Les Élus de Sigmar
L’année 2522 s’annonçait comme la plus difficile du règne de Karl Franz : au nord s’assemblait une armée vouée à détruire l’Empire qu’il dirigeait. L’été précédent, l’avant-garde de cette force colossale avait tracé un sillon sanglant à travers le Kislev et attaqué Wolfenburg. Les Nains avaient envoyé des messagers qui annonçaient l’arrivée d’une deuxième armée du Chaos traversant le sud des Terres Sombres, menaçant l’Empire par l’est. Ceux dont il avait le plus besoin étaient divisés : la puissante église Sigmarite était en pleine crise à cause des actions d’un homme et de l’émergence d’un autre. Avec les Prêtres de leur église désunis, les Comtes Électeurs, les généraux de l’Armée Impériale et les autres grands chefs qui le servaient avaient désespérément besoin de quelqu’un pour les guider. Il échoyait donc à Karl Franz, le plus grand homme d’état du Vieux Monde, de sauver l’Empire de la destruction aussi bien que de la guerre civile.
L’Armée de Sigmar[modifier]
L’origine de toutes ces controverses était Luthor Huss, l’auto-proclamé Prophète de Sigmar. Non loin d’Altdorf, dans le petit village de Lachenbad, il avait rencontré le jeune Valten. Voyant en lui un charisme et une puissance hors du commun, il avait déclaré qu’il était la réincarnation de Sigmar, et que le fondateur de l’Empire était revenu les aider durant ces heures sombres.
Avant même qu’il ne dise cela, les noms de Valten et de Lachenbad s’étaient répandus comme une traînée de poudre dans le Reikland et même au-delà. Des Prêtres-Guerriers de Sigmar firent à leur tour le voyage vers le village, ainsi que de nombreux illuminés ayant entendu la rumeur du retour de leur Dieu. Toutes sortes de Flagellants et de pénitents arrivèrent par centaines, accompagnés de mendiants et de désespérés cherchant refuge contre les bêtes hantant les forêts de l’Empire, qui s’étaient considérablement enhardies depuis que l’ombre du Chaos avait commencé à s’étendre un peu plus.
En quelques semaines, ces groupes avaient formé un rassemblement de plusieurs milliers d’individus. À court de nourriture, ils commencèrent à s’agiter et envahirent les villages voisins, emplissant les rues de hordes de réfugiés et de pèlerins. Valten était introuvable, mais Huss s’adressa à eux. Il leur dit qu’un temps de malheur était sur le point de s’abattre, mais qu’ils avaient en eux la force d’y résister et de repousser les forces ténébreuses qui allaient recouvrir leurs terres. Au milieu des hourras, il fendit la foule en annonçant que Sigmar était revenu pour les mener à la victoire. Il n’en fallut pas plus pour que des acclamations demandant l’accession de Valten au trône impérial se fassent entendre.
La Réplique du Grand Théogoniste[modifier]
Les Prêtres de Sigmar n’approuvaient pas tous ces événements. En entendant Huss, certains se rendirent à Altdorf aussi vite qu’ils le purent, et demandèrent audience auprès du Grand Théogoniste pour lui conter ce qu’ils avaient vu. Rendu furieux par l’opposition de Huss à un Empereur légalement élu et soutenu par son prédécesseur Volkmar le Sévère, Johann Esmer renouvela sa désapprobation de Huss et de ses dires. Il le traita de charlatan, et déclara que Valten était au mieux une marionnette entre ses mains, au pire un dangereux hérétique. Il ordonna que Huss disperse son armée de paysans et se rende à l’église de Sigmar, qui déciderait de son sort. S’il refusait, Esmer annonça qu’il demanderait alors personnellement à l’Empereur de lever une armée pour en finir avec ces forces qui se rassemblaient au sud de la capitale.
Altdorf et l’Empire dans son entier vécurent des heures extrêmement tendues tandis que les nouvelles de l’avancée de l’armée de Huss et de Valten vers le nord-ouest se propageaient : elle se dirigeait vers la capitale. La Reiksguard reçut l’ordre de défendre la cité, tandis que la milice et des compagnies de tout le Reikland furent rapatriées afin de renforcer sa garnison.
Valten Arrive à Altdorf[modifier]
Les routes au sud et à l’est d’Altdorf étaient noires de monde. Valten et Huss menaient cette procession, mais ils trouvèrent les portes sud de la capitale fermées et barricadées. Un émissaire détenteur d’une déclaration de Johann Esmer s’adressa à eux, elle leur demandait de débander leur armée d’hérétiques et de s’en remettre à la justice de l’Empereur. Huss s’avança vers l’émissaire, son marteau levé, mais Valten le retint. Il dit alors au messager d’Esmer que les hommes qui le suivaient, fidèles serviteurs de l’Empire, n’étaient pas là selon sa volonté mais la leur. Il lui dit également de retourner à la cour et de dire qu’il s’y rendrait dans trois jours. L’émissaire, visiblement ébranlé par cette rencontre, s’en alla rapporter ce message.
À l’insu du reste du pays, un débat houleux faisait rage dans la cité. Aucune force armée avait jamais marché sur la capitale sans avoir été combattue. Le commandant de la Reiksguard, le Reiksmarshall Kurt Helborg, déclara que la sécurité de l’Empereur était en danger si cette armée de misérables campait au pied de la ville, et interdit toute allée et venue entre la ville et l’extérieur. Johann Esmer tenta de le convaincre de mener une charge à la tête de ses chevaliers afin de disperser cette foule, mais le Reiksmarshall refusa de verser le sang de tant de malheureux.
Le jour suivant, Huss s’approcha des portes avec Valten et demanda le droit d’entrer afin qu’il puisse présenter la réincarnation de Sigmar à Karl Franz. Les capitaines de la Reiksguard répondirent qu’ils avaient reçu l’ordre de ne laisser passer personne tant qu’une armée camperait près des murs. Le deuxième jour, Huss s’avança de nouveau pour parlementer avec les capitaines responsables des portes. Il leur dit qu’il n’était pas un ennemi des vrais croyants. Il pesta contre leur aveuglement, et leur lança qu’ils étaient victimes des mensonges du Grand Théogoniste s’ils n’étaient pas capables de voir que Sigmar était revenu parmi eux. Bien que profondément ébranlés par ces paroles, les capitaines ne cédèrent pas et suivirent leurs ordres. Les accusations de Huss parvinrent aux oreilles d’Esmer, qui entra alors dans une colère telle qu’il demanda immédiatement une audience auprès de l’Empereur. Il en revint cependant déçu, ce dernier ayant refusé l’arrestation de ceux que le Grand Théogoniste considérait comme des imposteurs.
À l’aube du troisième jour, Huss et Valten se présentèrent aux portes. Cette fois Huss dit aux gardes qu’il allait présenter Valten à Karl Franz, et frappa de son marteau les portes de la ville. Les capitaines regardèrent alors avec inquiétude les Flagellants hurlants, les paysans et les Prêtres-Guerriers au regard sévère qui emplissaient les champs autour de l’enceinte fortifiée. Malgré tout, ils ne fléchirent pas et crièrent à Huss de s’en aller.
À l’intérieur des tours qui flanquaient les portes, les avis divergeaient au sein même de la Reiksguard. Certains pensaient qu’il fallait permettre à Huss et Valten d’entrer afin d’éviter une attaque, alors que d’autres continuaient à croire que la réaction de Huss prouvait qu’il était dangereux et qu’il ne devait en aucun cas pénétrer dans la ville. Plus important encore étaient les avis partagés sur la vraie nature de Valten : était-il vraiment Sigmar réincarné, et si oui, était-il judicieux d’encourir le courroux d’un Dieu ?
Quelques heures avant le crépuscule, deux silhouettes s’approchèrent à nouveau. C’était Valten, suivi de Luthor Huss. Leur armée campait toujours au pied de la ville mais ils avançaient seuls. Devant eux, les portes se dressaient, menaçantes dans l’obscurité naissante. Dans la tour est, le Capitaine Cornelius Apstel de la Reiksguard regardait l’homme qui s’approchait. Ses soldats racontèrent plus tard qu’il tremblait alors qu’il l’observait à travers les ouvertures barricadées. Quand Valten fut aux portes, Apstel ordonna leur ouverture. Certains de ses hommes obéirent immédiatement mais d’autres ne réagirent pas, ne sachant que faire, avant de tenter de les empêcher de désobéir à un ordre direct du Reiksmarshall. Apstel alla jusqu’à dégainer son arme contre ses propres hommes pendant que les portes s’écartaient lentement. Avant que des renforts n’arrivent de la seconde tour, Valten et Huss marchaient dans les rues de la cité.
Une Audience avec l’Empereur[modifier]
Alors que la nouvelle de l’entrée de Huss et de Valten se répandait, les rues se remplirent d’une foule en pleine effervescence, avide d’apercevoir le Prophète de Sigmar et celui qui prétendait être l’avatar de leur Dieu. Kurt Helborg vint en personne du palais impérial à la tête de sa Reiksguard afin de former un cordon autour de la foule en délire qui criait et lançait des acclamations aux deux hommes tout en se pressant contre les armures des Gardes et les rebords des fenêtres. Apstel fut arrêté et conduit enchaîné par un groupe de gardes vétérans d’Helborg à la suite de Valten et Huss.
Ils avancèrent à travers la ville jusqu’au palais de l’Empereur, gravissant les marches de pierre, étroitement surveillés par la Reiksguard. À l’intérieur les attendait Karl Franz, protégé par toujours plus de Reiksguard épées au clair. Les halls résonnaient de l’écho des murmures et des bottes foulant le sol alors que Huss conduisait Valten à la chambre des audiences. Karl Franz était assis sur son trône, en pleine discussion avec le Grand Théogoniste et d’autres conseillers. Huss se précipita et s’inclina devant l’Empereur, avant de jeter un regard haineux à Johann Esmer. Le Grand Théogoniste s’avança, avertissant Karl Franz que Huss était un traître et un hérétique indigne de confiance. Son ton se fit encore plus grave alors qu’il continuait en disant que l’apparente dévotion de Huss n’était que pure folie. Ce dernier se tenait immobile pendant tout ce temps, les mains crispées sur son marteau. Quand Esmer eut fini, Karl Franz regarda intensément le Prophète de Sigmar et l’homme qui l’accompagnait.
Huss tomba à genou et fit signe à Valten de s’avancer. Il le présenta comme la réincarnation de Sigmar, et ajouta qu’en tant que Prophète de sa divinité, il était de son devoir de l’amener jusqu’à l’Empereur. Il supplia Karl Franz d’écouter son cœur et sa foi et de renoncer à son trône au profit du véritable seigneur de l’Empire. Cette dernière phrase provoqua une vague d’indignation dans l’assemblée qui emplissait la chambre, même si certains semblèrent approuver cette demande.
« J’ai écouté bien des conseils et des opinions, » dit l’Empereur tandis que le brouhaha s’apaisait. « Ils me disaient tous que faire ou ne pas faire. Mais j’en ai encore un de plus à entendre. Qu’est-ce que toi, Valten de Lachenbad, attends de moi ? »
Tous les yeux fixaient le jeune homme alors qu’il tirait ses marteaux de sa ceinture et les déposait au pied de Karl Franz.
« Je suis un serviteur de l’Empire et de l’Humanité, » dit-il, regardant l’Empereur dans les yeux. « J’attends de vous que vous fassiez ce qui est le mieux pour tous. »
L’Édit de Karl Franz[modifier]
Karl Franz se retira pour délibérer pendant un long moment. Ce n’était pas la première fois qu’il réfléchissait à une telle éventualité et il savait que sa décision affecterait le destin de tout l’Empire. Jamais il n’avait eu à en prendre d’aussi difficile. Valten était certainement quelqu’un de droit, et ses yeux rayonnaient de cette énergie et de cette confiance que l’Empereur n’avait vue que dans le regard des plus grands hommes de sa nation. C’était un jeune homme incontestablement hors du commun, et s’il ignorait la demande de Huss, une armée de paysans et de Prêtres fanatiques était prête à prendre d’assaut les murs d’Altdorf. Huss respecterait-il sa décision ? Et quand bien même, la horde qui le suivait l’écouterait-elle ? Cela semblait peu probable.
Et pourtant, il ne pouvait se résoudre à abandonner ainsi ses responsabilités à un jeune homme inexpérimenté. Malgré toute sa ferveur et sa foi, Huss ne connaissait finalement que peu de choses de Valten, et il était possible qu’il ait pris quelqu’un de tout simplement plus doué que la moyenne pour le sauveur de l’Empire. Les opinions divergeaient au sein même des Électeurs, de l’église de Sigmar et de la population. S’il abdiquait pour Valten, il irait à l’encontre de deux mille cinq cents ans de traditions et de la volonté du Grand Théogoniste. Des déclarations de moindre importance avaient déjà causé des guerres par le passé.
Et si Huss avait raison ? Karl Franz était non seulement un politicien accompli, mais sa foi en Sigmar était également très forte. N’avait-il pas été lui-même touché par son Dieu lors de ces dernières années ? N’avait-il pas ressenti sa force ? Pouvait-il le renier si celui-ci était vraiment revenu ? Et malgré cela, Valten le laissait décider. S’il était Sigmar réincarné, alors cela voulait dire que sa divinité lui faisait confiance pour faire le bon choix.
Ces décisions risquaient toutes deux de mener à la guerre civile. À la fin de l’Empire. Pendant deux longues heures, Karl Franz réfléchit. Il désirait ardemment que Valten soit vraiment qui il prétendait être, mais son côté rationnel le suppliait de ne pas renoncer à sa place d’Empereur au moment le plus critique. Il était loin d’être sûr que son choix serait approuvé par les autres Élécteurs, et aurait voulu qu’une telle responsabilité ne lui échoie pas. Mais les Dieux en avaient décidé autrement.
Enfin, l’Empereur trancha. Il ne voyait qu’un seul moyen d’assurer l’unité de l’Empire. Il demanda au Grand Théogoniste de se gendre à la salle du trésor et d’en ramener Ghal Maraz, le Fendeur de Crânes, le légendaire Marteau de Sigmar. Esmer eut un instant d’hésitation puis revint avec l’arme, qu’il présenta à l’Empereur. Celui-ci ordonna alors à Kurt Helborg de lui amener le Croc Runique du Reikland, symbole de sa position en tant que Comte Électeur.
Saissant les deux armes, Karl Franz se leva et s’avança vers Valten. Un silence de mort s’était abattu sur la chambre.
« L’heure est venue où chaque homme fidèle de l’Empire doit se dresser contre les ténèbres. Une armée s’est rassemblée dans le nord, telle que l’on n’en a pas vue depuis des siècles. Nous sommes divisés, terrassés le doute et l’angoisse. Si nous ne réagissons pas, nous périrons, et avec notre chute un âge de terreur recouvrira les terres. Un âge que le monde n’avait plus connu depuis plus de deux mille cinq cents ans. »
L’allusion n’échappa à personne dans l’auditoire. Autrefois, Sigmar était venu unir les hommes et les aider à repousser les Peaux-Vertes et les barbares nordiques.
« Lors de ces jours anciens, un héros s’est dressé et nous a montré comment résister à nos ennemis, épaule contre épaule. Il nous à montré que l’union faisait notre force. Seuls, nous étions faibles. Ensemble, nous avons triomphé des obstacles que les Dieux avaient mis en travers de notre route. C’est ainsi qu’il nous faut être aujourd’hui. »
Karl Franz tendit le Marteau à Valten qui s’en saisit, le soupesant de ses mains.
« Ghal Maraz est souvent vu comme le symbole de la puissance de l’Empereur. Pourtant, il est bien plus que cela. Il n’est le pouvoir d’un seul, mais celui de tout un peuple. C’est pourquoi je le donne à Valten, seigneur spirituel des hommes. Qu’il fasse que nous y puisions tous la force de résister aux ténèbres qui s’annoncent. »
Il brandit alors le Croc Runique.
« Ceci, est le symbole de ma puissance. En tant que Prince d’Altdorf et Empereur, j’en appelle aux armées de mon peuple. Les autres porteurs des Crocs Runiques m’ont juré allégeance, et je leur ordonne de les brandir comme je le fais aujourd’hui contre les forces qui nous assaillent. »
Karl Franz prit place à côté de Valten et regarda l’assemblée autour d’eux, sa voix résonnant alors qu’elle s’élevait.
« Unis comme des frères, nous vaincrons ! Ensemble, que l’Empereur Karl Franz et que Valten le Héraut de Sigmar mènent leur peuple dans la plus noble des batailles. Battez-vous pour moi, battez-vous pour lui, il n’en revient qu’à vous ; mais avant tout, battez-vous pour l’Empire ! »
Source[modifier]
- White Dwarf N°116 (Décembre 2003)