille massacrée était composée de soldats professionnels de la Tour Noire. Et ils n’avaient pas disparu dans l’arrière-salle d’une obscure taverne. Ils avaient été retrouvés baignant dans leur propre sang au fond des égouts.

Les corps avaient été découverts près des fonderies, c’est pourquoi Drechsler était persuadé que sa première intuition était la bonne. Il ordonna à tous ses hommes, même les cuistots et les garçons d’écurie, de se joindre au guet, et il fit appel à plus de Miliciens. De nuit, les quartiers de Nuln, et plus particulièrement ceux des fonderies, allaient grouiller de patrouilles. Une fois ses ordres donnés, il partit chercher Gunther Maybach. Il savait que le vieil Ingénieur bricolait le Tank à Vapeur Délivrance, et il avait le pressentiment que cette machine de guerre serait bientôt nécessaire.

Il fallut quelques heures pour dénicher l’Ingénieur excentrique, si bien qu’il était tard dans l’après-midi lorsque les subordonnés de Drechsler l’informèrent du lieu où se trouvait Maybach. Il était dans le quartier des fonderies Krupthof. Ce n’était pas une bonne nouvelle. Les manufactures Krupthof faisaient partie des plus vastes et des plus anciennes de la ville. Elles fabriquaient des canons, des Mortiers et des Canons Feu d’Enfer, et étaient organisées comme une forteresse, dont les murailles protégeaient d’innombrables bâtiments : des ateliers, des forges, des entrepôts… Ceux-ci étaient organisés autour d’une cour immense qui servait de terrain de test. Drechsler savait qu’il risquait de perdre encore plusieurs heures à chercher Maybach. Heureusement, il le repéra sitôt qu’il pénétra dans le complexe. L’Ingénieur bricolait quelque chose au milieu de la cour, et ne remarqua pas la présence du Capitaine derrière lui.

Gunther examinait un objet cylindrique, une coque de feuilles de métal rivetées d’où émergeaient des tuyaux et des câbles. Son extrémité était dotée d’une vrille, comme celle d’une machine de forage. Lorsqu’un raclement de gorge de Drechsler ne parvint pas à attirer l’attention de l’Ingénieur captivé par l’objet, le Capitaine commença à exposer les raisons de sa venue. Il n’avait pas de temps à perdre.

La voix autoritaire du Capitaine finit par tirer l’Ingénieur de sa contemplation. Après lui avoir fait signe de se taire d’un geste de la main, Maybach expliqua à voix basse qu’il était en train d’examiner ce qu’il pensait être un engin explosif. Il avait été trouvé près des docks tout proches, et aussitôt amené aux ateliers. Maybach était fasciné car il n’avait jamais vu un tel objet. Les saboteurs qui l’avaient déposé devaient avoir des connaissances d’artificiers inhabituelles. Des parties de la machine étaient ingénieuses, alors que d’autres paraissaient l’œuvre d’enfants attardés. Drechsler n’avait aucune connaissance en la matière, toutefois l’aspect hétéroclite de l’engin lui était familier. Il lui rappelait les armes étranges des hommes-rats. Il fit alors part de ses craintes à Maybach.

En l’entendant parler des hommes-rats, Maybach fronça les sourcils d’un air préoccupé. Il avait eu vent de ces créatures et de leurs armes tirant leur énergie de la pierre magique. L’absence de poudre noire et le sable vert et phosphorescent qui s’écoulait des fissures de la machine ne firent qu’amplifier ses craintes. L’engin, qu’il trouvait simplement étrange quelques secondes plus tôt, lui parut soudain inhumain et dangereux. S’il s’agissait bel et bien d’une bombe fabriquée par les hommes-rats, la situation était pire que ce que Drechsler imaginait : il y avait sans doute d’autres explosifs cachés ailleurs.

Le Capitaine ne le savait pas, mais au même instant, des yeux insolites l’observaient attentivement.

Un ghetto séparait les docks et les Fonderies Krupthof. C’était un quartier dense et décrépit, un dédale de ruelles encadrées par des maisons aux poutres vermoulues qui penchaient dangereusement. C’était le genre d’endroits où la moitié des maisons étaient à l’abandon, et l’autre moitié occupée par des gens qui ne posaient pas de questions. Les Skavens avaient creusé un tunnel qui débouchait sur le sol d’un de ces bâtiments. Si quelqu’un entendait le bruit de la Foreuse à Malepierre où le son provoqué par les excavations, il n’aurait jamais la curiosité de venir voir : les indigents avaient appris à ne pas se mêler des affaires des autres.

Les Tanks à Vapeur sont des pièces inestimables aux yeux des membres de l’École d’Ingénierie.
L’intérieur de la pièce était presque totalement rempli par la terre dégagée lors du forage. Le monticule montait jusqu’au plafond. Au sommet se tenaient des Coureurs Nocturnes. Ils n’aimaient pas les missions à la surface, particulièrement de jour, même lorsqu’il était aussi sombre qu’à Nuln. Ils avaient pour mission de protéger et d’escorter le Technomage Zrrk pendant qu’il espionnait les choses-hommes. Il utilisait pour ce faire une lunette télescopique capable de voir à travers le mur décrépit. En ajustant les réglages, il pouvait même observer à travers les murs en pierre qui entouraient la cour intérieure des Fonderies Krupthof. Zrrk zooma vers les deux humains qui discutaient près de la bombe-foreuse.

Zrrk trouva que les humains examinaient l’engin d’un peu trop près. Finalement, ils finirent par activer sa vrille par mégarde. L’engin ne fonctionna pas comme prévu. Il roula sur les pavés de la cour en projetant des gerbes d’étincelles vertes tandis que les humains reculaient précipitamment. Pendant un instant, Zrrk perdit de vue la bombe-foreuse, puis la retrouva en repérant la colonne de fumée verte qu’elle dégageait. L’engin avait fini de tourner sur lui-même et avait commencé à s’enfoncer dans le sol. Zrrk se dit qu’ils n’avaient pas de chance : la plupart des engins ne fonctionnaient pas correctement, même dans des conditions optimales. Il en voulait encore au Grand Technomage d’avoir choisi un autre modèle que celui qu’il avait proposé, sans parler de l’avoir relégué à une banale mission d’espionnage.

Un monticule de terre se dressait là où la bombe-foreuse s’était enfoncée dans le sol. Malgré sa petite taille, ses capacités de forages étaient ahurissantes, grâce au carburant à base de Malepierre qui l’alimentait. Zrrk jugea que les humains ne devaient plus avoir le moindre doute sur sa fonction.

Il donna le signal du départ.

Pendant ce temps, Drechsler courait prévenir le Grand Maréchal Erkstein, avant de trouver des troupes pour fouiller la ville à la recherche d’autres bombes. Peu de temps après son départ, les portes des Fonderies Krupthof s’ouvrirent et le Tank à Vapeur Délivrance en sortit. Gunther Maybach avait répondu à l’appel aux armes. Le nouveau moteur à vapeur qu’il avait mis au point semblait fonctionner et propulsait l’engin à vive allure.

Le soleil était rasant. Ses rayons n’illuminaient pas la ville, mais donnaient une teinte mordorée aux nuages de pollution. Nuln fut baignée dans une lumière pourpre, semblable à celle de charbons ardents. Finalement, la nuit tomba.

C’est alors que les cloches se mirent à sonner…


Ils vinrent des égouts. Ils émergèrent partout dans Nuln, en commençant par les quartiers nord. Au début, ce n’étaient que quelques groupes de rats. Ils se faufilaient entre les grilles des égouts ou sortaient des puits de drainage. Il en arrivait de plus en plus, depuis les fissures dans les murs, les bouches des caniveaux. Les groupes devinrent des hordes entières. Il s’agissait de rats ordinaires, gris et noirs, dont la fourrure filasse se prolongeait en une longue queue rose.

Les habitants de Nuln, notamment ceux des quartiers pauvres, connaissaient bien ces animaux. On pouvait les observer à la nuit tombée, toutefois leur présence en si grand nombre était inhabituelle. Ceux qui les virent commencèrent à paniquer.

Le flot de vermine devint ininterrompu. Les citoyens de la ville réagissaient différemment en apercevant ce tapis brun. Les clients d’une taverne rirent en voyant un ivrogne tituber dans les rues et se mettre à piétiner les rongeurs en dansant, chacun de ses coups de bottes brisant l’échine d’une poignée d’animaux. Lorsque son talon faisait exploser l’abdomen d’un rat dans une giclée rosâtre, les clients poussaient des acclamations. Mais tandis que le flot de vermine grossissait, les rats se firent plus téméraires. Ils grimpèrent sur les jambes de l’ivrogne et mordillèrent ses mollets, puis ils s’attaquèrent aux parties sensibles : les yeux, la bouche et les doigts. Ils étaient trop nombreux pour que l’humain puisse s’en débarrasser. Comme des dizaines d’autres habitants, il s’écroula au sol et finit dévoré par des milliers de petites dents avides.

Les gens se claquemurèrent. Ceux qui habitaient dans les étages des maisons ouvrirent leurs fenêtres pour observer la marée de vermine qui envahissait les rues. On ne voyait plus les pavés, seulement un immense tapis de fourrures brunes. Les cloches d’alarme sonnèrent dans toute la ville.

Ce n’était que les prémices de l’arrivée des habitants du dessous, car en réalité, les rats fuyaient face à l’armée de Skavens qui suivait dans leur sillage.

Les Skavens jaillirent avec une férocité terrible. En quelques instants, le nord de Nuln fut attaqué en des dizaines d’endroits. Au niveau des docks de l’Aver, des hordes surgirent des canaux de drainage. Un trou apparut au milieu de la Grunplatz, par lequel sortirent des milliers d’hommes-rats. Les rats émergeaient des masures délabrées du Quartier des Fous et des mausolées de la Colline de Morr. Ces esclaves faméliques au regard dément tuèrent tout ce qu’ils croisèrent. Ils s’arrêtaient pour dévorer leurs victimes, qu’il s’agisse de chevaux, de chiens, de chats ou d’humains. Ils paraissaient poussés par une faim dévorante.

Trikstab Gribnode - le Seigneur de Guerre du Clan Vrrtkin - menait l’assaut contre le nord de la ville. Thanquol lui avait accordé cet honneur, ainsi que la préséance sur les pillages.

Trikstab avait pris soin d’affamer ses esclaves avant l’assaut, au point de les pousser dans les affres de la folie. La Malefaim s’était emparée d’eux, car le métabolisme hyperactif des Skavens était extrêmement sensible au manque de nourriture. Une fois libérés de leurs entraves, ils avaient été fouettés vers la surface et on leur avait administré du breuvage à base de Malepierre. Ce dernier leur avait conféré une vigueur surnaturelle (et à terme, mortelle). Par conséquent, les frêles esclaves étaient capables pendant quelques heures de commettre le pire des carnages. Ils parvenaient à ronger les portes en bois, et allaient jusqu’à se blesser dans leurs tentatives de pénétrer dans les maisons pour dévorer leurs habitants.

Après les esclaves vinrent les Guerriers des Clans. Leurs boucliers arboraient des runes impies, et leurs bannières étaient décorées de symboles et de trophées funestes. Ils étaient accompagnés par des équipes d’armes. En effet, le Clan Skryre avait pris soin d’appuyer cette force d’invasion : Vrrtkin figurait parmi les clans serviles les plus favorisés, c’est pourquoi il bénéficiait de l’arsenal du Clan Skryre. Les Ratlings mitraillaient les façades en torchis tandis que les Lance-Feu projetaient des langues ardentes qui incendiaient les maisons. Des flammes rouges montèrent des toits et illuminèrent les environs.

Sur les remparts de Nuln, les défenseurs ne savaient pas de quoi il retournait. Même si depuis la hauteur des murailles, ils avaient une vue dégagée sur la ville, la nuit et les nappes de brume brouillaient toute visibilité. Néanmoins, ils se doutaient bien que quelque chose de terrible était en train de se produire. Ils entendaient les cloches d’alarme et reconnaissaient les cors qui sonnaient le rassemblement. Sur certaines sections des murailles, les soldats percevaient même les hurlements des habitants et les aboiements des chiens, ainsi que le grouillement de la vermine. Des flammes commençaient à danser au-dessus des toits. Pourtant, il n’y avait aucun ennemi aux portes de la ville : pas de torches dans la nuit, pas de signes de mouvement sur les routes ou dans les champs aux alentours. Mais à l’intérieur de la cité, il semblait que toute une armée était en train de tuer et d’incendier à loisir.

Dans les casernes, les soldats revêtaient frénétiquement leurs armures. Les officiers rameutaient leurs hommes alors que les rapports affluaient. Une formation de Pistoliers amenait des nouvelles des Tours Noires : des rats et des hommes-rats avaient jailli des égouts, et ils attaquaient la ville. Toute la partie nord avait déjà été envahie.

Le Capitaine Drechsler avait rassemblé les patrouilles de la Tour Noire et marchait en direction du Grand Pont en emmenant les gardes et les Miliciens qu’il croisait sur sa route.

C’est à cet instant que les Skavens amenèrent leur arme la plus diabolique. Une rampe avait été construite en toute hâte afin de hisser l’immense attelage hors des tunnels. C’était une plate-forme de bric et de broc, en bois à moitié pourri, qui soutenait un échafaudage tout aussi hasardeux, un assemblage de poutres et de morceaux de maçonnerie dérobés sur les édifices de civilisations déchues et dans les forteresses perdues des Nains. Des fétiches et des talismans décoraient cette tour, mais c’était ce qui y était fixé qui attirait l’attention de ceux qui la découvraient. En effet, l’échafaudage servait de campanile à une grande cloche en bronze et en Malepierre qui luisait dans la pénombre. Elle était gravée de rune à l’intérieur desquelles dansaient des flammes vertes. Ces symboles semblaient se mouvoir comme par Magie. Ceux qui les regardaient étaient pris de migraines et de visions d’apocalypse. Pourtant, aussi perturbant que fût l’apparence de la Cloche Hurlante, ce n’était rien comparé au son qu’elle produisait…

Dooooooonnnnnnng !

Le son de la Cloche se réverbéra dans toutes les rues de Nuln. Aux oreilles des hommes, c’était un bruit qui évoquait la ruine des civilisations, la fin de toute chose. Même de loin, cette cacophonie discordante faisait mal aux oreilles, au point de faire saigner les tympans. La douleur qu’elle infligeait était atroce.

En revanche, pour les Skavens, ces tintements dissonants revigoraient leurs cœurs noirs. Ils leur inspiraient une dévotion sans borne envers leur Dieu de la Ruine et du Désespoir. Les hordes de Skavens éparpillées dans la ville convergèrent vers l’origine du bruit, et s’agglutinèrent autour de la Cloche hurlante pour la pousser. Cette masse confuse emprunta la Grand Strasse, l’avenue qui courait depuis le Grand Pont jusqu’à la forteresse d’Altstadt et le cœur de la vieille ville.

Dooooooonnnnnnng !

Le son de la Cloche était de plus en plus fort. Il fissurait les murs et faisait trembler les madriers des maisons. L’écho des premiers coups de Cloche ne s’était pas encore dissipé, si bien celui des suivants s’y ajoutait pour former une cacophonie invraisemblable.

La Garde Royale se déploya au bout de la Grand Strasse. Il s’agissait de la garde personnelle de la Grande Comtesse Emmanuelle. Ces soldats vétérans avaient déjà affronté des Peaux-Vertes et des Hommes-Bêtes, pourtant ils vacillèrent face à ce qui arrivait. Quels étaient ces ennemis, et d’où venaient-ils ? Quelles armes avaient-ils avec eux ? En dépit de la distance, le son de la Cloche Hurlante jouait avec leurs nerfs et menaçait de les faire sombrer dans la folie.

Malgré l’horreur de la situation, le moral remonta d’un cran lorsque les soldats de Nuln perçurent le son limpide des cors de la Tour Noire derrière eux. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : le Grand Maréchal Erkstein accourait pour les aider.

Au sud de la ville, de l’autre côté du Grand Pont jeté sur le Reik, d’autres sons plus discrets se faisaient entendre. Les minuteries des bombes-foreuses arrivaient à leur terme. Dans un tintement, les cylindres en laiton commencèrent à vibrer, jusqu’à ce que les engins à base de Malepierre surchargent. Dans un éclat de lumière verte et un vrombissement assourdissant, les bombes-foreuses s’enfoncèrent dans le sol tandis que leurs vrilles disloquaient les pavés, la terre et le manteau rocheux. Certaines traversèrent les fondations des bâtiments, d’autres passèrent à travers les arches en pierre des tunnels des égouts.

Plus de cent de ces engins explosèrent. Ils avaient été disposés en cercle autour du quartier des fonderies. Un quart de la ville - sa zone la plus fortement industrialisée - trembla. Et soudain, les forges, les fonderies et les manufactures de la plus puissante nation humaine du Vieux Monde s’affaissèrent. Les glissements de terrain commencèrent lentement, puis accélérèrent jusqu’à ce que tout le quartier des fonderies disparaisse sous terre, en laissant derrière lui un immense nuage de poussière et un cratère de plusieurs kilomètres de diamètre.

La Mort Venue d’en Dessous

La Gloire de Thanquol

Partout dans l’Empire, les attaques des Skavens connaissent les mêmes problèmes que les invasions précédentes, et menacent d’échouer. Aidé par un Verminarque, Thanquol veut mettre fin à sa malchance. Le Prophète Gris sait que s’il ne réussit pas cette fois, il risque de ne plus jamais avoir l’occasion d’accéder à la gloire et au pouvoir.

Thanquol et Vorhax
Skreech Verminking

Thanquol et Vorhax
Thanquol est un puissant Prophète Gris qui a orchestré une série de quasi-victoires encore plus longue que la liste de ses gardes du corps Rats-Ogres défunts. Il a dirigé personnellement l’attaque contre Nuln pour une seule raison : s’emparer du pouvoir. Il a hérité de la plus puissante version de Vorhax jamais créée, et ne s’arrêtera devant rien pour retrouver son prestige auprès du Conseil des Treize, et même une place en son sein. Cependant, il n’a pas pris la peine de se demander pourquoi le Verminarque Skreech Verminking s’est empressé de l’aider…

Le Conclave Lektrik
Les Lames Visqueuses

Skreech Verminking
Verminking est le plus puissant des Verminarques et un membre de leur conseil clandestin. On prétend que les plus vils des Skavens ont bénéficié de l’immortalité, et la légende parle même de tout un Conseil des Treize qui aurait été honoré de la sorte, et qui aurait formé un seul être omniscient, l’incarnation de la corruption, de la ruse et de la ruine : Skreech Verminking. Partout où il passe, l’ombre du Rat Cornu s’étend derrière lui.

La Meute du Feu Noir
Les Ombres Tranchantes

Le Conclave Lektrik
Ce groupe de treize Technomages du Clan Skryre avance au milieu de gerbes électriques. Se trouver à cent queues à la ronde de cette formation suffit à faire dresser la fourrure de n’importe quel Skaven sous l’effet de l’électricité statique. Ces Technomages portent des générateurs à Malepierre qui vrombissent d’un pouvoir à peine contenu. Néanmoins, ils leur confèrent une puissance de feu équivalente à au moins une batterie d’artillerie impériale.

Les Rats de Nuln

Les Lames Visqueuses
Ces Guerriers des Clans font partie du Clan Gristlecrack. On ne connaissait pas leur alliance avec le Clan Pestilens jusqu’à ce qu’ils dégainent leurs épées : la lueur violacée qui émane de ces lames prouve qu’elles ont été enduites d’un liquide corrompu par la maladie virulente de l’œil torve. Si on les examine de plus près, ce qui n’est pas recommandé, on se rend compte que les yeux rougis de ces Guerriers des Clans exsudent un mucus verdâtre. Ils vont au combat accompagnés d’une Ratasphère, dont les lames ont également été enduites de la terrifiante substance.

La Meute du Feu Noir
Après leur galop d’essai en Tilée, ces trois Malebrutes de Malefosse ont été baptisés la Meute du Feu Noir. Ils ont incendié la moitié de la ville de Beronna, en parcourant les rues les bras tendus afin d’incendier les maisons. Ces tueurs impitoyables n’ont pas attendu de vider leurs réservoirs pour commencer à tour démolir avec leurs énormes poings. Ils ont ensuite foncé sur les habitants pour les écrabouiller sans cesser de cracher des flammes vertes avec leurs Lance-Feu.

Les Ombres Tranchantes
Cette formation de Coureurs d'Égouts a affiné ses talents d’espionnage des humains, et ses membres connaissent le réseau d’égouts de Nuln mieux que n’importe quel égoutier. Ils sont dotés de grappins et savent grimper rapidement aux cordes les plus raides, et sont tout aussi doués pour parcourir les toits de la ville que ses collecteurs les plus étroits. Seul leur chef Skewit soupçonne la présence d’un Assassin au sein de sa troupe, et l’histoire lui donnera raison, car Slittrek, un tueur chevronné des Rangs Noirs, fait partie de ce groupe, et porte même des bombes infernales fournies par le Clan Skryre.

Les Rats de Nuln
La vermine pullule dans les civilisations de ce monde, car la nourriture attire les rats. Ces créatures peuvent s’adapter à n’importe quel environnement. Les cités humaines sont des terreaux fertiles pour la vermine, et les tunnels ainsi que les égouts de Nuln ne font pas exception. On trouve diverses races parmi les Nuées de Rats invoquées par Thanquol, certaines affligées de mutations, et même quelques Rats Géants, des survivants des incursions précédentes des Skavens.


La Gloire de Thanquol

Thanquol et Vorhax

Skreech Verminking

Gribikk le Cornu
Prophète Gris sur Cloche Hurlante

Le Conclave Lektrik
Treize Technomages

Grand Maître de Meute Manxrot
Maître Corrupteur de Malefosse

Les Lames Visqueuses
Trois griffes de Guerriers des Clans

La Meute du Feu Noir
Trois Malebrutes

Le Clan Vrrtkin
Le Seigneur de Guerre Trikstab
Gribnobe, sept griffes de Guerriers
des Clans, une griffe de Vermines
de Choc
, trois griffes de Globadiers,
cinq équipes de Mortiers à Globes
empoisonnés
, deux griffes de Rats-
Ogres, deux équipes de Jezzails à
Malepierre, deux légions d’Esclaves,
deux Batteries de Canons à
Malefoudre
, trois Roues Infernales
et vingt-sept équipes d’armes

Le Clan Kryxx
Le Seigneur de Guerre Throttlespine,
six griffes de Guerriers des Clans,
une griffe de Rats Géants et une
légion d’Esclaves

Le Clan Gritlecrack
Le Seigneur de Guerre Gnawr, deux
griffes de Guerriers des Clans, une
griffe de Moines de la Peste, un
Creuset de la Peste, une griffe
d’Encenseurs à Peste et une légion
d’Esclaves

Le Clan Charogne
Le Chef de Guerre Nk Skalvage, deux
griffes de Guerriers des Clans, une
légion d’Esclaves

Les Ombres Tranchantes
Le Coureur Mortel Skewit, l’Assassin,
Slittrek et une griffe de Coureurs
d’Égouts

Le Clan Moulder
Quatre griffes de Rats-Ogres, trois
griffes de Rats Géants, trois Nuées de
Rats et une légion d’Esclaves

Les Rats de Nuln
Cinquante Nuées de Rats

Les Défenseurs de Nuln

Aucune cité de l’Empire n’est mieux défendue que Nuln. Ses hautes murailles sont garnies de sentinelles, et ses remparts alignent plus d’artillerie et de machines de guerre que ceux de deux autres cités réunies. Sous un épais nuage de fumée polluée, les hommes en noir de Nuln sont prêts à défendre leur domaine.

Le Grand Maréchal Erkstein, le Lion de Nuln
Berndt Aberwold
Les Flancs-de-Fer

Le Grand Maréchal Erkstein, le Lion de Nuln
Avec son armure polie et sa lame scintillante, le Grand Maréchal Erkstein est l’archétype de l’officier fier et orgueilleux. C’est un roturier qui s’est hissé dans la hiérarchie au fil de campagnes victorieuses au nom de Nuln. Même s’il n’est plus dans sa prime jeunesse, il reste robuste et paraît aussi fort qu’il l’était lors de ses plus grands jours de gloire. Rares sont ceux à mieux savoir diriger les troupes de Nuln que ce vétéran endurci.

Les Défenseurs de Grundel

Berndt Aberwold
Ce Seigneur Sorcier du Collège d'Ambre vit dans les étendues sauvages autour de la cité, bien qu’il la visite régulièrement. C’est un membre éminent du conseil de guerre du Grand Maréchal Erkstein, et il a mené campagne avec ce dernier du temps de leur jeunesse. Berndt chevauche un Griffon bicéphale nommé Vivegriffe, et ce bien qu’on lui ait déconseillé de l’emmener dans les rues de Nuln.

Les Égoutiers Noirs
Délivrance

Les Défenseurs de Grundel
Ces Lanciers vêtus de noir portent des boucliers rouges arborant les canons croisés, un symbole répandu à Nuln. Même si l’artillerie rafle toute la gloire dans cette ville, les Défenseurs de Grundel restent fiers de devoir tenir l’ennemi éloigné des canons afin que ceux-ci puissent continuer à tirer. Chaque homme de ce régiment connaît par cœur le nom de chaque pièce et de ses servants, ainsi que leur tempérament.

Les Flancs-de-Fer
Les Flancs-de-Fer proviennent des gardes et des apprentis de la célèbre École d’Artillerie Impériale. Ils portent des armures lourdes et sont équipés d’armes à feu de qualité. Les Flancs-de-Fer de Nuln font partie des régiments d’Arquebusiers les mieux équipés et les plus respectés de l’Empire.

Les Égoutiers Noirs
Ces hommes généralement payés pour patrouiller dans les égouts se deux régiments d’Arquebusiers, retrouvent en première ligne dans le combat contre les Skavens. Armés de massues, d’épées rouillés et de torches, ils forment un régiment hétérogène mais valeureux. Plusieurs de ses membres ont tué des rats lors de leurs passages dans les égouts, et ils les ont accrochés à une hampe rudimentaire afin de l’utiliser comme totem et comme étendard.

Délivrance
Le Tank à Vapeur Délivrance a combattu dans tout l’Empire et a participé à certaines des plus grandes victoires de cette nation. À chaque fois, la vénérable machine est revenue à Nuln pour être rafistolée. Le Maître Ingénieur Gunther Maybach a récemment terminé de modifier le moteur à vapeur de Délivrance, en lui apportant quelques améliorations. L’Ingénieur a insisté pour piloter lui-même le Tank à Vapeur, car il craint que d’autres volent les secrets de son moteur à vapeur modifié avant que cette invention le rende riche et célèbre.


Les Défenseurs de Nuln

Le Grand Maréchal Erkstein
Grand Maître sur destrier

La Garde Royale de Von Liebwitz
Un régiment de Joueurs d'Épée, un
régiment de Chevaliers Demigriffons

Burndt Aberwold
Seigneur Sorcier de Bataille sur le
Griffon Impérial bicéphale Vivegriffe

Les Flancs-de-Fer
Un régiment d’Arquebusiers

La Garnison Nord de Nuln
(Les Boules de Suie)
Quatre régiments de Hallebardiers,
deux régiments d’Arquebusiers,
deux régiments de Lanciers et un
Canon Feu d’Enfer

Le Train d’Artillerie
Huit Grands Canons, trois Mortiers
et un Canon Feu d’Enfer

La Batterie Blackstorm
Trois Lance-Roquettes Tonnerre de Feu

Les Chevaliers du Soleil
Un Ordre de Chevalerie Les Hurleurs
Quatre bandes de Flagellants

Les Hommes d’Uhmar
Le Prêtre-Guerrier Uhmar et trois
régiments de Franches-Compagnies

Le Capitaine Drechsler
Capitaine de la Garde de la Tour Noire

La Garde de la Tour Noire
Trois régiments de Hallebardiers,
trois régiments d’Arquebusiers, deux
régiments de Lanciers et un régiment
d’Épéistes

Les Défenseurs de Grundel
Un régiment de Lanciers

Les Égoutiers Noirs
Un régiment de Franche-Compagnie

Délivrance
Tank à Vapeur commandé par
Gunther Maybach



La fierté de Nuln, les usines quartier de fabrication des munitions, avait été engloutie par un trou béant. C’était un désastre sans précédent. Les murs s’effondraient et les poutres se brisaient comme des brindilles. Par endroits, le sol se dérobait, et détruisait tout dans une avalanche de pierres, de gravats et de terre. Un immense nuage de poussière s’éleva. Des milliers d’ouvriers, de gardes, de forgerons et de métallurgistes moururent lors de l’effondrement. D’une certaine façon, ils avaient de la chance.

Les derniers rochers roulaient encore et les murailles tremblaient toujours lorsque les Skavens attaquèrent.

Ils avaient attendu dans des tunnels à la périphérie de la mine colossale. Certains s’étaient trop approchés lors de l’effondrement et avaient été ensevelis, mais ces pertes collatérales avaient été prévues. Les Foreuses à Malepierre restantes creusèrent des galeries à travers les décombres, et en quelques instants, les hordes couvertes de poussière de maçonnerie envahirent le quartier dévasté. Les hommes rescapés s’extirpaient des décombres en toussant. Ils ne comprenaient pas ce qui s’était passé et croyaient à un séisme. Des pierres continuaient de tomber depuis le bord du cratère, et un nuage de poussière impénétrable recouvrait tout. Les nuées de Skavens jaillirent des décombres et tombèrent sur les survivants telle une marée de vermine.

Des meutes parcouraient les ruines, guidées par des Technomages équipés de lunettes spéciales. Grâce à leur odorat développé, les Skavens pouvaient repérer les blessés et ceux qui gisaient sous plusieurs mètres de décombres. Cependant, ils ne recherchaient pas des humains, mais leur poudre noire. Les Skavens savaient que cet explosif avait été stocké dans des entrepôts aux murs épais afin de le protéger du feu et des explosions. Il faudrait effectuer de lourdes excavations pour s’emparer de ces stocks immenses.

Même si trouver la poudre noire était l’objectif principal, l’opportunité de capturer un butin de chair et de sang était trop belle pour être ignorée. Les humains qui parvenaient à sortir des décombres furent donc rapidement capturés et dévorés par les Skavens.

Par endroits, des gardes organisèrent des poches de défense, mais celles-ci restaient disparates et désorganisées. Le plan de Thanquol consistant à faire s’effondrer tout un quartier de la ville empêchait des renforts humains de rallier le lieu de la catastrophe, et les pillages des Skavens allaient bon train. Des Technomages équipés de masques découvrirent les décombres de l’ancienne Fonderie Krupthof. Usant de fouets et d’aiguillons électrifiés, ils ordonnèrent aux légions d’esclaves de dégager la voie afin d’atteindre les réserves de poudre noire.

Ailleurs dans la cité, la panique s’était répandue. La moitié des citoyens s’étaient retranchés dans leurs maisons. Ils priaient leurs dieux de les aider à survivre à cette nuit, et que l’envahisseur s’en aille bientôt. Le reste de la population avait envahi les rues. Elle savait que l’ennemi était à l’intérieur des murs et cherchait à lui échapper. La terreur se répandait comme une traînée de poudre.

Les bruits des affrontements et le rugissement des incendies semblaient provenir de tous côtés. Au milieu de ce désordre, les réfugiés avaient autant de chance de courir loin du danger que d’y foncer tête la première. Ils cherchaient un abri. Beaucoup se dirigeaient vers les forts du quartier noble d’Altestadt. D’autres espéraient s’abriter dans les Tours Noires.

Partout, les poches de résistance se multipliaient. À la taverne du Dernier Espoir, un groupe de mercenaires se claquemura et repoussa les hommes-rats qui pénétraient par les fenêtres et les portes. Devant la statue de Magnus le Pieux, le long de la Grand Strasse, une bande de Flagellants tint obstinément face aux Skavens, car c’était là où ces lunatiques prédisaient la fin du monde depuis des semaines. Et comme il semblait que la Fin des Temps était bel et bien là, ils avaient décidé de mourir l’arme à la main sur le lieu de leurs prédications, au nom de leur ville et de la race humaine.

Au Temple de Sigmar, le Prêtre-Guerrier Uhmar abattait son marteau avec tant de ferveur que les esclaves Skavens s’empilaient au pied des marches. Galvanisés par ce guerrier intrépide, d’autres humains se rallièrent à lui. Les boulangers, les marchands et les indigents se tenaient aux côtés du Prêtre-Guerrier, armés de bâtons, de fourches et de hachoirs. Ce groupe improbable parvint à tenir bon face aux masses indisciplinées d’esclaves Skavens qui se jetaient sur lui. Uhmar en appelait à son Dieu et à la puissance de son marteau. Néanmoins, lorsqu’il vit ce qui arrivait plus loin dans la rue, il ordonna à ses ouailles de se mettre à l’abri dans le temple.

Une marée d’hommes-rats avançait. Ce n’était pas des créatures faméliques en haillons, mais des guerriers en armure. Contrairement à la première vague d’assaillants, ils n’avançaient pas sans formation, l’écume aux babines, à la recherche d’un repas facile. Ces envahisseurs étaient parés au combat. Face à eux, les groupes de défenseurs furent exterminés ou fuirent vers le nord de la ville.

« À l’heure qu’il est, ce crétin de Trikstab a dû réaliser son erreur, » déclara Skreech. La voix du Verminarque s’insinuait dans l’esprit de Thanquol. « Les Seigneurs de Guerre sont faciles à manipuler. Ils sont obnubilés par le pouvoir, et saisiront toute occasion, même s’ils en meurent. »

Thanquol savait qu’invoquer un Verminarque était dangereux, voire fatal, tant pour l’invocateur que pour l’assistance. Pourtant, l’esprit-rat lui avait été jusque-là bénéfique. Thanquol attribuait cela à sa nature. Il se savait incroyablement difficile à manipuler, parce qu’il était à la fois d’une intelligence et d’une ruse rares parmi les Skavens.

« Pourriez-vous manipuler un Prophète Gris, maître ? » s’enquit-il.

« Bien sûr, même si c’est plus difficile. Mais ne crains rien petit cornu, nous ne tenterions rien de tel contre toi, » le rassura Skreech.

« Mais si c’était le cas, comme vous y prendriez-vous ? » insista Thanquol en réfléchissant à la façon de se défendre mentalement.

« Par des dons généreux, » répondit Skreech. « J’aiderais en échafaudant des plans. Mais je ne ferais rien d’ostentatoire. »

Il laissa quelques secondes à Thanquol pour réfléchir avant d’ajouter : « Si Trikstab survit, il va vouloir te tuer-tuer. Garde Vorhax près de toi. »

Comme s’il pouvait lire dans les pensées de son maître, le garde du corps s’approcha de Thanquol. C’était un magnifique présent que le Verminarque lui avait fait là, et de loin le meilleur Vorhax qu’il eût jamais eu.

Lorsque Thanquol sorti de sa transe, Vorhax le surplombait toujours. Le Prophète Gris ne savait pas depuis quand il mâchonnait de la Malepierre au fond de cette caverne, perdu dans son soliloque. Le temps s’écoulait étrangement quand il était dans cet état. Mais désormais, il était éveillé, et il savait ce qu’il avait à faire…


L’attaque était menée par le Grand Seigneur de Guerre Trikstab Gribnode. Lorsque le Prophète Gris usurpateur avait parlé à Trikstab avant le conseil de guerre, il lui avait témoigné le respect dû à son rang : Thanquol n’avait pas tari d’éloges à propos des prouesses guerrières de Trikstab, de son autorité, et de son droit à mener au combat la toute-puissance du Clan Vrrtkin. Trikstab ne pouvait qu’approuver les dires de Thanquol. Il était bouffi d’arrogance, et ressentait la jalousie des Seigneurs des autres clans.

Trikstab marchait donc fièrement à la tête de ses Vermines de Choc. Les humains avaient fui, comme Thanquol l’avait prédit. Les choses-hommes qui avaient tenté de lui barrer la route furent massacrées par ses gardes. Cette bataille était essentielle, et il était persuadé que le Conseil des Treize l’observait. Pour l’instant, la victoire était totale, mais Trikstab n’était pas totalement idiot ; il commençait à éprouver des doutes.

Même s’il était officiellement le chef, il avait remarqué que bon nombre de ses guerriers restaient en retrait plus haut dans la rue. Ils se rassemblaient autour du Prophète Gris Gribikk et de sa Cloche Hurlante. Il s’était attendu à ce comportement de la part des clans serviles, mais pas de celle de ses propres guerriers. La Cloche avait déjà sonné à trois reprises et son écho se réverbérait dans les rues. Chaque fois, l’aura de pouvoir qui émanait de ces sons était palpable, de plus en plus forte, et davantage de guerriers de son clan rejoignaient l’escorte de la machine sacrée. Trikstab se demandait s’il n’avait pas été imprudent d’accepter de mener l’assaut lorsque quelque chose lui frôla le museau, et qu’il fut éclaboussé une seconde plus tard par un liquide chaud et poisseux. Un boulet de canon venait de percuter ses Vermines de Choc. Il y avait du sang et des tripes partout. Le Seigneur de Guerre regarda devant lui et vit d’autres flammes jaillir des gueules de canons disposés à l’autre bout de la Grand Strasse, qui s’ouvrait sur une grande place d’armes. En face se trouvait un mur qui délimitait le quartier d’Altestadt. Une armée de soldats vêtus de noir attendait à côté des canons. Ces derniers rugirent une nouvelle fois, comme pour annoncer une nouvelle phase de la bataille.

L’essentiel du Clan Vrrtkin avaient descendu le boulevard qu’on nommait la Grand Strasse, et se déversait dans le Marktplatz, tout comme les hordes qui avaient progressé le long des rues parallèles. Les Skavens investirent rapidement cet espace dégagé.

En journée, cet endroit était un marché animé par toutes sortes de vendeurs itinérants et d’étals de marchands. À présent, la place était dégagée, en dehors de la fontaine centrale et de charrettes cassées. Face aux myriades de Skavens se trouvait une armée humaine, dont plusieurs canons installés en toute hâte commençaient à faire feu. C’était là que le Grand Maréchal Erkstein avait choisi de défendre la ville.

Ce lieu marquait le début d’Altestadt, c’est-à-dire la vieille ville. La force de l’Empire était adossée à un mur en pierre, les fondations de la vieille ville, dont certaines pierres avaient été posées plus de mille ans auparavant. Par endroits, ce mur mesurait plus de deux mètres de haut, toutefois il ne possédait pas de remparts, et ses nombreuses ouvertures, le rendait vain à défendre. Néanmoins, il était également doté d’emplacements d’artillerie toujours en usage, et qui allaient servir de points d’ancrage à l’armée rassemblée à la hâte par le Grand Maréchal Erkstein. Au-delà du mur s’étiraient les collines de Nuln, sur lesquelles étaient bâtis le quartier noble et le palais d’Emmanuelle von Liebwitz, Comtesse de Nuln et Comtesse Électrice pour l’heure absente du Wissenland.

Le Grand Maréchal Erkstein parcourait sa ligne de bataille sur son destrier afin d’aligner ses régiments et de haranguer ses troupes. Sa force était constituée en majorité par la Garnison Nord de Nuln, surnommées les Boules de Suie. Ces hommes étaient appuyés par des bandes de Miliciens, tandis que la réserve de chevalerie se trouvait de l’autre côté du mur. En effet, le Grand Maître Pfiezmann des Chevaliers du Soleil était accouru pour mettre ses lances au service du Grand Marshal. La ligne de soldats noirs semblait bien maigre face à la horde vermineuse. Toutefois, Erkstein plaçait sa foi dans les canons de Nuln. On ne cessait d’amener des pièces d’artillerie, qui ouvraient déjà le feu. Le Marktplatz était si vaste qu’il s’agissait de tirs à longue portée, mais les canonniers de Nuln ne déméritèrent point.

Les flammes jaillissant des gueules des canons illuminaient la ligne impériale. Elles déversaient un torrent de mort sur les hordes d’hommes-rats qui se rassemblaient. Il faisait froid et humide, mais les servants des canons suaient déjà abondamment tandis qu’ils chargeaient, pointaient et tiraient avec leurs machines. Derrière le mur, sur la colline, des Mortiers se joignirent au concert de l’artillerie. Défendre Nuln depuis ses propres rues était une tentative désespérée, toutefois les habitants lançaient des vivats au passage d’Erkstein. Ils redoublèrent d’efforts lorsqu’il mit pied à terre et se joignit aux défenseurs. Avec l’infanterie à l’avant, les canons et les Mortiers pouvaient tirer sans discontinuer.

Face aux défenseurs de Nuln, le Grand Seigneur de Guerre Trikstab maudissait son indécision. Il avait retenu l’avancée des troupes, laissant de nombreux régiments sortir des rues et prendre position sur la place. Il attendait l’arrivée du Prophète Gris pour lancer l’assaut, mais chaque minute écoulée se révélait meurtrière. Une tempête de tirs de plus en plus intense frappait sa horde, qui commençait à s’agiter et à s’inquiéter.

Dooooooonnnnnnng !

La Cloche Hurlante sonna une fois encore. Son son discordant emplissait les Skavens d’une ferveur belliqueuse. Même si le grand artéfact était encore loin sur la Grand Strasse, sa puissance était palpable. Tandis que le glas résonnait encore dans les esprits des Skavens, Trikstab ne put les retenir davantage, et ils s’élancèrent. Cherchant à la fois à paraître maître de ses troupes, et ne voulant pas prendre le risque de faire partie de la première vague, Trikstab resta sur place, en encourageant ses guerriers à avancer en gesticulant théâtralement.

De l’autre côté du Marktplatz, les humains pouvaient entendre les raclements et les piaillements des Skavens. Le tumulte et la taille de la horde qu’ils distinguaient à peine auraient suffi à briser la résolution de soldats ordinaires, cependant ces guerriers étaient les troupes de Nuln. Le tonnerre de l’artillerie et leur désir de passer l’envahisseur au fil de l’épée raffermissaient leur détermination.

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Des explosions illuminèrent la place et les obus de mortiers projetaient des shrapnels et des fragments de pavés en tous sens. Les boulets de canons ricochaient sur les dalles de granit et s’enfonçaient dans les lignes de Skavens. Galvanisés par le pillage de la ville et les pouvoirs de la Cloche, les hommes-rats ne paniquèrent pas et continuèrent d’avancer. Les salves jaillirent des lignes impériales lorsque les tirs des Arquebusiers se joignirent aux grondements des canons. Le feu roulant était d’une efficacité redoutable contre les armures légères et les boucliers en bois des Skavens, qui n’offraient aucune protection contre les balles en plomb. Néanmoins, en dépit des pertes horribles, les hordes d’hommes-rats enjambaient les cadavres de leurs congénères et continuaient leur progression. Les pavés étaient maculés de sang. Dévastée par les tirs, la ligne Skaven n’était plus aussi solide, et l’avance des troupes devenait erratique. Cela atténua considérablement l’impact de la charge. Certains défenseurs de l’Empire furent submergés, mais la plupart ne furent même pas engagés par l’ennemi. Les salves se raréfièrent. Certains Arquebusiers continuaient à recharger et à tirer, alors que d’autres utilisaient leurs armes comme des massues pour repousser les Skavens.

Après cette marche sous une grêle de plomb, les Skavens étaient avides de labourer l’ennemi. Ils s’attaquèrent en priorité à ceux qui possédaient des arquebuses, dans l’idée de prendre leur revanche suite aux tirs qu’ils avaient essuyés. Lorsque les hommes-rats atteignirent l’adversaire, ils massacrèrent les guerriers les moins bien protégés. Toutefois, à leur grande surprise, certaines unités se révélèrent particulièrement coriaces, notamment les Flancs-de-Fer, des Arquebusiers dont les armures lourdes déviaient les coups d’épée et les pointes des lances. Ailleurs, d’autres défenseurs de Nuln résistaient grâce à leur discipline. Les Lanciers Lanciers de Grundel contre-attaquèrent afin d’empêcher les Skavens d’exploiter l’élan de leur assaut. Ainsi, au lieu d’affronter des Arquebusiers mal équipés pour le corps à corps, les hommes-rats firent face à un mur de boucliers hérissé de lances.

Les Skavens avaient espéré submerger les défenseurs en un seul assaut massif, cependant la puissance de feu de l’armée de Nuln avait sapé la force de leur charge, et la bataille devenait désormais une mêlée indescriptible. Ce combat mettait à l’épreuve non seulement les talents des guerriers à l’épée et à la lance, mais également leur volonté. Les premiers rangs se pressaient les uns contre les autres pour empêcher l’ennemi d’exploiter la moindre brèche. Lors de tels corps à corps, le poids du nombre jouait en faveur des Skavens. Ces derniers prirent lentement l’ascendant, et les troupes de l’Empire furent forcées de reculer vers le mur d’Altestadt.

Le Grand Maréchal Erkstein engagea ses réserves à cet instant critique. Les cors annoncèrent l’arrivée des Chevaliers du Soleil, tandis que la garde royale d’Emmanuelle von Liebwitz se joignait à l’attaque. Les Skavens étaient si nombreux qu’en dépit de cette charge, ils poursuivirent le combat. Toutefois, tandis que de plus en plus d’hommes-rats finissaient embrochés sur les lances de cavalerie, coupés en deux par les espadons ou piétinés sous les sabots des chevaux, la horde faiblit et finit par craquer.

Il s’en suivit un massacre rapide. Alors que les Skavens tournaient les talons, la plupart furent hachés menu. Ceux qui furent assez vifs pour échapper au sort de leurs congénères prirent la poudre d’escampette. De nouveau, le tonnerre des salves reprit le long de la ligne impériale. Ces volées prélevèrent un lourd tribut chez les fuyards, si bien que des vivats éclatèrent au sein des rangs impériaux.

Dooooooonnnnnnng !

La Cloche Hurlante sortit de la Grand Strasse à la tête d’une nouvelle horde d’hommes-rats, et son tintement sinistre noya les cris de victoire des humains. Le son terrifiant inonda le Marktplatz et le sol se mit à trembler. Plusieurs bâtiments à proximité de la Cloche vacillèrent, et s’effondrèrent dans un fracas de tous les diables. Comme si elle avait été invoquée par la ferveur des Skavens, Morrslieb apparut entre les nuages. Sa lueur verte pénétrait la brume et projetait des ombres sinistres sur la bataille.

En entendant le son de la Cloche, de nombreux hommes tombèrent par terre, les mains sur les oreilles. Même ceux qui restèrent debout furent pris de migraines soudaines, qui allaient en s’amplifiant à chaque note discordante. En revanche, les Skavens étaient revigorés par dette cacophonie. Leurs troupes en fuite reprirent courage et se joignirent à la seconde vague qui se précipitait vers l’armée de Nuln.

Les défenseurs virent les hommes-rats revenir à la charge au clair-de-lune. Ils distinguaient également la machine responsable de la cacophonie, car la Cloche Hurlante était désormais sur la place. Elle semblait à la fois absorber et refléter les rayons de Morrslieb. Les humains comprirent instinctivement qu’ils ne devaient pas laisser l’engin s’approcher davantage, et qu’il fallait l’empêcher de sonner à nouveau. En hâte, plusieurs ingénieurs calculèrent la distance et réglèrent leurs canons. Ils étaient fermement décidés à faire voler en éclats la Cloche Hurlante avec leurs boulets en fonte.

Deux des trois canons firent mouche. Le premier boulet arracha quelques planches à la plate-forme et sectionna une poignée de cordes. Toutefois, le second percuta la Cloche elle-même.

Dooooooonnnnnnng !

Les Chevaliers chargent !
Dooooooonnnnnnng ! La mort sonne sur Nuln.
La Cloche sonna une fois de plus sous l’effet du boulet. Elle ne fut pas endommagée, en dehors d’une trace circulaire sur son flanc. L’écho de cet impact plongea les Skavens dans une frénésie intarissable. Ils redoublèrent d’efforts et se mirent à courir presque aussi vite que des chevaux lancés au galop. Ils avaient franchi la moitié de la distance lorsque des nouveaux venus arrivèrent dans la bataille.

Le Tank à Vapeur Délivrance déboula à l’ouest de la place. Sa tourelle apparut entre les bâtiments d’une rue secondaire, et Gunther Maybach ouvrit l’écoutille pour évaluer la situation. Son monocle télescopique ne pouvait pas voir à travers la brume à l’instar des inventions des Technomages, toutefois la lune était suffisamment brillante pour que l’Ingénieur aligne correctement le canon de son Tank. Il se mit à tirer boulet sur boulet contre les flancs de la horde ; chacun de ses tirs écrabouillait des dizaines de Skavens.

De plus, une aide inattendue tomba des cieux sur des ailes majestueuses. Le Sorcier d’Ambre Berndt Aberwold survola le champ de bataille sur son Griffon bicéphale. Entonnant des sorts plus anciens que l’humanité, il invoqua une lance de Magie brute puis plongea vers le sol. Les Skavens s’enfuirent en voyant le Griffon. Aberwold visa les plus gros ennemis, une meute de Rats-Ogres, et projeta sa lance. Filant tel un éclair, celle-ci empala le plus gros des monstres. Poussant un piaulement, le Griffon reprit de l’altitude avant de se préparer à une nouvelle attaque.

Le Capitaine Drechsler et la Garde de la Tour Noire se trouvaient sur un des flancs de la colonne Skavens. L’officier entendait les canons de Nuln gronder sur le Marktplatz et en déduisit qu’une défense y était menée. Saisissant cette occasion de prendre l’ennemi à revers, le Capitaine ordonna que ses quelques pièces d’artillerie soient disposées sur la Grand Strasse. Tandis que les servants s’exécutaient, le reste de ses soldats se mit en formation. Ils utilisèrent des poutres, des chariots brisés et des débris pour ériger une barricade de fortune sur l’avenue. Lorsque rugirent les canons, les hommes-rats couinèrent de panique, et il leur fallut plusieurs minutes pour faire volte-face et affronter cette nouvelle menace.

La résolution des Skavens faiblissait. Les contre-attaques les avaient privés de leur élan initial, et l’arrivée du Tank à Vapeur et du jeteur de sorts sur son immense Griffon sapait leur témérité. Le musc de la peur planait lourdement au-dessus de la horde. Comme souvent, les Skavens sentaient la victoire sur le point de leur échapper. De plus, leur hésitation allait signer leur arrêt de mort, car l’artillerie de Nuln clairsemait leurs rangs inexorablement.

Au sud de Nuln, de petits groupes d’humains isolés osèrent inspecter la fosse ouverte où se trouvait le quartier industriel de la ville. Malgré la lueur verdâtre de la lune filtrant à travers les nuages, on ne pouvait distinguer le fond du cratère. Des lumières étranges y brillaient néanmoins, sans toutefois indiquer aux observateurs la nature du massacre qui se déroulait en bas.

Thanquol avait supervisé les recherches de poudre noire, juché sur son nouveau Vorhax. Des stocks avaient été découverts et des norias d’esclaves emportaient les tonneaux vers des paquets prêts à s’enfoncer dans les tunnels. Le dernier tonneau serait bientôt chargé. Plusieurs engins à vapeur à peine endommagés faisaient partie du butin. Des colonnes d’esclaves et de Guerriers des Clans avaient déjà entamé le long voyage vers Skarogne.

Obtenir la poudre noire et les machines à vapeur avait été l’objectif principal de cette mission. Maintenant qu’il avait été atteint, Thanquol pouvait se consacrer aux opérations militaires. Le Prophète Gris ferme les yeux et laissa son esprit vagabonder à travers les ombres d’une autre dimension. Il étendit les fils de sa volonté pour écouter le son distant de la Cloche. Il finit par la localiser, et invoqua alors un cercle de ténèbres pures. Il dirigea Vorhax vers cet anneau fuligineux. Des yeux rouges s’ouvrirent dans le royaume du néant, puis l’obscurité s’empara d’eux et ils disparurent.


Car même si sa présence restait presque indécelable, il y avait une autre créature qui accompagnait Thanquol, quelque chose d’encore plus gros et redoutable que le Prophète Gris et son Rat-Ogre.
Sur le Marktplatz, les pièces d’artillerie de Nuln et les Arquebusiers tenaient la horde en respect. Des batteries de canons et de Mortiers pilonnaient les hommes-rats. Certains Guerriers des Clans continuaient d’avancer vers les lignes des défenseurs vêtus de noir. Une poignée d’équipes d’armes les suivaient, pressées de cracher la mort sur les lignes impériales. Soudain, des Canons Feu d’Enfer donnèrent de la voix et la mitraille balaya les pavés. Une explosion verdâtre noya une partie de la place : soit un Lance-Feu avait subi un incident de tir, soit un coup au but sur un réservoir de carburant à Malepierre avait provoqué une réaction en chaîne…
Thanquol & Vorax, Prophète Gris Ascendant et Garde du Corps Perfectionné
En quelques battements de cœur, tous les combattants présents à moins de deux cents pas des défenseurs furent tués. Les seuls mouvements visibles étaient ceux des mourants et des blessés qui se contorsionnaient sur le sol maculé de sang.

Puis la Cloche Hurlante retentit pour la septième fois, et un nuage de ténèbres apparut devant les lignes vacillantes des Skavens. Thanquol était arrivé. Et si le tintement de la Cloche encourageait les Skavens, la vue du Prophète Gris sur le dos de son énorme Rat-Ogre les plongea en adoration. Du moins, c’était l’impression que Thanquol avait.

Car même si sa présence restait presque indécelable, il y avait une autre créature qui accompagnait Thanquol, quelque chose d’encore plus gros et redoutable que le Prophète Gris et son Rat-Ogre. Même s’il restait invisible grâce à quelque prodige mystique, la majesté de son ombre était suffisante pour inspirer tous les Skavens du champ de bataille, si bien que la horde se remit à avancer.

Thanquol goba un fragment de Malepierre et laissa le pouvoir couler dans ses veines. Il prononça des mots interdits et en appela au Rat Cornu en utilisant un de ses treize noms secrets. Ensuite, le Prophète Gris tendit la griffe et utilisa des vrilles de pouvoir magique tel un chat à neuf queues. Les lanières arcaniques claquèrent au-dessus des têtes des Skavens et lacérèrent la réalité. À chaque claquement de ce fouet magique, les hommes-rats des alentours étaient pris d’une fureur sanguinaire. Les plus frénétiques s’en prirent même à leurs camarades tant ils étaient aveuglés par la soif de sang.

Les hommes de Nuln furent terrifiés par ce déchaînement de violence. Même si les Arquebusiers et les autres soldats avaient subi des pertes, les pièces d’artillerie étaient intactes et continuaient de tirer aussi vite que leurs servants étaient capables de les recharger. Certes, quelques machines avaient subi des incidents, mais ils avaient été rapidement corrigés par les Ingénieurs. Malgré tout, en dépit des salves de boulets et de balles, les Skavens avançaient, et cette fois, ils comptaient bien remporter le combat.

Ce ne fut pas une ligne de bataille en lambeaux qui percuta les lignes impériales, mais des colonnes de Skavens en formation serrée. Alors que les hommes-rats engageaient le corps à corps, les Arquebusiers étaient dans l’impossibilité de tirer. Les équipes d’armes sortirent ainsi des rangs de leurs unités pour faire feu.

Des Mortiers projetaient leurs Globes empoisonnés sur les pièces d’artillerie sises sur la colline. Les Ratlings tuaient les servants de canons restés à l’écart du mur d’Altestadt. Celui-ci n’offrait aucune protection contre les Lance-Feu. Cinq équipes d’armes trottaient vers la mêlée. Deux furent fauchées par la mitraille et explosèrent, mais deux autres s’approchèrent assez près pour tirer à travers les meurtrières, et engloutirent dans les flammes les canons et les humains qui se trouvaient derrière. La dernière fut victime d’une surpression de son arme et tourna comme une toupie en incendiant tout autour d’elle.

Dooooooonnnnnnng !
Dooooooonnnnnnng !

Au centre de la horde, le glas de la Cloche Hurlante faisait saigner les oreilles des soldats proches. L’autel de guerre du Rat Cornu était arrivé au milieu du Marktplatz, et le son frappait de plein fouet les lignes impériales. Les vibrations fendirent net les fûts en bronze de plusieurs canons. Les servants qui s’en aperçurent à temps durent abandonner leurs machines bien-aimées, mais les autres périrent dès qu’ils tentèrent un nouveau tir. Le mur d’Altestadt tremblait sous l’effet de la Cloche. Des fissures apparurent et des moellons se détachèrent. Finalement, plusieurs brèches s’ouvrirent à la base de l’antique ouvrage.

En dépit des ravages de la Cloche et de la férocité des hommes-rats, les hommes de l’Empire tenaient bon. Cependant, à l’instar du mur auquel elle était adossée, leur ligne de bataille commençait à se fissurer.

Sentant que ses camarades sur le point de flancher, Gunther Maybach ferma l’écoutille de son Tank et avança droit devant. Le Délivrance avança en grinçant, et prit de la vitesse. Le vacarme à l’intérieur du Tank et le sifflement des tuyaux indiquaient à l’Ingénieur qu’il avait atteint la vitesse maximale de l’engin. La proue blindée du Tank fendit les rangs des Skavens aussi facilement qu’une nef traverse les vagues. Le sifflement de la vapeur était tel, et le blindage du Tank si épais, que la violence du combat à l’extérieur parvenait à l’Ingénieur sous la forme de sons étouffés.

Jusqu’à présent, le moteur fabriqué par Maybach délivrait une puissance sans précédent. Le seul problème qu’il avait rencontré n’avait rien à voir avec le moteur, mais avec la direction. Délivrance avançait à une telle allure que les cadavres des Skavens s’empilaient devant lui comme l’écume des vagues devant la proue d’un vaisseau. Les corps disloqués et les membres broyés obscurcissaient souvent la fente de vision du Tank.

Même s’il ne pouvait pas voir où il allait, il était évident que le Tank à Vapeur progressait rapidement en direction des lignes impériales lorsque quelque chose le heurta. Le choc fit tomber l’Ingénieur à la renverse. Des arcs électriques couraient sur la paroi à l’intérieur de l’engin, et faisaient se hérisser les poils de la barbe et les cheveux de Maybach. Maybach reprit ses esprits et passa la tête par l’écoutille, et comprit immédiatement ce qui était responsable du choc électrique : trois énormes Roues progressaient au milieu de la horde. Ces engins étaient des constructions improbables de planches en bois et de métal.

Elles roulaient souvent sur leurs propres troupes tout en déchargeant régulièrement des arcs électriques. Maybach vit un Rat-Ogre réduit en cendres par un des éclairs noirs. Il referma rapidement l’écoutille et fit feu avec le canon à vapeur de Délivrance.

Le tir toucha la Roue Infernale la plus proche et la disloqua dans une pluie de bois et de métal. La deuxième machine continua sa course et heurta le Tank à Vapeur. Il y eut une explosion terrifiante et un éclair aveuglant, desquels seul Délivrance sortit en un seul morceau. Le Tank était noirci, et des éclairs résiduels continuaient de danser sur son blindage. Nonobstant, il poursuivit sa progression.

Le troisième Technomage poussa à fond le levier à Malefoudre de sa Roue Infernale mais n’obtint que des étincelles, et les transformateurs faiblirent. Le Skaven regardait impuissant la tourelle du Tank à Vapeur tourner vers lui. Soudain, un vrombissement dans les machines arcaniques de la Roue lui indiqua que ses moteurs gyroscopiques fonctionnaient de nouveau. Trois craquements terrifiants retentirent et autant d’éclairs frappèrent le Tank à Vapeur, l’ouvrant comme une boîte de conserve. Piaillant d’excitation, le Technomage ne remarqua pas que la saturation d’énergie avait fait griller ses commandes. Incontrôlable, la Roue percuta une maison et disparut sous les gravats lorsqu’elle s’effondra.


Au fond du Marktplatz, les Skavens tailladaient les défenseurs de Nuln. Voyant le tournant désespéré que prenait la bataille, Berndt Aberwold plongea avec son Griffon pour se joindre aux combats. Pendant que Vivegriffe déchiquetait les Skavens avec ses deux becs, Aberwold invoqua de l’aide depuis les cieux. Un vol de corbeaux, de freux, de gros-becs et de corneilles arriva soudain et s’en prit à la vermine en visant les yeux et les zones vulnérables.

Une fois encore, le Grand Maréchal Erkstein fit appel à ses réserves, et les Chevaliers du Soleil chargèrent depuis l’autre côté du mur d’Altestadt. Leurs armures de plates reflétaient la lueur des flammes alors qu’ils se taillaient un chemin à travers les hommes-rats. Des Guerriers des Clans venaient juste d’exterminer un régiment d’Arquebusiers avec leurs lames enduites d’un poison verdâtre, mais elles étaient inefficaces contre les armures des Chevaliers. Les Skavens qui ne furent pas empalés par les lances finirent piétinés sous les sabots de destriers.

Alors que les Chevaliers se reformaient, arriva un nouvel ennemi. Vorhax avait atteint la mêlée. Ouvrant une gueule dégoulinante de bave, la bête tendit ses quatre bras d’où jaillirent des flots de flammes vertes. Juché sur l’immense créature, Thanquol comprit que celle-ci allait s’élancer et s’accrocha comme il put.

Vorhax était un monstre terrible, néanmoins les Chevaliers du Soleil le chargèrent sans hésiter. Le Rat-Ogre se campa sur ses pattes, et l’impact résonna sur tout le champ de bataille. Les lances de cavalerie s’enfoncèrent dans le cuir épais et les muscles de ma bête. Toutefois Vorhax était insensible à la douleur et frappa, chacun de ses coups étant suivi d’une traînée de flammes verdâtres. Nulle armure ne pouvait résister aux poings de Vorhax qui étaient tels des boulets de démolition enflammés. Des morceaux de chair, des fragments de boucliers et de caparaçon volaient dans les airs tandis que les gros pieds griffus du Rat-Ogre piétinaient les blessés jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que des flasques visqueuses et rouges sur le pavé. Sans se soucier des imprécations et des coups sur la tête que lui donnait son maître, Vorhax s’agenouilla et se mit à dévorer la chair réduite en pulpe.

Dooooooonnnnnnng !
Dooooooonnnnnnng !

La Cloche Hurlante avait atteint les lignes des défenseurs, et son glas lugubre finissait d’abattre le mur d’Altestadt, de renverser les canons et d’insuffler une vitalité impie aux Skavens. Gorgé de cette même force, le Verminarque révéla enfin sa véritable nature. Il étendit les bras et prononça des malédictions qui liquéfièrent les tympans de ceux qui les entendirent. Finalement, la tempête pestilentielle invoquée par Skreech se déchaîna.

La brume s’épaissit en prenant une teinte verte et écœurante. Des éclairs zébrèrent le ciel et une pluie immonde se mit à tomber. La chair des humains cloquait et partait en lambeaux sous l’effet de ce déluge, au point de révéler des os blanchis. En revanche, pour les Fils du Rat Cornu, cette pluie était tel un baptême impie qui soignait leurs blessures et les revigorait.

Skreech n’avait pas terminé. Il s’évanouit dans les ombres et reparut devant le Sorcier d’Ambre en brandissant ses armes. Au moment où les deux têtes de Vivegriffe se détournaient des Guerriers des Clans qu’elles cisaillaient, le vouge maléfique du rat-démon s’abattit. L’arme coupa en deux Berndt Aberwold et s’enfonça dans le torse du Griffon. Le coup suivant décapita aisément les deux têtes du monstre.


Thanquol s’était jusque-là cramponné à Vorhax alors qu’il massacrait les Chevaliers du Soleil, et pouvait à présent préparer de nouveaux sorts. Les choses-hommes étaient sur le point de dérouter, et Thanquol serait celui qui briserait leur volonté. Prononçant des mots terribles, le Prophète Gris invoqua les rats vivant dans les égouts. Une marée de vermine jaillit des grilles du sol et fila vers les lignes des humains au pied de la colline.

Dooooooonnnnnnng !

Au douzième coup, les hommes de Nuln s’enfuirent. Quelques héros tentèrent de ralentir la horde. Un Canon Feu d’Enfer tira une dernière fois, et sa salve abattit des dizaines de Guerriers des Clans. Mais derrière ces derniers avançaient deux Malebrutes dotés d’armes inédites. Ils montrèrent aux artilleurs la véritable signification du mot mitraille en lâchant une grêle de tirs qui dévastèrent les humains et leur machine de guerre, ainsi que la maison derrière eux. Le Grand Maréchal Erkstein et la garde royale de Joueurs d'Épée formèrent un dernier carré, mais les hommes-rats étaient beaucoup trop nombreux.

Dooooooonnnnnnng !

Au treizième coup, la mort vermineuse s’abattit définitivement.

Des poches de résistance subsistèrent en ville, certaines tenant même jusqu’à l’aube. Le Capitaine Drechsler et les rares survivants de la Garde de la Tour Noire menèrent un groupe de rescapés jusqu’à la porte sud, mais la plupart des réfugiés s’enfuirent par la porte nord. Parmi eux se trouvait la Comtesse Emmanuelle von Liebwitz. Elle mena sa population vers l’est, en direction de l’Averland.

Une épaisse couche d’algues vertes recouvrait le confluent des cours d’eau au cœur de ce qui fut le fleuron des terres du sud de l’Empire. Nuln était si ravagée que même ses habitants ne pouvaient plus la reconnaître. C’était une scène de dévastation totale. Des cadavres jonchaient les rues. Des hampes de lances brisées dépassaient des corps mutilés. Des chevaux morts ponctuaient ce paysage funeste ; ils gisaient éventrés, leurs entrailles répandues par la vermine affamée. Des flaques de sang formaient de véritables mares aux coins des bâtiments. Les seuls sons qu’on pouvait entendre étaient ceux du festin des rats.


Le Verminarque avançait au milieu des décombres et des colonnes de fumée. Skreech Verminking s’abreuvait de la ruine de la civilisation.

Thanquol apparut au détour d’un mur branlant, suivi par la forme immense de Vorhax. Ils approchèrent de l’ombre qui s’était juchée sur un trône de détritus. « La cité des choses-hommes est nôtre. Et ensuite ? demanda Thanquol. Devons-nous les poursuivre vers l’est ? »

Le Verminarque se redressa de toute sa hauteur, toisa Thanquol puis se tourna vers l’est. « Non-non, un autre destin funeste les attend. Nous devons nous rendre à Skarogne, mon cher petit cornu. Ensuite, nous partirons vers le nid des choses-lézards. » Le Verminarque gloussa, comme s’il venait d’avoir une pensée réjouissante. « Même si nous n’y resterons pas longtemps… »

Thanquol s’était habitué aux cachotteries du rat-démon et n’en demanda pas davantage.

Skreech semblait avoir grossi depuis qu’il était au milieu des ruines, et sa forme semblait moins immatérielle. « Le saut magique que j’ai effectué dans la cité des choses-hommes est le plus long que j’aie jamais tenté, ô plus grand des Verminarques. » fit remarquer Thanquol.

« Je te montrerai, » l’assura Verminking, qui plongea alors son vouge dans le sol. Thanquol sentit des vrilles de pouvoir l’oppresser et fut entouré par l’obscurité.

Lorsque le Prophète Gris rouvrit les yeux, il se trouvait au milieu des rues populeuses de Skarogne. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été plongé dans cette atmosphère humide, au milieu du musc et des odeurs de la surpopulation.

Derrière lui, le Verminarque inspira à pleins poumons l’air fétide. « C’est bon de rentrer chez soi ! » se réjouit-il avant de se diriger vers le Temple du Rat Cornu. « Il est temps d’exposer notre plan au Conseil des Treize… »

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Chapitre V : LA GRANDE GUERRE DE LUSTRIE - Printemps 2525 / Automne 2526

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La guerre faisait rage à travers tout le continent de Lustrie, et à tous les niveaux. Les Skavens commandés par Skrolk étaient sortis de leurs repaires souterrains, et envoyaient sans cesse des régiments au combat. Ils détruisaient les monuments antiques, attaquaient les cités, corrompaient les Bassins de Frai et assassinaient les Slanns. Ce que les hommes-rats ne pouvaient détruire, ils tentaient de le contaminer, et à cette fin, ils avaient développé un arsenal bactériologique.

Au début de l’attaque des Skavens, les Hommes-Lézards avaient subi de lourdes pertes. Les Slanns étaient inconscients suite au duel mental qu’ils avaient livré pour empêcher que les Prophètes Gris rapprochent la Lune du Warp de ce monde. Entre temps, plusieurs cités majeures avaient été conquises, mais finalement les Hommes-Lézards s’étaient ralliés sous le commandement de Tehenhauin et de Kroq-Gar. Les Skavens avaient été repoussés, cependant ils n’avaient pas tardé à reconstituer leurs forces pour revenir. C’est ainsi qu’avait recommencé un nouvel assaut d’envergure contre la Lustrie. C’était une croisade d’annihilation, une guerre totale livrée non seulement pas deux vastes armées, mais aussi par la terre elle-même.

En effet, des millénaires plus tôt, suite à la première incursion du Chaos sur le monde, les Slanns avaient ensorcelé leur continent pour le transformer en piège mortel. En plus des bêtes qui parcouraient les forêts, la Lustrie était protégée par des plantes carnivores géantes, par des mares de goudron dotées d’une conscience rudimentaire et par des nuées d’insectes capables de dévorer un Skaven pour n’en laisser que les os en quelques minutes. Cependant, la jungle souffrait cruellement de la venue des hommes-rats.

Les Moines de la Peste du Clan Pestilens avaient repris et amélioré les recettes du Liber Bubonicus pour créer tout un arsenal de maladies virulents qui furent répandues partout en Lustrie. La ville d’Itza fut leur plus terrible victime. Grâce à la contre-attaque de Tehenhauin, les Hommes-Lézards avaient réussi à repousser les envahisseurs, toutefois les toxines employées par le Clan Pestilens forcèrent leurs adversaires à abandonner définitivement la Première Cité. Ses immenses temples-pyramides étaient désormais vides, même si la ville restait protégée par des patrouilles qui surveillaient son périmètre.

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Les maladies furent disséminées par le vent. Bientôt, des maux atroces s’emparèrent de la Lustrie. Les œufs des Stégadons noircissaient, les lianes s’étiolaient et les mares de goudron devenaient des bourbiers toxiques. De plus, des millions de rats accompagnaient les Skavens. Les plus terribles prédateurs de la jungle revenaient à leur nid pour trouver leurs œufs grignotés par la vermine, ou leurs petits dévorés vivants. De plus, les rats véhiculaient des maladies, et se reproduisaient à une vitesse effrénée dans tous les recoins des forêts.

Les Prêtres Skinks étaient liés à la nature. Ils voyaient la faune et la flore de Lustrie dépérir et en furent terrifiés. Ils devinrent encore plus superstitieux qu’auparavant, et se détournèrent de la logique cartésienne de leurs maîtres pour se consacrer à des pratiques occultes et à l’adoration d’idoles. Finalement, les Slanns s’étaient réveillés. Même s’ils remarquèrent les comportements étranges de leurs assistants Skinks, qui parlaient de prophéties en agitant des colifichets, les Slanns étaient trop préoccupés par le destin de la planète pour perdre du temps à expliquer aux Skinks qu’ils étaient dans l’erreur.

Effectivement, même s’ils n’étaient pas aussi intimement liés à la nature que les Skinks, les Slanns constatèrent rapidement la corruption qui l’accablait. Grâce à leurs pouvoirs mystiques, ils virent aussi que le monde sombrait lentement dans le désordre et la ruine. Les Prêtres-Mages invoquèrent des vents afin de balayer les miasmes de la Lustrie. Ils provoquèrent des pluies diluviennes pour laver la jungle. Le Seigneur Mazdamundi parvint même à décupler la lueur du soleil pour baigner le continent dans ses rayons bienfaisants. En dépit de tous ces efforts, les Slanns ne parvinrent pas à stopper la progression des épidémies.

De plus, ils ne pouvaient pas consacrer tout leur temps à cette lutte, car leurs pouvoirs mentaux étaient également requis ailleurs, dans une autre guerre.

En dépit de la distance, les Slanns ressentirent le démantèlement du Grand Vortex par les Hauts Elfes. Depuis des milliers d’années, les Prêtres-Mages avaient secrètement aidé cet immense siphon de pouvoir à se maintenir. Ils considéraient qu’il s’agissait d’un expédient créé pour repousser l’invasion du Chaos, même si à l’époque, il fallait reconnaître que c’était la meilleure solution que les êtres à sang chaud ignorants avaient pu mettre en place. Aux yeux des Prêtres-Mages, le Grand Vortex avait toujours été un pis-aller, qui leur avait cependant permis de gagner du temps pour analyser sereinement les intentions des Anciens et leur Grand Dessein. Malgré tout, le Grand Vortex avait stabilisé l’afflux de Vents de Magie pendant des millénaires. Et pendant ce laps de temps, la logique des Slanns avait été mise à rude épreuve. En dépit du passage de nombreux siècles, les Prêtres-Mages étaient loin d’avoir trouvé une solution pérenne au Chaos. En fait, le Grand Dessein s’était progressivement érodé sans qu’ils ne puissent rien y changer.

Suite à la disparition du Grand Vortex, l’afflux du Chaos dans le monde décupla. Les Vents de Magie soufflaient en rafales, et il était impossible de discerner une quelconque logique dans les directions qu’ils empruntaient. Pire encore, leur simple observation était devenue mortellement dangereuse. Deux jeunes Prêtres-Mages qui sondèrent trop profondément les Vents de Magie finirent ainsi foudroyés, et leurs cadavres glissèrent lentement de leurs palanquins.

Les Slanns comptaient créer des barrières arcaniques au-dessus de la Lustrie. Comme ils l’avaient fait lors de la Grande Catastrophe, ils tentèrent d’empêcher l’étiolement de la réalité, et étendirent leurs esprits afin de rassembler le pouvoir nécessaire. C’est à cet instant qu’ils découvrirent l’existence d’un autre problème.

Skreech Verminking était trop impatient pour attendre que les Prophètes Gris terminent leur cérémonie d’accueil. Il s’extirpa des ombres à côté de Thanquol et intervint.

« Le temps nous est compté, » dit-il. « Il reste encore trop de choses-crapauds. »

Le Seigneur Skrolk ne répondit pas. Ses orbites vides luisaient sous l’effet de la contamination qu’il véhiculait, et il percevait le Verminarque sous la forme d’une aura majestueuse, d’une entropie ambulante. Tandis que le Seigneur de la Peste cherchait ses mots, une immense silhouette s’avança.

« Beaucoup de meutes ont été envoyées au nord, ainsi que le sombre treizième, » affirma Vermalanx d’une voix lourde de malheur.

Thanquol frémit, car ce second Verminarque était un Corrupteur, et la maladie imprégnait le moindre de ses poils poisseux. L’air s’emplit de la puanteur de la pourriture. Thanquol compara les deux Verminarques. Vermalanx disposait assurément d’un grand pouvoir, toutefois Verminking restait bel et bien le plus puissant. De plus, il nota avec fierté que les cornes de son Verminarque étaient plus magnifiques que celles de Vermalanx.

« Ils échoueront, » rétorqua Skreech à son homologue. « Les choses-crapauds vont tenter de stopper le rituel de Skarogne. Seigneur Skrolk, vous devez attaquer et conquérir la grande cité des choses-lézards. Quant à vous, Vermalanx, ne me décevez pas. »

« Je reçois mes ordres du Seigneur Nurglitch du Conseil des Treize ! » s’indigna Vermalanx.

Des vrilles d’énergie noire se matérialisèrent autour de Verminking, et ses cornes se mirent à luire.

« J’ai le soutien du Conseil de l’Ombre… » dit-il d’une voix calme, mais chargée de tant de sous-entendus que le Seigneur Skrolk recula d’un pas.

« Si le gros Slann se rend à la grande cité… » insinua Vermalanx.

Le pelage de Thanquol s’était hérissé sous l’effet de la Magie brute. Il perçut la peur sous-jacente dans la voix du Corrupteur. Son instinct lui criait de fuir, pourtant il résista à ce besoin. Son esprit réfléchissait intensément aux conséquences induites par l’existence d’un conseil plus puissant encore que le Conseil des Treize.


L’essentiel de la Toile Géomantique avait été détruit, et ce qui en restait menacer de saturer sous l’effet des énergies magiques accumulées. Cela n’était pas normal, puisque les Slanns les avaient siphonnées lorsqu’ils avaient empêché les Prophètes Gris de resserrer l’orbite de Morrslieb. Puisque de nombreux monolithes avaient été mis à bas ou n’étaient plus alignés les uns par rapport aux autres, leurs ressources en énergie auraient dû être limitées. Pourtant, les Slanns pouvaient constater que la Toile Géomantique débordait de pouvoir.

La Toile Géomantique avait été érigé par les Slanns sous les directives des Anciens. Il servait à transformer la planète en réservoir d’énergie. Les lignes de pouvoir ainsi créées avaient été mises en place afin de maîtriser les éléments inconstants de ce monde. Depuis la disparition des Anciens, c’étaient les Slanns qui contrôlaient la Toile Géomantique, et avaient toujours fait preuve de prudence dans son utilisation. Ils craignaient en effet d’être incapable de contrôler l’afflux d’énergie s’ils le libéraient totalement, et savaient que ce qui naissait du Chaos ne pouvait jamais être complètement dompté. Certes, les Slanns usaient régulièrement de cette réserve de pouvoir pour changer le cours des fleuves, déplacer les montagnes et modifier subtilement la rotation et l’orbite du monde. Néanmoins, ces enchantements avaient été toujours entrepris suite à de longues réflexions et à des périodes de contemplation menées par les plus sages et les plus vénérables des Prêtres-Mages.

Ainsi, les Slanns débattirent mentalement de la conduite à adopter. Plusieurs Prêtres-Mages parmi les plus jeunes suggérèrent qu’avec un tel pouvoir à leur disposition, ils devaient agir sans tarder. Tandis que les Slanns discutaient âprement, le Seigneur Mazdamundi réfléchissait en silence depuis le sommet de la plus haute pyramide d’Hexoatl. Finalement, il annonça qu’il prendrait sa décision le lendemain, lorsque les alignements stellaires seraient favorables.



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Les armées des Skavens progressaient vers le nord et dépassèrent la Côte du Scorpion. Elles laissaient derrière elles Tlanxla, la Cité Céleste. Elle était dévastée. Le but du Clan Pestilens était de traverser l’isthme en direction d’Hexoatl, la dernière cité majeure des Hommes-Lézards encore intacte. À cet effet, Skrolk avait envoyé quatre de ses Seigneurs de la Peste survivants, chacun à la tête d’un ost. Il y avait donc le Seigneur Blistrox, qui menait une fois de plus de nombreux clans serviles. Le Seigneur Gritch avait été tué lors de la levée du siège d’Itza, et c’était le Seigneur Seep qui avait pris sa place en tant que Grand Potentat des Pustuleux. Il possédait le plus puissant des parchemins warp, et récitait sans cesse des versets du Liber Bubonicus depuis la chaire de son encensoir à peste. Suite à la mort du Seigneur Kreegix le Rôdeur lors de la chute de la comète qui avait rasé Tlaxtlan, la position convoitée de quatrième Seigneur de la Peste avait été accordée à Grule. Enfin, l’arrière-garde de l’armée était menée par le Seigneur Grilok, le Pontifex des Pestes. Il emmenait son Conclave de Contagion, ainsi que des carrioles chargées de cuves contenant des substances corruptrices. À leur passage, la jungle s’étiolait et mourait.

Les Skavens avaient espéré pouvoir faire une partie du chemin sous terre. Toutefois, les vieux tunnels qui avaient été creusés lors de la première tentative d’invasion de la Lustrie par le Clan Pestilens n’étaient plus praticables. Les Slanns les avaient fait s’effondrer, ou les avaient inondés en modifiant le cours des rivières. Il n’y avait donc qu’un seul itinéraire pour atteindre la destination, et il passait à travers des kilomètres de jungle étouffante.

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Et dans cette même jungle, les cohortes de Tehenhauin, le Prophète de Sotek, attendaient en embuscade.

Ce dernier était passé maître dans l’art de combattre dans la jungle, et il remportait souvent ses victoires grâce à l’effet de surprise. D’innombrables fois, les éclaireurs des Skavens dépassèrent les troupes cachées des Hommes-Lézards sans les voir, et au moment opportun, celles-ci lançaient une attaque. Ce qui ressemblait à de simples souches ou à des troncs flottant dans les mares était en fait des Skinks, qui projetaient des grêles de fléchettes empoisonnées, tandis que des Salamandres réduisaient en cendres des formations entières de Moines de la Peste. Les Skavens continuaient d’avancer, mais ils payaient le prix fort pour chaque kilomètre parcouru sous l’épaisse canopée.

Le plus souvent, ces embuscades étaient de courte durée. Les Skinks, et plus particulièrement les Caméléons, se contentaient de tirer quelques salves avant de s’évanouir. Les Moines de la Peste enragés tentaient de les poursuivre dans les sous-bois, en utilisant leurs épées comme machettes pour taillader les fourrés. Régulièrement, des fosses à pieux et des mares de goudron les attendaient. Les survivants de ces groupes de poursuivants se retrouvaient alors isolés et étaient exterminés avant de pouvoir rejoindre leurs camarades.

Tehenhauin et ses guerriers usaient du couvert et de tactiques de camouflage, et se déplaçaient agilement à travers la jungle. Ce n’est que lorsqu’il disposait d’un avantage conséquent que le Prophète de Sotek consentait à engager le combat au corps à corps. Cela se produisait sur des champs de bataille qu’il avait minutieusement choisis, là où la topographie assurait un avantage aux Hommes-Lézards. Dans la pampa des Plaines Luxuriantes, les hautes herbes cachaient les Skinks alors qu’ils encerclaient les Skavens. Dans les marais de Xloxlec, les eaux stagnantes étaient si profondes que les hommes-rats furent forcés de construire des radeaux de fortune pour faire traverser leurs engins de guerre. Tehenhauin choisit ce moment pour attaquer en force. Pendant que des Entérodactyles plongeaient du ciel, des vols de Téradons passaient en rase-mottes, pour larguer des rochers sur la flottille. De plus, les eaux croupies cachaient des monstres reptiliens qui dévorèrent les hommes-rats en train de nager autour des radeaux.

Néanmoins, toutes ces embuscades ne furent pas couronnées de succès. Dans la vallée des Guetteurs Silencieux, les Skinks comptaient jaillir de grottes secrètes sur les arrières de l’ennemi. Toutefois, les Skavens avaient flairé le sol humide des cavernes et avaient envoyé des éclaireurs afin de les fouiller. Lors des combats souterrains qui éclatèrent, les Skavens surclassèrent les Skinks. Ils étaient en effet passés maîtres dans ce genre d’affrontement, et le massacre qui s’ensuivit fut total. Pour couronner le tout, les hommes-rats disposaient de nouvelles armes particulièrement meurtrières.

Même si les Prêtres de la Peste les plus orthodoxes refusaient d’utiliser les inventions du Clan Skryre, le Seigneur Skrolk avait donné son accord. Ainsi, plusieurs vols de Téradons qui plongeaient des cieux furent déchiquetés par des rafales de Mitrailleuses Ratlings. Des Malebrutes brûlaient des arpents de jungle avec leurs Lance-Feu pour dégager le passage, tandis que les Mortiers à Globes empoisonnés s’avéraient parfaits pour nettoyer les fourrés les plus denses de toute présence ennemie. Lorsque les vapeurs mortelles montaient vers la canopée, les Skavens pouvaient voir de temps à autre des Skinks Caméléons tomber raide morts des arbres où ils avaient pris position. Et lorsque les embuscades se multiplièrent, ils employèrent des moyens encore plus terribles.

Chacun des Seigneurs de la Peste était en mesure de faire appel à un Verminarque. Auparavant, les pactes permettant d’invoquer ces êtres maléfiques étaient l’apanage des Prophètes Gris, car ils étaient les seuls à connaître les rituels nécessaires. Cependant, le Seigneur Skrolk et Vermalanx le Corrompu avaient bouleversé cet état de fait.

Alors que les Vents de Magie soufflaient de plus en plus fort, les Verminarques gagnaient en puissance. De plus en plus de ces créatures se manifestaient dans les cavernes sombres et humides de Lustrie. Elles avaient enseigné à leurs enfants de nouveaux rituels. Les Verminarques étaient les hérauts d’un âge à venir, un âge où la pestilence allait recouvrir les terres.

Et il n’y avait pas que des Verminarques qui aidaient le Clan Pestilens, car il pouvait également compter sur les Verminarques Corrupteurs. Ces derniers étaient aussi différents des Verminarques que les Moines de la Peste étaient différents des autres clans. Ceux qui n’étaient pas bénis par les maladies et qui avaient l’audace de poser les yeux sur ces rats-démons périssaient aussitôt d’afflictions virulentes. En effet, les Verminarques Corrupteurs étaient les vaisseaux des épidémies. De leurs griffes suintaient du mucus grouillant de bactéries mortelles, leurs voix râpeuses résonnaient du gargouillis de mille maux. Leurs paroles s’insinuaient dans l’esprit et dans l’âme pour instiller un zèle enfiévré chez les fidèles de la pestilence.

Lorsqu’ils étaient invoqués, les Verminarques décuplaient la ferveur du Clan Pestilens. Les chants des Moines de la Peste accompagnaient ces destructeurs de civilisation tandis qu’ils cheminaient dans la jungle. Il n’y avait aucun obstacle qu’un Verminarque ne pouvait surmonter. Il leur suffisait d’ouvrir les bras pour invoquer des tempêtes pestilentielles qui inondaient d’ichor les forêts primaires. D’autres vomissaient des geysers d’immondices ou étaient capables de transformer les cours d’eau en rivières de déjections d’un simple toucher.

Grâce à des bénédictions impies, un Verminarque pouvait octroyer des pouvoirs immenses aux Moines de la Peste qui le suivaient, et même s’ils évitaient de se confronter directement à l’ennemi, ils restaient des adversaires terrifiants lorsqu’ils se mettaient en colère. Ils se battaient alors avec de grandes faux dont les lames laissaient derrière elles un sillage de lumière surnaturelle qui infectaient l’air avec ses miasmes, une simple éraflure de ces armes pouvait transformer l’animal le plus imposant en une coquille décharnée. Beaucoup de monstres à sang froid sortaient des frondaisons en rugissant à l’approche des Skavens, et repartaient d’un air pitoyable en boitant et en laissant une traînée de sang infecté derrière eux.

Lorsque le Seigneur Blistrox tomba dans une embuscade sur le Sentier des Ossements, il fit appel à un Verminarque. Les Skavens étaient au beau milieu d’une jungle épaisse et subissaient le harcèlement meurtrier des Skinks. Quand la forme voûtée du Verminarque jaillit de son triangle d’invocation, il écouta les suppliques du Seigneur de la Peste, en envoya alors des nuages de corruption contre les Skinks. La jungle dépérissait instantanément sous l’effet de ces miasmes. Une fois que leur couvert eût disparu, les Skavens purent découvrir les corps des Skinks encore secoués de spasmes qui gisaient au sol, terrassés par le sort du Verminarque.

C’est ainsi que l’avance put se poursuivre. Alors que les osts convergeaient vers Hexoatl, les éclaireurs indiquèrent que la route était bloquée par une armée d’Hommes-Lézards. Les Seigneurs de la Peste se réjouirent que l’ennemi ose enfin les affronter ouvertement.

Incapable de reculer davantage, Tehenhauin avait décidé de se défendre dans les ruines de Pahuax. Il aligna ses forces devant les vestiges du Temple du Serpent Ascendant.

Lorsque l’aube rouge perça les brumes matinales, une armée d’Hommes-Lézards s’étendait à l’horizon. On percevait les rugissements des immenses reptiles le long de la ligne de bataille. Certains de ces cris ressemblaient à un salut à l’intention du soleil, d’autres étaient des grondements de rage, car les bêtes sentaient la vermine approcher dans l’air matinal. Bientôt, la horde de Skavens se rassembla elle aussi tandis que ses éclaireurs inspectaient la plaine où allait se dérouler la bataille.



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Jadis, la cité de Pahuax avait été une grande métropole, mais elle avait été détruite au cours de la Grande Catastrophe. Ses habitants et la plus grande partie de la ville avaient été réduits en cendres en à peine quelques instants cataclysmiques. Ceux qui avaient survécu subirent un destin pire encore, car ils furent emportés vers les Royaumes du Chaos. Parmi tous ces Hommes-Lézards, seul le grand chasseur Oxyotl revint, et encore, seulement au bout de six mille ans d’errance… Depuis cette époque, la cité n’avait plus changé. C’était un lieu irréel que les Skinks superstitieux prenaient soin d’éviter. Il n’y avait jamais de vent, et le silence total était surnaturel. La couche de cendre qui recouvrait le sol était épaisse, et c’était au milieu de ce tapis grisâtre que s’élevaient les temples-pyramides et les monuments qui avaient réchappé au cataclysme, et qui témoignaient encore de la puissance des Anciens.

Tehenhauin était un grand stratège qui savait choisir un terrain adapté aux embuscades. Toutefois, le choix de ce champ de bataille indiquait à quel point sa situation était désespérée. Le Prophète de Sotek savait que ses embuscades avaient coûté de nombreuses vies aux Skavens, cependant elles n’étaient pas parvenues à les stopper. Le Prêtre Skink était conscient que tandis que ses troupes étaient en nombre limité, celles des Skavens pouvaient compter sur des réserves inépuisables. De plus en plus d’hommes-rats arrivaient en Lustrie. Tehenhauin n’avait pas choisi Pahuax parce que ce lieu lui offrait un avantage tactique, mais plutôt parce qu’en combattant sur les ruines de leur civilisation, les Hommes-Lézards pouvaient voir clairement ce qui était en jeu, et ce qui arriverait si les Skavens n’étaient pas stoppés.

Derrière l’armée de Sotek de Tehenhauin, plus au nord dans l’isthme de Pahuax, se trouvait la dernière grande cité à avoir été épargnée par la guerre et les épidémies. Hexoatl était isolée. Dans les temples en ruines de Pahuax, Tehenhauin parla à ses guerriers des atrocités des hommes-rats. Sa harangue fut si virulente que les Skinks se levèrent en brandissant leurs armes et en feulant de colère. Même les Saurus, d’ordinaire impassibles, s’agitèrent de façon menaçante. Leur sauvagerie avait été réveillée par le discours enflammé et inspiré du Prophète de Sotek.

Même si cette bataille n’était pas une embuscade, comme cela avait été le cas pour la plupart des attaques de Tehenhauin, ce dernier avait pris soin de conserver plusieurs atouts dans sa manche. Des fosses à pieux recouvertes de branchages et de roseaux camouflés sous la cendre avaient été creusées. Celle-ci cachait également des tirailleurs Skinks qui respiraient grâce à leurs sarbacanes dont seule l’extrémité dépassait du tapis grisâtre. Ils avaient pour mission d’attendre que l’ennemi les dépasse, puis de jaillir pour harceler ses flancs avec leurs fléchettes empoisonnées. De plus, des serpents des cendres avaient répondu à l’appel de Tehenhauin. Il s’agissait de grands reptiles gris aux têtes triangulaires aussi grosses que le torse d’un Rat-Ogre. Ils étaient tapis dans les ruines, et n’étaient repérables que lorsque leurs corps ondulaient sous la poussière, comme une créature du désert se déplaçant sous une dune.

Les agiles Coureurs Nocturnes des Skavens formaient l’avant-garde de l’ost, ce furent donc eux qui engagèrent les tirailleurs que Tehenhauin avait laissé visibles, et qui avaient été positionnés de façon à ne pas révéler prématurément les ruses du Prophète de Sotek. Tandis que les troupes légères des deux camps s’affrontaient, le reste de la horde d’hommes-rats avança.

Face à cette avalanche de monstres reptiliens, même la fureur religieuse des Moines de la Peste commença à défaillir. Cependant…
Trois des Seigneurs de la Peste étaient pressés d’en découdre, car pour l’instant, ils n’avaient pas pu faire leurs preuves face aux tactiques de guérilla employées par les Skinks dans la jungle. Le Seigneur Blistrox, il souhaitait se racheter suite à la perte de Xlanhuapec.

Le Seigneur Seep était le plus ambitieux d’entre eux, et il était zélé même selon les standards élevés du Clan Pestilens. Le Seigneur Grule était un disciple de feu Kreegix le Rôdeur, et souhaitait non seulement prouver qu’il méritait son titre, mais également venger la mort de son prédécesseur. Seul le Seigneur Grilok, le Pontifex de la Peste, était satisfait de rester en arrière. Même si le Conclave de Contagion était redoutable en combat, son véritable rôle consistait à créer et à répandre des maladies. Il restait toujours près de ses énormes chaudrons, et chaque nuit, il célébrait des rituels qui envoyaient de grands nuages de contamination au gré du vent. Les arpents de terre dévastés suite à son passage témoignaient de sa redoutable efficacité.

Les trois autres Seigneurs de la Peste n’étaient pas parvenus à s’entendre sur qui mènerait l’assaut initial, si bien qu’il fut décidé que leurs trois armées avanceraient simultanément. Ils allaient écraser les Hommes-Lézards avant de foncer vers Hexoatl.

L’avance des Skavens était précédée par des Nuées de Rats jaillis de la jungle. Ceux-ci ouvraient la voie aux Skavens eux-mêmes. Les guerriers soulevaient un nuage de cendre et de poussière. lusqu’alors, les cohortes des Hommes-Lézards s’étaient tenues immobiles, mais elles se mirent à marcher à la rencontre de l’ennemi. Un faisceau de lumière aveuglante jaillit, car sur ordre de Tehenhauin, les rais magiques des gemmes montées sur les dos des Bastiladons avaient été synchronisés afin de s’accumuler dans celle qui était la plus en avant de la ligne de bataille. Ainsi, ce tir avait une portée et une puissance phénoménales, et il disloqua un des encensoirs à peste.

Au début, les Hommes-Lézards eurent l’avantage. Ils faisaient preuve d’une rage inhabituelle pour des créatures à sang froid, et leur élan initial creusa de profondes brèches dans les lignes des Skavens. La charge de plusieurs Stégadons fit trembler le sol, et ils broyèrent les Moines de la Peste sur leur chemin. Tant d’hommes-rats mouraient que le sol de cendres grises se transformait lentement en un bourbier rougeâtre.

Face à cette avalanche de monstres reptiliens, même la fureur religieuse des Moines de la Peste commença à défaillir. Faisant preuve d’une synchronisation parfaite, des centaines de tirailleurs Skinks émergèrent de leurs cachettes et projetèrent des nuées de fléchettes sur l’ennemi. Des vols d’Entérodactyles effectuaient des attaques en piqué, et faisaient preuve d’une telle voracité que des formations entières de Skavens étaient déchiquetées, d’autant plus que les Skinks avaient pris soin de disséminer des crapauds aboyeurs au sein des unités adverses pour décupler la rage des Entérodactyles. Des batteries entières de Mortiers à Globes empoisonnés avaient été enduites de mucus de crapaud, et figurèrent parmi les premières victimes des reptiles volants enragés par cette odeur.

Cependant, alors que la journée passait, les événements tournèrent en défaveur des Hommes-Lézards. L’armée de Tehenhauin était majoritairement composée de Skinks et de monstres reptiliens. La fureur des premiers nés dura qu’un temps, car ils n’avaient pas l’endurance des cohortes de Saurus. Dans la mêlée sauvage contre les Moines de la Peste fanatiques, ils commencèrent à céder du terrain au fil des pertes, surtout lorsqu’ils devaient faire face aux lames empoisonnées des disciples du Clan Pestilens. Des cohortes entières de Skinks périrent dans la violence de ces corps à corps, car la plus petite éraflure était synonyme d’une agonie rapide.

Les Stégadons et les Bastiladons étaient invincibles lorsqu’ils bénéficiaient de l’élan de la charge, mais au fil des heures, même ces grands animaux commencèrent à fatiguer. Les dizaines de blessures légères qu’ils avaient subies les ralentissaient. Par endroits, leurs écailles avaient fini par être arrachées par les coups d’épée rageurs et les balles des Ratlings, si bien que les monstres périrent les uns après les autres. Des Nuées de Rats et de Skavens les submergeaient en piaillant victorieusement tandis qu’ils s’effondraient en beuglant.

Alors que la nuit tombait, une contre-attaque désespérée fut menée par Tehenhauin et par ses Skinks à crête rouge. Ils parvinrent à repousser les percées des Skavens, toutefois ceux-ci ne tardèrent pas à se reformer pour revenir à la charge. Le Prophète de Sotek comprit que la défaite était inéluctable s’il s’obstinait. Il n’avait pas les effectifs nécessaires pour contrer les hordes des hommes-rats. Faisant appel à son dieu à queue bifide, et lui offrant le cœur encore palpitant d’un Moine de la Peste qu’il venait de tuer, Tehenhauin invoqua une nuée de serpents. Profitant de ce répit, et tandis que les innombrables reptiles s’enroulaient autour des pattes des Skavens, Tehenhauin ordonna de battre en retraite. Il ne pouvait plus vaincre seul, et envoya un appel à l’aide à Hexoatl.


Au-dessus de son bassin sacré, le Seigneur Mazdamundi était perdu dans ses contemplations. Des scribes Skinks conversaient de façon agitée dans les salles attenantes, et leurs voix résonnaient de l’autre côté des portiques de pierre taillée. Mazdamundi avait l’impression qu’il était sur le point de comprendre quelque chose d’essentiel lorsqu’il fut tiré une nouvelle fois de ses rêves. Les nouvelles de Tehenhauin étaient mauvaises, mais cela, le Slann l’avait anticipé.

Le plus puissant des Slanns s’étira lentement puis appela ses assistants avant de leur ordonner d’atteler son Stégadon. Il sentait la présence de la lune maudite à travers le plafond en pierre. Elle bloquait les alignements stellaires qu’il souhaitait consulter. Lorsque l’aube se lèverait, il serait temps de quitter Hexoatl. Mazdamundi annonça qu’il commanderait personnellement l’attaque.


Une silhouette sombre bondissait d’une ombre à l’autre dans les rues d’Hexoatl. Elle arpentait les ténèbres, et humait l’air de temps à autre tout en se drapant dans sa cape noire afin de se fondre dans l’obscurité. Une patrouille de Saurus passa à seulement quelques mètres d’elle sans la voir. Les Hommes-Lézards passaient entre les temples-pyramides monumentaux, au milieu des avenues désertes. Ils ne remarquèrent rien dans les ombres et passèrent leur chemin. Quelques instants plus tard, la silhouette émergea d’un recoin et continua vers son objectif.

Les Treize Ombres

Ce groupe discret est l’auteur de la Nuit des Mille Terreurs en Tilée, lors de laquelle d’innombrables assassinats furent perpétrés. En une seule nuit, les Treize Ombres tuèrent des centaines de généraux, de gouverneurs, de nobles et d’autres officiels, ce qui laissa les républiques indépendantes vulnérables face à l’invasion des Skavens. Ce fut le Conseil des Treize qui donna aux Treize Ombres leur mission suivante. Ce groupe s’est secrètement rendu en Tilée, afin de recevoir ses ordres de la bouche du Seigneur Skrolk.

Son nom était secret, et connu d’une poignée de Skavens à peine. Il faisait partie des Treize Ombres, les meilleurs Assassins du mystérieux Clan Eshin. Ce groupe œuvrait dans l’ombre, à l’insu de tous, si bien qu’ils n’étaient qu’une rumeur chuchotée.

L’Assassin avait eu les plus grandes difficultés à pénétrer dans Hexoatl. La cité était scellée par des sorts redoutables. Son amulette magique, un fragment de Malepierre gravé de runes, lui avait permis de passer inaperçu en dépit des protections mystiques. Pour cette mission, chacune des Treize Ombres avait bénéficié d’équipements magiques. En plus des pendentifs en Malepierre, les Assassins portaient d’autres charmes : des briseurs de sorts, des faiseurs d’ombre…

Les vieux tunnels que l’Assassin avait empruntés pour entrer dans la ville avaient été oubliés des Skinks depuis longtemps, cependant leurs pièges étaient toujours actifs. Ce n’était pas son amulette qui lui avait permis de franchir ces obstacles, mais son agilité extraordinaire. Il avait esquivé les fléchettes empoisonnées, évité les lames qui jaillissaient des murs et effectué in extremis des roulades pour échapper aux lances actionnées par des ressorts qui se déclenchaient à son passage. Il n’avait pas connu de telles épreuves depuis les salles d’entraînement dans les Cavernes de l’Ombre Éternelle sous Skarogne. Cette formation n’avait pas été inutile…

Alors qu’il pénétrait dans la cité, il laissait derrière lui un sillage de cadavres. La plupart des Assassins du Clan Eshin ne tuaient personne en dehors de leur cible, car la découverte d’une patrouille aux gorges tranchées ou de gardes empoisonnés par des étoiles de jet était assurée de déclencher l’alerte. Toutefois, cet Assassin-là s’en moquait. Il était d’une arrogance extrême, et comptait bien qu’on sache qu’il était là. Il en avait assez de faire partie du groupe des Treize Ombres, et souhaitait devenir enfin célèbre.

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L’Assassin perçut le son caractéristique de l’air soufflé à travers une sarbacane. Oxyotl ne regarda pas son ennemi qui s’écrasa sur les dalles du sol en contrebas
Car au sein du Clan Eshin, seuls deux individus pouvaient se targuer d’être au-dessus des Treize Ombres. Le premier était le Seigneur Sneek - Seigneur de la Nuit et maître du Clan Eshin. Le second était son bras droit, le Maître de la Mort Snikch. En tant que membre de la meilleure unité du Clan Eshin, l’Assassin les avait rencontrés tous les deux, mais une unique fois. C’était un souvenir terrifiant, qui lui avait valu une longue balafre sur le museau, et un morceau d’oreille en moins. Snikch l’avait impressionné : il avait été encore plus rapide que lui et lui avait prouvé que quelles que fussent les compétences des Treize Ombres, elles palissaient comparées aux talents des maîtres du Clan Eshin. Cette rencontre remontait à des années, et désormais il convoitait la plus haute position au sein des Treize Ombres, même s’il ne la considérait que comme une étape vers une apothéose bien plus glorieuse.

Après un long entraînement, l’ingurgitation d’hyper-stimulants achetés au Clan Moulder, et des années passées à perfectionner ses techniques, il pensait être prêt. Son sixième sens - la capacité à anticiper le danger grâce à ses vibrisses - s’était développé. S’il s’arrêtait et se concentrait, il pouvait par exemple sentir la présence d’une patrouille aérienne aux remous dans les ondes thermiques. Il était conscient que les monstres ailés chevauchés par les Skinks étaient capables de détecter le moindre mouvement depuis les airs. L’Assassin pouvait même utiliser les ombres que les nuages projetaient au sol pour optimiser sa discrétion.

C’était le Seigneur Skrolk en personne qui avait assigné sa cible au groupe d’Assassins, même si ces derniers se doutaient que l’ordre provenait en amont du Conseil des Treize.

Ils devaient tuer la chose-crapaud nommée Mazdamundi. Les Treize Ombres n’avaient jamais échoué dans leur devoir, mais cette fois, l’Assassin esseulé comptait récolter toute la gloire. C’était pour cette raison qu’il avait devancé le reste de son groupe. Il voulait tuer le Slann afin que son prestige dépasse celui de Snikch, dont le nom suscitait pourtant la crainte et le respect parmi les Skavens.

Il arrivait près du plus grand édifice d’Hexoatl, le temple-pyramide de la Volonté Inexpugnable. On disait que la chose-crapaud se trouvait dans sa plus haute salle. C’était là que l’Assassin débuterait sa traque. Le Maître de la Mort Snikch disait toujours que plus on frappait haut dans une tour, moins l’ennemi se méfiait du danger. L’Assassin débuta son ascension en songeant à la gloire qui l’attendait. La pierre était ancienne. Sa surface érodée était facile à agripper, si bien que l’Assassin n’avait pas besoin de ses griffes en acier ou de son grappin.

Il montait avec l’aisance d’une araignée, en prenant soin de se blottir dans les ombres lorsque la lueur de la lune et la configuration des nuages étaient défavorables. Il avait parcouru les trois quarts de la distance lorsqu’il fit une pause en se glissant dans une anfractuosité. En dépit de l’effort, il n’était pas fatigué. Pas encore. Cependant, comme il ne savait pas exactement ce qu’il découvrirait au sommet, il voulait être sûr d’être en pleine possession de ses moyens. Il produisit une petite bourse remplie de poudre verte et en versa un peu sur sa langue. En quelques secondes, une vigueur surnaturelle se mit à couler dans ses veines.

C’est à cet instant que son sixième sens l’avertit, car ses moustaches vibrèrent d’une façon anormale, ce qui signifiait que le danger n’était pas loin. Toutefois, il n’entendait rien, ne voyait rien et ne sentait rien d’anormal. Il vérifia ses talismans, mais aucun d’eux ne luisait de façon étrange, ce qui aurait pu indiquer qu’il était observé par des moyens surnaturels. Ses vibrisses continuaient de frétiller.

L’instinct de l’Assassin lui avait sauvé la vie à de nombreuses reprises, si bien qu’il avait appris à ne jamais mettre en doute ses intuitions. Il dégaina sa lame silencieusement. Tous les poignards des Treize Ombres avaient été bénits par le Seigneur Skrolk et son Seigneur de la Contagion. Le poison qui les enduisait devait être très virulent, car la mise à nu de la lame suffit à faire frémit les moustaches de l’Assassin. Il était conscient que la plus petite égratignure signifierait la mort. Son sixième sens continuait de l’alerter sans qu’il sache quelle était l’origine de la menace. Il se recroquevilla dans l’anfractuosité et s’enveloppa dans sa cape. Il devint une ombre dans les ombres, invisible même pour ceux qui l’avaient repéré.

Néanmoins, l’Assassin n’avait pas prévu que son adversaire était Oxyotl.

Le plus doué des Skinks Caméléons bougea de nouveau. Il grimpait grâce à des mouvements mesurés le long de la paroi du temple-pyramide. Il s’arrêta au bout de quelques mètres. Un de ses yeux bougeait lentement tandis que l’autre resté fermé par une membrane translucide. Il pouvait voir sur un large spectre, si bien que la signature thermique de l’Assassin lui était clairement visible sur la pierre froide.

La peau d’Oxyotl imitait non seulement la couleur, mais également la texture de la roche, car elle adoptait son aspect usé. Lorsque ses membres passaient au-dessus d’un interstice entre les pierres, sa peau imitait les ombres à la perfection. Même les iris d’Oxyotl étaient capables de changer de couleur pour s’adapter à leur environnement. Il était presque à portée.

L’Assassin savait qu’il avait été repéré. Il ne se doutait pas par qui ou par quoi, mais les frémissements de ses vibrisses étaient catégoriques. Il avait conscience qu’il devait agir rapidement ou mourir, et avait vaguement l’impression que le danger était au-dessus de lui. Était-ce un animal volant qui le menaçait ?

Accrochant son grappin à l’intérieur de l’anfractuosité, il se glissa ensuite à l’extérieur. Après avoir effectué un long bond en rappel d’une dizaine de mètres, il retomba agilement contre la paroi, une main libre afin d’être prêt à projeter des étoiles de jet sur tout ce qui bougerait. Cependant, il n’y avait rien. Rien sauf…

La scène se déroula en un battement de cœur. Les moustaches de l’Assassin frémirent vigoureusement et il entraperçut quelque chose. Un morceau de pierre aux formes bizarres semblait dévaler le long de la paroi, mais il était presque indécelable. Alors que l’Assassin allait projeter une étoile de jet, il perçut le son caractéristique de l’air soufflé à travers une sarbacane. Il ressentit une vive douleur à la nuque, et ses muscles se figèrent instantanément tandis que le poison envahissait son corps. Il lâcha prise et effectua une chute vertigineuse le long de la paroi de la Pyramide de la Volonté Inexpugnable. Oxyotl ne regarda pas son ennemi qui s’écrasait sur les dalles du sol en contrebas, car il avait déjà commencé à descendre de l’édifice.


Quelque part dans la ville, un gong sonna la dernière heure de la nuit. Toutes les cohortes d’Hexoatl se rassemblèrent devant le grand temple-pyramide pour accueillir dignement leur chef. Cependant, Oxyotl ne les rejoignit pas. En effet, sa traque silencieuse était loin d’être terminée.

Avant que l’armée des Hommes-Lézards quitte Hexoatl, le Seigneur Mazdamundi déclara qu’il les guiderait vers la victoire, mais qu’il n’était pas de son devoir de les commander directement au combat. Imbu du pouvoir géomantique qui se condensait à Hexoatl, le Prêtre-Mage coassa des mots de pouvoir. Par la seule force de sa volonté, il remodela les fils de l’espace et du temps pour couvrir une distance énorme en un battement de cœur. Puis, dans un éclair de lumière aveuglant, Kroq-Gar se matérialisa.

Le Chef de Guerre des Hommes-Lézards était jusqu’alors occupé à surveiller les ruines hantées par les Démons de Xahutec, et se préparait à l’attaque finale des ennemis jurés de sa race. Mais en un instant, il se retrouva devant le Seigneur Mazdamundi. Reconnaissant son maître, ou peut-être parce qu’il sentit l’afflux de pouvoir immense autour de lui, le Carnosaure de Kroq-Gar se retint de rugir, et abaissa sa tête en signe de soumission.

Sans dire un mot, Kroq-Gar prit le commandement des cohortes d’Hexoatl et les mena vers le sud. une fois son autorité transmise au guerrier Saurus, Mazdamundi fut placé sur son palanquin. Il était difficile de méditer depuis le dos d’un Stégadon en marche, mais en se concentrant, le Slann parvint à entrer en transe. Il devait découvrir un mystère. Plus vite il détruirait l’armée scrofuleuse qui approchait d’Hexoatl, mieux ce serait, car sa présence l’empêchait de prédire le futur.

Pendant ce temps, les hordes des Seigneurs de la Peste n’étaient pas restées oisives. Après avoir détruit les nuées de serpents de Pahuax, elles s’étaient dirigées vers le nord en suivant la piste de Tehenhauin, dont l’armée avait été vaincue, et dont les survivants fuyaient vers Hexoatl. Cette cité était la destination de la horde vermineuse, qui comptait y répandre des maladies et corrompre ses Bassins de Frai. Un brouillard mortel vomi par les Chaudrons des Milles Véroles planait au-dessus de l’armée.

Trois jours plus tard, les deux armées se rencontrèrent près du monument nommé la Colonne d’Obsidienne. Elle était située sur la Toile Géomantique qui continuait d’aspirer les Vents de Magie. C’était un immense monolithe noir qui dépassait largement les autres monuments des environs. Les Hommes-Lézards pénétrèrent dans l’immense clairière, à l’ombre des édifices cyclopéens. Les dalles qui pavaient le sol avaient presque disparu sous la végétation, et avaient été descellées ou fendues par les lianes. Alors que Kroq-Gar disposait ses cohortes, les Skavens émergèrent à leur tour des frondaisons.

Trois des autres Seigneurs de la Peste - Blistrox, Seep et Grule - menaient leurs hordes en tentant de prendre place à l’avant-garde. Suite à leur succès contre Tehenhauin, ils avaient gagné en arrogance. Lorsque leurs éclaireurs avaient signalé la présence d’une grande armée d’Hommes-Lézards, ils n’avaient pas établi de plan de bataille ni tenté d’encercler cet adversaire inférieur en nombre. Au lieu de cela, chaque Seigneur de la Peste se contentait d’avancer pour tenter d’être le premier à atteindre l’ennemi.

Sans prendre la peine de former une ligne de bataille, les Skavens surgirent de la jungle. Ils affrontaient les Hommes-Lézards à plus de trente contre un. Ils envahirent la clairière, formant un tapis de corps au pied des monuments. Ils chantaient des hymnes de guerre, et les crissements des milliers de dents jaunies auraient plongé n’importe quelle armée à sang chaud dans l’effroi, mais les Hommes-Lézards restèrent impassibles.

Le Seigneur Mazdamundi ouvrit un œil. Il était presque parvenu à outrepasser les interférences et était ennuyé par ce contretemps. Il vit alors ces usurpateurs qui avançaient sur le champ de bataille, et sentit leur anarchie jurer douloureusement avec l’harmonie du monde. Il ressentit également l’accumulation de pouvoir dans la Colonne d’Obsidienne. Pendant que son esprit analysait la conduite à suivre, ses mains tracèrent des paraboles dans les airs, ainsi que le Seigneur Kroak le lui avait appris lorsque le monde était encore jeune. Prononçant un seul mot accompagné d’un mouvement du poignet, le Maître Géomancien envoya une onde qui se propagea dans le sol. Elle formait comme une vague au-devant de Mazdamundi, et gagnait peu à peu en puissance.

Le sol trembla, les dalles en pierre se soulevèrent et un tsunami de terre s’abattit sur la horde. Des milliers de Skavens périrent en un instant, ensevelis par des milliers de tonnes de roche et de terre. Un nuage de poussière et de débris s’éleva haut dans les airs et noya les couinements de terreur des hommes-rats condamnés.

La tempête de poussière ne toucha ni Mazdamundi ni sa monture, car ils étaient protégés par un dôme de force. Les Chaudrons des Mille Véroles venaient d’être ensevelis sous des dizaines de mètres de terre, si bien que le Slann retrouva soudain toute la clarté de sa vision mystique. Ses yeux s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise. Il venait d’être frappé par une terrible épiphanie : dans leur ignorance, les hommes-rats étaient sur le point de libérer des forces incontrôlables.

Thanquol inspecta les ruines. Son pelage était hérissé à cause des énergies qui se déversaient de la faille. « Pourquoi sommes-nous ici, maître ? Quel est ce lieu ? »

Skreech Verminking arpentait les ruines et s’approchait prudemment d’une arche immense, dont l’architecture torturée ne ressemblait pas à celle des vestiges qui l’entouraient. « Les choses-lézards l’appellent Xahutec. Beaucoup de batailles ont été livrées ici… » répondit distraitement le Verminarque.

« Je reconnais ces runes… » dit Thanquol en indiquant des icônes gravées dans la pierre, mais en prenant soin de ne pas les toucher. « Ce sont les Dieux du nord, oui-oui ! Mais où sont les meutes que nous avions envoyées ? »

Leurs regards furent attirés par un mouvement à l’intérieur de l’arche. Elle délimitait une surface noire comme la nuit, et dont les mouvements évoquaient un liquide. Verminking et Thanquol furent submergés par des visions : les armées qu’ils avaient envoyées en avant-garde y étaient attaquées par des nuées de Démons et traînées vers le royaume qui s’étendait de l’autre côté de l’arche.

Grâce à sa vision mystique, Verminking regarda par-delà le voile. Il fit un pas en arrière, visiblement apeuré.

« Qu’avez-vous vu, maître ? Qu’est-ce qui se trouve au-delà ? » s’enquit Thanquol avec frayeur, car il ne souhaitait par vraiment savoir ce qui pouvait terroriser le Verminarque.

Verminking frémit, comme s’il était en transe. Sa voix n’était plus qu’un murmure : « J’ai vu des armées innombrables, et une rage inextinguible. Ils nous attendent. Ils nous épient. »

Pendant un instant, il sembla que le Verminarque était comme hypnotisé, et qu’il allait traverser l’arche, mais Thanquol tira peureusement sur la griffe de son maître pour le faire revenir à lui.

Le sort fut brisé, et Verminking posa les yeux sur le Prophète Gris. « Nous ne pouvons pas vaincre ce pouvoir. Pas encore… » bafouilla-t-il.

Malgré les distances immenses, le plus puissant des Prêtres-Mages encore en vie devina une grande partie des événements à venir. Il ressentit de nombreuses forces à l’œuvre. Il comprit que les Skavens ne faisaient que jouer un rôle dans un plan bien plus vaste. Sans le savoir, ils étaient de simples marionnettes condamnées à combattre et à mourir. Car au-dessus des hordes vermineuses, les rats-démons tiraient les ficelles pour le compte du Rat Cornu, cet être avide et affamé. Tous jouaient un rôle dans la pièce funeste qui se déroulait à l’échelle du monde des mortels. Les Skavens étaient aveuglés par leur arrogance et leur impression de toute-puissance, pourtant Mazdamundi devinait sans peine le pouvoir qui se dressait au-dessus d’eux.

Car derrière les plans machiavéliques et les invasions des hommes-rats, le Slann reconnaissait la signature indélébile du Chaos. Il percevait les ombres des forces entropiques contre lesquelles il avait combattu toute sa vie durant. C’était d’ailleurs pour combattre un tel adversaire que les Slanns avaient été créés, car le Chaos était l’ennemi juré de l’Ordre, l’antithèse de la civilisation. Et dans leur désir de suprématie, les hommes-rats jouaient involontairement le jeu des Dieux Sombres.

Néanmoins, le Chaos avait commis une erreur. Il avait sous-estimé les dégâts que les hommes-rats pouvaient provoquer. Ils étaient aiguillonnés par l’avarice et la soif de pouvoir, et ils étaient sur le point de libérer des forces au-delà de leur compréhension qui allaient tout anéantir.

Mazdamundi savait qu’il aurait besoin de davantage de pouvoir pour stopper le plan dément des hommes-rats, bien plus que celui que la Colonne d’Obsidienne pouvait fournir. Il pressentit qu’on l’avait volontairement aveuglé et occupé avec d’autres problèmes. Afin d’accéder aux réserves de puissance de la Toile Géomantique, Mazdamundi devait se rendre dans le Grand Temple d’Itza, situé à plusieurs milliers de kilomètres au sud. De plus, il sentait que des forces étaient déjà en route pour le stopper. Pendant que le Slann entamait les incantations qui ouvriraient une voie à travers la réalité, une autre partie de son esprit contacta ses frères. Il n’avait pas le temps d’expliquer la situation, ni de répondre à leurs questions, et il donna simultanément des centaines d’ordres.

Un portail de lumière s’ouvrit devant le Stégadon de Mazdamundi. Sans paraître effrayé, l’énorme quadrupède pénétra dans l’ouverture magique, suivi par la moitié de l’armée, sans qu’aucun Homme-Lézard n’hésite une seule seconde, même s’ils laissaient derrière eux leurs camarades aux prises avec les Skavens survivants.

Une lumière aveuglante apparut au sein de la jungle vérolée qui entourait Itza. Elle disparut une seconde plus tard, laissant place à une armée d’Hommes-Lézards menée par Mazdamundi. Avant que les Skinks qui gardaient la cité abandonnée puissent protester contre cette intrusion, leurs esprits furent envahis de visions dépeignant l’arrivée des Skavens, et ils se hâtèrent de rejoindre les rangs de Mazdamundi tandis que celui-ci se dirigeait vers la cité déserte. À l’horizon, le Seigneur Skrolk arrivait, à la tête de la plus grande armée de Skavens qui eût jamais foulé le sol de la Lustrie.

Ainsi débuta l’ultime bataille d’Itza.

L’Ultime Bataille d’Itza

L’Ost d’Hexoatl

L’armée que Mazdamundi mène hors d’Hexoatl n’est pas la plus vaste à avoir jamais quitté la ville, mais c’est probablement une des plus puissantes, car ses rangs comptent des légendes vivantes dont les compétences valent à elles seules plusieurs cohortes.

Le Seigneur Mazdamundi
Kroq-Gar
La Garde d'Honneur d'Hexoatl

Le Seigneur Mazdamundi
Aucun Homme-Lézard n’est plus révéré que le Seigneur de la Cité Solaire. Il est le plus vieux et le plus puissant des derniers Prêtres-Mages. À l’Aube de la Création, Mazdamundi fut instruit par les Slanns de la Première Génération, et il reçut l’enseignement du Seigneur Kroak alors que ce dernier était au faîte de sa puissance. Lorsqu’il se rend à la guerre, Mazdamundi fait installer son palanquin sur un énorme Stégadon, et d’un simple geste, il est capable de raser des villes entières

La Cohorte Céleste
La Cohorte à Crête Jaune
La Cohorte du Soleil Cuivré

Kroq-Gar
Personne ne peut égaler Kroq-Gar au combat. Il est armé de la Main des Dieux et de la Lance de Tlanxla, et chevauche un Carnosaure particulièrement féroce. Cependant, ce ne sont pas les talents martiaux de Kroq-Gar qui font de lui le plus grand Chef de Guerre des Hommes-Lézards. En effet, le Seigneur Mazdamundi a choisi Kroq-Gar car ce dernier possède une ruse et des talents de stratège inégalables. Comme toujours, cette décision de Mazdamundi s’est révélée judicieuse au fil des âges.

La Cohorte Céleste
Cette cohorte est dirigée par Tiktaq'to, le Maître des Cieux d’Hexoatl. Elle comprend trois ailes de Téradons et une aile de redoutables Entérodactyles. Les montures de Tiktaq’to et des guerriers de sa formation proviennent des Falaises du Soleil Noir. Ce sont des bêtes à la peau verte, connues pour leur férocité, et entraînées à porter des lourdes pierres qu’elles sont capables de lâcher sur l’ennemi avec une précision extraordinaire.

La Garde d’Honneur d’Hexoatl
Il est normal que le plus vieux des Slanns soit protégé par les plus vieux Gardes du Temple. Ces derniers possèdent des écailles sombres et des crêtes bleu clair, ainsi qu’un équipement ornementé. Ils figurent parmi les guerriers les plus tenaces de leur race, car ils ont pour mission de protéger le Seigneur Mazdamundi. Cette tâche sacrée est d’autant plus difficile que le Prêtre-Mage a pour habitude de chevaucher un Stégadon au combat.

La Cohorte du Soleil Cuivré
Les Bassins de Frai sont en effervescence depuis que l’ennemi se rapproche d’Hexoatl. Il en émerge sans cesse des cohortes de Saurus dotés de crêtes ou d’écailles orange qui brillent sous le soleil. Alors que la bataille approche, les Hommes-Lézards vont enfin découvrir quels pouvoirs recèlent ces attributs inhabituels, et quels dons les Anciens leur ont attribués.

La Cohorte à Crête Jaune
Ces Skinks et ces Kroxigors ne proviennent pas d’Hexoatl, mais du Monument Doré du Soleil Levant, qui se trouvait dans les jungles de l’isthme de Pahuax. Il a été détruit lors de l’invasion des Skavens. Les Hommes-Lézards survivants ont fui vers le nord, et sont arrivés à temps pour rejoindre l’ost d’Hexoatl. Ils sont dotés de crêtes et de faciès jaune vif, et éprouvent une haine tenace envers les Moines de la Peste.


L’Ost d’Hexoatl

Le Seigneur Mazdamundi
Seigneur de la Cité Solaire

Kroq-Gar
L’Ultime Défenseur de Xhotl

Garde d’Honneur d’Hexoatl
Une génération de Gardes
du Temple

La Cohorte Céleste
Tiktaq’to, Maître des Cieux,
trois ailes de Téradons
et une aile d’Entérodactyles

La Cohorte à Crête Jaune
Deux cohortes de Skinks
et trois groupes de Kroxigors

Gharax
Vétéran scarifié Saurus

Tortak, Porteur de la Grande
Plaque d’Hexoatl
Saurus porteur
de la Grande Bannière

Xotek Plumejaune
Prêtre Skink,
veilleur de la Plaque Sacrée

Lobec
Oracle Skink sur Troglodon

Les Sentinelles d’Hexoatl
Deux générations
de tirailleurs Skinks

La Cohorte de la Cité Solaire
Cinq générations
de Guerriers Saurus

La Cohorte d’Onyx
Deux générations
de Guerriers Saurus

La Cohorte des Rayons Divins
Deux générations
de Guerriers Saurus

Le Porteur de l’Artefact Doré
Vénérable Stégadon
avec Machine des Dieux

La Harde d’Hexoatl
Douze Stégadons

La Cohorte du Soleil Cuivré
Une génération de Saurus

L’Armée de la Peste de Skrolk

Le Seigneur Skrolk mène l’essentiel du Clan Pestilens à Itza, déterminé à détruire la Première Cité des Hommes-Lézards et à profaner tout ce qui s’y trouve. Son armée compte certaines des troupes les plus craintes des clans qui ont été gardées en réserve jusqu’à présent afin de porter le coup de grâce à l’ennemi.

Le Seigneur Skrolk
Vermalanx le Corrompu
La Garde Pestilens
Le Porteur de la Bannière de la Peste
La Vermine de la Peste

Le Seigneur Skrolk
Il s’agit du plus vieux, du plus maléfique et du plus puissant des Seigneurs de la Peste. Il est le bras droit de l’Archiseigneur de la Peste Nurglitch. Là où Skrolk se rend, la maladie le suit comme une ombre. Contrairement à beaucoup de chefs Skavens, quand Skrolk se rend au combat, il se joint généralement à la première vague, afin de massacrer ses ennemis et de voir leurs chairs corrompues par les fumées toxiques de son encensoir magique.

Les Porteurs de la Mort Rampante

Vermalanx le Corrompu
Vermalanx est un Corrupteur, un Verminarque perclus de maladies. Son aura de pourriture et de décomposition est si puissante que sa simple présence suffit à provoquer des épidémies. Vermalanx peut déchaîner des tempêtes pestilentielles, faire souffler des vents de contamination ou transformer ses ennemis en carcasses décharnées. Son regard est même capable de tuer sur-le-champ ses ennemis. Et quand il doit se battre au corps à corps, il se sert de faucilles enduites de fluides corrompus.

La Vermine de la Peste
Il s’agit des guerriers d’élite du Clan Septik. Ces Vermines de Choc portent des hallebardes rouillées propagatrices de maladies. Une simple éraflure de ces armes est capable de foudroyer un être vivant. Comme le reste de leur clan, les vieilles robes claires de ces guerriers sont souillées et tachées.

La Garde Pestilens
Ces Moines de la Peste ont la réputation d’être les plus fervents de leur engeance. Ils chantent au combat des versets du Liber Bubonicus, et souillent leurs propres robes tant ils sont excités à l’idée de massacrer l’ennemi. La Garde Pestilens sert normalement le Seigneur Nurglitch, le Seigneur de la Déchéance et maître du Clan Pestilens, mais ce dernier a envoyé une partie de ses troupes personnelles pour aider le Seigneur Skrolk.

Le Porteur de la Bannière de la Peste
Aucun clan n’est plus dévoué au Rat Cornu que le Clan Pestilens. Son ost vermineux suit la Bannière Sacrée du Rat Cornu. Son porteur est un Moine de la Peste particulièrement béni par d’innombrables afflictions, qu’on peut voir bourgeonner sous sa lourde capuche. On raconte que tant que la bannière sera brandie, les Skavens triompheront. Le simple de fait de poser les yeux sur cet oripeau suscite le désespoir…

Les Porteurs de la Mort Rampante
La maladie nommée la Mort Rampante fut crée dans les Chaudrons des Mille Véroles suite à des rituels impies. Les décoctions furent alors placées sur des charbons ardents, afin que leur ébullition dégage des vapeurs mortelles. Même les plus fervents des Moines de la Peste se portent volontaires pour manier des encensoirs répandant ces fumées, afin de ne laisser que mort et dévastation dans leur sillage, car ceux qu’ils ne tuent pas au corps à corps succombent inévitablement aux vapeurs que véhicule la Mort Rampante.


L’Armée de la Peste de Skrolk

Le Seigneur Skrolk

Vermalanx le Corrompu
Verminarque Corrupteur

Le Porteur de la Bannière de la Peste
Moine de la Peste
porteur de la Grande Bannière

La Garde Pestilens
Une griffe de Moines de la Peste

La Vermine de la Peste
Une griffe de Vermines de Choc

Les Porteurs
de la Mort Rampante
Une griffe d’Encenseurs à Peste

Grik Gribblefang
Prêtre de la Peste

Trio de Catapultes de la Peste

La Confrérie du Délire
Trois griffes de Moines de la Peste

Le Clan Pestilens
Prêtre de la Peste Srruk Scribeye,
huit griffes de Moines de la Peste,
trois griffes d’Encenseurs à Peste et
trois légions d’Esclaves

Le Clan Septik
Seigneur de Guerre Siknit, deux
griffes de Guerriers des Clans, deux
griffes de Moines de la Peste, deux
légions d’Esclaves, trois griffes
de Globadiers et deux équipes de
Mitrailleuses Ratlings

Le Clan Dribskut
Seigneur de Guerre Ezik, Chef
Rritclaw, quatre griffes de Guerriers
des Clans, deux griffes de Vermines
de Choc, trois griffes de Rats-Ogres,
deux Lance-Feu et deux Mortiers à Globes empoisonnés|Mortiers à
Globes empoisonnés

Le Clan Moulder
Maître Corrupteur Gruk Whipklaw,
deux Malebrutes, deux griffes de
Rats Géants et deux Abominations

Le Clan Fekulus
Seigneur de Guerre Zrik Gribfang et
six griffes de Guerriers des Clans

Le Tireurs d’Élite de Grink
Technomage Grink
et six équipes de Jezzails



La Bataille d’Itza commence !
En quelques ordres, Kroq-Gar envoya des tirailleurs en avant de son ost. Malgré la protection de Mazdamundi, les Hommes-Lézards ressentaient la contamination qui planait sur Itza, et leurs écailles commencèrent à se craqueler et à suinter. Cependant, ils avancèrent en ignorant la douleur. Les Skinks trottaient sur les avenues désertes vers l’immense temple-pyramide qui surplombait la place centrale de la ville. Ils étaient suivis par les légions de Saurus, et par Mazdamundi sur son énorme Stégadon. Les cohortes volantes rapportèrent la présence de Skavens à l’intérieur de la cité ; d’ailleurs, on pouvait entendre au loin le crépitement des Jezzails.

Alors que la bataille d’Itza débutait, le compte à rebours avait déjà commencé à Skarogne.


La cité vibrait au rythme de machineries immenses. Des roues de la taille de navires entraînaient des rouages qui, à leur tour, faisaient se mouvoir des dizaines de mécanismes différents. Des engins à vapeur fumants et sifflants tournaient nuit et jour, alimentés par d’énormes cuves en bois remplies de liquides verdâtres et frémissants. Les grincements intermittents des machines résonnaient dans un air qui crépitait sous l’effet d’énergies mystiques.

Zingetail s’affairait. Le Technomage du Clan Skryre portant le titre de Grand Skreeductor grimpait les échafaudages, vérifiait les cadrans, et criait sur la tête de ses subalternes. Des esclaves et des équipes de Technomages trottaient dans tous les sens pour exécuter ses ordres.

L’heure était presque venue. Les leviers avaient été abaissés et l’accumulation d’énergie ne pouvait plus être stoppée. Des condensateurs warp qui s’élevaient à des centaines de mètres au-dessus du sol grondaient sous l’afflux de puissance tandis qu’ils accumulaient l’énergie des Vents de Magie. Des câbles épais, des tubes et des fils canalisaient ensuite ce pouvoir vers les forges warp souterraines. C’était là que les énergies étaient mélangées à des décoctions de Malepierre et de poudre noire, afin de créer le mélange hautement volatil qui alimenterait l’arme de destruction massive.

Ikit la Griffe avait tenté de fabriquer une roquette, mais ce que Zingetail avait inventé était bien au-delà de toutes les tentatives précédentes des Skavens. Et ce n’était pas peu dire, puisqu’au fil des années, les Skavens avaient essayé de nombreux engins destructeurs qui auraient pu fissurer des continents entiers. Certes, cet engin-là aurait eu besoin de quelques ajustements supplémentaires, cependant le temps manquait.

Zingetail se référait simplement à sa création sous le nom de “l’engin”, par esprit de contrariété. En effet, le Seigneur du Clan Skryre avait rejeté le titre de Zingecanon que Zingetail avait proposé, pour le baptiser l’Engin de Morskittar.

Zingetail lisait les données des cadrans, écoutait les soubresauts de la machine, et estimait l’accumulation de pouvoir démentielle. S’il attendait trop, l’engin exploserait, mais s’il était trop pressé, la portée du tir serait insuffisante pour atteindre sa cible, et la punition qu’il subirait pour son échec serait terrible. C’était ce genre de dilemme qui lui avait donné son apparence pouilleuse : son pelage pelait par endroits, là où il se grattait incessamment sous l’effet de l’anxiété ; son œil gauche roulait dans son orbite de façon incontrôlable et sa queue fouettait l’air comme si elle était dotée d’une vie propre. Il devait gérer quotidiennement des impondérables, des sabotages et des tentatives d’assassinats. Toutefois, l’heure approchait à grands pas…

Zingetail donna le signal. Celui-ci fut relayé au conclave de Prophètes Gris, dont les enchantements allaient augmenter la puissance de la machine. Puis, après une dernière hésitation, il baissa le levier principal. Tout Skarogne trembla, et dans une décharge d’énergie qui fit se hérisser les poils de tous les Skavens dans un rayon de plusieurs lieues, le canon de l’Engin de Morskittar se mit à luire.


Des Entérodactyles plongeaient du ciel !
De l’autre côté du globe, nul n’était au fait de cela. Toutefois, Mazdamundi ressentit des perturbations dans l’harmonie du monde, et envoya un ordre télépathique à son chef de guerre : dépêche-toi !

Les armées des Skavens emplissaient la place centrale et se déversaient dans les avenues. L’avant-garde des Hommes-Lézards était déjà engagée : des tirailleurs Skinks lançaient des javelots ou tiraient des fléchettes sur l’ennemi avant de battre en retraite. Les Skinks agiles harcelaient l’ennemi avant de se disperser. Ils comptaient aller se réfugier derrière les cohortes de Saurus, même si certains d’entre eux choisirent d’escalader les ziggourats. Ils étaient persuadés qu’ils pouvaient semer n’importe quel ennemi en dehors de la cavalerie, et comme les hommes-rats n’employaient aucune formation montée, ils pensaient pouvoir accomplir aisément une telle manœuvre. Ils se trompaient.

Les Skavens les poursuivirent avec véhémence, car l’avant-garde de leur armée était composée de troupes du Clan Eshin, qui rattrapèrent de nombreux Skinks et les égorgèrent. De plus, l’air fétide rendait les Hommes-Lézards indolents, car il affectait les créatures à sang-froid en les rendant apathiques, alors que l’inverse s’appliquait aux hommes-rats, tout particulièrement aux Moines de la Peste : ils étaient revigorés par l’atmosphère surnaturelle.

Skrolk menait une phalange de la Garde Pestilens. Les Moines de la Peste étaient rendus frénétiques par les fumées nocives dans l’air et par la présence du Seigneur de la Peste, et ils envahirent rapidement les rues qui s’étiraient entre les immenses ziggourats. La mer de Skavens était rehaussée d’étendards et de totems brandis au bout de hampes en bois. Les runes ignobles inscrites sur les bannières en peaux avaient été tracées à l’aide d’un pigment à base de Malepierre, et ces puissants symboles galvanisaient les Skavens.

Inspirés par le Seigneur Skrolk et les versets qu’il lisait à haute voix dans le Liber Bubonicus, les Moines de la Peste écumaient et rongeaient leurs propres queues, tout en poussant des couinements de dévotion. Ils avançaient à toute allure pour engager l’adversaire, et souhaitaient plus que tout plonger leurs lames, leurs griffes et leurs crocs dans les corps à sang-froid.

Les cohortes de Saurus étaient beaucoup plus disciplinées que l’ennemi, tout en étant aussi déterminées. Elles progressaient à pas rapides en formant un mur de boucliers. En quelques grandes enjambées, le Carnosaure de Kroq-Gar passa en première ligne juste avant le choc. La rencontre des deux armées se fit dans un fracas terrifiant qui résonna sur les pierres.

Profitant du soleil de midi dans leur clos pour passer inaperçues, les cohortes aériennes de Tiktaq'to intervinrent. Elles avaient plané sur les courants ascendants, et désormais, elles repliaient leurs ailes pour filer vers les Skavens. À quelques dizaines de mètres du sol, les Téradons étendirent leurs ailes et se mirent à planer entre les canyons de pierres formés par les grandes structures de la ville. Au moment idéal, les cohortes lâchèrent leurs pierres sur les hommes-rats avant de reprendre de l’altitude. Les Skavens étaient en rangs serrés sur les avenues, si bien que les rochers se fracassèrent sur eux en provoquant des dégâts horribles. Quant aux Entérodactyles, ils foncèrent droit sur l’ennemi, et mesurèrent leurs becs et leurs griffes acérées aux lames empoisonnés et aux bâtons lestés des Moines de la Peste.

Le plus terrifiant de tous les Carnosaures rugissait en semant la mort au beau milieu de la mêlée. Ses puissantes mâchoires dévastaient les rangs des Skavens. Sur son dos, Kroq-Gar se dressait, une boule de feu dans une main, et la Lance de Tlanxla dans l’autre. Aucun Moine de la Peste ne pouvait l’égaler, par conséquent le Chef de Guerre des Hommes-Lézards s’enfonça à travers leurs rangs sans la moindre difficulté. Mazdamundi lui avait ordonné de se frayer un chemin vers le Grand Temple d’Itza, et le Saurus lui obéissait aveuglément.

Ainsi, Kroq-Gar progressait à travers l’ennemi sans se soucier de protéger ses flancs. La Garde d’Honneur d’Hexoatl - des Gardes du Temple armés de lourdes hallebardes - faisait de son mieux pour le suivre. Au milieu de cette formation avançait le Stégadon de Mazdamundi. Le Slann libéra les pouvoirs de son étendard solaire. La lueur irréelle de cette icône dorée chassa les miasmes de l’air et aveugla les hommes-rats, tandis que leurs esprits corrompus étaient envahis par une douleur insoutenable.

Afin d’atteindre leur objectif, les Hommes-Lézards devaient traverser une mer de Skavens enragés. Mazdamundi était encore à plus d’un kilomètre du Grand Temple. Cette structure était le cœur du réseau géomantique. Du haut de son sommet, Mazdamundi serait capable d’annihiler ses ennemis d’un geste de la main. Néanmoins, le Slann devait accéder à l’entrée scellée par des moyens mystiques.

Les Hommes-Lézards avançaient, cependant leur percée ne passait pas inaperçue. Aiguillé par des sens plus fins encore que la vision, l’ouïe ou l’odorat, Skrolk se dirigea vers Kroq-Gar et son monstre reptilien. Et par-delà la réalité, quelqu’un d’autre observait la scène et attendait le bon moment pour se matérialiser…


Pendant ce temps-là, à Skarogne, l’heure était venue. Le canon de l’Engin de Morskittar était pointé vers le ciel, et mesurait plusieurs centaines de pieds de long. Il projeta une décharge terrifiante, puis une autre, jusqu’à ce qu’un rayon ininterrompu jaillisse de sa gueule. C’était un faisceau incandescent vert veiné de noir, autour duquel crépitaient des éclairs. Il perça les cieux, si bien qu’il pouvait être visible par tous les êtres vivants de l’hémisphère. Les bêtes sauvages aussi bien que les citoyens des races civilisées levèrent des regards craintifs vers ce pilier de lumière impie. La réalité commençait à se déformer autour de lui.

La colonne de lumière montait vers le ciel, et finit par traverser l’atmosphère de la planète.


Le plus terrifiant de tous les Carnosaures rugissait en semant la mort au beau milieu de la mêlée. Sur son dos, Kroq-Gar se dressait, une boule de feu dans une main, et la Lance de Tlanxla dans l’autre.
Kroq-Gar était un maître stratège, et foncer au milieu de l’armée adverse n’aurait pas été le plan qu’il aurait choisi en d’autres circonstances. Cependant, son esprit était empli des projections astrales de Mazdamundi, qui le poussait à se rendre aussi vite que possible au Grand Temple d’Itza, par conséquent le Saurus faisait de son mieux pour lui obéir.

En quelques battements de cœur, le vieux Saurus avait organisé son fer de lance et en avait pris la tête. Il comptait sur un assaut brutal de ses meilleurs guerriers, et sur les protections que conféraient à ses Saurus leurs épaisses écailles. Kroq-Gar était froid et calculateur, car il avait été créé pour guerroyer, et il le faisait avec sauvagerie et efficacité. Tel était son devoir. Si le Grand Slann lui demandait de se sacrifier, Kroq-Gar obéirait sans hésiter.

Jusqu’à présent, le Saurus et sa sauvage monture avaient progressé rapidement, et avaient parcouru plus de la moitié du chemin. Kroq-Gar jeta un regard en arrière et constata que ses troupes étaient assaillies de toutes parts. Les Hommes-Lézards avaient créé une brèche étroite dans les lignes des hommes-rats, et leur fer de lance était totalement encerclé par des Skavens enragés. Si les Hommes-Lézards s’enlisaient, ils seraient submergés, ils devaient donc atteindre coûte que coûte le Temple d’Itza. Alors que le Chef de Guerre reprenait son avance et empalait une demi-douzaine de Skavens d’un seul coup de lance, il réalisa que d’autres obstacles se dressaient sur sa route : Skrolk et sa Garde Pestilens.

La monture de Kroq-Gar parut reconnaître le Seigneur Skaven qui se dirigeait vers eux, car il se redressa et rugit de défi. Son cri tonitruant résonna sur la place et se perdit en écho contre les parois des temples-pyramides.

Au même instant, Mazdamundi sentit qu’un événement fatal se produisait. Quelque chose n’allait pas ; le monde que les Anciens avaient créé et qu’il devait protéger était en train de vaciller.

En dépit de la violence de la mêlée, Mazdamundi devait savoir ce qui se tramait, et il abandonna momentanément son enveloppe mortelle. Alors que des Globes de gaz empoisonné tombaient à proximité et que les chants des Moines de la Peste montaient crescendo tandis qu’ils se jetaient sur les Gardes du Temple, Mazdamundi entra en transe.

Le cosmos tourbillonnait devant lui. Il s’éleva vers les cieux pour sortir du maelström, et son esprit ne tarda pas à localiser le faisceau d’énergie qui montait vers le firmament. Il pouvait sentir sa puissance malgré les distances énormes. Mazdamundi s’approcha aussi près que possible de cette colonne incandescente, et suivit sa trajectoire ascendante, même s’il savait déjà ce qu’il trouverait au bout. Le Slann n’osa pas s’approcher trop près de la lune maudite, car son essence était celle du Chaos, et donc l’anathème des Slanns.

Le pilier de lumière jaillissant de l’Engin de Morskittar avait frappé la lune et pénétré sa croûte. Mazdamundi voyait sa surface surchauffée se fissurer lentement. Finalement, Zingetail atteignit son objectif, et dans un craquement douloureux pour l’esprit du Slann, la croûte de Morrslieb convulsa et s’ouvrit, et des vagues d’énergies entropiques jaillirent.

Le Slann perdit de vue tous les objets célestes tandis que d’énormes fragments de la lune envahissaient le firmament. L’esprit de Mazdamundi ne voyait plus qu’une immense dévastation. Les débris aussi gros que des îles partaient dans tous les sens, mais beaucoup d’entre eux tombèrent vers l’orbite du monde.

Le Prêtre-Mage ressentait le noyau en fusion de Morrslieb qui était désormais totalement exposé, et qui pulsait comme un cœur noir et corrompu. Il en irradiait une corruption intense. Face à cet orbe de Chaos pur, même les forces mentales prodigieuses de Mazdamundi flanchèrent. Alors qu’il regardait, il sentit son esprit se dissoudre.

Lorsque sa conscience réinvestit son corps, Mazdamundi vit qu’il saignait. Des filets écarlates coulaient de ses narines et de ses membranes tympaniques. Il était toujours juché sur son Stégadon, au milieu d’un océan d’hommes-rats. Ces derniers avaient enfoncé le mur de boucliers de ses Gardes du Temple et l’entouraient. Le Stégadon rugissait et secouait ses grandes cornes avec véhémence tandis que les Skavens le tailladaient avec leurs armes empoisonnées.

Utilisant une petite partie de son immense intellect, Mazdamundi invoqua des murs de feu afin de dégager le passage. Au même moment, le Slann calculait des trajectoires et évaluait les points d’impact possibles. En quelques secondes, il avait libéré son Stégadon, tout en arrivant à la conclusion que la fin du monde était proche.

Le plus vieux des Slanns avait vécu pendant des milliers d’années, et il avait passé des siècles à délier les mystères du monde. Ses contemplations pouvaient s’étirer dans plusieurs dimensions et durer des décennies. Maintenant, le Prêtre-Mage sut qu’il lui restait moins de deux heures avant l’impact, à quelques secondes près. Telle était la précision des calculs dont il était capable.

Mazdamundi ne pouvait plus mettre un terme à la folie des hommes-rats, mais s’il parvenait à atteindre le Grand Temple d’Itza, peut-être pourrait-il sauver quelque chose de cette planète. Il scruta le champ de bataille, et vit que des milliers d’ennemis se dressaient entre lui et l’entrée du temple. Étant donné l’agitation des flux magiques et l’amoindrissement du voile entre les mondes, Mazdamundi hésitait à traverser les dimensions. Toutefois, il n’avait pas le choix. Son esprit identifia le sentier à suivre et aussitôt, son corps se volatilisa.

Passant outre les contingences du monde matériel, Mazdamundi pénétra dans l’univers des ombres, l’espace entre les réalités. Il sentit immédiatement qu’il était observé, et perçut un bruit distant, comme un rire moqueur et à moitié étouffé. Même si son voyage fut bref, le Slann fut rassuré de revenir dans le monde réel, car il craignait ce qui était tapi au-delà. Le Seigneur Mazdamundi se retrouva assis sur son palanquin devant l’arche d’entrée. La clameur de la bataille résonnait derrière lui. Un rugissement distant lui indiqua que sa fidèle monture agonisait. Il n’avait pas le temps de lui venir en aide. De toute façon, ils étaient tous condamnés, à moins qu’il parvienne à pénétrer à l’intérieur de la ziggourat et à puiser dans les énormes réserves d’énergie contenues dans le réseau géomantique.

Mazdamundi résolut en un clin d’œil le puzzle mental complexe qui permettait d’ouvrir les portes mystiques du Temple d’Itza. Dans un éclair de lumière aveuglant, le Prêtre-Mage disparut et réapparut dans les salles du plus antique des temples-pyramides.


Au dehors du temple, la bataille d’Itza se poursuivait.
Au dehors du temple, la bataille d’Itza se poursuivait. Elle recouvrait toute la place principale, et s’était même étendue plus loin, sur plusieurs avenues. L’immense espace dégagé grouillait de combattants, et les combats atteignaient aussi les hauteurs de la ville, alors que des Coureurs Nocturnes et des Skinks gravissaient les étages de la Pyramide de Chotec. Les tirailleurs se tiraient dessus avec des étoiles de jet ou des javelots, ou livraient de féroces escarmouches. Ils continuaient de grimper, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent au-dessus des Téradons qui volaient en rase-mottes.

Ailleurs, les affrontements se focalisaient autour des Bassins de Frai du Jardin Flottant de l’Harmonie Exubérante. Chaque camp tentait de surclasser son adversaire, mais chaque faction lançait sans cesse des contre-attaques dès qu’elle recevait des renforts. Les eaux vitales des Hommes-Lézards avaient été scellées par des moyens magiques avant que la ville fût abandonnée. Des dômes de force invisibles et plus durs que la pierre protégeaient ainsi tous les bassins. Avec l’aide de Malebrutes équipés de Foreuses à Malepierre, les Moines de la Peste tentaient de percer ces défenses pour exposer les eaux des bassins à l’air vicié d’Itza. Pour leur part, les Hommes-Lézards étaient conscients que des générations futures pouvaient encore sortir de ces eaux sacrées, et ils étaient prêts à se sacrifier pour empêcher que les Skavens les profanent. Comme partout ailleurs dans la ville, les combattants ne faisaient pas de quartier, et les cadavres s’accumulaient.

Sur la place centrale, Kroq-Gar bondit du dos du corps de son Carnosaure : le Seigneur Skrolk l’avait tué avec son arme maudite, si bien que l’immense reptile n’était plus qu’une carcasse desséchée. Le bâton manié par le Seigneur de la Peste était redoutable. C’était une arme solide, dont l’extrémité était reliée par une chaîne à un encensoir qui faisait office de fléau. Skrolk le fit de nouveau tournoyer au-dessus de sa tête. Une fumée épaisse envahit l’air, et Kroq-Gar sentit le goût de son propre sang et de sa bile dans sa bouche quand il la respira.

Kroq-Gar comprit que plus le combat s’éterniserait, plus les fumées toxiques saperaient ses forces. Le Chef de Guerre des Hommes-Lézards s’avança donc vers son ennemi, mais faisant preuve d’une rapidité insoupçonnable de la part d’une créature aussi décrépite et scrofuleuse, Skrolk prit l’initiative. L’encensoir s’abattit. Bien peu de créatures vivantes étaient capables de survivre à son contact.

Cependant, Skrolk n’avait pas prévu la Main des Dieux. Kroq-Gar tendit ce gantelet métallique pour s’emparer de l’encensoir et le broyer. Les fumées empoisonnées qui s’échappèrent auraient pu tuer net un Lézard-Tonnerre adulte, cependant la lumière qui émanait de l’artefact des Anciens purifiait l’air autour d’elle. Et malgré sa cécité, Skrolk fut aveuglé par la brillance de l’objet, et ressentit une douleur affreuse lorsque la Lance de Tlanxla l’empala.

Kroq-Gar rugit triomphalement vers les cieux en brandissant le Seigneur de la Peste agonisant. Au même instant, Vermalanx le Corrompu apparut.

Rendu fou de rage à la vue de son protégé empalé par la lance de Kroq-Gar, Vermalanx poussa un cri haineux. La gueule du Verminarque s’ouvrit de façon impossible et il vomit des flots de contamination. Toute la cohorte de Gardes du Temple qui suivait Kroq-Gar fut engloutie et périt sur-le-champ. Il ne restait plus que des ossements au milieu de flaques de fluides vitaux pestilentiels. L’horrible sortilège enveloppa également Kroq-Gar, qui tomba à genoux en lâchant sa lance.

Le Verminarque n’acheva pas le Chef de Guerre des Hommes-Lézards, et préféra bondir auprès de Skrolk. Il arracha la lance en dépit des brûlures sévères que lui infligeaient le contact de cette arme sacrée, et il entonna des versets du Liber Bubonicus, ce livre qu’il avait lui-même rédigé jadis. La blessure à la poitrine de Skrolk commença à se refermer alors que de nouvelles tumeurs poussaient sur les lèvres de la plaie. Sans attendre, le Verminarque souleva le Seigneur de la Peste et disparut dans un nuage de vapeur aux relents de soufre.

Personne, pas même les Moines de la Peste, n’osa s’aventurer dans les fumées nocives dégagées par le sortilège de Vermalanx. Le liquide qu’il avait vomi dissolvait la pierre, et les vapeurs étaient capables de faire plonger un Stégadon dans le coma. Pourtant, Kroq-Gar se releva. La lumière pure qui rayonnait de son gantelet métallique avait dissipé les miasmes, et entourait le Chef de Guerre d’une aura scintillante. Le Saurus récupéra sa lance, toutefois il ne retourna pas au cœur de la mêlée : alors qu’il empalait Skrolk, il avait reçu de nouvelles instructions télépathiques : il devait se rendre sur-le-champ à l’Obélisque des Étoiles d’Argent.

La plupart des Skavens fuirent face à Kroq-Gar, car son aura de puissance et sa victoire sur Skrolk les terrifiaient. Les rares hommes-rats qui tentèrent de s’interposer furent rapidement tués. Malgré cela, le Chef de Guerre Saurus réalisa qu’il n’arriverait pas à temps. Il poussa un rugissement terrible qui se répercuta sur la place, et aussitôt, un Carnosaure s’avança à travers le carnage. Il écrasait les Skavens sous ses énormes pattes, et s’arrêta devant le Saurus avant d’incliner son cou pour l’inviter à le chevaucher. Le cavalier et sa nouvelle monture s’élancèrent ensuite en direction de l’Obélisque des Étoiles d’Argent.

Même si aucun des combattants n’en avait conscience, il ne restait plus qu’une heure avant que les météorites atteignent la planète. D’ailleurs, les terres étaient déjà victimes de séismes déclenchés par la libération subite d’une grande quantité d’énergie magique.


Mazdamundi, le plus grand esprit de ce monde entama alors une tâche que lui seul pouvait accomplir…
Pendant ce temps, dans le Grand Temple d’Itza, le palanquin du Seigneur Mazdamundi flottait dans les couloirs de pierre froide. Il s'élevait dans les puits de lumière, et suivait les rampes qui montaient vers le sommet. Tout en cheminant, le Prêtre-Mage envoyait des ordres télépathiques afin que l’Exode débute sans tarder. Ensuite, il ouvrit les portes mentales et pénétra dans les chambres solaires. Une fois là, Mazdamundi était en mesure de modeler et de canaliser la toute-puissance du réseau géomantique. Il se plaça au sommet du pilier de pouvoir de la pièce principale et se prépara à l’épreuve à venir. Ce faisant, il nota que le Seigneur Kroak n’était pas présent. Il s’était attendu à trouver le Prêtre-Relique en ce lieu, cependant il n’avait pas le temps de s’interroger sur les raisons de son absence…

Le plus grand esprit de ce monde entama alors une tâche que lui seul pouvait accomplir. En puissant dans les énergies arcaniques du réseau géomantique, Mazdamundi espérait dévier ou détruire les météores avant qu’ils percutent la surface du monde. Cette tentative épuiserait probablement les ultimes réserves du réseau géomantique, et provoquerait la destruction des monuments et des cités qui le composaient, mais s’il échouait, les conséquences seraient de toute façon bien pires.

Partout dans les jungles de Lustrie, les Prêtres-Mages reçurent le message télépathique de Mazdamundi. Il n’y eut aucun débat pour décider qui allait rester pour aider Mazdamundi dans sa tentative. Ceux qui se sacrifièrent entamèrent instantanément le processus qui permettrait à leur esprit d’appuyer celui du plus illustre d’entre eux. Les autres déclenchèrent l’Exode qu’ils préparaient depuis longtemps.

En des dizaines d’endroits en Lustrie, d’énormes blocs de pierre qui n’avaient pas bougé depuis dix mille ans se mirent à trembler. Des mots de commandement qui n’avaient pas été prononcés depuis la naissance des humains, des Nains et même des Elfes furent entonnés. Des lumières étranges apparurent dans les anfractuosités du temple-pyramide d’Hexoatl. Une rampe s’abaissa depuis les flancs de la Grande Ziggourat de Tepok. Des grondements parcoururent l’Obélisque des Étoiles d’Argent à Itza. Dans les jungles reculées de l’avant-poste de Chicxulubta, des escaliers en pierre apparurent dans les ruines. Ils menaient vers des lieux fermés depuis des éons.

Les Skinks surexcités piaillaient sans savoir comment réagir. Certains d’entre eux, pour la plupart des Prêtres ou des hauts fonctionnaires, furent choisis pour pénétrer dans les édifices en compagnie des Prêtres-Mages. Toutefois, l’immense majorité des Hommes-Lézards resta à l’extérieur, sans que les questions des Skinks trouvent une réponse. Toutefois, tous regardèrent avec stupéfaction les scènes qui se déroulèrent ensuite.

Les immenses structures en pierre se mirent à gronder de plus en plus fort, puis elles commencèrent à s’élever en s’arrachant du sol. Leur silhouette aurait voilé le soleil si celui-ci n’avait pas déjà été caché par les brumes fétides qui recouvraient l’essentiel du continent. Les temples-pyramides et les ziggourats flottèrent au-dessus du sol pendant quelques instants, révélant aux yeux de tous leur taille réelle, car la majorité de leur structure avait été en fait enfouie sous terre pendant des milliers d’années. Des tombereaux de terre tombaient des fondations qui s’étaient extirpées du sol. Le souffle qui accompagnait les grondements assourdissants couchait les arbres des alentours, et poussait les Hommes-Lézards à s’abriter. Finalement, avec une rapidité inimaginable, les édifices en pierre filèrent vers les nuages et disparurent définitivement.

Car pour les Slanns, l’heure de retourner dans les étoiles était venue.


À Itza, la bataille faisait toujours rage sur les places, dans les rues et sur les avenues. Nul ne savait que le seul combat qui comptait vraiment était celui mené par une unique créature. Dans les chambres au sommet du Grand Temple d’Itza, le Seigneur Mazdamundi luttait contre son ennemie jurée : la puissance brute du Chaos. C’était comme si le cœur noir de Morrslieb était vivant, car il résistait aux impulsions mentales et aux enchantements du Slann.

Modelant les énergies du réseau géomantique, Mazdamundi affrontait les météores de Malepierre. Son esprit les frappait avec une force terrifiante. Des blocs gigantesques furent disloqués en formant des fragments qui restaient malgré tout gros comme des montagnes. Mazdamundi continuait de les briser pour diminuer leur taille. Des dizaines d’autres Prêtres-Mages lui prêtaient main-forte en joignant leurs forces mentales aux siennes.

L’épuisement que suscitait la manipulation de telles énergies était au-delà de ce que pouvait endurer n’importe quelle créature vivante. Les consciences des Slanns explosèrent les unes après les autres sous l’effort. Les Prêtres-Mages foudroyés glissaient de leurs palanquins et tombaient lourdement sur le sol des chambres sacrées, mais Mazdamundi continuait de lutter et de pulvériser les météores qui filaient vers le monde. Les plus petits fragments commençaient à être totalement annihilés sous les coups de ses attaques psychiques.

Aucune des races mortelles n’avait conscience du combat titanesque livré par les Slanns. Mazdamundi finit par se retrouver seul, mais il n’abdiqua pas. C’était un combat noble et héroïque. Poussé par le désespoir, le Prêtre-Mage se surpassa, et accompli des exploits que son esprit eût jugés impossibles à accomplir encore quelques heures plus tôt. Le sang dégoulinait de sa bouche et de ses yeux, et la plus petite parcelle de son corps lui faisait souffrir le martyre.

Il faillit réussir.

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Mazdamundi se réveilla. Il était couché sur le sol de pierre froide. Il tenta de se redresser, et fut honteux de ne pas y parvenir. Il étendit son esprit ravagé et sentit qu’il restait encore des météores qui tombaient vers le sol. Il avait réussi à annihiler ou à détourner l’essentiel des fragments de la lune maudite, mais il restait des morceaux suffisamment gros pour détruire la planète.

Mazdamundi était trop faible pour reprendre ce combat mental. Il rampa le long des marches qui menaient au sommet du temple-pyramide, dans l’espoir de sentir une dernière fois le contact de l’air frais contre sa peau. Il expira au bout de quelques mètres.

Au sommet de l’édifice, le vénérable Seigneur Kroak - le premier Prêtre-Mage créé par les Anciens pour les servir, perçut la mort de son élève sur les marches, tout près de lui. Le Prêtre-Relique momifié était sis au pinacle du plus haut monument de Lustrie. De là, il avait observé la naissance et la mort des races et de leurs empires. Et maintenant, son masque mortuaire doré et impassible était condamné à assister à la fin du monde.

Son esprit percevait parfaitement les météores qui plongeaient en direction de la planète. Des traînées de feu vert indiquaient que les premiers fragments commençaient à s’abattre. Des blocs énormes tombèrent dans les océans autour de la Lustrie et firent bouillonner les eaux. D’autres s’abattirent sur le continent couvert de jungles. La force de ces impacts aurait dû recouvrir le monde des feux de l’apocalypse, dévaster son atmosphère en ne laissant derrière elle qu’un orbe sans vie.

Le monde aurait pu périr ainsi. Mais c’était compter sans l’intervention du vénérable Seigneur Kroak.

Alors que cela ne s’était jamais produit depuis sa mort, le Prêtre-Mage leva sa main momifiée, et articula un unique mot derrière son masque doré. Il détenait le pouvoir cosmique, et pouvait manipuler les énergies des étoiles une ultime fois. Et même s’il ne pouvait éviter les destructions à venir, il était en mesure de les museler. La Lustrie et les Terres du Sud furent anéanties, mais ce faisant, les tempêtes de feu furent dissipées avant de s’étendre, et les raz-de-marée qui auraient dû engloutir les plus hautes montagnes furent stoppés.

Protégé par le Bouclier des Anciens, qui formait un orbe de sérénité au milieu de l’apocalypse, le Seigneur Kroak absorba les énergies libérées et s’en servit pour créer des dômes de force partout en Lustrie. Sous ces barrières mentales, des régions entières recouvertes de jungle flottaient au milieu du cataclysme. Le Seigneur Kroak les fit s’élever et les envoya au-delà de l’horizon. Après ce dernier acte héroïque, Kroak laissa la conflagration les engloutir, lui et le reste de la Lustrie.

L’Ultime Bataille d’Itza. À Itza, la bataille faisait toujours rage sur les places, dans les rues et sur les avenues. Des blocs énormes tombèrent dans les océans autour de la Lustrie. D’autres s’abattirent sur le continent couvert de jungles. En des dizaines d’endroits en Lustrie, d’énormes blocs de pierre qui n’avaient pas bougé depuis dix mille ans se mirent à trembler. Les immenses structures en pierre se mirent à gronder de plus en plus fort, puis elles commencèrent à s’élever en s’arrachant du sol. Finalement, avec une rapidité inimaginable, les édifices en pierre filèrent vers les nuages et disparurent définitivement.

Car pour les Slanns, l’heure de retourner dans les étoiles était venue.

Chapitre VI : LA BATAILLE DE MIDDENHEIM - Été 2527 / Automne 2527

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Archaon l’Élu des Dieux, le Roi aux Trois Yeux, était en marche. Plus d’un million de lames avançaient à sa suite et les yeux de ses dieux ascendants étaient posés sur lui.

Lorsque la puissante flotte d’Archaon accosta dans les détroits de Kislev, elle le fit sans opposition mais ne passa pas inaperçue. Des yeux rouges perçants observaient dans l’ombre, s’écarquillant de peur à mesure que des tribus de Nordiques marchaient sur les rivages. Bientôt, la vieille côte du Nordland accueillait plusieurs milliers de guerriers aux casques cornus, de chars, de bêtes rugissantes et de montures pesantes. Et les guerriers du nord continuaient de se déverser sur les terres, telle une marée qui, la nuit venue, dépassait celle des océans. L’air fluctuait sous l’effet de la sorcellerie au-dessus d’une forêt de bannières tandis que d’innombrables bandes de guerre se réunissaient autour de leurs champions. De multiples étoiles à huit pointes flottaient aux vents hurlants qui soufflaient dans les détroits kislevites, mêlant les icônes sanglantes de Khorne avec les glyphes tortueux de Tzeentch. Une aurore boréale illuminait le ciel. Les fragments de Morrslieb formaient à présent un halo verdâtre, visible même de jour. Sous cette lumière surnaturelle, les Démons gambadaient et caquetaient à l’orée de la réalité, se répandant sur les flancs de l’ost de l’Élu des Dieux en une marée jubilante. Des monstres pataugeaient dans les vagues et sur la plage, des Géants mutants et des Carnabrutes asservies labouraient les arbres au-delà. Des troncs étaient déracinés et des branches arrachées tandis que la ménagerie d’Archaon commençait à déblayer un passage, un corridor large de plusieurs milles que pourrait emprunter la horde.

Valten, Héraut de Sigmar
Une armée si vaste et anarchique aurait demandé des semaines à mettre en ordre, si toutefois c’était possible. Or, la volonté de l’Élu des Dieux était oppressante, et faisait ployer tout le monde sans poser de question. Pourtant, bien qu’Archaon ait réuni son ost à une vitesse impressionnante, plusieurs jours passèrent avant qu’il ne soit prêt à avancer. Dans ce bref laps de temps, des messagers Skavens détalèrent au sud. Ils coururent au-devant de la tempête, rapportant l’arrivée de l’Élu au Conseil des Treize.

Ces nouvelles déclenchèrent d’âpres débats parmi les Seigneurs de la Ruine. Certains préconisaient une attaque préventive, cherchant à masquer leur faiblesse par une démonstration de force. D’autres prônaient une fuite sous terre afin que les Skavens renouvellent leurs effectifs. Les accusations et les récriminations fusaient, et le Conseil des Treize fut paralysé par l’indécision.

Tel n’était pas le cas des authentiques émissaires du Rat Cornu. Skreech Verminking, le plus éminent des Verminarques, avait regardé par-delà le voile et connaissait la véritable nature des Dieux du Chaos. Jadis, le plan avait été de dévorer les peuples du monde civilisé et atteindre une puissance telle que les rejetons du Chaos dussent accepter les Skavens en égaux, sinon en maîtres. Les choses avaient changé. Même les Skavens avaient besoin de récupérer des pertes qu’ils avaient subies durant les mois passés, et le temps leur avait manqué. À présent, disait Verminking, les hommes-rats devaient supplier le Roi des choses-du-nord, et lui promettre, ainsi qu’à ses dieux, de le servir. Sinon, tout ce pour quoi ils s’étaient battus serait perdu.


Une fois ses forces rassemblées, Archaon marcha droit sur Middenheim. Sa horde noircissait le paysage tandis qu’elle progressait. Elle dévastait les forêts sur son passage et se répandait à l’horizon comme une tache de sang. Les villes et les villages étaient balayés, des colonnes de réfugiés fuyaient face à cette marée de Nordiques en armure qui engloutissaient leurs foyers.

Chevauchant en plein cœur de la horde, accompagné par ses infâmes Épées du Chaos, Archaon conduisait ses suivants à un rythme sévère. Il avait attendu si longtemps pour emprunter cette route. Maintenant, enfin, s’offrait à lui la chance d’humilier les couards et les menteurs de l’Empire, et Archaon était impatient de commencer. Les bandes de soldats impériaux qui se dressèrent devant la horde furent massacrées avec une facilité méprisante. La flamme de leur audace soufflée comme une chandelle dans un ouragan, tandis que leurs corps étaient broyés sous le pas de millions de guerriers impitoyables.

La nature elle-même se rebellait à la venue de cette armée d’annihilation. Une tempête d’épais nuages saturés de Magie roulait vers le sud aux devants de l’ost, et assombrissait le ciel. Alors que cette ombre recouvrait les terres, les oiseaux et les bêtes s’enfuyaient. L’arrivée d’Archaon était annoncée par des tornades de Magie brute et une grêle grésillante, dont le contact corrupteur bouleversait la nature en lui faisant adopter une forme monstrueuse. Portés par les vents hurlant en direction du sud, le martèlement des tambours, les vagissements des bêtes et le beuglement des cors pouvaient être entendus sur plusieurs milles.

Les émissaires Skavens n’eurent ainsi aucune difficulté à localiser l’Élu des Dieux, et par une nuit, ils vinrent se présenter à lui dans son campement, tandis que son armée faisait halte. La délégation ne comportait que trois membres : un Prophète Gris, son pesant garde du corps Rat-Ogre et une autre chose, plus puissante encore. Venir avec une garde d’honneur aurait risqué de passer pour une offense, et aucun Vermine de Choc ne protégerait les envoyés Skavens au cas où leur offre était mal accueillie.

Skreech se téléporta, ainsi que son allié cornu, directement à destination, et apparut à la lisière du camp nordique, qui avait la taille d’une ville. Le Verminarque était drapé d’ombre, une présence qui rôdait, presque invisible, derrière une barrière ondulante de ténèbres. Cela laissait le petit cornu se recroqueviller dans l’ombre du massif Vorhax tandis que les sentinelles nordiques hurlaient leur défi envers la créature. Toutefois, la menace voilée mais écrasante imposée par la présence du Verminarque était suffisante pour les empêcher de tuer sur-le-champ ces intrus pour le moins étranges. Cela donna à Thanquol assez de temps pour se ressaisir et requérir d’une voix perçante qu’on le mène devant Archaon en personne. Tandis qu’il traversait le camp des Nordiques avec Vorhax cheminant pesamment derrière lui, Thanquol luttait pour contenir ses tremblements. Seule la présence réconfortante de Skreech retint le Skaven gris de détaler en sûreté tandis qu’il était le témoin d’une succession de rites sacrificiels débridés.

Enfin, après plus d’une heure de marche à travers le campement, Thanquol arriva devant Archaon. Le Seigneur de la Fin des Temps reçut ses visiteurs à cheval sur Dorghar, regardant impérieusement du haut de sa selle tandis que la monture démoniaque renâclait des étincelles et grinçait des dents. Autour de lui se trouvaient agenouillés les Épées du Chaos, disposés en rangs d’armures noires pour accentuer importance de leur maître. Au côté de l’Élu des Dieux se tenait Kairos le Tisseur de Destins, serrant son bâton tandis que ses robes volaient dans une brise qui ne soufflait pas. Le Duc du Changement bicéphale observait intensément l’entrée des émissaires, le Prophète Gris, le Rat-Ogre et le Verminarque voilé. Thanquol se prosterna devant Archaon et sa suite, museau et queue baissée en signe de respect tandis qu’il entamait son discours.


« Ô puissant Archaon, Roi du nord et estimé plus que tous par les dieux, » débuta Thanquol, sa voix chevrotant en dépit de ses efforts. Le Prophète Gris fut interrompu par un rire horrible, comparable à une vitre qu’on aurait brisée.

« Deux se tiennent au pied de ton trône, Élu des Dieux. Mais en vérité, ils sont trois réunis devant toi ! Derrière le voile se dressent des vérités que tes yeux mortels ne peuvent percevoir. »

Le Skaven leva son museau et comprit que c’était le Démon qui parlait. Son bâton claquait contre le sol comme celui d’un aveugle, pourtant ces deux têtes fixaient tour à tour Thanquol et Vorhax d’un air accusateur, sans oublier l'entité dissimulée qui rôdait dans leur sillage.

Le Démon à plumes coassa une syllabe gutturale. Il y eut un éclat de lumière et l’ombre qui drapait Skreech Verminking s’évanouit, révélant sa présence.

L’immense Verminarque se figea tel une statue tandis que les deux têtes du Duc du Changement caquetaient à nouveau. Les Épées du Chaos se levaient et tiraient leurs lames à la vue du démon-rat aux multiples cornes.

« Attendez. » Ce mot sorti du casque d’Archaon résonna tel un grondement de tonnerre.

Les Épées du Chaos s’arrêtèrent immédiatement, comme bloqués par la volonté de leur Seigneur. Pendant un long moment, Thanquol envisagea la fuite.

Calmement, Skreech avança au côté de Thanquol. Puis, à l’effarement de tous sauf peut-être d’Archaon, le Verminarque mit un genou à terre et déposa son vouge devant lui.

« Poursuis, petit prophète, » entonna Skreech, tête baissée. Frémissant de terreur et désespérément en manque de Malepierre, Thanquol s’éclaircit la voix.

« Ô puissant Archaon, Roi du nord… »


À la manière des Skavens, Thanquol parla longuement sans en dire beaucoup. Cependant, la déférence manifeste du Verminarque conféra au Prophète Gris un grand crédit dans son offre d’allégeance. Archaon écoutait en silence, en dépit des interruptions de Kairos. Les questions du Démon étaient tantôt acerbes, tantôt fantasques. Le Démon emplumé demanda si la force des Skavens servirait la cause du Chaos, puis il s’enquérait des inscriptions sur les armes favorites de Queek Coupe-Têtes. Thanquol répondit à chaque requête avec un mélange habile de demi-vérités et d’approximations. Puis, le Démon de Tzeentch se tut, son double regard toujours indéchiffrable.

Enfin, tandis que la pâleur de l’aurore perçait le brouillard, Archaon réagit. Impérieusement, l’Élu accepta l’offre d’allégeance. L’Empire Souterrain avait la permission de le servir. Les Skavens n’étaient-ils pas, au même titre que les Hommes-Bêtes des terres sauvages, les véritables rejetons du Chaos ? Et leurs talents particuliers seraient autant d’atouts dans les jours à venir.

Ses affaires nocturnes achevées, l’Élu des Dieux ordonna que son armée se mette en route. Thanquol, pendant ce temps, fut chargé de rapporter au Conseil des Treize la conclusion de cette nouvelle alliance. Avec Skreech comme soutien, c’était une tâche qui ravissait le prophète cornu. Après tout, à sa connaissance, le siège du Seigneur Kritislik était toujours vacant ; il semblait légitime qu’en qualité de quasi-sauveur de toute son espèce, Thanquol y prenne place. Oui, pensait-il en se préparant à partir, il était grand temps que son génie reçoive la reconnaissance qu’il méritait.

Tandis que le Verminarque, le Prophète Gris et le Rat-Ogre bondissaient dans un canal brumeux de l’éther, la volonté d’Archaon poussa une fois de plus ses serviteurs en avant. Middenheim était en vue, ses plus hautes tours se découpant à l’horizon. Elles seraient bientôt mises à bas ; Archaon jura à ses dieux qu’il en serait ainsi.

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Valten cheminait avec une armée disparate de soldats réfugiés, de combattants dépossédés et de Flagellants vociférants
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Bien avant que la horde d’Archaon n’entame sa marche vers Middenheim, l’Empire et ses royaumes vassaux avaient été mis à feu et à sang. Comme un parchemin jeté dans un foyer, les domaines des hommes noircissaient et tombaient en cendre.

À l’ouest, les ruines de Marienburg grouillaient d’asticots et de pourriture, et le port autrefois animé de la cité était étouffé par des épaves calcinées. Au sud, Nuln était réduite à une vaste fosse entourée de ruines infestées par la vermine. Talabheim, la forteresse en cratère de jadis, n’était plus qu’une coquille nauséabonde, son sort si atroce que même les armées d’invasion qui dévastaient les étendues sauvages évitaient ses ruines purulentes. Pire que tout, la fière Altdorf, capitale de l’Empire avait fini par tomber.

Valten avait atteint Altdorf quelques jours avant la fin de la cité. Depuis que Luthor Huss l’avait proclamé héritier mortel de Sigmar, le jeune forgeron avait mûri. Le néophyte qu’il était avait laissé place à un guerrier préoccupé dont les yeux luisaient d’une foi ardente. À sa suite cheminait une armée disparate de soldats réfugiés, de combattants dépossédés et de Flagellants vociférants, tous issus d’une demi-douzaine de provinces en proies aux flammes. Beaucoup étaient livides, exténués et tourmentés au-delà de l’entendement. Ils s’étaient pourtant frayé un passage dans les masses de Skavens qui assiégeaient Altdorf, l’élément de surprise leur permettant de traverser les hordes désorganisées. La foi sigmarite de Valten et de ses hommes brûlait en ces temps de malheur, et redoubla d’intensité en voyant leur Empereur. Valten mit un genou à terre devant son Seigneur et maître, Ghal Maraz abaissé sur les pavés devant lui. Le Héraut de l’Empereur lui assura que Sigmar revenait au secours de son peuple.

Malgré l’arrivée des forces de Valten, il était évident qu’Altdorf ne pourrait pas résister plus longtemps. En fait, la cité était mourante depuis l’invasion des Glottkin. Lorsque les Skavens avaient surgi, une immense armée d’hommes-rats avait encerclé la capitale impériale. Des centaines de milliers de Skavens s’étaient déversées de leurs tanières souterraines, et avaient ceint la cité d’une douve de corps et de lames. Ils avaient tracté des batteries d’armes terrifiantes, et commencé un bombardement saccadé d’obus empoisonnés et de décharges foudroyantes qui faisait encore rage. Toutefois l’Empereur défendait encore Altdorf, soutenu par la Magie du Patriarche Suprême, Gregor Martak, et la détermination martiale de Ludwig Schwarzhelm. Ces héros avaient mené et galvanisé les défenseurs, à tel point que les généraux Skavens avaient eu peur et fait reculer leurs forces.

Depuis, les hommes-rats s’étaient contentés de se quereller au sujet d’un butin offert par une victoire encore à venir, en bataillant entre eux parmi les ruines des quartiers périphériques. Cela avait fait gagner un peu de temps aux sujets de l’Empereur, mais une victoire durable était hors de leur portée. Les réserves de nourriture s’épuisaient et la maladie se répandait sans contrôle. La fin semblait proche.

L’arrivée de l’armée de Valten avait changé la donne. Ces renforts rendaient une percée possible, et avec les vies de ses sujets entre ses mains, l’Empereur devait saisir cette opportunité. Il restait cependant beaucoup de civils à Altdorf. L’Empereur était réticent à risquer leur vie au milieu d’un champ de bataille. C’est ainsi que Valten proposa de faire diversion. Lui et Gregor Martak allaient mener une force de volontaires au nord de la cité, en causant autant de destruction et de chahut que possible. Une fois que cette attaque aurait capté l’attention des Skavens, l’Empereur et ceux qui voudraient le suivre feraient une percée vers le sud. Ils tireraient parti de la pagaille pour se ménager un couloir de fuite. Que l’Empereur n’ai pas discuté des risques de cette manœuvre témoignait de la rigueur des temps, car la force de diversion serait en grand danger. Sa seule concession fut de faire prêter serment à Valten et Martak de faire de leur mieux pour fuir l’ennemi et rejoindre sa colonne au nord de Kemperbad. Leur plan établi, les commandants impériaux réunirent leurs troupes et se préparèrent au combat.

La percée se déroula mieux que ce que Valten et l’Empereur auraient pu espérer. Les lignes Skavens au nord de la cité connaissaient déjà l’anarchie des derniers stades d’une lutte intestine qui avait été sanglante. Valten, Martak et leur armée de volontaires se ruèrent tambours battant et lames au clair au milieu d’hommes-rats qui s’entre-tuaient. Les hordes vermineuses firent de leur mieux pour se dépêtrer les unes des autres, et se réorienter désespérément afin de faire face à cette nouvelle menace. Toutefois, déjà éreintées par leur lutte, les lignes Skavens s’effondrèrent rapidement, cédèrent à la panique et s’éparpillèrent devant l’ost impérial. Valten menait ses suivants vers la liberté, tandis que Martak invoquait des esprits de la nature et des vols de corbeaux frénétiques pour balayer les hommes-rats pépiant en travers de leur route.

Tandis que le vacarme des combats s’intensifiait au nord, l’Empereur et Griffe Mortelle menaient un fer de lance de cavalerie lourde vers le sud. Leurs bannières claquant au vent, la Reiksguard, les Chevaliers du Griffon et leurs rares mais fiers alliés Bretonniens dégageaient une voie vers la liberté à travers les lignes d’assiégeants. Derrière eux avançaient les Joueurs d'Épée de la garde personnelle de l’Empereur et les dernières troupes régulières d’Altdorf, guidant une colonne de réfugiés en leur centre. L’attention des Skavens rivée sur la percée tonitruante de Valten et Martak au nord, les fidèles de l’Empereur s’échappèrent de leur cité mourante, laissant les ruines d’Altdorf se consumer derrière eux. Leur route allait les conduire au sud, à travers le feu et les ennemis pour trouver un dernier refuge dans la cité-forteresse d’Averheim.

Pendant ce temps toutefois, Valten et Martak étaient dans l’embarras. Bien qu’ils eussent échappé au siège d’Altdorf, ils restaient assaillis par l’ennemi. Des Hommes-Bêtes et des Skavens rodaient par milliers dans les contrées sauvages, et leurs bandes s’abattaient tous les jours sur les forces impériales disparates. Le marteau de Valten et la Magie de Martak étaient mis à contribution durant chaque escarmouche. Toutes les tentatives de s’enfoncer au sud portait la colonne plus au nord-ouest, et leurs ennemis les harcelèrent jusqu’à ce que l’espoir de rejoindre l’Empereur soit devenu vain. Pire, les troupes de Valten ne pouvaient rester indéfiniment dans les étendues sauvages ; leurs pertes s’accumulaient lentement, et la nourriture était rare dans ces désolations ravagées qu’était devenu l’Empire.

Ce fut Gregor Martak qui fournit une solution. Martak était un Sorcier d’Ambre d’une grande puissance avant même d’endosser le manteau de Patriarche Suprême. Il avait ainsi de nombreux familiers éparpillés dans ces contrées. Un d’eux, un corbeau voûté, l’avait informé que la cité de Middenheim était encore sous la vigilance d’Ulric. Martak était originaire du Middenland, et savoir que la cité de sa naissance tenait toujours embrasa son désir de venir la défendre. Ainsi, Valten et Martak se résolurent-ils à progresser au nord, en contournant les Collines Hurlantes pour rejoindre Middenheim par le sud. Après tout, renforcer les remparts de la cité était de très loin préférable à une érosion inutile de leurs effectifs en pleine nature.


Des cris de guerre s’élevèrent, et les Chevaliers du Loup Blanc s’élancèrent à travers le viaduc.
Il fallut de longues semaines avant que les forces de Valten et Martak parviennent à Middenheim. Elles livrèrent maintes âpres batailles en route et subirent de lourdes pertes. Toutefois, chaque village ou milice qu’elles délivrèrent avait gonflé ses rangs à mesure. Ainsi c’est à la tête d’une armée conséquente que Valten et Martak arrivèrent enfin en vue de la Cité du Loup Blanc.

Middenheim était érigée sur un plateau montagneux que les hommes avaient baptisé le Fauschlag, ou Ulricsberg. Il se dressait au-dessus des paysages arborés de la Drakwald comme une île en plein océan, ses murs fabriqués par des Nains étant quasi imprenables excepté par les ennemis les plus déterminés. Quatre imposants viaducs s’étiraient de la forêt jusqu’au sommet de la montagne, doublés de larges routes qui rejoignaient les remparts au niveau des bretèches situées au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. Le Fauschlag était creusé d’anciens tunnels, qui présentaient peut-être le seul réel point faible de la cité. Toutefois, ce dédale était habité par des monstres et périlleux à l’extrême. Les galeries supérieures étaient par ailleurs gardées par des soldats vigilant à toute menace provenant d’en dessous.

C’était ces défenses qui avaient repoussé les Skavens pendant des mois. Des milliers d’hommes-rats encerclaient la cité. Les méandres de leurs tranchées et leurs campements enterrés étaient infestés de la crasse et des ordures découlant d’une longue occupation. Les quatre viaducs étaient marqués de cratères et de brûlure, preuves des tentatives répétées des Skavens pour submerger Middenheim. La Drakwald avait été coupée et brûlée sur presque un mille dans toutes les directions, les assiégeants utilisant son bois pour bâtir des tours de siège ou alimenter leurs machines infernales. Cependant, ils n’avaient pas pris pied dans la cité.

L’armée de Valten émergea donc de la lisière en lambeau de la Drakwald pour découvrir un ennemi découragé lui barrant le passage. Profitant de l’élément de surprise, Valten mena ses troupes tête baissée contre les lignes arrières des Skavens. Ses hommes dispersèrent leurs ennemis immédiats, en abattant plusieurs armes de siège branlantes dans la foulée. Pourtant, tandis que leurs forces s’enfonçaient dans le campement des hommes-rats. Valten et Martak virent ces derniers s’agiter furieusement autour deux, comme une bête blessée.

Les Skavens rassemblaient leurs forces : des chefs hurlaient à leurs masses de soldatesque vermineuse de se jeter au combat. Les Mitrailleuses Ratlings aboyèrent et des Mortiers à Globes empoisonnés tirèrent tandis que les Skavens dirigeaient un barrage de plus en plus sévère sur leurs assaillants. L’armée de Valten commença à perdre son élan, et s’embourbait parmi la horde adverse. Pendant plusieurs minutes, il semblait que le périple vers Middenheim se résumerait à une longue marche jusqu’à l’échafaud.

Soudain, des cors soufflèrent sur les hauteurs du Fauschlag, leur son tel le hurlement des loups. Le grand pont-levis du viaduc est de Middenheim s’abaissa et de la porte jaillit un ost de cavaliers. Des cris de guerre s’élevèrent, et les Chevaliers du Loup Blanc s’élancèrent à travers le viaduc. Boris Todbringer, le Comte Électeur du Middenland, chevauchait à leur tête. Les chevaliers percutèrent les Skavens tel un bélier rouge et argent, les marteaux décrivant des arcs mortels en dégageant une voie devant Valten et ses troupes encerclés. Todbringer fut le premier à atteindre les nouveaux arrivants. Il rugit un salut guerrier en tailladant un dernier rang de Vermines de Choc et serra le gantelet de Valten en plein milieu du champ de bataille.

Une clameur s’éleva pour célébrer la rencontre des deux commandants, et l’armée impériale unifiée se rua en avant. Les Chevaliers du Loup Blanc pivotèrent pour rebrousser chemin à travers le corridor qu’ils venaient d’ouvrir dans les lignes ennemies. Les Skavens refluaient devant leur fureur, et dans un ultime effort, Valten, Martak et leurs troupes réussirent à percer jusqu’à la cité. L’ironie d’avoir combattu de la sorte jusqu’à une seconde ville assiégée en de si longs mois n’échappa point à Valten. Le Héraut de Sigmar victorieux rit à gorge déployée, emporté par l’euphorie de l’instant lorsque son cheval le conduisit sur le viaduc vers une sécurité dûment gagnée.

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Les hommes de Valten furent accueillis à bras ouverts par les habitants de Middenheim. Les acclamations montaient et les drapeaux étaient agités tandis qu’ils franchissaient le pont-levis vers la cité au-delà. Les tambours résonnaient et les cors sonnaient, les sabots martelaient les pavés, et les cors-loups d’Ulricsberg soufflèrent une fois encore au passage de l’armée dans Middenheim. Parmi la foule massée dans les rues se trouvaient quelques vieillards murmurant des jurons à l’égard des nouveaux venus, sans y croire vraiment. En ces jours terribles, tous les hommes étaient frères dans leur combat contre les ténèbres, et toute méfiance qui ait pu exister entre les fidèles d’Ulric et les Sigmarites était laissée de côté.

Les nouveaux arrivants trouvèrent Middenheim dans un état remarquable, ses rues propres et ses repas chauds contrastant agréablement avec les privations des derniers jours d’Altdorf. Les citoyens et leurs gardes étaient sombres, car ils n’étaient pas aveugles à la douleur de l’Empire. Des bandes de Miliciens et de Chasseurs audacieux étaient parties depuis des mois, disparaissant dans la nuit pour franchir les lignes des Skavens. Ceux qui étaient revenus avaient rapporté de sinistres histoires. Mais le peuple ne se décourageait pas, protégé de la maladie et de la famine par leur isolation et leurs garde-manger bien fournis. Les prêtres d’Ulric se mêlaient aux habitants et leur apportaient des mots de réconfort et de courage, leur rappelant que tant que brûlerait la Flamme d’Ulric, la cité du Loup Blanc ne tomberait jamais. Les troupes de Valten ressentirent quelque chose dans cette enclave préservée de l’Empire. Middenheim serait un lieu où résister face aux ténèbres, une graine d’espoir de laquelle pourraient pousser des choses meilleures.

En dépit des difficultés qu’ils avaient rencontrées, Boris Todbringer ne concéda qu’un bref repos à Valten et Martak avant de requérir leur présence à un conseil de guerre, tenu sous une voûte dans le Temple d’Ulric. À leur arrivée, Valten et Martak trouvèrent que le vaste espace n’accueillait qu’un groupe restreint d’officiers de Middenheim fatigués et mal à l’aise, assis autour d’une grande table de pierre. Boris Todbringer en faisait le tour, toujours revêtu de l’armure maculée de sang qu’il portait durant sa sortie plusieurs heures auparavant. À l’instant où Valten et Martak s’assirent, le Comte Électeur se lança dans une diatribe des plus acerbes.


« Messieurs le temps est venu de prendre des mesures concernant Khazrak le Borgne ! »

L’annonce du Graf Todbringer provoqua l’embarras et les grommellements de plusieurs de ses hommes. Gregor Martak se renfrogna à cette réaction. Son malaise s’amplifia lorsqu’il comprit que Todbringer semblait ne pas avoir conscience de la désapprobation de ses hommes. Le Graf tournait autour de la table, le regard sauvage, une fébrilité perceptible dans ses gestes.

« Vous savez tous, » poursuivit-il, « que Khazrak est le plus fourbe de toute son engeance. Et je connais sa cruauté mieux que quiconque ! J’ai été sa némésis durant de longues années, tout comme il a été la mienne. C’est le Borgne qu’il faut blâmer pour ces temps troublés. »

À cette assertion, Martak intervint.

« Graf Todbringer, avec tout mon respect, vous devez savoir que c’est Archaon, non Khazrak, le responsable de ce désastre. Lui et ces maudits Skavens… » Martak ne put aller plus loin avant que le poing ganté du Comte Électeur s’abattît sur la table. Le fracas ébranla le Sorcier et le fit taire immédiatement.

« Le Roi aux Trois Yeux croupit dans le grand nord, mais l’ennemi est à nos portes ! » fulmina Todbringer.

« Quant à ces hommes-rats, que sont-ils si ce n’est une nouvelle sous-espèce d’Hommes-Bêtes ? Non! Vous parlez de monstre de contes pour enfants, tandis que je suis le seul ici à discerner le véritable ennemi. Chaque semaine, mes chasseurs me rapportent des ravages sans précédent commis par les Hommes-Bêtes. Je suis resté piégé au sommet de ce rocher depuis trop longtemps, le devoir retenant mon bras. Plus à présent ! »

Valten était resté silencieux pendant l’accès de colère du Comte, impassible et indéchiffrable. Todbringer s’approcha de lui et appuya un doigt sur sa poitrine. « Vous. Héraut de Sigmar. Vous porterez mon fardeau désormais. Vous me laisserez libre de faire ce qui doit être fait. Je pars avant le lever du jour, et ne reviendrai qu’avec la tête de Khazrak empalée sur mon étendard. En mon absence, je nomme Valten Castellan de Middenheim. Défendez la cité comme il vous convient. »

À ces mots, Todbringer quitta la pièce, insensible à la stupeur et l’indignation qu’il laissait derrière lui.



Fidèle à sa parole, Todbringer partit avant les premières lueurs du jour le matin suivant. Gregor Martak observait du sommet des remparts est tandis que les Chevaliers du Loup Blanc descendaient à nouveau le long du viaduc. Ils chevauchaient vite, en hurlant, et s’abattirent tel un marteau sur la section des lignes Skavens qui avait été affaiblie par les combats de la veille. Les hommes-rats se dispersèrent devant eux, se rappelant trop bien le châtiment qui leur avait été infligé par ces cavaliers féroces. Avant que les Skavens ne pussent rameuter des renforts, un petit groupe se scinda de la charge des Middenheimers. À la tête d’une soixantaine de chevaliers et de chasseurs, le Graf chevauchait en hâte vers la lisière de la Drakwald.

Tandis que les silhouettes distantes de Todbringer et sa suite disparaissaient dans la pénombre de la forêt, les autres Chevaliers du Loup Blanc retournèrent vers la cité. C’était une bénédiction, pensa le Patriarche Suprême Martak, que Todbringer n’ait emmené qu’une petite force avec lui. Toutefois, chaque membre de son escorte était un soldat d’élite qui manquerait aux murs de sa cité. Le cœur lourd, Martak quitta les remparts tandis que les premiers rayons de l’aube perçaient à travers la Drakwald. Lui et Valten avaient toute une cité de gens effrayés et de dignitaires outragés à s’occuper, car le départ de Todbringer avait choqué tout le monde. Middenheim offrait une complexité insolite, à commencer par son réseau de tunnels et les nombreuses compagnies de soldats réfugiés qu’il fallait intégrer à l’armée régulière de la cité. Les deux étrangers avaient beaucoup de noms à apprendre, et devaient se familiariser avec une multitude de choses afin de défendre la sécurité d’un lieu dont ils avaient hérité.

Rien de cela importait à Todbringer. Sous la canopée de la Drakwald, assis sur une selle et ses guerriers sur ses talons, le Comte Électeur se sentait vivant pour la première fois en plusieurs mois. Il était enfin libre de poursuivre le seul but qui lui importait vraiment, et bientôt, tous verrait qu’il avait eu raison. Khazrak était la clé de tout ceci, Todbringer en était certain. La mort de l’Homme-Bête briserait la volonté des hardes, restaurerait l’ordre du nord de l’Empire et ferait basculer le cours de cette maudite guerre. Par ailleurs, songea le Graf avec soulagement, ce satané bouc lui devait un œil.

Todbringer suivait les rapports des derniers chasseurs revenus vivants de la forêt. Ces hommes lui avaient parlé d’une grande agitation d’Hommes-Bêtes à l’est sur la frontière du Hochland. Si Khazrak se trouvait quelque part. Todbringer était sûr que ce serait là. Ainsi il chevaucha avec cet espoir enflant dans la poitrine, ignorant les regards inquiets qu’échangeaient ses hommes. Ils pouvaient penser ce qu’ils voulaient, le Comte Électeur n’avait besoin ni de leur pitié ni de leur préoccupation. Il savait ce qu’il avait à faire et était convaincu d’agir dans l’intérêt de l’Empereur en personne.

Œil…
… pour Œil.
Alors que les cavaliers poursuivaient leur course, des yeux haineux les suivaient dans l’ombre, des orbes sombres et froids qui marquaient leur passage. Le mot se répandit à travers les profondeurs de la Drakwald, porté par le vent sur des ailes et de la Magie Noire. Dans la journée, Khazrak apprit que son ennemi était dans la forêt. Le beuglement furieux du Seigneur Homme-Bête fut insupportable. Ce jeu du chat et de la souris avait été plaisant durant ces longues années, mais le monde changeait, et ces distractions était révolues. Khazrak voulait écraser Todbringer sous ses sabots, et mettre un terme à leur rancune mutuelle une fois pour toutes.

Les jours passaient sans que le groupe de Todbringer n’ait signe de l’ennemi. Le silence de la forêt était étouffant, comme si la Drakwald retenait son souffle d’appréhension et ne laissait aucun air à respirer. La bonne humeur de Todbringer avait fait place à sa vexation et son impatience. Il devint maussade et renfrogné, et rabrouait ses hommes. Une parcelle de plus en plus insistante de son esprit lui murmurait qu’il n’aurait jamais dû confier sa cité à des étrangers. La forêt était vaste, elle bruissait, et Khazrak pouvait être partout. Faire une sortie pour enfin tuer la bête avait semblé une juste cause, une libération d’un sentiment grandissant de frustration et de désespoir. À présent, après plusieurs jours et de nombreuses lieues à traverser la dense Drakwald, les certitudes de Todbringer avaient été érodées par le tiraillement du doute.

Ainsi, lorsqu’une bande d’Ungors sortit du sous-bois sur le passage de Todbringer et sa troupe, les traits du vieux Comte Électeur s’égayèrent. Boris tira son Croc Runique du fourreau, et sans se préoccuper des cris alarmés de son entourage, le Graf éperonna sa monture droit vers les Hommes-Bêtes. Leur devoir de protéger leur Seigneur poussa les hommes de Todbringer à le suivre au galop tandis que leur maître fonçait à travers la piste boueuse.

Les Ungors se retournèrent et se dispersèrent pour éviter la charge désordonnée. Certains s’enfuirent dans le sous-bois tandis que d’autres se mirent à courir ventre à terre le long de la piste. Todbringer galopait après eux, et poussa un rire satisfait lorsque son Croc Runique s’abattit et trancha la tête de la bête la plus à la traîne. Il se trouvait à présent parmi les Ungors, frappant de taille et d’estoc tandis que sa monture labourait les affreuses créatures. Plusieurs corps déformés gisaient déjà dans le sillage du Comte Électeur, et les Ungors qui restaient ne pouvaient le distancer. Il lui suffirait d’en épargner un, se dit-il en jubilant, afin qu’il lui révèle l’endroit où se cachait son maître à l’œil unique.

Puis, avec une fatalité qui arracha le Graf à son enthousiasme exacerbé, les cors de chasse retentirent.

Todbringer tira les rênes de sa monture écumante. Derrière lui, le Graf découvrit le désordre qu’il avait semé. Sa colonne rompue de chevaliers et de chasseurs au regard sauvage freinaient leurs montures tandis qu’ils cherchaient l’ennemi. Les terribles notes des cors de chasse résonnaient de tous côtés. Avec la soudaineté d’un cauchemar, les bois s’animèrent. Des monstres accouraient, des centaines de formes bestiales qui jaillissaient du couvert des arbres. Todbringer comprit en cet instant qu’il avait mené ses hommes à la mort. La piste était étroite, boueuse, truffée de racines et permettait à peine à trois hommes de s’y tenir côte à côte. Il n’y avait nulle place pour former des lignes, aucun moyen pour ses cavaliers d’organiser une charge, aucune possibilité de mettre en œuvre un quelconque déploiement. Seule une mort rapide et horrible attendait.

Dans un cri de rage et de désespoir, Todbringer éperonna son destrier et se rua dans le piège. Il heurta les Hommes-Bêtes en plein élan et son Croc Runique trancha un bras poilu et musculeux. L’impact de sa monture aplatit deux ennemis de plus, puis il se trouva au milieu d’une marée de faciès bestiaux, aux crocs ébréchés et maniant des armes rouillées. Boris taillait de droite et de gauche, poussant des cris incohérents tandis qu’il tuait. Mais ces choses étaient des centaines, voire des milliers. Des lames incurvées s’abattaient. Du sang coulait sur la boue tandis que les braves cavaliers étaient hachés comme de la viande. Le Graf jura lorsque la hache d’un Minotaure s’enfonça dans le cou de sa monture, manquant de couper la tête de l’animal. Boris fut renversé de sa selle, et roula tandis que son cheval se débattait.

Les sabots piétinaient tout autour du Graf. Todbringer se remit sur pied, voulant à tout prix éviter d’être écrasé et désirant se battre quelques instants de plus. Puis le cor le plus bruyant de tous retentit. À son timbre, les bêtes autour de Todbringer reculèrent, leurs boucliers levés. Le Graf frappait de taille et d’estoc, mais se retrouva dans un espace soudain dégagé. Son cœur se serra en entendant les bruits de ses derniers hommes passés au fil de l’épée, mais son œil était rivé sur la silhouette qui avançait depuis la lisière devant lui. Enfin, Khazrak le Borgne venait réclamer son prix.

Todbringer cracha dans la boue, sa salive mêlée au sang coulant d’une dent cassée. Les deux ennemis n’échangèrent aucun mot. Leur haine mutuelle les consumait depuis trop longtemps, et le désir de massacrer l’autre les submergeait. Un regard noir fut un échange suffisant. Dans un mugissement, Khazrak se rua sur Todbringer et le duel débuta.

Les deux rivaux échangèrent des coups furieux. Khazrak maniait sa longue épée de fer avec la rage d’un animal sauvage. Todbringer était à peine moins féroce, son bras imbu d’une force engendré par un mélange de colère, de haine et le désespoir. Le Croc Runique du Graf aurait dû lui conférer l’avantage, cependant la folle sorcellerie qui drapait les mailles noires de Khazrak privait l’épée magique de sa puissance coutumière. Le Croc Runique et la lame des rejetons du Chaos se croisèrent une demi-douzaine de fois en une rapide succession, sonnant l’une contre l’autre comme le glas sévère de la cloche d’un médecin de la peste.

Incapables de prendre le dessus l’un sur l’autre, les deux guerriers reculèrent, ils se tournèrent autour, encerclés par une barrière de créatures bestiales et nauséabondes. Le fouet de Khazrak claqua en tentant d’entraver les tibias du Graf. C’était un vieux tour, un que Todbringer connaissait déjà, et il ne s’y laissa pas prendre. Le Graf écrasa du pied l’extrémité barbelée du fouet, et lança une charge impétueuse derrière un coup de taille au niveau du cou. Son Croc Runique rencontra la lame de Khazrak dans un fracas accompagné de gerbes d’étincelles.

Todbringer recula d’un pas et jura lorsque le fouet claqua à nouveau et lui entailla la joue. L’instant d’après, il para de justesse l’épée de Khazrak qui s’abattit de toute sa masse contre sa garde, une fois, deux fois, trois fois. Ce dernier coup fit mettre un genou à terre à Todbringer, la boue épaisse coulant sous son armure. Des mugissements des Hommes-Bêtes attisés par l’odeur du sang montèrent autour du cercle, mais le Graf n’était pas encore vaincu. En distinguant les visages de ses hommes massacrés, Todbringer rugit de fureur et porta un coup en faux au tibia droit de Khazrak. Le sang jaillit.

Le Seigneur Homme-Bête chuta en hurlant de douleur, mais Todbringer était déjà au-dessus de lui. Tandis que le Graf enjambait son ennemi allongé, Khazrak tenta de l’assommer avec le manche de son épée. Le coup maladroit de l’Homme-Bête heurta le bouclier de Todbringer, dont l’extrémité contondante fracassa les dents de Khazrak une seconde plus tard. Le choc renversa la tête du seigneur bestial dans la boue, et sa gueule se remplit de dents cassées et de sang. La tête de Khazrak roula comme s’il était ivre tandis qu’il agitait les bras en tous sens dans sa soudaine désorientation. Cet instant d’incapacité était tout ce dont Todbringer avait besoin. Il abattit son Croc Runique et le plongea dans l’œil valide de Khazrak. La lame traversa cartilage, os et cervelle. Sa pointe jaillit à la base du crâne du Borgne, et s’enfonça dans la boue. Todbringer cracha sur la face de Khazrak, juste avant d’être englouti par les bêtes mugissantes qui le démembrèrent avec une sauvagerie débridée.

Ainsi mourut le Comte Électeur du Middenland et maître de Middenheim, déchiqueté par une armée de bêtes vengeresses. Il laissait derrière lui le corps ravagé de son ennemi le plus détesté, et une obsession enfin apaisée. Toutefois, il laissait aussi les cadavres de ses guerriers les plus fidèles et une cité affaiblie qui devrait dans peu de temps faire face à la fureur de l’Élu des Dieux en personne…


Le jour exact de la mort de Boris Todbringer fut celui où la horde d’Archaon atteignit Middenheim.
Les Nordiques marchent sur Middenheim.
Le jour exact de la mort de Boris Todbringer fut celui où la horde d’Archaon atteignit Middenheim. Pendant plusieurs heures, les défenseurs entendirent le battement des tambours porté par le vent, mêlé à des rugissements gutturaux et aux cris des damnés. Les Skavens, à ce qu’il semblait, avaient été informés de l’arrivée de ce nouvel ennemi. Les guetteurs sur les remparts rapportèrent des mouvements frénétiques tout au long de la nuit alors que les hommes-rats abandonnaient leur siège, certaines des viles créatures détalant dans les tunnels au pied du Fauschlag tandis que d’autres fuyaient au sud. En d’autres circonstances, de telles nouvelles eussent été accueillies avec soulagement. À présent cependant, elles étaient porteuses d’un horrible présage, celui de charognards fuyant l’arrivé d’un prédateur supérieur.

La cité du Loup Blanc ne vit pas le jour se lever, car des nuages noirs venus du nord la maintinrent dans l’obscurité. Des torches et des brasiers furent allumés dans toute la ville, leur lueur luttant pour repousser l’obscurité surnaturelle. Des éclairs de sorcellerie craquelaient les nuages, et une énergie macabre illumina par intermittence les rues de Middenheim des couleurs kaléidoscopiques de la folie.

En contrebas, émergeant de la forêt au nord de la ville, apparut l’avant-garde de la horde d’Archaon. Les arbres tombaient en produisant une série de craquements, les troncs brisés par des monstres à la carrure colossale. Derrière ces béhémoths infatigables avançaient des rangs interminables de barbares nordiques, de guerriers en armure et de mutants dégénérés émergeant de l’ombre de la forêt. Telle une marée noire, ils se répandirent à l’est et à l’ouest, et encerclèrent la cité d’un nœud coulant de combattants bardés de fer.

Des chars grondaient à travers les masses, flanqués d’imposants Chevaliers du Chaos. Des meutes de Chiens aboyaient en regardant les nuages de tempête, leurs hurlements discordant avec les cris d’Enfants du Chaos gardés en cage. Des Autels de Guerre titubaient dans la demi-pénombre maladive, portés par des mutants charpentés. Des Dragons-Ogres rugissaient, en brandissant leurs haches en signe de défi vers l’imposant Fauschlag s’élevant devant eux. À mesure que le jour avançait, de plus en plus de Nordiques affluaient. Et alors que leur nombre enflait, des Hommes-Bêtes convergeaient de partout, attirés par l’odeur et le bruit de l’ost de la ruine. À leur tête se plaça Malagor, le Père Corbeau, émergeant enfin des ombres pour se joindre à la horde.

Même les prêtres d’Ulric des plus fougueux furent ébranlés en réalisant avec effroi que la bataille qui s’annonçait ne serait pas livrée pour la gloire, mais pour assurer la survie de leur peuple. Ils ne faisaient pas face à des pillards en maraude, venus brûler et amasser du butin. Le Nord tout entier semblait marcher sous la bannière de l’Élu des Dieux. C’était une armée d’annihilation, une marée d’ennemis dont la vue ravissait tout espérance.

Le peuple de Middenheim était robuste, endurci par des hivers rudes et de longues guerres. Toutefois, Valten, Martak et leurs conseillers percevaient la panique bouillonner dans les rues ; les défenseurs de Middenheim n’avaient jamais contemplé autant d’ennemis, tandis que les soldats réfugiés des autres provinces en avaient déjà trop vu. Déterminé à dissiper les peurs de la cité, Valten fit un discours enflammé sur les marches du Temple d’Ulric.

Sa voix couvrit la cacophonie provenant d’au-delà des remparts, et rassura les défenseurs sur le fait que l’ennemi pouvait être vaincu. Les murs de Middenheim étaient hauts et épais, bâtis par les Nains dans les temps passés, et quasi inviolés à ce jour. Le Fauschlag en lui-même était haut et puissant, et ses tunnels étaient bien défendus. Middenheim comptait plusieurs milliers de soldats, des hommes braves issus des quatre coins du royaume. Ensemble, assura Valten à son audience captivée, les fils de l’Empire repousseraient une fois encore les barbares du nord. Il en avait toujours été ainsi. Tant que brûlerait la Flamme d’Ulric, la cité tiendrait.


Tandis qu’il traversait la masse de ses suivants pour poser ses yeux sur Middenheim, Archaon fut approché par une délégation servile de Skavens. À leur tête se trouvait un représentant du Clan Skryre qui se présenta humblement en tant que grand Seigneur de Guerre Skrazslik. L’homme-rat expliqua qu’il était le troisième Chef de Guerre chargé de conquérir la cité.

Contrairement à ses prédécesseurs, assura la fébrile créature, son échec était nullement de sa faute. Il lui avait été envoyé trop peu de guerriers, et ses forces étaient soutenues par un arsenal piteux. Ses sous-fifres idiots n’avaient pas compris l’ingéniosité de son plan. Pire que tout, d’autres hommes étaient venus du sud, menés par un Seigneur de Guerre brandissant un marteau.

Archaon avait écouté impassiblement, mais à cette dernière révélation, il leva un poing ganté pour exiger le silence. L’Élu ordonna à l’homme-rat de lui révéler tout ce qu’il savait au sujet du guerrier au marteau. Ce fut succinct ; Skrazslik s’était enfui aux premiers signes de danger lorsque les hommes du sud avaient attaqué. Toutefois, les détails qu’il put rapporter attestaient qu’il ne s’agissait pas de l’Empereur en personne. Plus vraisemblablement, ce devait être le Héraut de Sigmar qui était parqué dans la cité sur le plateau. Pendant un moment, le grand Seigneur de Guerre Skrazslik trembla de terreur en entendant un grincement émerger du casque d’Archaon. Puis il releva le museau, perplexe en réalisant que le Seigneur de la Fin des Temps n’était pas en train de jurer de colère, mais laissait échapper un cruel rire d’amusement.

Archaon congédia Skrazslik peu après. Le Seigneur de Guerre était estomaqué par l’importance de la mission qui lui avait été confiée. Il devait rassembler ses troupes restantes cachées dans les tunnels d’Ulricsberg, et apprêter ses armes. Les bretèches des viaducs de la cité étaient la clé de la conquête de Middenheim. Archaon avait un plan pour les occuper rapidement, un plan dans lequel les Skavens devaient jouer un rôle crucial. Ces nouvelles faisaient jubiler Skrazslik. Lorsque les ordres lui avaient été transmis de s’allier avec le Roi nordique, le Skaven avait au départ redouté une condamnation à mort déguisée. Toutefois, il semblait bel et bien que Skrazslik avait à présent l’opportunité de prouver sa valeur auprès de l’Élu des Dieux.

Une autre créature regardait par-dessus l’épaule de l’homme-rat durant ces échanges. C’était une chose qui se fondait dans l’ombre, hors de vue de tous, et qui avait suivi la piste de Valten et son armée depuis Altdorf. L’échec de Skrazslik lui avait fait perdre un temps précieux, mais il semblait néanmoins que son heure était imminente.

Le matin suivant, des centaines de Skavens se pressaient dans les tunnels inférieurs, travaillant frénétiquement afin de surgir dans le ventre de la cité. Plusieurs mètres au-dessus d’eux, les troupes régulières d’une demi-douzaine de provinces se tenaient à des jonctions clés, prêtes à repousser toute attaque provenant d’en dessous. Des lances étaient hérissées à travers des portes de métal, des arbalètes pointées vers des corridors éclairés par des torches, et des barricades placées au sommet d’escaliers venteux. Gregor Martak coordonnait la défense des tunnels, tandis que Valten déployait les régiments dans les rues, les deux hommes prenant conseil auprès des Capitaines de Middenheim pour disposer aux mieux les troupes.


Quelque part entre les deux factions, un voleur glissait comme une ombre à travers des tunnels oubliés. Des voies secrètes le conduisaient à son prix, tout comme elles lui avaient permis de se soustraire à ce que les siens avaient cru être une mort certaine. Il n’en tirait aucune gloire ni satisfaction. Son cœur était lourd, même si ce vol était motivé par la nécessité, non l’avidité. Ses actions allaient coûter des milliers de vies, aussi ne ressentait-il aucun triomphe à l’approche de sa destination, seulement de la tristesse.


Teclis émergea d’une quasi-obscurité dans une lumière soudaine. La caverne était vaste, ses stalactites et stalagmites anciennes. Elles s’arquaient telle les mâchoires d’un loup, se refermant autour de huit piliers grossiers au centre de la caverne. Entre ces colonnes se trouvait un autel, taillé dans une vieille pierre noire. Des os de loup gisaient en tas autour de l’autel, duquel s’élevaient une flamme blanche dépassant plusieurs fois la taille de Teclis.

Il avait fallu plusieurs mois d’étude pour trouver cette salle, cachée profondément dans le roc de Middenheim. Son emplacement avait été oublié par les humains, et le labyrinthe de tunnels scellé pour éviter les intrus. Même les Skavens n’étaient pas parvenus à pénétrer ses limites. Guidé par le savoir de la Tour de Hoeth à présent disparue, et les souvenirs de ses propres explorations du temps de Magnus le Pieux, Teclis avait traversé les galeries obstruées par la glace pour découvrir son prix. Il s’agissait de la véritable Flamme d’Ulric, de laquelle l’étincelle qui brûlait dans le temple au dessus n’était qu’un écho.

Teclis sentit la température chuter. De la glace se forma à travers la grotte sur les squelettes des loups. Il observa les cristaux se changer en simulacres de muscles et fléchir tandis que les bêtes se levaient.

« Qui ose se présenter devant la flamme ? » La voix était profonde et puissante. Elle résonnait à travers la caverne avec une force tangible, et il fallut à Teclis toute sa volonté pour lui résister.

« Mon nom est Teclis, » répondit le Mage. « Nous fûmes alliés autrefois, lorsque les hordes des Dieux Sombres se déversèrent du nord. »

Les loups convergeaient lentement vers Teclis, d’étranges grognements s’échappant de leurs gorges de givre. Le Mage fit un pas vers le feu au centre de la pièce et les loups le suivirent.

« Je me rappelle de toi, Elfe », fit la voix. « Alliés, nous fûmes, mais tu ne peux cacher ton but en ce jour. C’est en voleur que tu es venu. »

Les loups se rapprochèrent, babines retroussées, leur souffle glacé emplissant l’air.

« Je suis venu offrir de l’espoir à votre peuple, » corrigea Teclis en faisant un autre pas vers l’autel.

« Mensonges. Quel espoir peut-il y avoir sans moi ?

« Le monde a plus besoin d’un champion que d’un dieu ancien et égoïste. Votre chance de défaire les Dieux du Chaos est passée. D’autres doivent à présent porter ce fardeau. »

Un mugissement rageur résonna dans le temple. Les loups bondirent sur Teclis. Le Mage fut plus rapide, et frappa son bâton sur le sol de la caverne. Une lumière ondula et repoussa les loups qui se fracassèrent contre les parois. La glace et les os se brisèrent, éparpillés parmi les stalagmites. Fatigué par l’effort, Teclis s’appuya sur son bâton.

« Impressionnant, » gronda la voix, « mais sauras-tu le refaire ? »

Les loups étaient déjà en train de se reconstituer.

« Je n’en aurai pas besoin. » Le Mage fit quelques pas vers l’autel et plongea son bâton dans le feu sacré.

« Non ! »

La flamme s’évanouit au contact du sceptre de Teclis. Les loups hurlèrent à l’unisson puis s’effondrèrent, leur peau de glace fondant subitement. Un instant plus tard, la grotte était plongée dans le noir.

La voix parla à nouveau tandis que Teclis s’apprêtait à partir, son timbre plus amer que l’hiver le plus rigoureux.

« Tu m’as détruit, moi et tous ceux de la cité au-dessus.

« J’en suis navré, » répondit Teclis. Lorsqu’il quitta la Caverne de la Flamme Hivernale, son bâton lui semblait plus lourd qu’en entrant ; le poids d’une autre trahison nécessaire ajouté à celles qu’il portait déjà.


À l’instant où Teclis déroba la véritable Flamme d’Ulric, sa réplique réduite dans le temple au-dessus vacilla et mourut. De nombreux habitants étaient massés autour de la chaleur de cette balise d’espoir, se croyant à l’abri sous l’œil attentif de leur dieu. Ainsi, lorsque s’éteignit subitement le foyer, un hurlement de détresse s’éleva sous la voûte. Il résonna dans les rues de Middenheim, en y répandant la panique. Beaucoup croyaient, à raison, que c’était uniquement grâce à la protection d’Ulric que la cité avait résisté si longtemps. À présent, avec l’ennemi aux portes de Middenheim, la flamme s’était éteinte. Ce terrible présage intervenait au pire moment, et les défenseurs de la cité sentirent leur courage s’évanouir à mesure que se répandait la nouvelle.

Les personnes d’une nature plus sensible à la Magie sentirent une soudaine absence. C’était comme si un son s’était tu, un bruit de fond si familier qu’on ne le remarquait qu’une fois qu’il avait cessé. Aucun ne pouvait expliquer la signification de ce manque subit, mais tous sentirent comme un voile de ténèbres les recouvrir.

Plus bas, perché comme un vautour grotesque sur l’échafaudage skaven d’une arme à Malepierre, Kairos poussa un croassement triomphal. Se redressant de toute sa hauteur, le Démon agita ses mains en traçant d’étranges motifs dans l’air, et une lumière polychrome s’agrégeait autour de son sceptre tandis que son rituel d’invocation gagnait en puissance.

Kairos avait senti le pouvoir du dieu hivernal se disperser dans la brise, et sut qu’il était temps de frapper. Au-dessus de ses têtes, l’air semblait s’ouvrir et la réalité cria tandis qu’on la déchirait. Des rafales de Magie corruptrice soufflèrent en transportant des légions de Démons de Tzeentch tapageurs. L’Ost du Changement se rassembla devant son maître, ses effectifs ne cessant de croître en attendant le signal de Kairos d’attaquer la cité impériale.


Les hommes de Middenheim défendront la cité du Dieu Loup jusqu’à la mort !
Dans les tunnels du Fauschlag, les soldats de l’Empire serrèrent leurs armes en tentant de lutter contre leur peur subite et inexplicable. Des bruits funestes montaient des tunnels inférieurs, une agitation et un grattement qui s’amplifiaient. Dans la pénombre d’une demi-douzaine de corridors, les torches vacillantes des soldats reflétèrent soudain des centaines d’yeux rouges. Les Skavens se déversaient des ténèbres, une masse pépiante de pelage galeux, d’armures rouillées et de lames dentelées. Les hommes reculèrent instinctivement devant la marée nauséabonde qui se ruait sur eux.

Les Sergents donnèrent de la voix, forte dans le confinement des tunnels. Les arbalètes claquèrent sévèrement, projetant des volées de carreaux dans l’obscurité. À courte portée, dans un environnement si exigu, il était presque impossible de manquer sa cible. Du sang de vermine éclaboussa les parois tandis que les Skavens des premiers rangs étaient renversés. Leurs corps disparurent toutefois sous les pattes de ceux qui suivaient, et les vagues se rapprochaient des défenseurs.

Quelques soldats chanceux eurent le temps de lâcher une deuxième volée. Dans les galeries sous la bretèche nord, des tirs concentrés repoussèrent l’ennemi dans les profondeurs. Ailleurs, cependant, les combats se livraient au corps à corps. Des Skavens hurlants se jetaient contre les murs des boucliers impériaux, les museaux écrasés sous l’impact, les corps empalés sur les lances ou hachés par de lourdes hallebardes. Par endroits, les hommes-rats se précipitaient sur les boucliers des troupes régulières, le désespoir leur conférant assez de force pour griffer le visage des hommes abrités derrière. L’histoire se répétait partout. Hommes et Skavens s’affrontaient, jurant et crachant dans le froid confiné des tunnels. Le sang rendait la pierre glissante, et la pression des combats les faisait aller d’arrière en avant, mais les Skavens ne gagnaient guerre de terrain. Les cris de défi et les encouragements se mirent à emplir les tunnels tandis que les troupes impériales fraîches arrivèrent des réserves pour renforcer les lignes. La victoire semblait certaine dans cette première bataille de siège.

Martak n’en était toutefois pas sûr. Il avait remarqué l’absence des armes étranges que les Skavens avaient utilisées avec des effets si dévastateurs dans les rues d’Altdorf. À la réception des rapports, il comprit que ces forces n’étaient qu’un fétu de paille, la lie de l’armée skaven. Mais il n’était qu’un étranger à Middenheim, en dépit de sa naissance. Les officiers autour de lui l’ignoraient, mais le pouvoir d’Ulric s’était évanoui, et avec lui l’obstination et le courage que le dieu inspirait à son peuple. Ces gens avaient désespérément besoin d’une victoire pour ne pas fléchir. Martak perdit de longues minutes avec des officiers obtus qui prenaient ses considérations à la légère. Pendant ce temps, l’escalade se poursuivait, en drainant toujours plus de soldats.


Tandis que les combats faisaient rage dans les tunnels, la véritable attaque s’apprêtait à s’abattre ailleurs. En effet, telle une brume empoisonnée, des Coureurs d'Égouts glissaient à travers des tunnels secondaires. Une équipe avait été assignée à chaque bretèche, l’élite du Clan Eshin ayant pour ordre d’éviter à tout prix le contact de l’ennemi. Emmitouflés sous leurs capes noires, les Skavens furtifs portaient des bombes redoutables du Clan Skryre. Les gaz qu’elles contenaient avaient été testés par Ikit la Griffe en personne contre Karak Kadrin avec des effets mortels. Toutefois, un tel savoir avait tendance à échapper à son propriétaire, et la moitié des Technomages du clan connaissaient à présent la recette du chef Technomage.

Alors que se poursuivaient toujours les mêlées souterraines, et que la cité était en proie à la panique, les Coureurs d’Égouts pénétrèrent inaperçus par les trappes et les entrées dérobées dans les quatre bretèches. Ils réduisirent promptement au silence les quelques sentinelles qui relevèrent leur présence grâce à leurs poignards empoisonnés luisant dans l’obscurité. L’une après l’autre, les équipes furtives fixèrent leurs armes cruelles, puis leurs Skavens enfilèrent leurs masques et s’éloignèrent à bonne distance.

La technologie skaven était tout sauf fiable cependant. L’appareil installé au cœur de la bretèche sud crachota quelques étincelles avant de s’éteindre. La bombe sous le viaduc ouest connut également un dysfonctionnement, sa charge se déclenchant prématurément. L’explosion ébranla la bretèche au-dessus, jetant sa garnison au sol, mais elle consuma également le gaz qui aurait dû sceller le sort des humains. Toutefois, les dispositifs nord et est marchèrent à merveille. L’explosif brisa les sphères de cristal entourant chaque appareil et dispersa leur contenu par les escaliers jusque dans les pièces au-dessus. Les hommes de l’Empire poussèrent des cris d’alarme en voyant la brume verdâtre monter, mais ils s’étouffèrent vite tandis que leurs poumons s’emplissaient de pus. Le poison était si mortel que la plus légère inhalation tuait net. Les escaliers des bretèches se jonchèrent de corps tandis que les hommes se ruaient vers la source du désordre, prenant au piège ceux qui tentaient désespérément de fuir les étages.

Cela sera aussi un combat de Magie !
Dans ce tumulte accouraient les Coureurs d’Égouts, lançant des étoiles de jet sur les rares soldats qui avaient réchappé au gaz. Les tueurs masqués se déplacèrent furtivement dans la fumée verte jusqu’aux mécanismes des ponts-levis. Des cris résonnaient sur les remparts lorsque les ponts nord et est s’abattirent l’un après l’autre. Le fracas de chaque impact sonnait le glas des défenseurs horrifiés, tandis qu’en dessous, ces mêmes sons furent accueillis par des cris de guerre et le battement endiablé des tambours. De la fumée maladive s’échappait des fenêtres et des portes des deux bretèches endommagées alors que le poison se dissipait. Pourtant bien que les Middenlanders se fussent précipités dans le charnier de ces fortifications, il était déjà trop tard. Les mécanismes des ponts-levis avaient été sabotés, et les Coureurs d’Égouts s’étaient enfuis dans les tunnels pour éviter d’être capturés.

Les portes ouvertes en grand devant eux, les hordes d’Archaon se ruèrent sur les viaducs nord et est. Des cavaliers entonnant des chants guerriers menaient une charge au nord, précédant une marée vociférante de tueurs fous furieux. À l’est, les Démons de Tzeentch se déversaient vers la cité en un flot multicolore baigné par les flammes irisées du Chaos. En leur sein rôdait Kairos le Tisseur de Destins, les possibilités du passé et du futur tourbillonnant devant ses deux paires d’yeux étincelants.

Des défenseurs affolés accouraient sous les arches des bretèches pour bloquer leur accès, des rangs de troupes régulières formant une fine ligne à la fin de chaque voûte de pierre. Le long des remparts, des arbalètes et des arquebuses étaient levées, tandis que des trappes s’ouvraient aux emplacements des canons pour révéler les fûts d’armes prêtes à faire feu. Au nord et à l’est, les murs de Middenheim s’animèrent des gerbes de feu que les défenseurs lançaient aux assaillants. Carreaux, balles, boulets de canon et obus de mortiers se déchaînaient sur les attaquants qui investissaient les viaducs. Des Chevaliers du Chaos chutaient de leurs montures abattues, plongeant à bas des viaducs pour s’écraser sur la roche en contrebas. Des Nordiques mourraient en tas, fracassés par les boulets de canon qui tombaient parmi eux, et les obus de Mortier qui explosaient dans leurs rangs. Il volait du sang et de la chair, et des cris de défis se mêlaient aux hurlements de douleur.

Les défenseurs avaient toutefois été pris au dépourvu ; avec le massacre des hommes postés dans les bretèches, le barrage de tir était amoindri, et il avait fallu du temps pour réaffecter des troupes à la défense des murs. Pendant ce temps, les hordes d’Archaon étaient galvanisées en sachant que leurs dieux les observaient. Les Nordiques bravèrent le feu et la fureur, leurs haches levées, les yeux luisant de rage, et le nom de leurs dieux aux lèvres.

La situation était pire encore à l’est, car les serviteurs surnaturels de Tzeentch gambadaient sans se préoccuper du bombardement. Maintes Horreurs Roses caquetantes furent fendues par une épée ou une lance, tandis que çà et là, des Hurleurs étaient décrochés du ciel ou des Incendiaires explosèrent dans des gerbes d’étincelles. Les Démons avançaient néanmoins, piaillant de joie tandis qu’ils concentraient leur Magie.

Valten atteignit la ligne de défense nord à l’instant où les premiers adorateurs du Chaos traversaient le pont-levis. Éperonnant sa monture, le Héraut de Sigmar galvanisa les hommes qui l’entouraient. Les cris de guerre des Chevaliers du Chaos résonnèrent étrangement sous la voûte de la bretèche, en se mêlant au martellement des sabots de leurs destriers. Toutefois, la voix de Valten était plus forte et assurée. D’autres soldats étaient en route promettait-il. Ils seraient là d’une minute à l’autre.

Une nouvelle détermination irradiait des yeux des défenseurs lorsqu’ils verrouillèrent leurs boucliers et prirent leurs appuis. Juste après, les Chevaliers du Chaos percutèrent la ligne, leurs destriers caparaçonnés écrasèrent les humains et leurs lames ensorcelées taillèrent à travers le métal et la chair. Les lignes impériales furent ébranlées, reculèrent, mais ne cédèrent point. Des Sergents encourageaient leurs hommes, les exhortant à tenir et riposter. Les lances piquaient, leurs pointes ricochaient la plupart du temps sur les armures baroques du Chaos, mais elles trouvaient parfois une faille et s’enfonçaient dans la chair en dessous.

Pendant un moment, le combat fut indécis. Puis, dans le battement de ses ailes de jais, une silhouette bestiale se posa sur le parapet en haut de la bretèche. Crachotant des syllabes de langue noire par ses lèvres déformées, Malagor libéra sa Magie sauvage sur les défenseurs terrifiés. Les hommes s’effondrèrent, se tortillant tandis que leur chair prenait une nouvelle forme. Quelques instants plus tard, ceux qui furent de fiers soldats de l’Empire étaient réduits à des bêtes contrefaites.

Alors que se relâchaient les défenses du viaduc, davantage d’adorateurs du Chaos franchissaient le pont-levis pour se ruer au combat. Valten pressa sa monture en avant, et fit des ravages avec Ghal Maraz, mais la situation était mauvaise. Surclassées en force et en effectifs, assaillies par le désespoir, les troupes régulières tournèrent les talons. En un instant, la mêlée se changea en boucherie. Des cris d’effroi résonnèrent sous la voûte des remparts tandis que les forces du Chaos massacraient les humains. Valten résistait néanmoins, chaque coup de son marteau projetant des ennemis dans les airs, qui rebondissaient ensuite, brisés, sur les parois de pierre. Des Chevaliers du Chaos éperonnaient leurs montures dans la direction du Héraut, lames au clair. Valten catapulta les Nordiques de leur selle, et extermina tous ceux qui se présentaient à lui. Ghal Maraz s’abattait encore et encore, tel une comète dorée qui brisait crânes et armures. Tandis qu’il se battait, Valten semblait nimbé d’un halo doré qui repoussait les adorateurs des Dieux Sombres et les aveuglait. Voyant ses derniers soldats parvenir à s’échapper, il profita de l’instant pour se replier lui aussi, cédant à regret la bretèche nord à l’ennemi.

Les choses avaient encore empiré à l’est. Du feu démoniaque balayait les défenseurs, en laissant des tas de braises et de sculptures de chair corrompue dans leur sillage. Le combat progressait de rue en rue, les défenseurs tentant désespérément de réunir leurs forces et d’établir une nouvelle ligne de bataille. Valten était partout à la fois. Il chargeait ici, ralliait des hommes en déroute là. Où qu’apparaissait le Héraut de Sigmar, la détermination des défenseurs était restaurée. Les Chevaliers du Loup Blanc dévalèrent les rues pavées au galop, leurs marteaux fracassant des tribus de Nordiques saccageurs. Les canons et les École Impériale d'Artillerie#Les Canons à Répétition Feu d'Enfer|Tonnerre de Feu grondaient tandis qu’ils nettoyaient sans relâche les cours et les jonctions de toute présence ennemie. Les Capitaines de Middenheim aboyaient leurs ordres à des Lanciers de Talabheim et des Hallebardiers du Reikland, les vieilles inimitiés oubliées tandis que les hommes de l’Empire luttaient bec et ongles pour survivre. Et le flot d’ennemis ne tarissait point.

Ses pires soupçons confirmés, Gregor Martak s’était précipité à la surface. Sur son chemin, le Patriarche Suprême mobilisa les réserves de troupes régulières en attente dans les salles souterraines. Ces hommes seraient peu utiles face aux forces de diversion Skavens, pensa-t-il, alors que le véritable ennemi envahissait la cité.

Au départ, la décision de Martak parut à la fois courageuse et sensée. La silhouette sauvage du Patriarche Suprême à leur tête, les soldats surgirent dans les rues pour repousser l’avant-garde du Chaos. Des traits d’ambre renversaient des Massacreurs de leurs montures avec la force d’une baliste, tandis que hallebardes et arbalètes fauchaient des dizaines de barbares du nord.

Malheureusement pour les défenseurs, il ne restait plus que de maigres forces lorsqu’une nouvelle nuée de Skavens jaillit des tunnels. Le grand Seigneur de Guerre Skrazslik libérait son élite à présent. Des vagues de Vermines de Choc et de Rats-Ogres en armure, avec des Lance-Feu en guise de bras, balayèrent les troupes régulières des tunnels et assiégèrent les bretèches restantes par en dessous. Des centaines d’hommes-rats suivirent les forces de Martak dans les rues, leur tombèrent dessus par-derrière et les fauchèrent.

Lorsque Martak réalisa son erreur, il était trop tard. Pestant contre sa naïveté, le Patriarche Suprême fut contraint d’enrôler tous les hommes qu’il pouvait afin de former de nouvelles lignes de défense près du cœur de la cité. Isolées, les garnisons des dernières bretèches luttaient avec la fureur du désespoir. Toutefois, assaillies par les armes de jets et la sorcellerie depuis l’extérieur, ainsi que par les décharges de Malefoudre de l’intérieur, elles ne pouvaient pas tenir éternellement. Bientôt, les derniers ponts-levis s’abattirent, laissant une horde de Nordiques investir la cité du Loup Blanc.


Des vagues de Vermines de Choc balayèrent les troupes régulières des tunnels.
Reculant prudemment parmi ses forces élimées, Martak vit la horde se déverser dans sa direction sur la Mandredstrasse. Les armes tonnaient autour de lui, les bannières flottaient courageusement au-dessus de sa tête, et sa propre Magie perforait les rangs adverses de traits d’ambre. L’ennemi avançait malgré tout, en chantant la gloire des Dieux du Chaos tandis qu’il se rapprochait des lignes impériales. Pendant un instant, Martak ferma les yeux de tristesse. C’est alors qu’il sentit quelque chose en son for intérieur, une froide lumière éclore derrière ses paupières et emplir son esprit. Il entendit le hurlement distant des loups affamés, et distingua devant lui un vieillard voûté. Ses yeux brillant telle la glace sous ses sourcils broussailleux, sa barbe mêlée de givre, la dernière étincelle de ce qui avait été Ulric posa une main sur l’épaule de Gregor Martak.

Sans un mot, le dieu déversa ses ultimes forces dans l’enveloppe charnelle du Sorcier. À cet instant, Martak posséda tout le savoir d’Ulric. Le dieu cherchait une dernière chance de vaincre ses ennemis, et vit en Martak une amertume sauvage qui lui correspondait. C’était un étranger, un guerrier de la nature, un fils de Middenheim dont Ulric pouvait utiliser les pouvoirs, une arme taillée pour un dieu.

Les soldats autour de Martak s’alarmèrent tandis que la température chutait brutalement. Du givre craquelait sur les pavés à leurs pieds, et leur respiration laissait apparaître des panaches à cause du froid. Martak ouvrit alors ses yeux, révélant les iris ambrés d’un loup. Alors que les adorateurs du Chaos chargeaient vers lui, le Sorcier leva ses mains, un sourire de prédateur aux lèvres. Il grogna une série de syllabes, et subitement, une bourrasque de blizzard souffla devant lui. Elle engloutit les premiers rangs de la horde, les figeant comme des statues de glace. Puis Martak frappa sourdement dans ses mains, et ses victimes éclatèrent en une tempête d’échardes tranchantes. Des centaines d’ennemis périrent dans cette tornade de givre ; Hommes-Bêtes, Skavens et Guerriers du Chaos lacérés sans discrimination. La Mandredstrasse fut instantanément bloquée par un mur de glace dentelé, et d’autres ennemis moururent pressés contre la masse acérée par ceux qui se ruaient à leur suite.

Aussi miraculeuse qu’avait été l’intervention d’Ulric, elle n’était qu’un sursis, pas une victoire. Martak, imprégné du pouvoir et de la confiance d’un dieu, se retourna vers ses troupes stupéfaites et ordonna un repli. Il leur fallait retrouver Valten et le reste des défenseurs devant le Temple d’Ulric. De là, jura-t-il, ils repousseraient les envahisseurs hors de la cité du Loup Blanc une fois pour toutes.

Le Baroud Final de Middenheim

Les Défenseurs de Middenheim

L’armée qui assure la défense de Middenheim comprend non seulement la garnison officielle de la cité, mais aussi des troupes régulières désœuvrées issues de toutes les provinces de l’Empire. Au cours de la retraite sanglante des remparts, ses effectifs ont été décimés. Mais elle représente encore une force avec laquelle il faut compter, une armée unie dont les origines n’ont plus d’importance.

Valten, Héraut de Sigmar
Gregor Martak, Patriarche Suprême des Collèges de Magie
La Confrérie Leuférin

Valten, Héraut de Sigmar
Les années de guerre ont transformé Valten. L’humble forgeron qui a pris les armes au Bastion Doré n’est plus, laissant place à un meneur digne et charismatique. Valten n’a pas choisi d’être le Héraut de Sigmar, on l’a propulsé à ce rôle. Néanmoins, il a ramassé le gant que le destin lui a jeté. Désormais, il brandit Ghal Maraz avec la bénédiction de l’Empereur, et commande une armée de suivants dévoués ; il est un fanal d’espoir en cette heure sombre. Valten a promis qu’il défendrait Middenheim contre la horde d’Archaon. En vérité, il espère se débarrasser définitivement du Roi aux Trois Yeux, et renvoyer son ost dans les Désolations du Chaos.

Axel Weissberg, Grand Maître des Chevaliers du Loup Blanc

Gregor Martak, Patriarche Suprême des Collèges de Magie
Gregor Martak n’a pas ménagé sa peine pour défendre l’Empire. Ces années de deuil et d’épreuve ont érodé son esprit. Or, la dernière étincelle de pouvoir d’un dieu brille à présent dans son cœur. Martak brûle d’un feu froid, et ses pensées font écho au hurlement de défi des loups de l’hiver. La seule chose dont il est sûr, c’était qu’il défendra Middenheim jusqu’à son dernier souffle, et fera payer le prix du sang à l’ennemi pour avoir apporté une telle ruine à l’Empire.

La Brigade Mort-l’Hiver
Les Guerriers d’Ulric

Axel Weissberg, Grand Maître des Chevaliers du Loup Blanc
Guerrier au tempérament ardent et vétéran de maintes campagnes, Axel Weissberg n’a aucune patience envers les idiots. Et donc, quand le Graf Todbringer a fait part de son intention de poursuivre Khazrak le Borgne, Weissberg a apostrophé son maître en des termes assez fleuris. Son manque de tact lui a valu une féroce réprimande, et il a été sommé de rester dans l’enceinte de la cité et de suivre les ordres de Valten à la lettre. Weissberg obéit, mais avec l’enthousiasme d’un ours vexé.

Les Lames Vengeresses

La Confrérie Leuférin
Boris Todbringer a emmené beaucoup de Chevaliers du Loup Blanc avec lui pour traquer Khazrak. Cependant, la Confrérie Leuférin est restée en garnison, et montre une ardeur inextinguible à défendre sa cité. Alors que les combats font rage dans les rues de Middenheim, les Leuférin enchaînent les charges dévastatrices. Souvent considérés comme les plus intenables des chevaliers de la cité, leur sauvagerie était devenue leur meilleur atout, leur permettant d’égaler la férocité des Nordiques et de leur rendre coup pour coup.

La Brigade Mort-l’Hiver
La Cité du Loup Blanc est réputée produire des hommes braves, obstinés et combatifs. Même si le pouvoir de leur dieu et leur courage a décliné, les troupes régulières de la garnison de Middenheim donneraient tout pour leur cité. La Brigade Mord-l’Hiver est emblématique des robustes combattants qui défendent Middenheim contre la horde d’Archaon. Préférant la fiabilité et la tradition, ils sont armés de hallebardes, et leur détachement de lourdes arbalètes. Ces deux armes associent simplicité et brutalité, de quoi abattre un Homme-Bête d’un seul coup.

Les Guerriers d’Ulric
Au cours des jours sombres de la Fin des Temps, des bandes de milices citoyennes, baptisées les Guerriers d’Ulric, sont venues gonfler les rangs de Middenheim. Ces unités ont leurs propres bannières cousues main, et des chefs choisis en leur sein. Malgré un entraînement militaire rudimentaire, les irréguliers de la Wulfenplatz et les Défenseurs de la Drakwald sont déterminés à rejeter les adorateurs du Chaos dans leurs terres sauvages.

Les Lames Vengeresses
Initialement appelés les Épées du Soleil, ces épéistes sont des survivants du sac de Talabheim. Ils se rebaptisèrent les Lames Vengeresses en honneur de la seule cause qu’il leur restait. Tout en se taillant un chemin vers Middenheim à travers l’Empire agonisant, la compagnie joignit ses forces à celles des réfugiés de diverses provinces. Ces heures sinistres firent oublier les vieilles rivalités. Les soldats, et d’autres compagnies comme la leur, ne cherchent plus qu’à exercer leur vengeance sur ceux qui leur ont pris leurs foyers, leurs familles et leurs espoirs.


Les Défenseurs de Middenheim

Valten, Héraut de Sigmar

Gregor Martak,
Patriarche Suprême
des Collèges de Magie
Seigneur Sorcier de Bataille

Axel Weissberg, Grand Maître
des Chevaliers du Loup Blanc
Grand Maître

La Confrérie Leuférin
Trois régiments de Chevaliers du
Loup Blanc, dont un régiment du
Cercle Intérieur

L’Union de Middenheim
Trois régiments de Hallebardiers
(les Bras de Fer, les Pertuisanes
de Peltzer et la Brigade Mord-
l’Hiver), soutenus chacun par un
détachement d’Arbalétriers

Les Guerriers d’Ulric
Deux régiments de Milice
des Franches Compagnies (les
Irréguliers de la Wulfenplatz et
les Défenseurs de la Drakwald)

Les Dépossédés
Compagnie de Lanciers d’Averland
(le 33e Chanceux)
Compagnie de Hallebardiers
d’Averland (les Héros de Griff)
Compagnie d’Épéistes du Reikland
(les Épées de la Peine)
Compagnie d’Arquebusiers
d’Ostermark (les Vengeurs du
Nordberg), soutenue par un
détachement d’Arbalétriers
Compagnie de Chasseurs
du Stirland (les Valets de la Mort)
Compagnie d’Épéistes de Talabheim
(les Lames Vengeresses)
Compagnie de Lanciers de
Talabheim (la Brigade Caldera)
Compagnie d’Épéistes d’Altdorf
(la Garde de Portegrise)

Les Canons Défiants
Trois batteries de Grand Canons,
deux batteries de Mortiers, une
batterie de Canons Feu d’Enfer et un
train de Batteries Tonnerre de Feu

Les Derniers Croyants
Une pléthore de Flagellants

Les Fidèles de Middenheim
Douze régiments de Troupes
Régulières

L’Armée de l’Annihilation

Le gigantisme de la force d’Archaon est ahurissant. L’armée noircit la terre par son nombre. En fait, cette horde est si vaste qu’une fraction de sa puissance suffirait à mettre Middenheim à genoux. Au-dessus de la masse se tient l’Élu lui-même, dont la volonté de fer et l’absence de remords aiguillonnent ses serviteurs.

Archaon l’Élu des Dieux, le Roi aux Trois Yeux, Seigneur de la Fin des Temps
Kairos le Tisseur de Destins

Archaon l’Élu des Dieux, le Roi aux Trois Yeux, Seigneur de la Fin des Temps
Archaon a voué sa vie à la destruction du frêle Empire. Il a signé des pactes impies avec des entités démoniaques d’une puissance incommensurable, perdu le compte des chefs de guerre qu’il a écrasés, et accompli toute une succession de sombres quêtes afin de recevoir l’onction des dieux. Sa croisade sanguinaire a enfin amené le monde au bord de l’abîme du néant, et l’Élu des Dieux est déterminé à porter le coup de grâce de sa propre main. Archaon a déjà sacrifié les vies de milliers de ses suivants, et en immolerait volontiers encore davantage pour parvenir à ses fins. Il va balayer les défenseurs de Middenheim dans une houle de feu et de sang, massacrer tous ceux qui se dresseront sur son chemin et broyer l’Empire de Sigmar sous son talon de fer.

Malagor Mauvais-Présage
Grand Seigneur Skrazslik

Kairos le Tisseur de Destins
Manipulateur suprême des fils de la destinée, Kairos vise à entremêler ses propres desseins avec ceux d’Archaon. Le Duc du Changement comprend mieux que quiconque l’importance de cette cité, car il peut voir évoluer tous les futurs possibles dans le kaléidoscope du temps. Le Démon sait que vaincre à Middenheim est vital pour l’accomplissement des plans des dieux eux-mêmes, et il est volontaire pour être l’instrument de cette victoire. En vérité, Kairos favorise la conquête de l’Élu des Dieux uniquement parce que cela sert ses propres buts.

Darkh’dwel
Les Épées du Chaos

Malagor Mauvais-Présage
Malagor a passé de longues années dans l’ombre, œuvrant sans relâche à la ruine de l’Empire. Désormais, à l’aube de la Fin des Temps, il ressent une tension démentielle bouillonner dans son sang, qui abolit toute rationalité. Le temps de la discrétion et de l’obscurité est révolu. Trop souvent les armées de Middenheim ont déboulé dans la Drakwald pour massacrer les hardes de Malagor et déjouer ses plans. Le Père Corbeau va finalement faire tâter de sa fureur à Middenheim, à cet imposant bastion de l’ordre qui se dresse depuis trop longtemps contre le chaos des bois sauvages.

Grand Seigneur Skrazslik
Lorsqu’on lui a assigné le commandement du siège de Middenheim, Skrazslik a humé un complot contre sa personne. Toutefois, il n’est pas parvenu à esquiver cet honneur, car c’est le Seigneur Morskittar en personne qui le lui a fait. Depuis qu’il a reçu cette promotion douteuse, Skrazslik vit chaque jour en craignant pour sa vie. Or, si ses rivaux ont prévu quelque attentat, ils ont trop attendu : le Seigneur de Guerre suffisant se considère désormais comme la griffe droite de l’Élu des Dieux.

Darkh’dwel
Le Grand Seigneur Skrazslik ignore que sa bonne fortune est due à la présence d’un protecteur. Une entité furtive suit chacun de ses pas - un Verminarque Manipulateur qui poursuit ses propres buts. Afin de s’approcher de sa véritable cible, il s’est attaché à Skrazslik et a déjoué plusieurs tentatives d’assassinat. Le Verminarque estime que le Seigneur de Guerre présente la meilleure chance de plonger la cité dans l’anarchie. Or, avec la venue d’Archaon, les portes de Middenheim sont grand ouvertes, et les rues sont la proie des combats et des flammes. Darkh’dwel n’a plus besoin de Skrazslik et l’abandonne donc à son sort, pour accomplir sa mission première.

Les Épées du Chaos
Ce grand rassemblement de Chevaliers du Chaosétait déjà la bande de loyaux suivants d’Archaon bien avant le règne de Karl Franz. Chacun d’eux avait sa propre sinistre saga, car c’étaient tous de puissants Champions du Chaos avant même de s’acoquiner avec l’Élu des Dieux. Pourtant, l’autorité qu’a Archaon sur les Épées du Chaos est absolue : même le plus éminent d’entre eux exauce la volonté de son maître tacitement et inconditionnellement. En fait, certains baignent depuis si longtemps dans le magma de la volonté de l’Élu des Dieux qu’ils ont totalement perdu leur propre arbitre, et ne sont plus guère que des automates. Ces guerriers serviles n’en sont pas moins dangereux, et prélèvent des tributs sanglants à l’épée comme à la lance.


L’Armée de l’Annihilation

Archaon l’Élu des Dieux
le Roi aux Trois Yeux
Seigneur de la Fin des Temps

Kairos le Tisseur de Destins

Malagor Mauvais-Présage

Grand Seigneur Skrazslik
Seigneur de Guerre Skaven

Darkh’dwel
Verminarque Manipulateur

Les Épées du Chaos
Une formidable bande de Chevaliers
du Chaos

Les Poings des Dieux
Une bande d’Élus
(les Promis à la Gloire)
Trois bandes de Guerriers du Chaos
(les Bourreaux d’Halfgir,
les Fils du Massacre
et les Dévots de Tchar)
Une bande de Dragons-Ogres

Les Tribus des Terres du Nord
Deux bandes de Maraudeurs
du Chaos (les Skullfists
et les Ensanglantés d’Aenar)
Une bande de Cavaliers Maraudeurs
(les Sabots-Tonnerre d’Oleg)
Une meute de Chiens du Chaos

Les Bêtes de la Drakwald
Une harde de Minotaures
(les Goinfre-Sang)
Une harde de Bestigors
(les Carnes de Ruine)
Deux hardes de Gors
(les Cornus et les Sauvageons)
Une harde d’Ungors (les Vils)
Une harde de Centigors
(le Régal Rouge)

Les Porteurs du Changement
de Tzeentch
Deux convocations d’Horreurs
Roses
, trois bandes de Hurleurs
et deux cortèges d’Incendiaires

La Horde des Monstres
Une Carnabrute, un Ghorgon
et une foule d’Enfants du Chaos

La Meute de Skrazslik
Une griffe de Vermines de Choc,
deux griffes de Guerriers des Clans,
une griffe de Malebrutes, deux
équipes de Coureurs d'Égouts et
deux légions d’Esclaves Skavens



Temple d’Ulric était un imposant édifice de granit et de marne blanche, orné d’innombrables représentations de loups et de l’hiver. La décoration du bâtiment se complétait de gravures et de statues figurant la victoire d’Ulric sur le Wyrm de sang, son entrée dans la crypte des tempêtes et bien d’autres actes légendaires.

Dominant les quartiers environnants, le temple constituait un point de ralliement exaltant et facile à situer. Les hommes qui suivirent Martak au pied du temple semblèrent effectivement tirer courage de la présence monumentale, solide et calme des lieux, chose pour laquelle le Sorcier rendit grâce. La structure centrale du temple supportait un haut dôme de pierre sur ses larges épaules, et les ailes est et ouest encadraient un vaste parvis pavé. Valten avait consolidé ces bâtiments en plaçant des garnisons de troupes régulières dans les cloîtres et les préaux. L’édifice n’était pas une véritable forteresse, mais Martak vit qu’en déployant une telle défense dans le temple, Valten s’était assuré que les flancs et les arrières de son armée seraient bien protégés.

Une volée de larges marches de pierre menait à la grande entrée en arche du temple, et à ses pieds se massait le gros des défenseurs survivants de Middenheim. Des rangs abondants de troupes régulières s’étiraient le long du côté nord du parvis, la ligne venant s’ancrer sur les ailes du bâtiment. L’est était gardé par les hommes de l’Averland, de l’Ostermark et du Reikland. À l’ouest, les Talabheimers se tenaient épaule contre épaule avec les soldats d’Altdorf et du Stirland. Le centre était défendu par les compagnies de Middenheim, hallebardes et arbalètes prêtes pour la bataille. Derrière elles attendaient les survivants des Chevaliers du Loup Blanc, menés fièrement par leur Grand Maître impétueux Axel Weissberg.

Plus en arrière, déployées en haut des marches du temple, Martak vit les derniers canons de la grande batterie de Middenheim. Comme les soldats qu’il avait amenés avec lui se hâtaient de rejoindre les lignes de l’Empire, Martak prit place à côté de Valten, au milieu des Middenheimers. Le Héraut de Sigmar observa son allié d’un air soupçonneux, conscient qu’un changement s’était opéré en lui, mais s’abstint de le questionner. Il préféra révéler son plan de bataille, aussi simple que désespéré.

Les défenseurs comptaient sur leur position dominante au sommet de l’Ulricsberg, couplée à leurs hauts remparts et guérites, pour tenir l’ennemi en échec pendant des semaines, voire des mois. Si Archaon pouvait être retardé, cela laisserait à l’Empereur et ses alliés le temps de réunir leurs forces à Averheim et de tenter une nouvelle offensive. Peut-être même pourraient-ils lever le siège de Middenheim. Or, l’ennemi avait franchi les murs bien plus tôt que les officiers les plus pessimistes l’avaient imaginé. Encerclés, écrasés par le nombre et dénués de tout espoir de s’échapper, les défenseurs de Middenheim n’avaient jamais été dans une position aussi délicate.

Pourtant, Valten avait une foi absolue en Sigmar et en Ulric. Si Archaon lui-même pouvait être forcé d’entrer en lice sous les yeux des principaux dieux de l’Empire, Valten était certain qu’en tant que Héraut de Sigmar, il pourrait défier l’Élu et l’abattre. Une telle victoire aurait raison de la cohésion de la horde du Chaos, ne laissant qu’une foule décapitée qui aurait tôt fait de s’entre-déchirer. Même si Valten, Martak et jusqu’au dernier de leurs suivants tombaient en ce jour, la mort d’Archaon justifiait leur sacrifice et offrait à l’Empereur une chance de reconquérir son domaine. Ainsi, les défenseurs de Middenheim étaient déployés en une ligne résolue devant le Temple d’Ulric, et attendaient que leurs ennemis viennent à eux.

Les Hommes-Bêtes formaient une vaste harde, mais ils chargèrent seuls. Sans appui ni couvert, ils furent taillée en lambeaux.
Les assaillants ne tardèrent pas à les satisfaire. Ce furent d’abord quelques bandes, puis des flots de guerriers qui vinrent se rassembler le long du côté sud du parvis. Des Nordiques en armure noire ânonnaient et beuglaient en battant leurs boucliers avec leurs armes pour créer une terrible clameur de métal. Les tambours résonnaient. Des Démons caquetaient des menaces joviales dans une langue d’outre-monde. Des Hommes-Bêtes rejetaient la tête en arrière et bramaient des cris de guerre sanguinaires. Mais bien que leur nombre crût à chaque seconde, les suivants d’Archaon n’attaquaient pas.

Des estafettes se frayaient un chemin dans les lignes impériales pour porter des messages de l’intérieur du temple à Valten. Des hommes-rats couraient dans les rues, feintant et se retirant sans cesse. Les sergents qui commandaient la garnison improvisée se disaient capables de s’en occuper, ce qui n’empêcha pas les soupçons de Valten de s’aggraver. C’était comme si l’ennemi se retenait, comme s’il attendait quelque chose.

Soudain, une silhouette ténébreuse, fragmentée, tournoyant au-dessus des lignes du Chaos, se détacha contre le ciel d’orage. Un battement d’ailes annonça l’arrivée de Malagor. Pris par la folie de l’instant, le Père Corbeau plongea sur les forces impériales. À l’avant de la horde du Chaos, les Hommes-Bêtes rompirent les rangs et chargèrent à sa suite en une masse désordonnée, en braillant et en brandissant leurs haches.

C’était comme si un sort venait d’être rompu. On donna des ordres le long de la ligne de bataille de l’Empire. Cors et tambours retentirent, et le rugissement de l’artillerie couvrit le cliquetis des arbalètes de Middenheim.

Les Hommes-Bêtes formaient une vaste harde, mais ils chargèrent seuls. Derrière eux, le reste de la horde ne bougea pas, maintenue en place par une volonté qui la dépassait. Sans appui ni couvert, la charge des Hommes-Bêtes fut taillée en lambeaux. Les volées de carreaux frappèrent l’avant des assaillants, renversant les chèvre-pieds dans un concert de cris effarés. Les boulets de Mortier et les roquettes éclataient au milieu de la masse, faisant voler les corps brisés. Un boulet de canon sifflant vint arracher la tête d’un immense Ghorgon. L’horreur à quatre bras tituba encore quelques pas tandis que son sang jaillissait de son cou en une fontaine répugnante. Sa carcasse finit par s’écraser au sol, en broyant plusieurs Ungors malchanceux.

Malagor était vaguement conscient que les siens se faisaient massacrer, mais n’en avait cure. Le Mauvais-Présage avait perdu trop de temps à planifier et à comploter. Il ne souhaitait plus désormais que tuer, les forces tourbillonnant au-dessus de Middenheim faisant remonter ses plus bas instincts à la surface. Malgré tout, il ne pouvait pas affronter une armée à lui seul. Malagor scruta l’ennemi et porta rapidement son attention à l’artillerie de l’Empire. Sa colère avait trouvé une cible à sa mesure.

Le Chaman attaqua sous la forme d’une volée de corbeaux aux yeux injectés de sang et aux serres acérées. Les artilleurs hurlèrent de peur quand Malagor fondit sur eux, lacérant la chair et arrachant des yeux. Un coup de tonnerre claqua dans les cieux, et le Père Corbeau retrouva son apparence en haut des marches. Il leva la main et dessina des signes occultes dans l’air. De sombres vrilles jaillirent des doigts du Chaman et transformèrent les servants les plus proches en cadavres desséchés.

Malagor n’attendit pas que les corps aient roulé au bas des marches pour s’éclipser dans un froissement d’ailes. Le Père Corbeau réapparut derrière les Chevaliers du Loup Blanc, et les ténèbres grandirent sous les sabots de leurs destriers. Une fosse s’ouvrit en grand dans un grondement sifflant, et avala ceux qui n’eurent pas le réflexe de s’écarter. Le Chaman insaisissable s’envola à nouveau.

La forme de Malagor se solidifia une troisième fois, perchée telle une gargouille grotesque sur le tympan du temple. Le Père Corbeau observa le désordre que ses attaques avaient causé, le feu étouffé de l’artillerie permettant à la charge des Hommes-Bêtes de parvenir au contact. À l’ouest, les Centigors du Régal Rouge échangeaient des coups avec des Épéistes et des Lanciers. À l’est, les Sauvageons et les Carnes de Ruine étaient eux aussi en mêlée. Et au centre, les Minotaures faisaient couler un bain de sang parmi les Middenheimers en livrées blanc et bleu. La harde était toujours en sous nombre, mais elle était prise par la jubilation du massacre, et ses chances étaient bien meilleures au corps à corps qu’à distance.

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Malagor Mauvais-Présage chercha une autre proie.
Le Chaman chercha une autre proie, et s’arrêta sur une bande de Miliciens qui courait renforcer les compagnies à l’est. Mais tout à coup, Malagor sentit une montée de puissance mystique en contrebas. Le Père Corbeau tenta de se disperser une fois encore, mais c’était trop tard. On lança quelque chose d’en bas, une grande lance d’ambre aiguisé enchâssé dans une gangue de glace dentelée. Elle transperça le cœur de sa forme corvidée, et cent gorges croassèrent de douleur. Malagor eut une horrible convulsion comme il était rétabli dans son enveloppe originelle. Un sang noir bouillonna à ses lèvres, et ses mains griffaient inutilement la lance magique plantée dans sa poitrine. Il regarda en bas et vit Gregor Martak qui le toisait triomphalement. Puis sa peau noircit sous la morsure du froid et son sang se mua en neige fondue. Malagor chut alors de son perchoir. Il heurta les pavés avec un bruit répugnant, répandant son ichor qui dessina les ailes d’un corbeau de cauchemar.

Pendant ce temps, les Hommes-Bêtes luttaient frénétiquement pour leurs vies. Les haches tailladaient et démembraient, les têtes cornues cassaient des dents et fendaient des crânes, les sabots piétinaient et brisaient pieds et genoux. La soldatesque de l’Empire répliquait en poussant vers l’avant, les hallebardes tranchant le cuir et les épées éventrant et décapitant. À l’est et à l’ouest, les Hommes-Bêtes étaient condamnés ; l’élan de leur charge était épuisé et les effectifs impériaux commençaient à peser. Au centre, néanmoins, les Minotaures ravageaient tout. Leurs armes taillaient des hommes en deux, ou les envoyaient valser comme des poupées disloquées. Rendus fous par la soif de sang, les monstres enfonçaient la ligne de l’Empire et menaçaient les réserves.

Subitement, Valten était sur eux. Son destrier l’avait porté dans le flanc des Minotaures ; il menait les Pertuisanes de Peltzer, qui poussèrent un cri de guerre provocateur en chargeant. Les Minotaures, obnubilés par leur boucherie, ne prirent conscience du danger que lorsque Ghal Maraz broya la tête d’une première bête. Les autres se tournèrent alors pour faire face à ce nouvel adversaire, mais le Héraut de Sigmar était implacable. Valten esquiva un coup de hache tout en ramenant son marteau. Celui-ci percuta la mâchoire de son assaillant, soulevant le Minotaure du sol dans une gerbe de sang et de fragments de dents. Deux autres bêtes périrent juste après. L’une tomba à genoux, le cuir lacéré par les fers de hallebarde. L’autre prit Ghal Maraz de plein fouet, et sa tête alla rouler sur les pavés une dizaine de mètres plus loin.

Sur ce, les derniers Hommes-Bêtes détalèrent. Ils ne firent pas plus de vingt pas avant que des carreaux d’arbalètes viennent se planter dans leur échine et les jettent sur le pavé, morts. Valten reprit calmement sa place au côté de Martak. Ce faisant il éleva la voix, et ses mots encourageants se répercutèrent le long de la ligne de l’Empire. Les dos se redressèrent, les boucliers se verrouillèrent en signe de défi et le cœur des hommes se gonfla de fierté. De l’autre côté du parvis, les légions du Chaos hurlaient et grondaient, mais le message était clair : il faudrait beaucoup plus que de la sauvagerie et de la Magie impie pour vaincre les défenseurs de Middenheim en ce jour.


La horde avait atteint des proportions immenses, formant une houle d’armures noires et de bannières en loques qui s’étirait dans la pénombre. Sa scansion avait atteint un paroxysme enfiévré, telle une onde de syllabes torturées qui imprégnait l’atmosphère. Les voix tonitruantes se mêlaient à l’orage pour créer une cacophonie apocalyptique. Les hommes de l’Empire se regardèrent ; des mains aux articulations blanches serraient des armes moites de sueur. Les guerriers de la Brigade Mord-l’Hiver et de la Garde de Portegrise entonnèrent leurs chants, afin de masquer leur peur sous la crânerie.

La foudre illumina le ciel, et l’armée d’Archaon devint brusquement silencieuse. L’océan du grand ost s’ouvrit alors. Guerriers en armure, barbares tatoués et Démons criaillants s’écartèrent pour former un large corridor. Au bout de celui-ci, avançant au pas, venaient les Épées du Chaos. À leur tête approchait une figure de terreur absolue, l’incarnation de toutes les peurs des hommes de l’Empire.

Le sol se tordait sous les sabots de Dorghar, et des étincelles montaient paresseusement des fissures dans la pierre. Les yeux de la bête rougeoyaient et ses dents mâchaient nerveusement son mors de fer. Mais la menace innée de la monture n’était rien comparée à celle de son cavalier. L’Élu des Dieux était plus grand et plus large que les guerriers massifs qui chevauchaient à ses côtés, pourtant sa prestance n’était pas seulement physique. L’air vibrait autour de lui, et le poids de sa présence faisait baisser la tête aux Guerriers du Chaos. Quant aux hommes de l’Empire, ils tremblaient de frayeur.

Archaon fit halte dans un tonnerre de sabots, et balaya l’armée adverse de son regard insensible. Les défenseurs de Middenheim eurent alors le sentiment que tout espoir était perdu. Les nuages s’assombrirent encore, formant un plafond oppressant qui s’abaissait à vue d’œil. Les ombres s’allongèrent et se tortillèrent d’un air menaçant. Les armes des défenseurs se firent plus pesantes comme un abattement funeste s’insinuait dans leurs cœurs pour étouffer leur bravoure et dérober leurs forces. Le Seigneur de la Fin des Temps était venu prendre leurs vies. Quelle raison y avait-il à résister ?

Martak sentit le désespoir accabler son esprit. La parcelle divine d’Ulric protesta dans sa poitrine, mais que pouvait la fureur de l’hiver face à une haine si puissante qu’elle pouvait défaire le monde ?

Le Sorcier lâcha prise momentanément, et son bâton manqua de peu de lui glisser des doigts. Puis la voix de Valten retentit fort et clair.

« Hommes de l’Empire. Cet ennemi vous a tant pris. Vos foyers. Vos proches. Mais il ne peut pas vous prendre votre espoir, il ne peut pas vous prendre votre foi. Vous êtes sous le regard d’Ulric et de Sigmar, et je vous dis que nous pouvons encore gagner, ici et maintenant. Devant vous se tient l’architecte de tous vos malheurs, qui croit que sa venue vous découragera. Mais l’heure du désespoir n’est pas encore là, mes frères. C’est l’heure de la colère ! L’heure de la haine ! Hommes de l’Empire, c’est l’heure de la vengeance ! »

Alors que Valten ponctuait sa harangue d’un cri puissant, Martak crut voir les nuages s’ouvrir un instant et un halo de lumière dorée danser sur la tête du Héraut. Le Patriarche Suprême sentit une espérance fulminante lui soulever la poitrine, attisant les braises de son courage en un feu rageur. Il rugit alors de défi, et les défenseurs de Middenheim tout autour firent de même. Le cri monta jusqu’aux nuées de tempête, et Martak ressentit la joie féroce d’Ulric.

Les acclamations des soldats de l’Empire moururent sous un nouveau barrage d’éclairs et de tonnerre. L’Élu des Dieux tira son Épée-Démon et la brandit bien haut tandis que Dorghar se cabrait. Puis la lame d’Archaon s’abaissa. Avec un grondement à faire trembler le Fauschlag, l’armée du Chaos chargea.

Les Épées du Chaos s’élancèrent, le reste de la horde déferlant sur leurs flancs. Les guerriers en armure noire fonçaient éperdument sur l’ennemi. Des Nordiques couraient parmi eux. Des meutes de chiens aboyaient en brûlant le pavé, et des Démons dansaient dans leur sillage. Sur le flanc est de l’ost, une énorme Carnabrute se ruait en avant, escortée par des Enfants du Chaos criaillant et gesticulant autour de sa masse. À la suite de cette première vague venaient d’autres Nordiques, encore et encore, en une avalanche vouée à ensevelir les défenseurs sous les corps.

Juste au moment où la horde barbare fut à portée, les canons de l’Empire ouvrirent le feu. Les Mortiers grondèrent, les canons tonnèrent et les Feux d’Enfer crépitèrent. Un régiment de Guerriers du Chaos subit un bombardement de roquettes Tonnerre de Feu, dont les explosions les taillèrent en pièces. Les Maraudeurs furent fauchés par les boulets de canons. Les volées de carreaux d’arbalète criblaient la chair, et jetaient au sol des coursiers hennissants. Les Horreurs Roses se fendaient en bleues pleurantes dans une pluie de grains de Magie. Mais ce n’étaient que des gouttes dans un océan.

La horde du Chaos s’abattit ; la Brigade Mord-l’Hiver et les Bras de Fer serrèrent les dents en se préparant au choc de la charge. Au centre de la ligne, Gregor Martak unit sa puissance à celle d’Ulric. Le Patriarche Suprême s’éleva du sol dans un vortex blanc en rugissant des mots de pouvoirs acérés. Un blizzard de silhouettes verglacées - des corbeaux au plumage de neige, aux becs et aux serres de glace enchantée - saillit de ses mains. Le sort, qui visait Archaon lui-même, cingla les Épées du Chaos de toute sa fureur. Maints chevaliers aux marquages runiques vidèrent les étriers, mais l’Élu en sortit indemne.

Le Tisseur de Destins assistait au spectacle satisfaisant des Épées du Chaos heurtant le centre de l’armée adverse dans un énorme fracas. L’impact renversa des soldats glapissants, les lames ensorcelées fendirent les plastrons et tranchèrent des têtes. Comme le carnage s’intensifiait, le Démon tourna ses deux têtes vers le flanc ouest. Sa vue mystique, habituellement une tapisserie mouvante de futurs potentiels, lui offrait une vision cristallisée d’une victoire quasi certaine. Cela confirmait ses prédictions à l’Élu, qui l’avait chargé d’écraser cette partie de la ligne impériale, tandis qu’Archaon enfoncerait le centre.

D’un cri strident, Kairos envoya son ost démoniaque dans la mêlée.
D’un cri strident, le Duc du Changement envoya son ost démoniaque dans la mêlée. Les Horreurs s’agitèrent en caquetant des mots de pouvoirs afin de surpasser leurs voisines par la complexité de leur incantation. La Magie bouillait dans l’air, disloquait les hommes ou les faisait se consumer de l’intérieur. Chaque flamboiement de sorcellerie peignait les murs du Temple d’Ulric d’éclaboussures lumineuses aux couleurs vives. Sur le flanc ouest des impériaux, une batterie de roquettes explosa dans un mugissement à l’haleine de soufre. Les soldats hurlaient comme leur peau prenait feu, et couraient en tous sens. Les armes se tordaient, transmutées en plomb mou ou en chair hululante.

Les cortèges d’Incendiaires impatients bondirent au-dessus des Horreurs. Les Stirlanders des Valets de la Mort en criblèrent plusieurs de flèches, mais les survivants atterrirent tout près. Des langues de feu se déversèrent des embouts de leurs bras et de leurs gueules béantes. Les jets ardents percèrent les rangs de l’Empire, réduisant les hommes en cendres ou à l’état de mutant piaillant. Les Hurleurs de Tzeentch fondirent en rase-mottes sur la Brigade Caldera pour décapiter des lanciers avec leurs ailes coupantes. Kairos marchait au milieu de la pagaille en projetant des éclairs avec son bâton. Les Lames Vengeresses de Talabheim ne reculèrent pas malgré les flammes, et encourageaient même les hommes autour d’eux. Les tambours battaient. Les ordres sonnaient. Les troupes assiégées perdaient quand même rapidement du terrain.

Le centre n’était plus que folie. La charge des Épées du Chaos avait broyé les premiers rangs, mais sous le regard vigilant de Valten, les hommes de Middenheim tinrent bon. Les Flagellants des Derniers Croyants chargèrent dans la mêlée et firent reculer l’ennemi. Toutefois, il y avait toujours plus de Nordiques pour pousser en avant. Au milieu de ce terrible creuset de violence, tout n’était que corps oppressés, coups de poignards, haleine fétide, sueur et gerbes de sang.

Gregor Martak n’avait pas le temps de faire le point de l’ensemble de la bataille, mais il perçut le pic de déchaînement de Magie à l’ouest. Il concentra ses pouvoirs et projeta un vol de choucas de glace sur les Nordiques devant lui. Les barbares firent quelques pas en arrière, offrant à Martak les secondes requises pour s’extraire du combat. Les troupes régulières refermèrent les rangs, et soudain le Sorcier eut le temps de souffler. En regardant à l’ouest, il écarquilla les yeux d’effroi à la vue du brasier conjuré par les Démons. Il devait intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Valten devrait affronter seul Archaon, mais si quelqu’un pouvait gagner cette bataille, c’était bien le Héraut de Sigmar.


Tandis que Martak se rendait vers l’ouest, Valten combattait tel un héros de légende. Les cercles dorés de la comète Ghal Maraz fracassaient les Chevaliers du Chaos sur sa trajectoire. Or, malgré tous ses efforts, Valten ne parvenait pas jusqu’à Archaon. Il pouvait voir l’Élu à travers la cohue de la bataille, en train de se tailler un chemin sanguinolent dans la Brigade Mord-l’Hiver. Néanmoins, chaque fois que Valten tentait d’éperonner son destrier vers Archaon, d’autres ennemis se jetaient sur sa route pour le prestige de prendre son crâne.

À l’arrière, le Grand Maître Weissberg cracha sur les pavés et souleva son marteau. Voilà ce qui se passait quand on laissait la Cité du Loup Blanc entre les mains d’une lavette vaniteuse du sud, pensa-t-il amèrement. C’en était trop. Des fantassins fuyaient le combat en débordant sur le passage de ses chevaliers, mais les Middenheimers ne reculaient pas. Eux ne se dérobaient pas devant les sacrifices nécessaires.

Les musiciens jouèrent du cor et un hurlement mélancolique monta comme la Confrérie Leuférin chargeait. Les Arbalétriers en fuite glapirent de panique. Ceux qui ne s’écartèrent pas à temps agitèrent vainement les bras avant d’être piétinés. Les Chevaliers du Loup Blanc hurlèrent à nouveau en heurtant l’ennemi. La ligne du Chaos vacilla quand les Leuférin refoulèrent les Épées du Chaos. Les marteaux enfonçaient les plastrons et aplatissaient les heaumes. Les lames ensorcelées déchiraient les armures de plates, ou se fichaient dans des visages déformés par la rage. Les destriers caparaçonnés se percutaient, cabraient de frayeur, brisant des membres et broyant les hommes à terre. Weissberg balançait férocement son propre marteau à deux mains, fracturant des os et fendant des crânes à chaque coup.

Tout autre adversaire aurait paniqué et fui face à une contre-charge aussi brutale. Cependant, la volonté d’Archaon était impérative, et les Épées du Chaos ne cédèrent pas.


À l’est, les hommes d’Averland et d’Ostermark cédaient du terrain face à la Carnabrute.
À l’ouest, Martak finit par atteindre la zone menacée par les Démons. Sans perdre de temps, et sans ménagement, il se fraya un chemin parmi les troupes régulières, tout en puisant dans les Vents de Magie. Il pouvait sentir le pouvoir d’Ulric s’étioler, et exhorta l’étincelle divine à subsister encore un peu. Cela déclencha un nouvel accès d’indignation, et Martak grimaça involontairement quand le Dieu de l’Hiver colérique rassembla ses forces.

Il se retrouva soudain au premier rang des Lames Vengeresses, et au beau milieu d’un enfer. Des hommes terrorisés s’égosillaient autour de lui, le corps et l’âme dévorés par les flammes du changement. Des Démons sautillaient et papillotaient au-delà du feu, tout droit sortis d’un sermon eschatologique.

Martak écarta les bras. Une vague de froid glacial déferla sur la ligne de bataille, éteignant les feux de Tzeentch dans l’instant. Le Patriarche Suprême grogna comme le courroux de la nature s’emparait de lui, en même temps que son corps gonflait de puissance sous l’effet de la Magie de Wyssan. Martak beugla une incantation ; les mots de pouvoir fendirent ses lèvres et les firent saigner. Il décocha des lances d’ambre gelé, qui empalèrent des files entières de Démons et congelèrent sur place les corps fongiformes. Les Lames Vengeresses l’ovationnèrent en voyant tant d’ennemis bannis en clin d’œil. Martak rejeta la tête en arrière et son cri se mêla à celui d’Ulric. Le son se réverbéra sur les murs du temple, couvrant même la clameur de la bataille. Les soldats se joignirent à son rugissement, et chargèrent comme un seul homme. Le chœur des Horreurs hulula en une parodie moqueuse du cri de guerre impérial, et se jeta à son tour au combat.

Les armes mordaient dans la chair, les monstruosités meuglaient de fureur et les hommes braillaient de défi. Le sol était si poisseux de sang que les guerriers glissaient par terre, et se faisaient piétiner à mort sur-le-champ. Les forces de l’Empire redoublaient de vaillance à l’ouest, et faisaient reculer les Démons. À l’est, les hommes d’Averland et d’Ostermark cédaient du terrain face à la Carnabrute et aux Élus des Promis à la Gloire. Les servants d’artillerie maintenaient leur barrage à coups de tirs paraboliques dans les hordes par-delà la mêlée.

Puis, entre deux canonnades, les artilleurs entendirent des bribes de bruits qui les emplirent d’effroi. Dans leur dos, à l’intérieur du temple, provinrent des éclats de voix et le heurt des armes. Ils étaient mêlés au claquement d’une fusillade, et à de terribles piaulements.

Les servants affolés essayèrent de faire pivoter leurs canons. Ils furent gênés par la débandade soudaine de soldats ensanglantés et noirs de suie tandis que les survivants de la garnison affluaient par l’entrée du temple. Les artilleurs bousculés jurèrent et se retrouvèrent sans défense lorsque d’énormes Rats-Ogres en armure surgirent du bâtiment. Les Malebrutes s’alignèrent en haut des marches et braquèrent leurs armes. Un moment, on n’entendit plus que la plainte de l’enclenchement des tubes des canons Ratling. Un servant eut le temps de murmurer une prière à Sigmar, le cœur battant. Puis un ouragan de balles s’abattit sur les marches, fauchant fuyards et servants.

Le sang gicla, les corps tressautèrent et dansèrent dans la grêle de tirs. Les châssis furent réduits en brindilles. Même les fûts des canons forgés à Nuln furent perforés. Les barils de poudre explosèrent en une série de basses vociférations et pulvérisèrent la batterie de l’Empire. Les Rats-Ogres pris dans l’onde de choc périrent dans l’opération, mais ce n’était pas une grave perte, car une nouvelle vague d’hommes-rats sauta par-dessus les épaves en feu. Vermines de Choc et Rats des Clans inondèrent les marches, sous les ordres du Grand Seigneur Skrazslik à l’abri dans leurs rangs.

Les explosions firent se retourner Valten, qui fut sidéré par la ruée d’un nouvel ennemi sur les arrières exposés de sa force. Il hésita pendant de précieuses secondes, redevenant le forgeron ingénu qu’il était jadis. L’Élu des Dieux semait la ruine à l’avant, déterminé à faire plier les hommes de Middenheim et à couper l’armée de l’Empire en deux. Au même moment, les Skavens le poignardaient dans le dos. Si on ne s’occupait pas d’eux, ils pourraient éreinter n’importe quel pan de la ligne de bataille de Valten. Le bon choix n’existait pas dans une situation aussi mal engagée.

Valten se décida : il fit volter son destrier et fendit la mêlée vers l’arrière. Les Skavens étaient une menace qu’il fallait régler en priorité, sous peine de causer une confusion irrémédiable. Il allait les écraser promptement, et espérait que ses suivants pourraient retenir la horde du Chaos le temps qu’il revienne pour vaincre l’Élu en personne. En chemin, il cria à Weissberg de tenir la ligne, sans attendre la réponse bourrue du Grand Maître.

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Quand Valten vit Archaon se ruer vers lui au milieu de la déroute, il serra les dents.
Au même instant, sur le flanc ouest, Gregor Martak se trouva face à face avec Kairos. Le Démon bicéphale, qui riait follement, jeta une boule de feu droit au visage de Martak. Le Sorcier répliqua en créant un contre-sort pour souffler les flammes. Il envoya au Démon une décharge du pouvoir d’Ulric, un blizzard d’ailes de glace. Le rire du Démon se tut comme il produisait un enchantement hâtif, qui fit imploser le sort hivernal. Kairos émit un croassement courroucé, et tenta de déchirer la réalité pour exiler son adversaire dans le Royaume du Chaos. Martak contra à nouveau, son étincelle divine dissipant le sortilège impie par sa puissance brute. Kairos piailla, avec un semblant de panique.

Martak se fendit en avant et lacéra la poitrine du Démon avec des griffes éthériques. Kairos saignait des bouffées de Magie, et asséna un grand coup de bâton, réalisant trop tard que l’intervention d’Ulric avait fait dévier le cours du destin. Martak saisit la perche à mi-course. Le pouvoir d’Ulric noircissait les bras de Kairos, le froid piquant commençait à décomposer la chair surnaturelle du Démon. Celui-ci battit des ailes et s’envola pour s’arracher à l’emprise de ce sauvage adversaire, avant de disparaître du champ de bataille dans un nuage d’étincelles chatoyantes.

Les soldats qui virent le départ de Kairos crièrent de joie, et les suivants de Martak renouvelèrent leurs efforts contre l’ost démoniaque. Néanmoins, au centre, les hommes de Middenheim étaient sur le point de flancher. Les Hallebardiers continuaient de taillader et d’assommer leurs adversaires, mais ils étaient prêts de l’épuisement.


Sentant qu’il ne manquait pas grand-chose pour que l’ennemi perde tout moral, Archaon faucha les soldats qui lui barraient la route et fonça sur Axel Weissberg. Le Grand Maître vit l’Élu des Dieux approcher, et son expression se figea dans une mine déterminée. Comme Archaon galopait sur lui, Weissberg fit exécuter un vif pas de côté à son destrier. Il mit tout le poids de son corps dans son coup de marteau, tel un bûcheron voulant abattre un arbre.

L’attaque était puissante, et aurait suffi à désarçonner tout autre adversaire. La force monstrueuse d’Archaon lui permit d’encaisser le coup avec son bouclier ; l’impact tintant manqua de peu de faire tomber l’arme des mains de Weissberg. Le Grand Maître recula, préparant un nouveau moulinet. L’Élu ne lui en laissa pas l’opportunité. Les épaules d’Archaon pivotèrent et la Tueuse de Rois fendit l’air. La lame trancha plates, mailles, chair et os, sectionnant le bras de Weissberg au-dessus du coude. Le vieux guerrier rugit de douleur et sous l’effet du choc, un court instant seulement. Le second coup d’Archaon transperça le pectoral de Weissberg, ses entrailles et ses reins. Archaon empoigna le manche de son épée à deux mains et poussa la Tueuse de Rois vers le haut, ouvrant le torse d’Axel Weissberg dans une cascade de viscères.

Cette mort était horrible, comme le souhaitait Archaon. Les hommes aspergés du sang de Weissberg criaient de désarroi. La panique se propagea comme un feu de forêt parmi les Middenheimers, attisée par la progression implacable des Épées du Chaos. Les soldats étaient piétinés et égorgés comme du bétail, les bannières de Middenheim glissaient de doigts découragés. Un instant le centre de la ligne des défenseurs était un rempart de guerriers soumis à rude épreuve ; le suivant, il s’effondra en une foule braillante d’hommes terrifiés. Archaon continua à travers la masse démente, ignorant les ennemis en fuite. Il avait brisé l’armée adverse. C’était au tour de son chef, le prétendu Héraut de Sigmar.


Pendant ce temps, Valten pilonnait les Skavens qui s’en prenaient aux arrières de son armée. Le soudain assaut du Héraut bloqua les hommes-rats au pied des marches du temple. Les troupes régulières piquaient les Rats des Clans de leurs lances, et les hallebardes défonçaient les armures des Vermines de Choc. Les Skavens ripostaient éperdument en poignardant, en griffant et en mordant. Valten enfonçait le front skaven comme un bélier de siège. Il fit peu de cas des coups paniqués des gardes du corps de Skrazslik et, avec un cri féroce, abattit Ghal Maraz sur la tête du Seigneur de Guerre. Celui-ci chercha à s’échapper, en vain. Les os craquèrent et le sang gicla comme son éminence le Grand Seigneur Skrazslik était réduit en pulpe.

Les pertes skavens s’aggravant, ils vacillèrent, puis cédèrent. L’Élu des Dieux leur avait garanti que leur rôle dans la bataille serait facile : attendre que l’ennemi soit distrait, submerger la garnison du temple, puis prendre l’ennemi à revers. Privés de chef, ensanglantés et affrontant un adversaire qui n’avait plus rien à perdre, les Skavens optèrent pour la fuite. Mais quand bien même les hommes-rats refluaient par l’escalier du temple, ils avaient accompli leur mission. Archaon escomptait qu’ils meurent, et avait sacrifié leurs vies juste pour s’assurer que ses propres forces prennent le dessus un peu plus tôt, et avec encore plus de facilité.

Valten fit demi-tour à temps pour assister au massacre de ses hommes. Des poignées de défenseurs continuaient le combat, et ses forces tenaient encore sur les flancs, mais la ligne était rompue. Un dernier espoir de victoire demeurait, et quand Valten vit Archaon se ruer vers lui au milieu de la déroute, il serra les dents. Ainsi venait la brute au heaume d’or, à l’armure baroque et la lame sanglante qu’il devait vaincre - Valten avait été élevé dans ce but. C’était son heure, et il agrippa fermement Ghal Maraz en s’apprêtant à affronter l’Élu.

Ainsi venait la brute au heaume d’or, à l’armure baroque et la lame sanglante qu’il devait vaincre - Valten avait été élevé dans ce but. C’était son heure, et il agrippa fermement Ghal Maraz en s’apprêtant à affronter l’Élu.

Archaon meugla des insultes et des menaces en fonçant sur Valten. Il venait d’écraser l’armée du Héraut de Sigmar, prouvant que celui-ci était aussi indigne de commander que l’Empereur qu’il servait. Il allait parachever l’humiliation de ce parvenu. U’zuhl, le Démon emprisonné dans la lame d’Archaon, grogna pour qu’on le libère, mais l’Élu l’éconduit. C’était un combat qu’il devait gagner grâce à sa propre force, non en empruntant la puissance d’un autre.

Cette lutte de volontés momentanée offrit une brève ouverture à Valten, qui l’exploita pleinement. Il talonna son cheval en balançant Ghal Maraz de toutes ses forces. Archaon reçut le coup sur son bouclier comme avec Weissberg. Cette fois le pavois bardé de cuivre fut cabossé par le choc, et le Roi aux Trois Yeux fut ébranlé sur sa selle. Valten enchaîna avec une autre attaque qui plongea sur le casque d’Archaon. L’Élu para avec la Tueuse de Rois, et des étincelles jaillirent quand les armes se heurtèrent.

Le bruit de la collision couvrit le tumulte d’un champ de bataille qui avait tourné à la boucherie. Les cris des mourants et le grondement du tonnerre furent occultés par l’achoppement des pouvoirs de Sigmar et des Dieux Sombres.

Valten, résolu à presser son avantage, tenta de porter un troisième coup, mais c’était sans compter sur Dorghar. Le destrier-démon se jeta sur le cheval de Valten et lui planta ses crocs dans la gorge, avant de lui déchirer le gosier. Valten jura lorsque sa monture trébucha, tandis que les yeux de la pauvre bête se révulsaient. Le Héraut de Sigmar eut à peine le temps de se dégager. Il atterrit durement sur les marches du temple alors que son cheval s’écroulait et que Dorghar le piétinait sadiquement de ses sabots enflammés.

Archaon éperonna à nouveau sa monture, et se pencha pour épingler Valten dans la pierre. L’Épée-Démon rencontra le manche de Ghal Maraz, et le Héraut de Sigmar bondit sur ses pieds. La riposte de Valten cingla le flanc de Dorghar, laissant un enfoncement sanglant dans ses côtes et faisant hennir de douleur la bête démoniaque. Indigné, Archaon abattit sa lame sur Valten, encore et encore. Le Héraut de Sigmar bloqua le premier coup, puis esquiva le deuxième. Le troisième entailla son épaule. Valten se rétablit, en martelant le bouclier de l’Élu, mais la réplique d’Archaon ouvrit une brèche sanguinolente dans le plastron de Valten.

Le Héraut de Sigmar tituba un moment, et il sembla qu’il allait tomber. Mais une fois encore, les témoins de ce combat désespéré crurent voir une lumière dorée éclore autour de lui. Une énergie renouvelée afflua dans les membres de Valten : il se reprit, planta ses pieds au sol et se mit en garde en prévision du prochain assaut de l’Élu. Archaon, pour sa part, leva bien haut la Tueuse de Rois, afin de mettre un terme définitif à la bravade de Valten.


Gregor Martak sentit quelque chose de terrible qui amalgamait les Vents de Magie, une présence malfaisante qui devenait plus forte à chaque seconde. Il se fraya un chemin vers la source, à travers la bousculade des soldats démoralisés, et vit Archaon se dresser au-dessus de Valten.

Il observa un instant ce tableau figé : le Héraut de Sigmar résolument debout sur les marches du Temple d’Ulric, le Seigneur de la Fin des Temps levant son épée pour l’abattre. Une portion de l’esprit de Martak cherchait toujours l’origine de la menace magique. Mais sa rationalité se fit ensevelir sous l’avalanche de fureur d’Ulric lorsque l’étincelle divine en lui vit l’Élu profaner l’entrée de son propre temple.

« Halte-là, servant de la ruine ! » rugit Martak, dont le timbre s’entremêlait avec la voix tonnante d’Ulric. « Ceci est ma cité. Tu ne la souilleras plus de ta présence méphitique ! »

Archaon ignora le Sorcier et asséna un autre violent coup de taille à son adversaire ; le Héraut de Sigmar fut renversé sur les marches.

Ce fut alors que, du coin de l’œil, Martak vit se solidifier les ombres dans la porte du temple. Une anomalie se concentra en ce point, un mal ancien qui surgit de la trame même du monde.

L’espace vide fut remplacé par une chose volumineuse et vermineuse. Les yeux de Martak se fixèrent sur une lame étrange.

« Valten ! Derrière vous ! » Son alerte sembla lui coller à la langue comme de la mélasse, avec la lenteur terrifiante d’un cauchemar. Le Héraut de Sigmar commença à se tourner tout en se relevant. Martak prépara un sort. Tous deux se mouvaient lentement, beaucoup trop lentement.

La lame triple du Verminarque siffla dans l’air en s’envolant, et atteignit Valten au cou. La noble tête du Héraut de Sigmar se détacha proprement de ses épaules, les yeux grand ouverts de stupeur.

Le cri d’horreur de Martak se mêla au rugissement de colère d’Archaon comme le corps sans vie de Valten s’affaissait sur les marches. Une voix bruissante vint des ombres, évoquant la ruée de myriades de rats.

« Ainsi meurent ceux qui osent défier le Rat Cornu ! »



Le triomphe du Roi aux Trois Yeux
Les autres paroles du Verminarque se perdirent dans un barrage d’échardes d’ambre et de glace. Martak ne réalisa pas tout de suite que c’était lui qui avait lancé le sort ; le vent gelé avait couvert l’escalier du temple d’un manteau de givre. Mais le rat-démon n’était déjà plus là, avalé par un vortex d’ombre et ne laissant derrière lui qu’un rire moqueur dans la brise.

Martak fut assommé quand l’ampleur de son échec le heurta de plein fouet. Valten était mort, et lui, Patriarche Suprême des Collèges de Magie, hôte de la dernière étincelle du pouvoir divin d’Ulric, avait été incapable de l’éviter. Autour de lui, les défenseurs de Middenheim, assaillis de toutes parts, se faisaient massacrer. Les Guerriers du Chaos terrassaient des hommes terrifiés, tranchant têtes et membres en scandant des louanges aux Dieux Sombres. Des créatures mutantes tanguaient dans le carnage, saisissant les hommes en uniforme de leurs tentacules pour les écharper ou les fourrer encore criants dans des gueules démesurées et hérissées de crocs. Les lourds javelots nordiques harponnaient les fuyards. Les nuages se déchiraient sous l’effet des éclairs surnaturels incessants que les convocations de Démons lançaient en ricanant. La Magie de Tzeentch écroula une portion du dôme du temple dans un fracas explosif, et mit le feu aux toits de la cité en deuil.

Malgré toutes ces atrocités, les pensées de Martak étaient fixées sur Archaon. La cité était peut-être perdue, mais s’il pouvait tuer le Seigneur de la Fin des Temps, tous ces sacrifices n’auraient pas été vains. Il puisa dans les dernières réserves de pouvoir d’Ulric, et jeta un grand trait d’ambre et de glace sur Archaon. L’Œil de Sheerian étincela sur le front de l’Élu, et par un réflexe impossible, il dévia la lance d’un coup d’épée.

Martak jetait déjà un autre trait, puis un autre. En lançant les projectiles magiques il poussa un cri inarticulé et déchirant de tristesse et de déni. Pourtant Archaon se rapprochait graduellement, les sorts de Martak se brisant contre son bouclier ou contre son armure ornementée. Les sabots de Dorghar arrachaient des étincelles à la pierre à chaque impact qui menaçait de renverser la monture. Mais Archaon avançait toujours.

L’Élu dominait Martak, et le Patriarche Suprême sentit le regard affamé des Dieux Sombres sur lui. C’était un poids terrible, écrasant, qui le mit à genoux. Pourtant le fragment d’Ulric se rebellait. Martak leva une main tremblante et conjura les prémices d’une tempête d’échardes de glace. Le pouvoir d’Ulric hurla à travers lui une dernière fois - une douleur froide, aiguë. Il s’y accrocha avec le désespoir de l’homme qui se noie à un morceau de bois dérivant. Tressaillant, les yeux luisant de blanc et la peau craquelée de givre, Gregor Martak se remit sur ses pieds. Ce faisant, la tornade de glace gagna en force et se forma devant ses doigts écartés. Des corneilles de glace craillèrent dans le vortex, tournoyant les unes autour des autres dans un cyclone de serres de glace et d’ailes blanches effilées.

Dorghar se cabra et frappa l’air frénétiquement quand le sort se manifesta. Archaon se contenta d’armer son épée. Poussant un cri frissonnant, Martak déchaîna son ultime sortilège. Toute la puissance restante d’Ulric propulsa le blizzard pour éviscérer l’Élu des Dieux avec un million d’échardes acérées. Le souffle rugissant engloutit Archaon, martelant son corps armuré et déchirant sa cape. L’Élu disparut complètement au milieu du maelstrom, enveloppé par un tourbillon de formes croassantes et de lames de glace qui aurait déchiqueté un régiment entier de guerriers de rang inférieur. Or, Archaon était sous la coupe de quatre dieux aux pouvoirs ascendants, des entités d’une puissance infinie. Martak, lui, n’abritait la dernière fraction que d’un seul. Le Sorcier exulta une seconde, avant que l’Élu émerge du vortex, qui mourut dans son sillage.

Archaon rit - un grondement mordant qui étouffa le râle de frustration de Martak. Trop exténué pour tenter un autre sort, Gregor Martak tira une dague de sa ceinture et se jeta sur l’Élu des Dieux. Dorghar rua et le désarma, brisant le poignet du Sorcier dans un craquement sec. Alors que Martak titubait en arrière, Archaon se fendit et enfonça son épée dans la poitrine de son adversaire. Il l’en ôta presque distraitement ; du sang chaud s’écoulait de la blessure comme le Patriarche Suprême tombait à genoux. Martak jeta une dernière malédiction en crachant du sang et en fixant l’Élu des Dieux avec des yeux remplis de haine. En guise de réponse, Archaon abattit à nouveau sa lame et trancha la tête du Sorcier d’un seul coup. Le corps décapité de Martak s’effondra sur le ventre - un cadavre de plus parmi les autres, innombrables. Archaon brandit bien haut la Tueuse de Rois, avec un rugissement bestial et triomphant, sur fond de barrage d’éclairs explosant dans les cieux.

L’armée qui s’était dressée avec Valten contre la horde de l’Élu n’était plus, les défenseurs étaient morts ou fuyaient dans les rues en bandes désorganisées. Les héros qui avaient érigé ce vaillant rempart avaient été tués jusqu’au dernier ; leurs espoirs de victoire n’étaient plus que cendres dans la brise. Middenheim, la vieille Cité du Loup Blanc, était tombée.


Au cœur de la Sylvanie, dominant un paysage de désolation, se dressait la Pyramide Noire de Nagash. Elle baignait dans un marais de Magie de mort, l’énergie de Shyish formant un grand lac parsemé de tourbillons autour des flancs de l’édifice. Dans les tréfonds de la structure, le tissu bruissait contre la pierre comme Arkhan déambulait dans la pénombre. Il s’approcha de son maître endormi avec une précaution qui devait davantage à la révérence qu’à l’appréhension.

Le liche perçut une onde de Magie de mort courir contre les murs de la chambre, et affluer en vagues glaciales dans l’imposant sarcophage de Nagash. Des flammèches d’un vert éthéré illuminèrent les ténèbres, et fixèrent Arkhan d’un regard froid.

« Mon Seigneur, » commença le liche, « nous avons reçu des nouvelles du nord. L’Élu des Dieux est en marche. Middenheim est tombée. »

Le silence s’étira après que les ombres mouvantes eurent avalé les échos des paroles d’Arkhan. Quand vint la réponse de Nagash, elle roula comme le tonnerre.

« JE L’AI SENTI. LE DIEU DE L’HIVER N’EST PLUS, SON ESSENCE S’EST ÉVANOUIE AU-DELÀ DE MA PORTÉE. »

Arkhan inclina la tête avec solennité. « Cela fait un dieu de moins pour défier votre suprématie, Seigneur. »

Une fois encore, le silence tomba sur Arkhan comme la poussière, pendant de longues minutes. La patience du liche était infinie, il aurait pu rester agenouillé pour l’éternité si tel était le souhait de son maître. Toutefois, il commença à soupçonner qu’on lui avait donné congé. Mais comme Arkhan se levait pour se retirer, la voix de stentor de Nagash fit à nouveau trembler la chambre.

« LES CHOSES ÉVOLUENT VITE. LES DIEUX DU CHAOS CRAIGNENT MON POUVOIR. VA. LÈVE DAVANTAGE DE GUERRIERS POUR MES OSTS. LA BATAILLE FINALE APPROCHE, ARKHAN. »

Ayant reçu ses ordres, le liche se hâta hors de la chambre de son maître. Une bataille à nulle autre pareille se profilait, et à l’issue de celle-ci, il ne resterait plus que Nagash, ultime dieu régnant sur le monde des morts.



La Cité du Loup Blanc était en ruines.
La Cité du Loup Blanc était en ruines. La nouvelle de la tragédie se transmit par les Familiers de Sorciers, le bouche-à-oreille ou des messagers atterrés. À Averheim, des éclaireurs annoncèrent la chute de Middenheim directement à l’Empereur, qui leur fit jurer de tenir la chose secrète. On confia l’information à une poignée de fidèles conseillers, car si la population d’Averheim l’apprenait, le peu d’espoir qui lui restait serait anéanti.

Sous les frondaisons d’Athel Loren, l’annonce de la perte de Middenheim fut accueillie tièdement. Naieth la Prophétesse avait vu les dernières heures tragiques de la cité. Mais les problèmes des hommes n’étaient pas ceux des Elfes, encore moins en désespoir de cause. Seule Lileath perçut le sens profond de la destruction de Middenheim, et même ainsi elle ne se soucia que de l’implication de Teclis. Les Nains, quant à eux, ignoraient presque tout de la chute de la cité du nord. Et même si la nouvelle était parvenue jusque dans leurs enclaves de plus en plus réduites, ils ne s’en seraient pas préoccupés. La destruction d’une cité humaine, même aussi grande que Middenheim, n’était rien comparée à la perte de leurs anciens Karaks. Quoi qu’il en fût, aucun de ceux qui eurent vent de cette hécatombe n’avait ni le pouvoir, ni les forces suffisantes pour châtier les violateurs de Middenheim.

Suite au massacre perpétré par Archaon et son armée, les derniers défenseurs de Middenheim s’étaient dispersés. Certains avaient été coupés du gros des troupes du temple, livrant leurs propres escarmouches contre les bandes qui envahissaient les rues. D’autres avaient survécu à la bataille en s’échappant par les rues attenantes. Quelques-uns s’étaient cachés dans les souterrains, ou avaient tenté leur chance le long des viaducs. D’autres encore se terrèrent dans les structures les mieux défendables de la cité, en fortifiant des bâtiments comme la Trésorerie, la Tour des Loups et la Brasserie.

Ces choix ne firent que retarder l’échéance. Les troupes régulières qui tentèrent de partir en combattant furent emportées par des flots d’ennemis. La plupart furent hachés menu, ou sautèrent du haut des viaducs pour s’abîmer sur les rochers loin en contrebas. Ceux qui s’abritèrent dans les tunnels se perdirent dans les ténèbres gelées du Fauschlag. Leur sort fut des plus horribles : ils finirent dévorés par les nuées de Skavens qui hantaient encore le dédale. Ceux qui voulurent rester dans l’enceinte de la cité souffrirent encore plus, encerclés et assiégés dans les prisons vides de provisions dans lesquelles ils s’étaient eux-mêmes enfermés. Ceux qui ne furent pas délogés ou brûlés vifs succombèrent bientôt à la maladie ou au découragement.

Middenheim appartenait désormais aux Dieux Sombres. Les cieux bouillonnaient toujours de démence, déchirés par une tempête perpétuelle. La fureur du maelstrom céleste n’avait d’égal que les dévastations sur la terre ferme. Les corps étaient empilés en montagnes de charogne dont la hauteur rivalisait avec celle des remparts, et enflammés sans cérémonie. Les Nordiques pillaient à loisir, et des bagarres éclataient pour accaparer les plus beaux butins. Aux premiers jours après la chute de la cité, la guerre intestine menaçait entre les plus grandes bandes du Chaos. Archaon laissa un temps les hostilités s’exprimer, ce qui permit à ses sujets d’éliminer les plus faibles en leur sein. Le troisième jour, sachant pleinement que certains ignoreraient son ordre, l’Élu des Dieux décréta que ces querelles devaient cesser. Le quatrième, il lâcha les Épées du Chaos dans les rues, avec la consigne d’écraser tous les réfractaires. Rares furent ceux qui osèrent s’opposer aux commandements d’Archaon après cela.

Les marques des Dieux Sombres étaient partout. Elles étaient peintes sur les murs, barbouillées avec du sang et des pigments magiques. On brûlait des cercles rituels pour décorer les cours ou les volées de marches devant les bâtiments publics. On en gravait dans la chair pourrissante des myriades de morts. Middenheim n’avait pas seulement été mise à sac, on l’avait profanée. Des siècles d’ordre furent annihilés en quelques jours, remplacés par le Chaos hurlant. L’ancien bastion d’espoir était à présent un symbole des horreurs qui attendaient le reste de l’Empire.

Des pieux de fer noir plantés au-dessus des guérites de la cité étaient ornés des corps des Leuférin. Les Démons de Kairos infestaient les quartiers extérieurs, resculptant rues et bâtiments en formes aliénées. La plupart des édifices avaient été rasés ou transformés en sanctuaires des Dieux Sombres. D’autres avaient été revendiqués par les chefs nordiques. Des étendards miteux claquaient en haut de toits crevés, ne laissant aucun doute quant aux propriétaires.

L’armée d’Archaon était si vaste que la cité conquise ne pouvait contenir qu’une fraction de ses effectifs. Le campement principal avait été dressé hors les murs - un océan houleux d’anarchie qui s’étendait à des milles autour des pieds du Fauschlag. La lisière de la Drakwald avait encore reculé, après qu’on eut coupé ou arraché d’innombrables arbres pour alimenter les feux de camp. Ces foyers emplissaient l’air de braises et de l’odeur âcre du feu de bois et de la chair brûlée. L’ost cantonné était composé de Nordiques et d’Hommes-Bêtes, dont le nombre enflait chaque jour. Presque toutes les heures, une nouvelle bande émergeait de la forêt, Hommes-Bêtes ou barbares nordiques attirés par le sombre fanal de la puissance d’Archaon.

Des Skavens évoluaient également dans la masse. Même si les meutes du Grand Seigneur Skrazslik avaient été dispersées par le marteau de Valten, beaucoup d’autres hommes-rats étaient venus dans le nord pour se joindre à la horde. Ces renforts avaient été envoyés par le Conseil des Treize, sur proposition de nul autre que Thanquol lui-même, en un geste de bonne volonté apparente.

La mer de guerriers était parsemée d’îlots de piques de fer et de chaînes rouillées. C’étaient les enclos à esclaves - si grands qu’ils pouvaient en contenir des milliers. La majorité d’entre eux étaient des humains capturés pendant le sac de Middenheim ou dans les villes et villages de la campagne environnante. De nouveaux prisonniers étaient jetés dans les enclos tous les jours, offerts en tribut par les nouveaux alliés. Agglutinés dans la boue, battus et fouettés, beaucoup de captifs grelottaient et sanglotaient. Certains fixaient le vide, le regard vitreux. D’autres se demandaient pourquoi on ne les avait pas déjà tués, tout en redoutant la réponse à cette question.

Partout à Middenheim, les festivités des vainqueurs et les malheurs des vaincus étaient sous-tendus par une attente crispée. La rumeur disait que l’Empereur vivait encore. Et l’Empire survivait avec lui. En outre, personne ne savait précisément quelle serait la prochaine manœuvre d’Archaon. Middenheim n’était que l’étape d’une longue route, que l’Élu des Dieux allait devoir emprunter sous peu, à moins de subir la colère des Dieux Sombres. Pourtant les jours passaient, et Archaon ne faisait pas mine de vouloir quitter la cité meurtrie. Il fit du Temple d’Ulric son hall royal, et ruminait entre ses murs silencieux.


Archaon l’Élu était assis sur un trône de crânes, au centre du temple profané, et contemplait la ruine qu’il avait semée.

Il avait substitué aux prières et aux hymnes les pleurs et les cris des damnés. Il avait noyé la flamme de l’espoir dans l’ombre et le sang. Les statues avaient été mises à bas et brisées, puis maculées de symboles impies. Les mosaïques avaient disparu sous un épais tapis de sang séché et de crânes. Archaon avait ordonné de pendre des chaînes et des crochets au plafond voûté du chœur. Des corps de défenseurs de Middenheim y étaient accrochés, formant un mobile macabre. La plupart étaient morts depuis longtemps ; d’autres, les moins chanceux, vivaient encore.

Une grande fosse occupait le sol de la nef, là où il y avait naguère des rangées de bancs. L’excavation était pleine à ras bord de sang bouillonnant, et de la vapeur s’en dégageait en volutes puantes. Le trône d’Archaon dominait la fosse, et était sis sur l’estrade où s’était éteinte la Flamme d’Ulric. Un crâne fraîchement écorché était fiché sur un accoudoir - celui de Valten. En haut du dossier, enserré dans des griffes démoniaques d’airain, on avait disposé Ghal Maraz tel un trophée affiché aux yeux de tous.

Les Épées du Chaos étaient alignées en rangs silencieux devant la chaire d’Archaon, jusqu’à l’arche d’entrée du temple. Leur simple présence faisait forte impression. L’Élu savait qu’il surclasserait chacun de ces grands combattants si nécessaire, mais la peur qu’ils suscitaient chez ses autres serviteurs était gratifiante. Les chevaliers tournèrent la tête vers l’entrée quand Vilitch le Maudit en gravit les marches. Sa silhouette de guerrier râblé, dans son armure baroque ornée de la marque de Tzeentch, était très reconnaissable : l’immonde jumeau parasite greffé à l’épaule, se tortillant comme un ver surmonté d’une tête sans yeux, dirigeant son frère décérébré.

Derrière son heaume, Archaon plissa les lèvres de dégoût. Les dons des dieux étaient souvent étranges, mais cet asticot de Sorcier et son golem de frère offensaient la fibre guerrière d’Archaon. À l’évidence, la répugnance était réciproque ; le Maudit avait répondu à la convocation d’Archaon, avec juste assez de retard pour lui faire affront. Pourtant, Vilitch sembla se ratatiner quelque peu sous les regards insistants des gardes du corps de l’Élu. Le Maudit hésita en bordure de la pénombre éclairée par les flammes. Archaon le laissa patienter là un long moment avant de le recevoir.

La voix de l’Élu des Dieux finit par rouler dans l’espace caverneux, forte et claire comme le choc de l’épée sur le bouclier.

« Approche, Vilitch. »

Avec une posture soumise et les mains bien éloignées de ses armes, le Maudit avança entre les rangées menaçantes des Épées du Chaos. Il mit genou à terre devant le trône. Tandis que sa tête casquée restait baissée en signe de déférence, la seconde se redressa vers Archaon. Ses lèvres s’ouvrirent en un sourire obséquieux et garni de crocs. La voix de Vilitch était un gémissement qui résonnait bizarrement et tapait sur les nerfs d’Archaon.

« Salut à toi, Archaon, Seigneur de la Fin des Temps, Roi aux Trois Yeux, Élu des Dieux eux-mêmes ! Comment ton humble serviteur peut-il t’agréer, ô maître tout-puissant ? »

À la surprise manifeste de Vilitch, ce ne fut pas Archaon qui lui répondit. Une haute silhouette émaciée se déploya dans l’ombre derrière le trône de l’Élu. Kairos le Tisseur de Destins avança d’un pas traînant au côté d’Archaon.

« Tu es un fidèle serviteur du grand Tzeentch, n’est-ce pas, Vilitch ? » La voix du Démon était un croassement dissonant, mais Vilitch percevait la symphonie d’accords subtils qui vibraient en fond. Cette créature était douée d’une ruse d’immortel, et Vilitch marqua une pause avant de donner sa réponse. Archaon trouva le Sorcier plus prudent tout à coup, comme s’il venait de prendre conscience de la profondeur des eaux dans lesquelles il nageait.

« Je suis un fidèle serviteur des Puissances de la Ruine, puissant Kairos, indigne de votre attention divine. C’est Tzeentch qui m’a accordé le pouvoir. C’est pourquoi je lui dois ma première allégeance. Néanmoins, je rends aussi hommage à Archaon, car les dieux ne parlent-ils pas par la bouche de leur Élu ? »

Kairos hocha ses deux têtes.

« Tu vois, Archaon ? En voilà un dont la loyauté est absolue, mais dont l’esprit est aussi affûté qu’une lame, comme je te l’avais dit. Le Maudit prendra Averheim en ton nom. Ne t’embête pas avec une longue marche au sud. D’autant que tu as d’autres… devoirs. »

Les mots de Kairos comportaient une dose de menace, mais la réponse d’Archaon fut froidement amusée.

« Je ne doute pas une seconde de la loyauté de cette créature, Kairos, mais de sa nature. Tous les laquais de Tzeentch ne sont-ils pas foncièrement des intrigants ? »

Les plumes de Kairos se froissèrent et ses épaules se voûtèrent.

« Prend garde, Archaon. Les dieux entendent tout. »

-« Tu veux que j’envoie le Maudit au sud pour déloger l’Empereur de son trou à rats ? » continua Archaon, ignorant l’avertissement de Kairos.

-« Pour le compte de qui le fera-t-il ? Le mien ? Ou le tien ? »

Kairos croassa sur un ton furibond, mais Archaon le coupa. « Tu n’arrêtes pas de me rappeler ma dette envers les dieux, Démon, comme si tu pensais que je l’avais oubliée. Tu ne me crois plus à la hauteur ? »

Le Démon renvoya son regard insondable à Archaon.

« Tu es l’Élu des Dieux, ô Roi aux Trois Yeux. Peu importe ce que je crois. Tant que tu observes le serment que tu as prêté. »

Le silence s’étira, rompu par l’écho des cris provenant de la cité et l’orage qui grondait. L’Élu se leva alors, et marcha sur l’estrade pour se pencher au-dessus de Vilitch agenouillé.

« Les dieux auront leur dû, Kairos, tout comme j’aurai le mien. Lève-toi, Vilitch le Maudit. »

Celui-ci se releva lentement. Archaon sentit les Vents de Magie affluer vers le sceptre du Sorcier, comme en prévision d’un combat, mais la Tueuse de Rois resta au fourreau. Archaon avait d’autres plans pour celui-là.

« Tu vas rassembler une armée avec ceux qui campent dehors, lui ordonna Archaon. Emmène-la au sud. Abats les murs d’Averheim. Brise les portes de la cité et élimine ses défenseurs. Mais ne tue pas l’Empereur. C’est à moi de prendre sa vie, et à moi seul. Apporte-le moi enchaîné à mon arrivée. »

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Vilitch acquiesça vivement, et la tête de son pantin de frère eut un soubresaut - imitation grotesque du geste révérencieux du Sorcier.

« Je comprends, grand Archaon. Il en sera selon votre souhait. »

Comme Vilitch se tournait pour partir, Archaon le saisit par l’épaule. Le contact fit se tortiller le Maudit, la puissance d’Archaon brûlant sa peau veinée de bleu comme un fer porté au rouge.

« Si l’Empereur meurt avant que j’arrive, tu subiras un sort plus terrible que tout ce que tu peux imaginer, Vilitch. Me fais-je bien comprendre ? »

Le Maudit hocha la tête une fois de plus, tremblant sous la poigne incandescente d’Archaon pendant encore un long moment avant que l’Élu le relâche. Il se tassa et se hâta hors du temple, aussi prestement que la convenance le permettait.

Archaon observa la silhouette voûtée battre en retraite sous l’arche du temple, puis tourna les yeux vers le Tisseur de Destins.

« C’est ta créature, Kairos. Vas-tu la suivre ? À moins que ta rencontre avec le sorcier-loup ait entamé ta passion pour la bataille ? »

Le ton moqueur d’Archaon fit se raidir Kairos.

« Ne crois pas que tu as la partie gagnée, Archaon. Les dieux attendent leur dû, et leur patience est divine, mais pas éternelle. »

À ces mots, le Démon s’évapora en un nuage de particules polychromes qui papillota jusqu’à disparaître complètement. Archaon regarda la brume colorée se dissiper, puis retourna se caler dans son trône. Il tendit une main gantelée, la fit courir sur l’enveloppe dépecée de Gregor Martak, avant de prendre le crâne de Valten. Il fixa les orbites vides.

Il n'y avait plus de provocation dans ces cavités remplies de néant. L’irrévocabilité de la mort, songea Archaon, était le seul châtiment raisonnable pour ceux qui défiaient sa volonté.

L’Élu resta ainsi pendant de longues minutes, aussi immobile qu’une statue, perdu dans ses pensées. La tempête faisait rage, un écho approprié aux machinations incessantes que produisait l’intellect effréné d’Archaon.

Dans le recoin le plus sombre de grande la salle lugubre, une présence colossale remua à l’orée de la réalité. Des flammes dansèrent dans les ténèbres. Un souffle de fournaise s’engouffra dans le temple, faisant cliqueter les chaînes en suspens. Une voix grogna dans la pénombre, ardente, furieuse, incommensurable.

« Ils sont faibles, ces couards de Sorciers que tu as envoyés au sud. Ils te failliront. »

Archaon ne se retourna pas. Son regard resta rivé sur le crâne de Valten. Lentement, sa poigne se serra, jusqu’à ce que les fontanelles se prolongent dans un craquement, et que le crâne se pulvérise enfin.

« Je sais. » répondit l’Élu en laissant couler la poussière d’os entre ses doigts comme des grains de sable. « Mais leur présence empêchera Karl Franz de fuir encore. La vie de l’Empereur m’appartient. »

Les ombres renvoyèrent un grognement approbateur.

« En effet. Et son crâne appartient à Khorne… »

Chapitre VII : LA MARÉE DU PIC - Hiver 2525 / Automne 2527

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Le Roi Tueur sentit une chaleur extrême se lier à sa fureur sans bornes. Empli d’une rage bouillonnante, Ungrim Poing de Fer fut persuadé que les esprits de ses ancêtres venaient de pénétrer dans son corps pour lui conférer la force divine de Grimnir. Des flammes s’enroulaient autour de son corps, et sa crête se mua en un brasier.
Le jour où Karak Kadrin était tombée était gravé au fer rouge dans l’esprit d’Ungrim Poing de Fer.

Cela avait commencé lorsque le Roi Tueur avait mené son Throng à travers les portes dans la Passe du Pic. Ils avaient rapidement détruit le site de construction des Skavens, ainsi que les engins diaboliques qu’ils étaient en train d’ériger. Oser entamer de tels travaux sous les yeux des Nains prouvait la stupidité des hommes-rats. Ils étaient peut-être assiégés, mais ils n’étaient pas encore vaincus.

En dépit des tentatives de l’ennemi, l’intérieur de Karak Kadrin restait inviolé. Les défenses de la forteresse étaient puissantes, et ses halls étaient tenus par de nombreux guerriers et autant de clans de Mineurs. Ungrim était conscient que le plus grand risque qu’il courait était de se laisser aveugler par son agressivité.

Il se doutait qu’il était peut-être en train de se jeter dans la gueule du loup. Les Tueurs qu’il emmenait ne se souciaient pas de savoir s’il s’agissait d’un piège, toutefois il avait pris quelques précautions. Sa force allait avancer sous les tirs d’appui des batteries installées dans les fortifications, et elle n’allait pas s’éloigner beaucoup des portes. Et pendant qu’Ungrim effectuerait sa sortie, le reste de Karak Kadrin resterait sur le qui-vive. De toute façon, toute la forteresse était aux aguets depuis le début du siège.

Thorgrim le Rancunier face au destin du Karaz Ankor…
Ungrim était à moins d’une lieue des portes lorsqu’il ordonna à son Throng de se regrouper. Alors que les Nains battaient en retraite, trois Abominations de Malefosse sortirent des tunnels fraîchement creusés près des portes par les Skavens. Les Nains crurent qu’il s’agissait de l’avant-garde d’une nouvelle armée d’hommes-rats, et ils pressèrent le pas pour l’intercepter au plus vite. Mais bien avant qu’ils puissent atteindre les portes de la ville, ils furent frappés de stupeur par la scène qui se déroula.

En dépit du bombardement constant de l’artillerie de Karak Kadrin, dont les batteries figuraient parmi les plus puissantes du monde, les Abominations continuaient d’avancer. Les canons libéraient un feu d’enfer dont le vacarme se répercutait en écho dans la passe. Le Throng avait parcouru la moitié de la distance lorsque les immondes créatures atteignirent les portes. Elles étaient équipées de braseros à Malepierre, des boulets de démolition qui s’abattirent sur les battants en pierre et en Gromril. Ces derniers se fissurèrent. Un trou finit par apparaître, et il s’élargissait à chaque coup des Abominations. Une des créatures se tortilla horriblement pour passer à l’intérieur malgré sa masse énorme.

Quelques instants plus tard, une immense explosion avait soufflé ce qui restait des portes. D’immenses nuages de gaz vert s’étaient échappés de l’ouverture. Les Nains combattaient les Skavens depuis trop longtemps pour ne pas reconnaître ces vapeurs mortelles. Même en se trouvant à plusieurs centaines de mètres, près de la moitié des Nains du Throng s’écroulèrent au sol en convulsant. Les survivants battirent en retraite dans la passe en toussant et en crachant du sang.

Comprenant qu’ils ne pourraient plus emprunter cette entrée pendant longtemps, Ungrim et les survivants suivirent les sentiers indiqués par Rordak, le vieux capitaine des Rangers. Il connaissait un autre accès, qu’ils pourraient emprunter en contournant le pic de Karag Sunter. En suivant un sentier escarpé, les Nains finiraient par déboucher près d’une porte secondaire de la forteresse. Dans la vallée en dessous du pic, tout était calme. Les Nains étaient étonnés de constater que les Skavens n’avaient pas lancé d’autre attaque contre Karak Kadrin. Ils étaient loin de réaliser le désastre qui s’était produit à l’intérieur de la montagne.

Ungrim, Incarnation du Feu
Beaucoup de Skavens avaient remarqué qu’Ungrim s’était retiré de la Passe du Pic, et toute une grande meute du Clan Rictus s’était lancée à sa poursuite. Glzik, son chef, était conscient de la promotion qui l’attendait s’il ramenait à Ikit la Griffe la tête du Roi Tueur. Les combats précédents et les gaz mortels avaient sérieusement entamé les effectifs d’Ungrim, et à l’exception des Tueurs, les Nains désiraient plus retourner à l’intérieur de la forteresse que poursuivre le combat.

Ainsi débutèrent de nombreuses escarmouches le long des sentiers montagneux. Les Nains menaient des actions d’arrière-garde pour ralentir les Skavens. Les Haches de Grimnir les retinrent pendant trois heures au Col de l’Écho avant qu’un Malebrute les extermine avec ses Lance-Feu. Le col était si étroit que les Tueurs ne pouvaient pas éviter les flammes. Plusieurs d’entre eux chargèrent une dernière fois alors qu’ils avaient été transformés en torchères, et que leur chair fondait comme de la cire. Leurs haches fendirent la cuve de carburant du Rat-Ogre. L’explosion qui s’ensuivit fit trembler la montagne.

Cependant, d’autres meutes parcouraient les pics à la poursuite d’Ungrim. Son Throng avait été réduit à une bande de survivants débraillés, et avait dû effectuer de longs détours dans les montagnes. Après plusieurs jours de combats ininterrompus, les Nains atteignirent la Porte du Chasseur.

Ils pénétrèrent dans le long tunnel d’accès menant à la porte et à l’intérieur de la citadelle. Ungrim pensait que le gaz s’était dissipé depuis longtemps. Lui et les cinquante survivants de son Throng pensaient retrouver la citadelle en effervescence, et qu’ils seraient accueillis en héros. Certes, il devait y avoir eu des morts après l’intrusion des Abominations, mais Ungrim imaginait que les battants avaient déjà été réparés. Le premier signe indiquant qu’il était dans l’erreur apparut devant les portes du bastion de Bar-Zundak. Les Brise-Fer qui gardaient le tunnel étaient toujours debout, mais ils ne bougeaient pas. Ils étaient morts à cause du gaz. L’étroitesse de la galerie et leurs lourdes armures maintenaient les Nains debout bien qu’ils eussent expiré depuis des jours. Ou alors c’était l’obstination dont ils avaient fait preuve de leur vivant qui leur permettait de rester droits dans la mort. Les Nains d’Ungrim dégagèrent un passage dans un silence funeste. L’appréhension du Roi Tueur augmentait tandis qu’il attendait une réponse suite au message codé qu’il avait frappé contre la porte. Lorsqu’aucune réponse ne parvint, les survivants tentèrent d’emprunter une autre entrée. À trois reprises, le résultat fut le même.

Sans rien dire, Ungrim revint à la porte principale, l’estomac noué. Lorsqu’ils passèrent les battants dévastés, l’odeur était telle qu’ils durent se protéger la bouche et le nez avec des chiffons. Ils arrivèrent au milieu d’une scène de cauchemar. Les Skavens dotés de masques qui arpentaient le hall d’entrée s’enfuirent en les voyant. Le seul son qu’on entendait était celui des griffes sur la pierre tandis qu’ils prenaient la poudre d’escampette. En dehors de cela, il régnait un silence de mort.

Et pour cause : Karak Kadrin n’était plus qu’une immense tombe.

On pouvait deviner ce qui s’était passé en examinant les cadavres : des bombes à gaz avaient été greffées à l’intérieur du corps des Abominations. Une des bombes avait explosé dès que le premier monstre avait pénétré dans le hall. Le gaz plus lourd que l’air s’était déversé dans les salles attenantes et dans les galeries. Les Nains qui s’étaient retrouvés pris dans ces vapeurs étaient morts en quelques secondes.

La seconde Abomination était parvenue à entrer dans la forteresse, puis sa bombe avait explosé elle aussi. Toutefois, à en juger à la traînée de mucus qu’elle avait laissé derrière elle, on pouvait penser qu’elle avait ensuite ressuscité sous l’effet de son métabolisme surnaturel. Traînant derrière elle sa cuve d’où jaillissaient des volutes de gaz mortel, elle avait dû se diriger vers les profondeurs pour tenter d’atteindre l’obscurité des mines. Lorsque le gaz avait enfin eu raison d’elle, elle était parvenue à ramper, à mourir et à ressusciter plusieurs fois. Les Nains la trouvèrent à huit kilomètres de l’entrée. Un filet de vapeur s’échappait encore de sa carcasse.

Le Roi parcourut les halls dévastés pendant des jours, et constata le destin horrible de ceux qu’il avait juré de protéger. Les morts étaient trop nombreux pour être enterrés. Sa détresse était telle qu’il ne réalisait pas pleinement ce qui s’était passé.

Désormais, les survivants étaient tous des Tueurs. Ceux qui ne faisaient pas partie de ce culte avaient prêté serment quelques heures après avoir découvert l’ampleur de la catastrophe.

Le jour de leur départ, Ungrim était seul au Temple de Grimnir. Il passa la main sur les runes sacrées gravées dans l’autel de pierre, d’acier et de fer. C’était un rituel célébré par chaque Tueur avant de se lancer dans sa quête finale. Mais cette fois, il se termina différemment.

Les runes scintillaient, puis, dans un éclair de lumière, elles se dissolvaient et s’écoulaient dans le corps d’Ungrim. Le Roi Tueur sentit une chaleur extrême se lier à sa fureur sans bornes. Empli d’une rage bouillonnante, Ungrim Poing de Fer fut persuadé que les esprits de ses ancêtres venaient de pénétrer dans son corps pour lui conférer la force divine de Grimnir.

Des flammes s’enroulaient autour de son corps, et sa crête se mua en un brasier. L’air autour de lui ondulait sous l’effet de la chaleur et les runes de sa hache rougeoyaient. Ses compagnons furent abasourdis en le voyant, mais leur étonnement se mua en vénération lorsqu’ils le virent inonder de flammes les halls de Karak Kadrin. Les cris de désespoir du Roi Tueur formaient des murs de feu. Lorsque toute la forteresse ne fut plus qu’un immense bûcher funéraire, il partit à la tête de ses Tueurs.

Il ne jeta aucun regard en arrière lorsqu’il quitta pour la dernière fois les halls de ses ancêtres.


Karaz-a-Karak était une île au milieu d’un océan d’ennemis.

Les Nains avec été attaqués depuis les profondeurs, la surface et les pentes rocheuses. Les Skavens étaient implacables et leurs hordes sans fin. Les lignes défensives étaient tombées les unes après les autres. Des tunnels avaient été minés pendant que les Nains battaient en retraite. Malgré cela, les pertes qu’ils avaient infligées aux hommes-rats étaient démentielles. Mais les Skavens pouvaient se permettre de perdre des clans entiers. Les défenseurs de Karaz-a-Karak restaient déterminés et mettaient en place le cercle défensif suivant, alors que leur domaine se rétrécissait peu à peu.

Karaz-a-Karak n’était jamais tombée, et elle résisterait une fois de plus. C’était ce que Thorgrim affirmait, en le jurant sur la pierre, l’acier, sa hache et les serments qu’il avait prêtés. Les Nains tiendraient bon. Ils finiraient par terrasser les hordes innombrables.

Les défenseurs de Karaz-a-Karak restaient déterminés et mettaient en place le cercle défensif suivant, alors que leur domaine se rétrécissait peu à peu.
La capitale des Nains était le cœur du Karaz Ankor, l’empire montagneux des Fils de Grungni. La cité avait résisté au passage des âges, car c’était précisément ce que clamait son nom : elle était le Pic Éternel, et dans le langage des Nains, il n’y a qu’un seul mot pour dire montagne et durabilité. De plus, Thorgrim était réconforté par Azamar, la Rune d’Éternité.

Elle avait été gravée par Grungni lui-même sur le Trône de Pouvoir. Elle était si puissante qu’elle était nécessairement unique, car elle ne pouvait pas être dupliquée. Cette rune renfermait tout le savoir et toute la ténacité du plus vénéré de tous les Dieux Ancestraux. La légende disait qu’après avoir forgé Azamar, Grungni avait fait un pas en arrière pour contempler sa création. C’était un Nain perfectionniste et un juge impartial, pourtant il fut satisfait de son travail. Malgré tout, il ne s’en vanta pas, et se contenta de prêter ce serment : tant que la Rune d’Azamar perdurerait, la race des Nains survivrait à toutes les épreuves.

C’était cette légende à laquelle pensait Thorgrim alors qu’il se trouvait seul dans le Grand Hall de sa cité. Il avait demandé à tout le monde de quitter ce lieu, même à ses porteurs. Il avait suffi qu’il leur lance un regard courroucé pour mettre fin à leurs protestations. Il n’avait bougé de son trône que lorsque les portes s’étaient refermées au loin.

Le Haut Roi Thorgrim se leva et descendit difficilement la marche menant à l’estrade où son trône était installé. Il se baissa pour examiner les gravures en or, et laissa échapper involontairement un gémissement. Ce n’était pas un signe de son embonpoint ou de son âge avancé, même s’il était effectivement très vieux et bedonnant. C’était un gémissement de douleur. La bataille des Portes de Granite s’était terminée à peine une semaine plus tôt. Thorgrim y avait reçu un coup de vouge maléfique. L’arme avait pénétré l’Armure de Skaldor avant de lacérer ses côtes. L’arrogant Verminarque en armure rouge qui lui avait infligé cette blessure avait aussitôt péri sous les coups de la Hache de Grimnir. À ce moment-là, Thorgrim s’était surtout inquiété pour son armure, car elle était très ancienne, et le savoir nécessaire pour la réparer avait été perdu. Ce n’est que plus tard, à la fin de la bataille, qu’il réalisa la gravité de sa blessure. Pire encore, elle ne montrait aucun signe de guérison, et chacun de ses mouvements lui faisait souffrir le martyre.

C’était pour cette raison que Thorgrim avait demandé à tout le monde de sortir du Grand Hall. Il ne voulait pas montrer des signes de faiblesse devant les autres. De plus, il avait remarqué quelque chose de perturbant à propos du Trône de Pouvoir, et il voulait l’examiner personnellement.

Au cours des combats des Portes de Granite, quelques minutes après avoir été blessé par le Verminarque, Thorgrim avait ressenti quelque chose d’inhabituel. Pendant un instant, les environs avaient été baignés d’une lueur dorée. L’armure de Thorgrim, aussi bien les plaques en métal que les maillons de sa broigne - s’étaient réparés. Depuis, les runes avaient continué à briller et le Trône de Pouvoir semblait avoir retrouvé son lustre d’antan. Le vieux Roi ressentait une aura magique, comme si une force irréelle s’était liée au trône. Lorsqu’il l’examina, il constata que la Rune d’Éternité brillait vivement, et qu’il en irradiait une douce chaleur.

Le Haut Roi de Karaz-a-Karak
Une fois de plus, Thorgrim regretta l’absence de ses plus éminents Forge-runes. Kragg le Sévère était mort dans la Bataille des Mines plusieurs mois auparavant, alors que Thorek Tête en Fer de Karak Azul avait péri dès les premières semaines de la guerre. C’étaient les deux Nains les plus érudits du royaume en matière de runes, et ils auraient peut-être pu lui expliquer les changements qui affectaient le Trône de Pouvoir.

Au loin, les Cors du Karak sonnèrent pour prévenir la cité d’un nouvel assaut majeur. Dans un effort douloureux, Thorgrim se releva et se rassit sur son trône. Il attendit que ses gardes reviennent pour lui annoncer les funestes nouvelles.

Effectivement, les Skavens avaient lancé un autre assaut, un des plus violents depuis le début du siège. Les Gyrocoptères rapportaient que des hordes d’hommes-rats jaillissaient de tunnels récents. La Passe de la Route de l’Argent était recouverte par une mer de corps bruns. Depuis le sommet de la montagne, des Ingénieurs équipés de télescopes confirmaient ce que les Rangers avaient déjà annoncé : les totems du Clan Mors étaient apparus, et le redoutable Queek Coupe-Têtes menait l’assaut personnellement. Les machines infernales des hommes-rats étaient tirées dans le sillage de la horde. On en dénombrait des centaines.

Les Mineurs et les patrouilles rapportaient également de l’agitation dans les tunnels. Le bruit étouffé des pièges qui se déclenchaient indiquait que l’ennemi se rapprochait. L’ennemi n’était absent que sur les pentes de Karaz-a-Karak, même si les Nains se méfiaient des ruses des Skavens. Ils défendaient leur montagne depuis des milliers d’années, et ils avaient appris à contrer toutes les tactiques déloyales auxquelles les hommes-rats avaient recours. D’innombrables invasions s’étaient cassé les dents sur le Pic Éternel, aussi bien des osts démoniaques que des serviteurs du Chaos ou des Elfes d’Ulthuan.

En dépit de sa blessure et du poids du devoir qui pesait lourdement sur ses épaules, Thorgrim le Rancunier demanda qu’on lui amène sa hache et le Dammaz Kron, le Grand Livre des Rancunes. Lorsqu’il l’ordonna, ses porteurs soulevèrent le Trône de Pouvoir. La Garde d’Éternité se plaça autour de son suzerain et sortit de l’immense hall en chantant les Bénédictions du Martèlement.

Thorgrim était assis sur le Trône de Pouvoir au milieu d’une mer de Nains en armure. Comme si elle sentait l’imminence du combat, la Hache ce Grimnir se mit à luire, si fort qu’on pouvait l’apercevoir depuis l’autre bout de l’immense forêt de piliers. Thorgrim donna ses ordres. Il voulait que face à la plus grande armée jetée jusqu’à présent contre les murailles de Karaz-a-Karak, les Nains ouvrent les portes et affrontent leurs adversaires les yeux dans les yeux.

Les conseillers de Thorgrim dirent que c’était de la folie. Mais ils étaient trop vieux pour se battre. Leurs barbes étaient trop longues, même si c’était là un signe de sagesse chez les Nains. Thorgrim les ignora et leur commanda d’aller ouvrir les armureries et de sortir les reliques de son peuple.

Thanquol pensa que c’était un lieu étrange pour une rencontre, cependant il supposa que son symbolisme était immanquable. Même si sa tête avait été pulvérisée, la statue de la chose-barbe était gigantesque. Elle veillait autrefois sur la Passe de la Route de l’Argent, et incarnait la puissance de l’empire des choses-barbes. Désormais, son état décati symbolisait plutôt l’inverse.

Des nuages d’ombres entourèrent Thanquol et Verminking, et bientôt dix autres Verminarques apparurent. Ils toisèrent le Skaven.

« Que fais ici ce petit être cornu ? » demanda l’un d’eux, un Seigneur de la contagion au corps ravagé par les maladies.

Ne sachant comment réagir, Thanquol fit le signe du Rat Cornu puis s’inclina tour à tour devant chacun des rats-démons. Ils parurent satisfaits, sauf peut-être celui qui venait de parler. Les mouvements saccadés de sa queue trahissaient son déplaisir.

« Tu le sais, Throxstraggle, » lui répondit finalement Verminking, dont la propre queue bifide fouettait l’air de façon menaçante. Il foudroya du regard le Verminarque scrofuleux pendant un long moment avant de poursuivre en s’adressant aux autres. « Nous vous avons demandé de venir afin de prendre une décision. Le Conseil des Treize a déclaré que le clan qui rapportera la tête du Roi des choses-barbes pourra choisir le dernier Seigneur de la Déchéance. Sommes-nous tous d’accord avec cette proclamation ? »

Thanquol apprenait la nouvelle en même temps que les autres. Il essaya d’évaluer les réactions des divers rats-démons. La plupart hochèrent la tête en guise d’assentiment. Il remarqua, non sans une certaine fierté, qu’aucun d’eux n’avait de cornes aussi torsadées et aussi magnifiques que Skreech.

« Nous ne sommes que onze. Où est Lurklox ? » s’enquit l’un d’eux.

« Il est ici ! » annonça une voix derrière le groupe. Thanquol sursauta et se félicita de ne pas avoir émis par mégarde le musc de la peur.

Un Verminarque Manipulateur était arrivé sans que personne ne le voie ou l’entende. « Comme nous l’avions prédit, » ajouta-t-il dans un murmure, « l’attaque conjointe de Skryre et de Mors a débuté. »



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Queek renifla l’air. Toute la passe empestait les choses-barbes et l’air était glacial. Queek avait froid depuis que ces anneaux étranges étaient apparus dans le ciel.

Il était connu pour être un Seigneur de Guerre capable de vaincre n’importe quelle forteresse des choses-barbes. Lorsque les autres échouaient devant les portes de ces cités imprenables, ils faisaient appel à Queek. Aucun Skaven n’avait rasé autant de bastions ou dévoré autant de choses-barbes que lui.

Queek, et avec lui tout le Clan Mors, étaient devenus riches grâce au butin amassé. Le droit de pillage revenait à ceux qui brisaient les défenses d’une cité, c’est pourquoi Queek s’était arrogé d’innombrables cadavres de choses-barbes au cours de sa vie. La seconde vague d’attaquants n’aurait plus que des os blanchis à se mettre sous la dent. On disait qu’à Karak Kadrin, la chair des choses-barbes était empoisonnée, et que même des Trolls n’auraient pas pu la digérer. Karak Kadrin avait été prise par des moyens que Queek méprisait. Il pouvait conquérir n’importe quel avant-poste, mine fortifiée, et même n’importe quelle forteresse. Malgré tout, il savait qu’il se trouvait à présent face à l’épreuve de sa vie.

En tant que premier Seigneur de Guerre du Clan Mors, Queek avait déjà contemplé Karaz-a-Karak plusieurs fois au cours de sa vie. Alors que la Garde Rouge passait le col sur la Passe de la Route de l’Argent, les Vermines de Choc se retrouvèrent face à l’immensité du Pic Éternel. La montagne était colossale. Elle surplombait la passe et son sommet se perdait dans les nuages. Mais si ce spectacle les intimidait, il leur suffisait de regarder derrières elles pour regagner confiance. Il y avait là plus de meutes que Queek n’en avait jamais vu. Le Seigneur Creuse-les-terriers avait envoyé la totalité des forces du Clan Mors, ainsi que tous ses clans serviles et tous ses alliés. Il avait fait venir des meutes de Skarogne et des Montagnes Grises. La garnison de Karak aux Huit Pics avait été vidée. C’était une ironie amère, car après tant de combats contre les Peaux-Vertes et les choses-barbes pour s’en emparer, la glorieuse Cité des Piliers avait subitement perdu tout attrait pour les Skavens.

À l’heure qu’il était, les forces souterraines devaient avoir lancé l’assaut. Les esclaves mourraient par milliers dans les pièges des Nains. Leurs souffrances auraient l’avantage de fournir une diversion. Si ces assauts maintenaient la pression au niveau des myriades de tunnels dans les mines, les réserves des Nains seraient bloquées. Surveiller les portes, les galeries, les puits et les fissures suspectes monopoliserait une grande partie du Throng des Nains. Cela donnerait l’occasion à la force de Queek de prendre les portes principales.

Son plan d’attaque était direct, car Queek disait souvent que les solutions les plus simples étaient les meilleures. Après avoir écouté les stratégies complexes d’Ikit la Griffe, et entendu le Maître Technomage affirmer que ses nouvelles armes fonctionneraient, Queek était plus convaincu que jamais qu’il valait mieux qu’il se fie à son instinct. Il détestait Ikit ; ce dernier était aussi arrogant qu’un Prophète Gris, et encore plus insupportable. Queek maudissait le jour où Creuse-les-terriers avait scellé un pacte avec le Clan Skryre. Toutefois, cette alliance avait au moins un avantage.

Les forces Skavens se lancent à l’assaut du Pic Éternel !
Thorgrim et sa Garde d’Éternité marchaient à l’avant du Throng. C’était la dernière grande armée du plus puissant des royaumes nains.
Bien que Queek refusât de l’admettre, les batteries de machines de guerre qui étaient poussées vers la forteresse étaient impressionnantes par leur nombre. Ikit était en charge de ces machines de siège, et si elles ne parvenaient pas à venir à bout des portes, rien ne le pourrait.

Queek avait entendu lors du conseil de guerre que beaucoup de Clans Guerriers rivaux se plaignaient. Le Clan Skryre ne leur fournissait plus d’armes depuis qu’il était devenu officiel que le siège vacant au Conseil des Treize reviendrait au clan qui rapporterait la tête du Roi des choses-barbes. Cependant, cela n’était pas tout à fait vrai. Le Clan Skryre avait arrêté de vendre des armes aux autres clans déjà quelque temps avant que l’annonce fût dévoilée. Cela faisait partie du plan que le Clan Skryre fomentait depuis des mois.

Jusqu’à présent, l’alliance du Clan Mors et du Clan Skryre avait fait un sans-faute. Ils étaient donc persuadés que bientôt, le siège du Conseil serait à eux. Cela parachèverait la déchéance des Prophètes Gris.

Bien des tentatives avaient été menées afin de courtiser les faveurs des Clans Eshin et Moulder. Toutefois, comme toujours, le Clan Eshin était resté évasif. Peut-être accorderait-il son soutien, ou peut-être était-il déjà en train de fomenter un plan pour contrecarrer ses adversaires. Dans tous les cas, il ne dévoila rien de ses intentions. Pour sa part, le Clan Moulder avait accepté un accord, mais on racontait qu’il continuait de vendre ses créatures aux Clans Guerriers rivaux. Cela dérangeait le Clan Skryre, qui estimait que le droit de vendre des armes aux protagonistes des deux camps était son droit exclusif.

Cependant, ce n’était pas le moment de méditer sur les objectifs cachés des clans, car les légions d’esclaves étaient déjà en train d’essuyer des tirs en provenance de la montagne. Queek pouvait voir les flammes s’échapper des gueules des canons bien avant que le bruit des détonations lui parvienne. Un roulement de tonnerre ne tarda pas à emplir la vallée. Malgré leur nombre, les Skavens avaient l’air minuscules comparés aux arches des portes. Ils étaient des fourmis face à la demeure de géants. La vermine formait une mer capable d’entourer le pic et de se presser contre ses flancs, sans jamais pouvoir s’élever au point de l’engloutir.

Les légions d’esclaves allaient attaquer des heures durant, juste pour tenir les défenseurs occupés. Il n’était pas nécessaire de tester la portée et la puissance de feu des batteries naines ; elles étaient déjà connues depuis les assauts précédents. Et comme ces derniers avaient échoué, on avait fait appel à Queek Coupe-Têtes pour conquérir Karaz-a-Karak.

Ikit la Griffe était déjà en train de couiner des ordres. Le tir de contrebatterie allait être impressionnant. Un Seigneur de Guerre d’un clan mineur vendait parfois tous ses serviteurs et, avec un peu de chance et des talents de négociateur, il parvenait à accumuler assez de Malepierre pour s’offrir un Canon à Malefoudre. Les clans les plus puissants, comme le Clan Mors ou le Clan Rictus, étaient capables de s’offrir de temps à autre une poignée de ces armes. Mais en cet instant, c’étaient des centaines de Canons à Malefoudre qui étaient mis en batterie. Le travail et les ressources nécessaires pour accomplir un tel prodige avaient été immenses. Depuis combien de temps le Clan Skryre préparait-il ce moment, en fabriquant une à une ces machines de guerre dans ses ateliers, au prix de la vie de centaines d’esclaves ?

Les anciens rivaux du Clan Skryre, les Prophètes Gris, avaient été écartés de l’échiquier politique et étaient devenus des parias. Son ennemi juré, le Clan Pestilens, avait énormément souffert contre les choses-lézards. Grâce à des pactes, le Clan Skryre s’était allié aux deux Clans Guerriers les plus puissants. Queek ne doutait pas que lorsqu’il aurait tranché la tête du Roi Nain, celle-ci terminerait inévitablement entre les mains avides d’un représentant du Clan Skryre.

Queek avait combattu et tué toutes les créatures qui arpentaient les Montagnes du Bord du Monde, toutefois, c’était contre les Nains qu’il avait la plus grande expérience. Il méprisait les choses-barbes, mais il les connaissait par cœur. Il pouvait anticiper leurs réactions. Et comme ils étaient têtus, conservateurs et prévisibles, ils le surprenaient rarement. Néanmoins, ce qui se passa ensuite ne manqua pas d’étonner le plus grand Seigneur de Guerre du Clan Mors.

Les portes de Karaz-a-Karak s’ouvrirent au son des cors. Les Skavens virent le trône du Roi Nain au sein de l’ost qui émergea. Les Nains acceptaient le combat, et leur sortie fut saluée par le tonnerre de toutes les bouches à feu de la montagne. L’espace dégagé devant les portes devint une boucherie à ciel ouvert lorsque les boulets, les langues de flammes et la mitraille s’abattirent. Plus loin sur la Route de l’Argent, une série d’explosions déclencha des glissements de terrain qui ensevelirent des milliers de Skavens et recouvrirent la passe d’un nuage de poussière.

Thorgrim et sa Garde d’Éternité marchaient à l’avant du Throng. C’était la dernière grande armée du plus puissant des royaumes nains.


Les conseillers de Thorgrim avaient tenté de le dissuader. Ils avaient cherché des signes de folie dans son comportement. Peut-être était-il sous l’emprise d’un maléfice ?

Pour seule réponse, Thorgrim avait ouvert le Grand Livre des Rancunes. Il avait parlé de Karak Azul, de Karak aux Huit Pics, de Karak Kadrin et des horreurs de Zhufbar. Karaz-a-Karak était la plus puissante des forteresses, mais que valait-elle si elle était seule contre tant de haine ? Face à des technologies aussi diaboliques ? Contre un ennemi prêt à sacrifier des milliers, voire des dizaines de milliers de ses congénères simplement pour épuiser les munitions des Nains ? Thorgrim déclara que si l’empire des Nains devait s’éteindre, c’était à son Haut Roi de choisir où et quand. Il ne voulait pas rester terré tandis que les mâchoires du destin se refermaient sur son peuple. Il devait se porter au-devant de celui-ci la hache à la main, et combattre au nom de ce qu’il chérissait par-dessus tout.

Son discours avait été accueilli par un silence de mort, car l’heure n’était plus aux débats enflammés ou aux chants de guerre. Il était temps de laisser parler les haches. Ainsi, les Nains avaient fourbi leurs armes et marché au combat derrière leur Haut Roi.

La Bataille de Karaz-a-Karak

Le Throng de Karaz-a-Karak

C’est un Throng vengeur et déterminé que Thorgrim le Rancunier mène hors de Karaz-a-Karak. Les Nains se moquent de savoir qu’ils se battent à cent contre un, car ils sont en proie à la ferveur guerrière. Et si cela doit être leur ultime bataille, ils sont prêts à mourir juste pour l’honneur d’affronter l’ennemi la hache à la main.

Thorgrim le Rancunier
Ungrim Poing de Fer

Thorgrim le Rancunier
Ces dernières années ont été éprouvantes pour Thorgrim le Rancunier. Alors que l’empire des Nains s’effondrait, il a été forcé de rester enfermé dans sa forteresse assiégée. Le Haut Roi semble désormais très vieux, et de nouvelles rides sont apparues sur son front. Il est plus taciturne que jamais, et sait que maintenant, seule la Hache de Grimnir lui permettra d’effacer les anciennes rancunes.

Josef Bugman
La Garde d’Éternité

Ungrim Poing de Fer
Depuis la destruction de Karak Kadrin, Ungrim Poing de Fer est devenu le Roi Tueur sans royaume. Il pense qu’il est le réceptacle des âmes de ses ancêtres, alors qu’en fait il est lié à Aqshy, le Vent du Feu : celui-ci a été libéré lorsque Teclis a dissipé le Grand Vortex. Il a parcouru le monde avant de trouver refuge dans les runes de vengeance gravées sur l’autel du Temple du Tueur de Karak Kadrin. Désormais, Ungrim est bien plus qu’un simple mortel, et il brûle littéralement de se venger des hommes-rats.

Les Rangers de Bugman
La Dracogarde

Josef Bugman
Ce Maître Brasseur devenu un mystérieux Ranger a pris l’habitude d’apparaître au moment où on l’attend le moins. Suite à la destruction de tant de forteresses naines, Bugman et ses intrépides Rangers ont traversé toutes les Montagnes du Bord du Monde pour sauver d’innombrables réfugiés. Les Rangers leur offraient une bonne pinte de bière avant de les orienter vers des bastions cachés parmi les plus hauts pics.

La Garde d’Éternité
Dans n’importe quelle forteresse, devenir Martelier signifie figurer parmi les Nains les plus braves et les plus coriaces. Et intégrer les rangs de la Garde d’Éternité, la garde personnelle du Haut Roi, revient à rejoindre le plus redoutable de tous les régiments d’élite de la race naine. Conformément à un rituel instauré par le premier Haut Roi Snorri Blanchebarbe, la Garde d’Éternité est équipée de marteaux runiques issus des armureries de Karaz-a-Karak. Ces armes peuvent pulvériser la roche et rendent leurs porteurs plus redoutables que jamais.

Les Rangers de Bugman
Aucun régiment nain existant ne peut égaler les talents de tireurs, de jeteurs de haches et de buveurs de bière des légendaires Rangers de Bugman. Leur équipement a beau être usé et leurs vêtements élimés, ils sont traités comme des princes par les autres clans. Ces montagnards connaissent tous les sentiers et tous les cols des Montagnes du Bord du Monde sur le bout de leurs doigts boudinés.

La Dracogarde
Ces Dracs de Fer de renom font partie des Gardiens de la Porte Karaz. Les runes de leurs armures en Gromril leur permettent d’endurer les chaleurs les plus intenses. Ces troupes sont particulièrement utiles contre les Skavens : les équipes de Lance-Feu n’ont pas l’habitude de voir quiconque résister aux tirs de leurs armes, cependant la Dracogarde leur fait toujours payer très cher cette erreur de jugement.


Le Throng de Karaz-a-Karak

Thorgrim le Rancunier
Haut Roi de Karaz-a-Karak

Ungrim
L’Incarnation du Feu

L’Ultime Confrérie
de Karak Kadrin
Trois régiments de Tueurs

La Garde d’Éternité
Un régiment de Marteliers

Les Gardiens
de la Porte Karaz
Un régiment de Brise-Fer
et la Dracogarde, un régiment
de Dracs de Fer

Thane Nandak Poing-Martel
Porteur de la Grande Bannière
de Karaz-a-Karak

Les Rangers de Bugman
Josef Bugman
et trois régiments de Rangers

Le Clan Poing-Martel
Thane Durgrim Poing-Martel
trois régiments de Guerriers Nains
trois régiments de Longues Barbes
et un régiment de Marteliers

La Garnison de Bar Unfernak
Deux régiments de Guerriers Nains
deux régiments de Longues Barbes
et deux régiments de Brise-Fer

Le Clan Maisongrise
Trois régiments de Guerriers Nains
deux régiments de Mineurs
et un régiment d’Arquebusiers

Le Throng du Tueur
Le Tueur de Dragon Burik le
Costaud et un régiment de Tueurs

La Batterie du Roi
La Maître Ingénieur Snorek
Vivebarbe, l’apprenti Alric
Snoreksson, trois Canons, deux
Canons Orgues, un Canon à Flammes
et une Catapulte des Rancunes

L’Escadre Bleue
Trois Gyrocoptères
et un Gyrobombardier

L’Escadre Jaune
Trois Gyrocoptères
et un Gyrobombardier

L’Alliance du Clan Skryre et du Clan Mors

Leurs Seigneurs de la Déchéance ont ordonné à Ikit la Griffe du Clan Skryre et à Queek Coupe-Têtes du Clan Mors de faire cause commune. Ces deux chefs se détestent, toutefois ils ont conscience du rôle qu’ils ont à jouer. Ensemble, ils mènent une immense horde de Skavens contre les défenses de Karaz-a-Karak.

La Garde d’Ikit
Gribtak Stabit

La Garde d’Ikit
Ikit la Griffe a expressément demandé qu’on lui attribue une meute de gardes du corps. Il a exprimé ces doléances à la fois par souci de protection, mais aussi pour énerver Queek, car Ikit n’a pas fait appel à des troupes du Clan Mors, mais à des Vermines de Choc à fourrure noire du Clan Rictus. Ces guerriers ont apposé les symboles d’Ikit sur leurs boucliers et leur bannière, ce qui ne manque pas susciter l’irritation des régiments du Clan Mors quand ils paradent devant eux.

Le Masque Noir
Les Poils Poisseux

Gribtak Stabit
Gribtak personnifie la nature belliqueuse du Clan Mors. Jaloux de la promotion de son rival Rotrik le Lacérateur, Gribtak a tout fait pour le remplacer. Désormais, c’est lui qui brandit le totem de guerre du Clan Mors, et la tête de Rotrik a rejoint les nombreux trophées qui décorent la hampe de cet étendard.

La Brigade Roulante
Scartorn

Le Masque Noir
Puisque le Clan Eshin ne s’est pas ouvertement prononcé en faveur de l’alliance du Clan Mors et du Clan Skryre, seule une poignée de guerriers aux capes noires ont rejoint la horde de Queek. Malgré tout, les Coureurs des Ombres comptent en leur sein un Assassin nommé le Masque Noir. Il a été engagé par Ikit la Griffe, et ne doit pas révéler sa présence avant de s’être suffisamment approché du Roi Nain pour le tuer. Et si Queek se charge de décapiter Thorgrim, l’Assassin a pour mission de l’abattre et de lui dérober son trophée…

Les Poils Poisseux
Ces Guerriers des Clans au pelage pie appartiennent au Clan Mors. Ils ont reçu une lampée de breuvage à Malepierre avant la bataille afin de réveiller leur esprit combatif. Comme les Vents de Magie soufflent particulièrement fort et qu’il y a beaucoup de particules de Malepierre en suspension dans l’air, les effets de la décoction se sont révélés extrêmement puissants. Une bave violacée dégouline des gueules des Poils Poisseux, et ils font grincer leurs dents en hurlant des imprécations.

La Brigade Roulante
Cette formation emmenée par le Technomage Splicer Krxx est composée de trois Roues Infernales, chacune dotée d’un générateur à Malefoudre amélioré. Cette nouvelle invention est promise à un bel avenir. En tant que chef d’escadron, Splicer a mis au point diverses formations d’attaque, dont deux qu’il a fièrement baptisées le “fer de lance” et le “briseur de lignes”. Malheureusement, la nature inconstante de ses ailiers, sans parler des caprices de leurs machines, qui se déplacent généralement à des allures variables, rendent particulièrement difficiles la mise en application de ces formations d’attaque.

Scartorn
Cette meute de Malebrutes est équipée Gantelets Écorcheurs. Le cuir de ces Rats-Ogres est si couturé de cicatrices qu’ils sont encore plus repoussants que leurs congénères. Bon nombre de ces blessures ont d’ailleurs été causées par leurs propres armes, et par leurs armures dotées de lames tourbillonnantes.


L’Alliance du Clan Skryre et du Clan Mors

Ikit la Griffe

Queek Coupe-Têtes

Gribtak Stabit
Porteur de la Grande Bannière
du Clan Mors

Le Clan Mors
Douze griffes de Vermines de Choc,
douze griffes de Guerriers des Clans

La Garde Rouge
Dix griffes de Vermines de Choc

Les Poils Poisseux
Deux griffes de Guerriers des Clans

La Brigade Roulante
Technomage Splicer Krxx
et trois Roues Infernales

Le Clan Skryre
Trente-deux Technomages, treize
griffes de Globadiers, cent trente-
deux batteries de Canons à
Malefoudre
, neuf unités de Jezzails et
quarante et une légions d’Esclaves

La Garde d’Ikit
Une griffe de Vermines de Choc

Le Clan Rictus
Seigneur de Guerre Skik Blackfang,
onze griffes de Vermines de Choc et
onze griffes de Guerriers des Clans

Scartorn
Une griffe de Malebrutes

Les Bêtes du Clan Moulder
Maître Mutateur Skrakle Six-bras,
Maître de Meute Skweel le Rogneur,
quatre Abominations de Malefosse
et cinq griffes de Rats Géants

Le Masque Noir
Assassin

Le Clan Eshin
Deux griffes de Coureurs Nocturnes
et une griffe de Coureurs d'Égouts

Le Clan Volkn
Seigneur de Guerre Moltskin le
Décapiteur et cinq griffes de
Guerriers des Clans

Les Décharnés
Vingt-deux légions d’Esclaves



Une scène apocalyptique se déroulait au pied de l’immense et majestueuse montagne, sous des cieux striés de couleurs étranges. Pendant un instant, les cris de guerre résonnèrent contre les pics, et lorsque les premiers rangs se percutèrent, le fracas du métal envahit la vallée. Le Throng fendit la mer d’esclaves telle une lame en Gromril découpant la chair. Les armures inviolables et les murs de boucliers déviaient les lances vermoulues et les coups de griffes, tandis que les haches moissonnaient les corps frêles.
Les machines de guerre d’Ikit la Griffe se déchaînèrent dès que les battants des portes s’ouvrirent. Les Nains s’y étaient préparés, et avaient recalibré leurs batteries, qui jusqu’alors tiraient sur les légions d’Esclaves en avant-garde. Les boulets de canon disloquèrent les châssis en bois, et les générateurs à Malefoudre explosèrent dans des boules de feu vert zébré d’éclairs.

Le Clan Skryre avait beau avoir amené des centaines de machines à travers les galeries, ces batteries n’étaient pas de taille face à la puissance de feu de Karaz-a-Karak. Elles étaient censées détruire les portes de la citadelle, pas gagner un duel d’artillerie contre une montagne hérissée de bouches à feu. C’était une guerre d’usure qu’elles n’avaient aucune chance de remporter.

Une scène apocalyptique se déroulait au pied de l’immense et majestueuse montagne, sous des cieux striés de couleurs étranges. Le duel d’artillerie zébrait l’air d’éclairs verts tandis que des explosions secouaient toute la Passe de la Route de l’Argent. Des traînées de flammes illuminèrent le champ de bataille au moment où les deux lignes de bataille allaient se heurter. Pendant un instant, les cris de guerre résonnèrent contre les pics, et lorsque les premiers rangs se percutèrent, le fracas du métal envahit la vallée.

Quand les portes s’étaient ouvertes et que les Nains avaient vu la taille de la horde qui emplissait la Passe de la Route de l’Argent, beaucoup d’entre eux avaient regretté leur empressement et se dirent que leur Roi les menait à leur perte. Ces Nains n’étaient pas des Tueurs, et ne cherchaient pas la rédemption en trouvant la mort sur le champ de bataille. C’étaient des guerriers et des artisans qui défendaient leur demeure. Ils avaient confiance en la solidité de leurs murailles. Et pourtant, ils choisissaient délibérément de les quitter pour affronter cet océan de vermine. La horde de Guerriers des Clans et de bêtes de guerre semblait sans fin.

Malgré tout, c’étaient des Nains, et comme les autres membres de leur peuple, ils respectaient la parole donnée. Ils ne désespérèrent pas malgré l’immensité de la tâche à accomplir. Au lieu de cela, ils levèrent leurs boucliers et brandirent leurs haches.

Alors que Thorgrim récitait haut et fort des passages du Grand Livre des Rancunes pour se faire entendre malgré le vacarme, ses guerriers furent emplis d’une juste fureur. Les Nains étaient un peuple fier et belliqueux, et une fois qu’ils avaient pris une décision, leur détermination leur permettait de mener leur tâche à bien. En l’occurrence, ils étaient venus au combat, et avaient juré de massacrer leurs ennemis. Le Throng fendit la mer d’esclaves telle une lame en Gromril découpant la chair. Les armures inviolables et les murs de boucliers déviaient les lances vermoulues et les coups de griffes, tandis que les haches moissonnaient les corps frêles.

Contre un tel assaut, les légions d’esclaves ne pouvaient pas résister bien longtemps. Couinant de panique, les Skavens tentèrent d’échapper à ces guerriers d’acier qui les abattaient par milliers. Derrière les esclaves se trouvaient les Guerriers des Clans. Ils ne montrèrent aucune pitié envers les fuyards. Pour les esclaves, le champ de bataille devint un abattoir auquel il était impossible de réchapper. Acculés, les esclaves étaient plus dangereux que jamais, car ils puisaient dans leurs dernières forces, griffant et mordant frénétiquement tout ce qui se dressait devant eux pour tenter de sauver leur peau, et retourner dans les tunnels sombres où ils pourraient poursuivre leur existence misérable quelques jours de plus. Ils s’entre-tuaient, voire mordillaient leur propre queue lorsqu’ils la confondaient avec celle d’un congénère ou le bras vengeur d’un Nain.

Ces derniers avançaient imperturbablement à travers la mêlée en suivant Thorgrim. De loin, le Trône de Pouvoir ressemblait à un vaisseau à la proue en forme de dragon, qui voguait sur un océan de vermine. Les pieds campés sur la plate-forme du trône, le Haut Roi brandissait sa hache. Aucun ennemi ne pouvait lui résister. La Garde d’Éternité et les porteurs du trône émulaient la force et la bravoure de leur Roi. Leurs marteaux défonçaient les boucliers et les crânes des hommes-rats. Alors que le champ de bataille était plongé dans une pénombre crépusculaire, les armes des Nains scintillaient comme elles fauchaient les vies de leurs adversaires.

Les armureries de Karaz-a-Karak avaient été ouvertes. Des haches et des marteaux créés par les Forge-runes de jadis avaient été sortis de leurs écrins. Le savoir nécessaire pour fabriquer de telles armes avait été perdu. Il n’était jamais nécessaire de les polir, de les aiguiser ou de les réparer, car les énergies des runes les maintenaient aussi redoutables et étincelantes qu’au premier jour.

Des régiments entiers de guerriers et de Longues Barbes avaient été équipés avec les armes des héros d’antan. Jamais autant de Nains n’étaient partis au combat en portant des armes runiques depuis la Guerre de la Vengeance, qui remontait à l’Âge d’Or de leur peuple. Désormais, la fureur de ces armes était à nouveau déchaînée, et des milliers de Skavens périssaient sous leurs coups vengeurs.

Les portes de Karaz-a-Karak s’ouvrirent au son des cors.
Les Nains étaient en proie à la rage du combat, et leur soif de sang était inextinguible. Ils continuaient d’avancer en exterminant les régiments de Skavens les uns après les autres. Des dizaines d’étendards du Clan Mors et du Clan Rictus furent piétinés dans la boue. La haine des Nains était telle que le plan initial, qui consistait à rester près des portes, fut oublié. Ils avaient prévu de se positionner de façon à bénéficier des tirs de soutien de l’artillerie, mais perdus dans la joie du combat, ils firent fi de toute stratégie. Leurs haches se levaient et retombaient sans cesse en massacrant les Skavens.

Queek observait l’ennemi en chasseur de Nains émérite. Les choses-barbes avançaient trop loin, et trop vite. Bientôt, leur artillerie serait incapable de les soutenir. Le Seigneur de Guerre du Clan Mors avait été surpris par la sortie des Nains. Généralement, quitter la protection d’une forteresse était le pari risqué d’un Throng qui n’avait aucune autre solution.

Queek savait que les Nains dont le royaume avait été lentement grignoté organisaient souvent une ultime contre-attaque, dans le but de vaincre ou de périr avec honneur. Il avait été témoin de dizaines de cas de ce genre. La férocité de la charge des choses-barbes était terrible à contempler, et en de telles occasions, aucune meute de Skavens n’était en mesure de les arrêter. Cependant, ils finissaient tôt ou tard par s’épuiser face au poids du nombre.

Et lorsque les choses-barbes seraient harassés, que leurs boucliers seraient fendus et que leurs bras seraient engourdis à force de donner des coups de haches, où se retrouveraient-ils ? Queek le savait parfaitement : ils se trouveraient au beau milieu de la Passe de la Route de l’Argent, sans que leur artillerie soit en mesure de les protéger. Il suffisait de les laisser massacrer quelques clans, voire plusieurs grandes meutes, pensa Queek. Lorsqu’ils auraient perdu leur élan, ils seraient tel un boulet de canon : une masse inerte enfoncée dans la neige.

Le Seigneur de Guerre du Clan Mors pouvait attendre. Le poids du nombre jouait en sa faveur. Il ordonna l’envoi de la grande meute suivante, en prenant soin de conserver en réserve la Garde Rouge et ses meilleurs Guerriers des Clans en prévision de l’assaut final. Quand les Nains montreraient des signes de fatigue, Queek mènerait l’attaque. Il éprouverait une satisfaction immense en plantant la tête du Roi sur son râtelier à trophées, même s’il devait plus tard la concéder à un émissaire du Clan Skryre.

Les Roues Infernales se rapprochaient.
Pendant ce temps, et à la grande joie de Queek, une partie du Throng avait percuté les lignes du contingent du Clan Skryre déployé sur le flanc gauche. Plusieurs régiments du guet de la Porte Karaz étaient en train de mettre à bas les machines des Technomages. La Dracogarde usait de ses armes pour mettre en pièces les Skavens terrifiés. Les tirs des Dracs de Fer étaient si dévastateurs qu’ils mirent le feu à plusieurs engins, dont les générateurs à Malefoudre explosèrent. Des colonnes de flammes vertes montèrent vers le ciel et illuminèrent le champ de bataille d’une lueur malsaine.

Ikit la Griffe orchestra une contre-attaque. Les Vermines de Choc à fourrure noire du Clan Rictus étaient de bons combattants, et contre d’autres adversaires, elles s’en seraient sorties honorablement. Malheureusement pour eux, les hommes-rats faisaient face aux Brise-Fer des Gardiens de la Porte Karaz, qui portaient chacun une hache et un bouclier runiques datant d’un âge révolu. Face à de telles protections, les hallebardes des Vermines de Choc étaient impuissantes, tandis que leurs armures étaient facilement transpercées par les haches runiques. Seule la présence du Maître Technomage évita une déroute totale aux hommes-rats. En effet, Ikit projetait des éclairs de Malefoudre et des jets de Maleflamme. Même les protections runiques des Nains ne pouvaient les sauver, et ils périrent par dizaines, électrocutés ou grillés par les attaques dévastatrices du Maître Technomage.

En revanche, la Dracogarde portait des armures frappées de runes qui permettaient de travailler au milieu de la chaleur mortelle des forges de Karaz-a-Karak. À la grande consternation d’Ikit, ces Dracs de Fer traversèrent le brasier qu’il avait déchaîné et ripostèrent avec leurs propres armes. Une Vermine de Choc à côté d’Ikit fut projetée contre les rangs arrière, un trou béant et fumant en plein milieu de la poitrine. Alors qu’il envisageait de détaler sur-le-champ, Ikit vit la Brigade Roulante passer à proximité.

Les éclairs de Malefoudre qui jaillissaient de ce trio de machines de guerre brûlaient la rétine si on les regardait trop longtemps. La Dracogarde tenta de concentrer ses tirs sur les Roues Infernales qui se rapprochaient, toutefois celles-ci arrivaient trop vite. Les engins heurtèrent le régiment dans un bruit écœurant de métal tordu, d’os broyés et de bois brisé. Elles furent à peine ralenties dans leur élan, et laissèrent derrière elles une large traînée de sang et de cadavres secoués de spasmes.

Queek s’estimait patient, néanmoins sa nature agressive le poussait toujours à intervenir prématurément. Les Nains s’étaient suffisamment éloignés des portes, notamment leur Roi. Ils n’avaient même pas pris la peine de protéger leurs flancs, car ils comptaient sur leur élan, sur leurs armures et sur leurs prouesses guerrières pour les protéger. Le Seigneur de Guerre du Clan Mors allait leur faire payer leur témérité.

La grande meute que Coupe-Têtes avait gardée en réserve intervint. Queek et sa Garde Rouge menèrent la charge, sous la bannière à trophées du Clan Mors. Coupe-Têtes se fraya un chemin droit vers le Roi Nain. Il comptait mettre rapidement un terme à la bataille. Les Malebrutes de Scartorn avançaient aux côtés de ses Vermines de Choc. Ils étaient dotés de Gantelets Écorcheurs. Ces boules en acier motorisées étaient capables de pulvériser la pierre. Quant aux armures des monstres, elles étaient équipées de lames rotatives.

L’impact des régiments de Queek contre le flanc de la ligne de bataille des Nains résonna par-dessus le vacarme de l’artillerie. Les murs de boucliers formés en toute hâte furent disloqués par les hallebardes des Vermines de Choc ou les boulets de démolition des Malebrutes. Queek traçait un sillon sanglant à travers l’ennemi. Aucune armure, aussi efficace fût-elle, n’était invulnérable face à Perce-Nains. Le pic de guerre poinçonnait les casques et défonçait les boucliers. Le Seigneur de Guerre du Clan Mors ouvrait un chemin à travers la mêlée que ses Vermines de Choc n’avaient plus qu’à suivre.


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Alors que ces pensées assaillaient le vieux Roi, il aperçut Queek Coupe-Têtes
Thorgrim se dressa sur la plate-forme du Trône de Pouvoir et donna quelques ordres autoritaires. Puis il défia Queek…
Même si Queek n’avait pas eu la patience d’attendre assez longtemps afin de lancer une contre-attaque parfaite, l’assaut des Skavens était tout de même bien minuté. Le Haut Roi et ses gardes du corps furent coupés du reste du Throng par une marée de guerriers du Clan Mors. Il faudrait un peu de temps pour que la plus grosse partie de l’armée naine rejoigne son Roi, et Queek comptait bien s’assurer qu’elle arrive trop tard.

Malgré la rage qui s’était emparée de lui, Thorgrim s’aperçut que le cours de la bataille avait changé. Dans sa fureur, le Haut Roi s’était laissé piéger. Il était isolé, coupé du reste de son Throng. Ses gardes du corps formaient un îlot de métal au milieu d’une mer de fourrure. Il fallait qu’il batte en retraite. Alors que ces pensées assaillaient le vieux Roi, il aperçut Queek Coupe-Têtes, la Garde Rouge et le porteur de la Grande Bannière du Clan Mors.

Au même instant, le son de cors annonça la venue de nouveaux protagonistes sur le champ de bataille. Bugman était arrivé. On pouvait voir ses Rangers de l’autre côté de la passe, en train de descendre rapidement un sentier de montagne. Même s’ils n’étaient pas nombreux, les Rangers de Bugman étaient de redoutables vétérans. Ils abattaient l’ennemi à longue portée avec leurs arbalètes, et lorsqu’ils se rapprochaient, ils lançaient des haches de jet pour fendre les crânes. Enfin, les adversaires qui avaient l’audace de se jeter sur eux étaient aussitôt abattus à coups de haches. De plus, les Rangers n’étaient pas seuls, car ils étaient accompagnés par Ungrim Poing de Fer et par les derniers Tueurs de Karak Kadrin.

Ces derniers étaient encore moins nombreux, mais ils s’abattirent sur les Skavens avec la force d’un ouragan. Le plus terrible d’entre eux était le Roi Tueur. Il brillait comme un fanal au milieu de la pénombre surnaturelle. Les flammes dansaient sur son casque et son cri de guerre avait la force d’une tempête de feu. La Hache de Dargo laissait de longues traînées ardentes derrière elle. Les Skavens qui lui faisaient face mouraient dans la seconde. Les autres paniquaient et se montaient les uns sur les autres pour tenter d’échapper à sa colère. Au final, tous furent incinérés par la rage incandescente du Roi Tueur.

Même si Queek ne pouvait pas savoir ce qui se tramait derrière lui sur la Route de l’Argent, il reconnut sans se tromper les couinements de terreur. Ses troupes le laissaient tomber une fois de plus. Malgré l’appui d’une griffe de Coureurs Nocturnes, sa Garde Rouge n’était pas de taille face à la Garde d’Éternité. Il devait rapidement mettre fin à ce combat, avant que toute son armée soit en déroute. Seule la mort du Roi Nain pouvait encore renverser la situation.

Thorgrim se dressa sur la plate-forme du Trône de Pouvoir et donna quelques ordres autoritaires. Puis il défia Queek en brandissant sa hache runique. Le Seigneur du Clan Mors brandit à son tour Perce-Nains pour inviter le Roi Nain à s’approcher. Tandis que Thorgrim fonçait vers lui, le Skaven lança sa fameuse attaque tournoyante avec ses deux armes, celle qui avait eu raison de tant de choses-barbes.

Les Gyrobombardiers larguèrent des dizaines de bombes sur les fuyards avant qu’ils ne regagnent leurs antres.
Alors que Queek retombait vers sa victime, la Hache de Grimnir para Perce-Nains et le disloqua. Dans un même geste, le gantelet de Thorgrim dévia l’épée de Queek et attrapa le Skaven à la gorge. Le Seigneur de Guerre se retrouva suspendu dans les airs au-dessus de la tête du Roi, ses pattes s’agitant dans le vide. Le coup de hache suivant sectionna le râtelier à trophées du Skaven. Ce dernier piaillait et se débattait pour tenter de se libérer. Il essaya de poser les pattes sur la poitrine de Thorgrim pour le repousser, mais sa vision se brouillait alors que le Nain lui écrasait la trachée.

Thorgrim continuait de le maintenir dans sa poigne de fer, et abaissa son visage au niveau du sien. La dernière chose que vit Queek fut la haine qui brillait dans les yeux de son adversaire.

Même après que la nuque du Skaven eût cédé sous la pression, Thorgrim continua de lui tordre le cou pendant un long moment avant de laisser le cadavre tomber à ses pieds. Le Roi Nain abattit alors sa lourde botte ferrée. Il y eut un bruit d’os broyés et de cervelle réduite en gelée. Finalement, le Haut Roi cracha sur le cadavre démantibulé et s’en alla.

Alors qu’il retournait auprès de ses porteurs, une ombre noire se détacha des Coureurs Nocturnes. Elle rabattit sa cape, dégaina une paire de lames dégoulinantes de poison et bondit, se préparant à enfoncer ses armes entre les omoplates du Roi. Un des porteurs lâcha le trône et se précipita vers son Roi, mais il était trop tard…

Thorgrim fit volte-face et donna un seul coup avec la Hache de Grimnir. La lame éventra l’assassin de l’aine jusqu’au cou. Ses entrailles dégoulinèrent sur le sol dans un bruit écœurant. Remontant sur le Trône de Pouvoir sous les vivats de la Garde d’Éternité, le Haut Roi se prépara à retourner au combat. Cependant, ce n’était pas nécessaire.

Les Skavens battaient en retraite partout sur la Passe de la Route de l’Argent. Même s’ils étaient encore beaucoup plus nombreux que les Nains, ils étaient en proie à une panique incontrôlable. Parmi tous les Seigneurs de Guerre, seul Queek aurait eu l’autorité nécessaire pour les rallier.

Les rares tentatives de réorganisation des hommes-rats furent balayées par le feu d’Ungrim, ou par les attaques aériennes des escadres de Karaz-a-Karak. Les Gyrobombardiers larguèrent des dizaines de bombes sur les fuyards avant qu’ils ne regagnent leurs antres.

La récupération des corps des Nains et des armes runiques pouvait commencer. Il était hors de question de laisser les corps à la merci des charognards, pas plus qu’il n’était envisageable de perdre ces trésors.

Avant de noter les noms des morts sur le Dammaz Kron, Thorgrim examina le Trône de Pouvoir. L’aura qui l’avait entouré semblait l’avoir quitté depuis la fin de la bataille. De plus, une fissure était apparue. Elle coupait en deux Azamar. Avant qu’il puisse méditer sur la signification de ce signe funeste, ses porteurs l’amenèrent devant Ungrim Poing de Fer.

Les derniers des rois Nains avaient beaucoup de choses à se dire.


« Ça c’est ma peau, espèce de crétin ! » hurla Ikit. Une boule d’électricité verte se forma autour du gantelet blindé du Maître Ingénieur.

Le Technomage qui avait essayé de retirer la pièce d’armure d’Ikit lâcha ses outils et détala. Il fit à peine quelques mètres avant qu’un éclair de Malefoudre l’atteigne de plein fouet et le réduise en tas de cendre. L’odeur âcre de la chair brûlée envahit de nouveau la pièce.

« Toi, approche ! » ordonna Ikit en pointant l’index vers le Technomage suivant. « Essaye de retirer cette plaque ! » dit-il.

Le Technomage resta interdit, comme s’il hésitait entre s’exécuter, ou s’enfuir sur-le-champ. Aucun de ces deux choix n’était le bon. Six corps calcinés gisaient déjà autour d’Ikit.

Le Maître Technomage était furieux. Tout avait basculé si vite. Au moment où il pensait que Queek allait tuer le Roi Nain, la bataille s’était muée en déroute pour les Skavens. Des langues de flammes avaient ravagé les rangs de ses gardes du corps. Seule son armure l’avait sauvé, mais certaines de ses pièces avaient fusionné avec son corps sous l’effet de la chaleur.

Il releva la tête pour voir ce qui retenait le Technomage de se mettre au travail, et vit la terreur dans son regard. Les autres Technomages présents dans la caverne étaient tout aussi apeurés. Ils n’arrivaient pas à se décider entre aider leur maître ou trouver une cachette pour échapper à sa colère.

Poussant un cri de frustration, Ikit déchaîna une tempête électrique qui aurait pu griller toute une meute. Lorsque les éclairs eurent fini de crépiter, il était seul au milieu des cadavres.

Il entreprit d’ôter lui-même son armure. Ce faisant, il pensait à quel point il avait été proche du siège du Conseil des Treize

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« Que suis-je censé voir ? » demanda Thanquol en regardant dans la boule de cristal que Verminking venait de produire comme par magie.

« Une ascension. Oui-oui ! Une ascension liée à ton ascension ! » répondit Verminking.

Cela ne répondait pas exactement aux interrogations de Thanquol. Il ne comprenait pas quel rapport les vapeurs qui semblaient tourbillonner à l’intérieur de la boule de cristal avaient avec une quelconque ascension. Il allait renouveler sa question lorsque lesdites vapeurs formèrent une image. L’image d’une chose-barbe…

Thorgrim était harassé, de corps aussi bien que d’esprit. Il suspectait que tout son être était douloureux, néanmoins c’était la blessure à son flanc qui le faisait le plus souffrir. Il serra les dents et débuta la longue ascension de l’escalier en colimaçon. Il aurait donné n’importe quoi pour quelques heures de sommeil, mais ce qu’il allait faire primait sur tout le reste. C’était un rituel nécessaire, sa façon a lui de commémorer les morts et de chasser les horreurs de la bataille.

Il était très préoccupé en dépit de la victoire remportée par son armée. Ungrim était plus étrange que jamais. Il occupait une partie des pensées de Thorgrim, mais ce n’était pas l’essentiel. La montée des marches requérait toute son attention. Chacun de ses pas était un supplice.

Ces marches en pierre étaient celles de l’Escalier du Roi. Elles menaient à la plus haute tour de Karaz-a-Karak, au sommet de la montagne. Le prédécesseur de Thorgrim, le Haut Roi Alriksson, lui avait fait découvrir cet endroit qu’on surnommait le Belvédère du Roi. Quant à l’Escalier du Roi, il était également surnommé l’Escalier du Souvenir, car à chaque marche, Thorgrim se rappelait le nom d’un des Nains tombés lors de la bataille de la journée. Il était capable de nommer ainsi chaque Nain, et le clan auquel il appartenait. L’ascension durait des heures, pourtant Thorgrim tombait toujours a court de marches avant de tomber à court de noms. Les défunts restants devaient attendre qu’il descende afin d’être commémorés.

Arrivé en haut de l’escalier, Thorgrim ouvrit la porte runique et sentit le vent des sommets lui fouetter le visage. Il avança sur le promontoire similaire à un balcon. Le pinacle était juste derrière lui. À cette altitude, l’air était rare et glacial. Il n’y avait pas d’étoiles dans le ciel. Il n’y en avait plus depuis que Morrslieb avait disparu.

Perché au sommet du monde, Thorgrim observa les pics des alentours. Ce n’était qu’ici, en ce lieu reculé, que le Haut Roi pouvait méditer sereinement sur les événements de la journée.

Ungrim semblait possédé par une rage ardente. Il n'avait pas voulu rester à Karaz-a-Karak. Il était parti sans attendre, avec pour intention de rejoindre l’Empire et lui venir en aide. Selon les quelques rapports que Thorgrim avait reçus, il semblait que Karl Franz était vivant, mais que l’Empire était en ruines.

Perdu dans ses pensées, Thorgrim ne vit pas l’ombre qui se découpait contre la paroi. Elle avançait sur la roche comme une araignée, et se laissa soudainement tomber vers lui.

Dans sa chute, la silhouette dégaina ses trois poignards : un dans chaque main, le dernier tenu avec la queue.

Atteindre le sommet de Karaz-a-Karak sans être détecté avait demandé à Snikch des mois d’efforts. Les lames du plus terrible des assassins étaient forgées avec de la Malepierre, et trois-fois maudites par le Verminarque Lurklox. Elles pouvaient traverser le Gromril aussi facilement que des canines déchiquetaient la chair morte. Usant de tout son poids et de la vitesse de sa chute, Snikch enfonça les trois lames jusqu’a la garde dans le dos de sa victime.

Thorgrim tituba en avant. Une douleur fulgurante s’était emparée de lui. Alors qu’il tombait à genoux, il vit les pointes des trois poignards sortir de son torse. Ses dernières pensées se bousculaient dans sa tête. Il pensa à la porte restée ouverte derrière lui, à toutes les rancunes qui perduraient. Et puis, la dernière avant de mourir : les hommes-rats tant honnis avaient fini par le vaincre de la façon la plus veule.

La queue de Thanquol fouettait l’air sous l’effet de l’excitation. Il observa Snikch s’affairer à sa sinistre besogne, et scier les vertèbres avec un de ses poignards dentelés. Derrière lui, la porte runique était ouverte.

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« Cette tête te sera apportée, petit prophète cornu, » minauda Skreech derrière lui. « Tu la montreras au Conseil des Treize. Tu assumeras la juste place des Prophètes Gris. »

Thanquol espérait depuis longtemps occuper un siège au Conseil des Treize. Il réfléchit aux opportunités qui s’offraient à lui.

Maintenant, Snikch inscrivait des runes sur le sol.

Comme s’il devinait les pensées de Thanquol, Verminking poursuivit : « Il va invoquer Lurklox. Les défenses des Nains empêchent les voyages dans le néant, mais ces runes vont les neutraliser. Bientôt, une armée de Coureurs d'Égouts sera à l’intérieur de Karaz-a-Karak. Ils ouvriront les portes pour nos guerriers dépenaillés. Les Clans Guerriers mineurs envahiront la forteresse avant que les choses-barbes comprennent ce qui leur arrive, et leur royaume sera définitivement brisé. »

« Cela veut dire que nous avons gagné ? »

Verminking secoua sa tête aux cornes majestueuses. « Nous avons gagné beaucoup. Mais pas tout ce que nous convoitons. Les choses-lézards et leurs terres ne sont plus, mais le Clan Pestilens est dévasté. Je ressens la colère de Vermalanx. Toutefois, Skrolk a survécu, et le septième Seigneur de la Peste se cache toujours dans l’Empire Souterrain. Même moi, je ne sais pas où il se terre. Le Clan Skryre a reçu une bonne leçon, mais il reviendra plus fort que jamais. Quant au Clan Moulder, il complote en secret. »

La griffe de Skreech flatta gentiment la tête de Thanquol.

« Et en ce qui concerne notre allié l’Élu du Chaos, il est le plus puissant de tous. Mais malgré cela, toi et nous - le Verminarque parlait toujours de lui au pluriel - avons le temps d’attendre. Et un jour, tout sera à nous. Les Enfants du Rat Cornu hériteront de ce monde. »

Source

  • La Fin des Temps - Thanquol, produit par le design studio Games Workshop, 2015
  1. Götterdämmerung (Le Crépuscule des Dieux en français) est le dernier des quatre drames musicaux qui constituent L’Anneau du Nibelung de Richard Wagner.