Château Drachenfels

De La Bibliothèque Impériale
La forteresse, c’était l’homme, se dit Geneviève. Les tours et les remparts, les corridors et les salles, la montagne même dans laquelle avait été taillé Drachenfels, tout cela formait les artères et les organes du Grand Enchanteur, son sang et ses os.
- Jack Yeovil : Drachenfels


Drachenfels, le Grand Enchanteur, est mort. Essence même de l’horreur et du mal, il a été abattu par une Vampire et un simple mortel (possédé cependant par une force inhumaine), un exploit que chantent encore les ménestrels, que célèbrent les poètes et les dramaturges. Cette vie qui, s’il faut en croire les légendes, durait depuis des milliers d’années, est donc arrivée à son terme. Homme, bête ou démon, Drachenfels gît dans son sépulcre immonde, pourrissant comme le commun des mortels. Le cauchemar de son existence a pris fin.

Mais le Château Drachenlels est toujours là, ce lieu que même les plus désespérés, les plus corrompus des habitants des Montagnes Grises évitent. Ses sept tours déchirent les cieux gris, telles les doigts d’une main mutante, et les vents cinglants de la montagne hurlent autour d’elles, âmes condamnées au tourment éternel par les sorcelleries abominables du Grand Enchanteur .

Au-delà des vents, au-delà des croassements des oiseaux impurs perchés sur les pierres, au-delà des grattements d’un lézard de roche ou d’une autre brute affamée pleine d’espoir, au-delà des sons que l’ouïe d’un mortel pourrait détecter, quelque chose s’agite. Chacun le sent, ce niveau de l’esprit que n’atteint pas la pensée et qui est d’une certaine manière plus ancien et plus sage qu’elle, il y a…

…quelque chose. Un son muet, une odeur inexistante, une vision invisible, une Chose indéfinissable. Tandis que la conscience cherche en vain la source de ce malaise, les cheveux y répondent en se dressant à la base du cou, l’estomac se noue et palpite.

Quelque chose s’agite.


Les premières observations officielles du Château Drachenfels, la demeure maudite de l’enfer, nous furent communiquées par Oskar Lefèvre et Jean-Pierre Lafontaine de la ville de Quenelles en l’année 184 (Calendrier Impérial). Leurs esquisses montrent le château parfaitement terminé, avec ses sept tours et ses hauts remparts, la pierre offrant l’apparence de l’usure et de l’antiquité. Pourtant, les récits des explorateurs Armand et Michaela Menise, qui ont parcouru ce même territoire la saison précédente, ne mentionnent nullement un tel édifice. Le monstre maudit a donné vie à son abattoir à partir de la montagne, et ce en l’espace de quelques semaines, peut-être moins.

Tous les savants sont d’accord pour dire que le Château Drachenfels est ancien. Les Grimoires Interdits de Khaine détaillent son développement au cours des siècles suivants. Des visiteurs dépravés vinrent y assister aux horreurs que le maître des lieux imaginait. De pitoyables serviteurs-esclaves étaient réunis pour satisfaire les appétits dégradants de ces hôtes, connaisseurs en carnage et débauche.

Au début, Constant Drachenlels se servait de ses magies, aussi diverses que personnelles, afin d’enregistrer ces perversions, ce qui lui permettait ensuite de se plonger dans de langoureuses contemplations, mais au fil du temps, la pierre même dont était composée la demeure se mit a comprendre, à retenir, à répondre, à changer. Drachenfels s’aperçut que lui qui écoutait correctement pouvait entendre, voir, sentir et même goûter chaque acte pervers qui s’était déroulé dans les salles et les labyrinthes du bâtiment. Et comme il accordait à son esprit le droit de vagabonder, il remarqua que le château se faisait un plaisir de le guider à sa place et de puiser quelques-uns des souvenirs et des sensations de cet esprit pour lui-même ; la construction semblait se nourrir elle aussi de ces choses qui troublaient les cœurs noirs battant entre ses murs…

Les atrocités dont le château fut témoin pendant ses premiers siècles d’existence furent gardées secrètes par ceux qui y participaient. Ce n’est que bien plus tard, lorsque les audaces de Constant Drachenfels ne connurent plus de limites, que les récits des horreurs qui y étaient perpétrées commencèrent a se répandre. Et ils étaient nombreux…

La Pavane des Lépreux, en 1104, fut l’occasion d’une série d’horreurs, chacune plus perverse que la précédente. Drachenfels, déguisé, masquant sa pensée, trompa près d’un millier d’âmes des villes et des villages alentour en prétendant les convier à un festin et un bal. A chacun, qu’il soit marchand ou prospecteur, noble maniéré ou fils maltraité d’ouvrier, il raconta une histoire adaptée a’ sa plus secrète vanité, ou son plus grand désir : chaleur et abri, nourriture et boisson, société et snobisme, peintures et poètes et musiciens Elfes… Ils danseraient, promit-il en riant, jusqu’à ne plus tenir sur leurs pieds. Et c’est effectivement ce qui ce passa. Ils dansèrent jusqu’à ce que leurs membres se détachent de leur corps, condamnés à se contorsionner tandis que la lèpre, à une vitesse inouïe, rongeait leur chair et l’arrachait a leurs os. Drachenfels allait de l’un a l’autre et riait, tout en pressant des têtes dans ses mains et les écrasant comme des fruits pourris.

À chaque nouvelle atrocité - le Festin Empoisonné de 1907 étant une des plus abominables - le Château Drachenfels semblait attirer à lui encore plus de perversité. Les déformations des constructions s’accroissaient, les illusions et les traîtrises devenaient plus difficiles a détecter, les cauchemars et les obsessions plus intenses. Les âmes et - pire encore - les restes d’âmes s’amassaient sur place comme des mouches sur une carcasse. On prétend que Drachenfels se vantait de conserver les âmes de toutes ses victimes, sous des formes variées, dans sa demeure. Cela pourrait expliquer nombre des expériences que ceux qui y ont séjourné ont vécues…

Beaucoup de gens se sont demandés pourquoi le château n’a jamais été abattu. On pouvait parfois croire que le miracle s’était enfin produit. Mais toujours il réapparaissait, tumeur impossible a supprimer du paysage. L’Empereur en personne ordonna sa destruction, mais même les conseillers les plus flagorneurs furent contraints de lui suggérer qu’il s’agissait la d’une impossibilité.

Le Château Drachenlels n’est pas un lieu que l’on peut localiser et détruire, et ce pour bien des raisons. Si on compare diverses sources, il semblerait qu’il ne se dresse pas toujours au même endroit, quoique des rapports récents donnent a penser qu’il n’est plus capable des déplacements dont il a été coutumier par le passé. Il est isolé, difficile a atteindre, bâti dans une contrée particulièrement peu propice aux voyages, où les bêtes de somme n’ont guère de chances d’arriver à porter la moindre charge. Les terres environnantes fourmillent de bêtes sauvages, d’Orques, et pire encore.

Le transport des ouvriers et outils nécessaires a la démolition serait une entreprise certainement vouée a l’échec. En 1513, une tentative malheureuse de bombardement à l’aide de rochers transportés par des Griffons connut un échec spectaculaire, et révéla également la présence dans les tours d’une multitude d’archers morts-vivants aux tirs d’une précision diabolique.

On tenta aussi de détruire le bâtiment par des procédés magiques, mais toujours en vain. Le feu s’avéra inefficace contre les pierres inébranlables de ses murs. Certains rapports, à l’authenticité garantie, expliquent que les enchanteurs ayant usé de la magie contre l’édifice furent eux-mêmes pris pour cible par des forces magiques invisibles et inconnues. Le Magister Kaster Dreckspatz d’Altdorf repose dans le Grand Hospice de Frederheim depuis sa tentative d’ouvrir une brèche dans les murailles. Cette résistance se perpétue malgré la mort du Grand Enchanteur, dont nous sommes redevables à Koenigswald. À moins que des raisons impératives n’obligent à réitérer ces expériences, il vaut mieux ignorer le Château Drachenlels et le laisser là ou il est.


Source

  • Warhammer JdR - Château Drachenfels