Le Siège de Naggarond

De La Bibliothèque Impériale
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Saison du Sang, année 223 de l’Âge de la Vengeance


Naggarond, le joyau de Naggaroth.
La horde serpentait vers Naggarond, tel un serpent noir et pourpre de malheur apportant horreur, destruction et chaos. De son poste d’observation depuis le long de la falaise, Kruath pouvait le voir au dessous de lui. Dans le sillage de l’armée en marche, profanation des plus grands ordres, même dans un endroit aussi sombre que la Terre du Grand Froid, bâtiments en ruine, corps brisés et assez de sang pour rassasier pour toute une vie les barbares les plus assoiffés.

Ils marchaient toujours, leur destination et intention ultime étant claires. Mais ils n’étaient pas les seuls qui assiégeaient le centre du pouvoir druchii. Seul, Kruath galopa en avant de l’armée de Maraudeurs pour avertir de ce qui allait arriver… même si cela ne servira pas à grand chose. Déterminé et désespéré, il éperonna le cheval plus fort.

C’était un excellent étalon, un parfait représentant des sombres chevaux perdus de Nagarythe, et il pouvait sentir le mouvement des puissants muscles sous sa chair alors qu’il filait vers le sud. Kruath galopa péniblement pendant des jours. La fatigue grandissait et il n’avait aucune idée de combien de temps lui et le cheval pourraient maintenir le rythme. Le besoin de rentrer à la maison, d’apporter des nouvelles de la tempête qui arrivait, l’aida à tenir, et le cheval le servi admirablement.

Un excellent étalon peut-être, pensa le guerrier de façon morose, mais même un excellent étalon avait des limites et le rythme du cheval ralentissait considérablement. La mousse sortait de sa bouche et il haletait de la vapeur dans l’air du matin. Ils n’avaient fait que des pauses nécessaires pour nourrir et faire boire l’animal. Chaque repos augmentait l’anxiété du guerrier. Il y avait des choses qui couraient et survolaient au sein de l’armée du Chaos qui, s’ils elles le rattrapaient, ne le tueraient pas seulement ; elles se repaîtraient de sa chair alors qu’il respirerait encore. Il devait continuer à avancer.

Tapotant le cou du cheval pendant qu’il buvait, le guerrier regarda vers le sud, vers Naggarond. La toundra bleue s’étendait aussi loin que l’œil pouvait voir, occasionnellement interrompue par des longerons brisés de roche noire et par des ruisseaux et courants d’eaux tout aussi sombres. Sentinelles debout sur les désolations glaciales, les Montagnes de Fer poignardaient les nuages telles des griffes infernales. Il n’y a pas si longtemps, Kruath aurait été heureux de revenir dans la ville qui l’a vue naître. Malgré ses menaces labyrinthiques et ses nœuds enchevêtrés d’intrigues politiques, la ville était infiniment préférable aux interminables tour de garde que tous les guerriers devaient accomplir sur les Tours de Guet. Comme tout ceux qui empruntaient ses veines noires, l’Elfe Noir était très fier du joyau de Naggaroth. Mais cependant, le plaisir du retour était assombri par la connaissance de ce qui s’était passé dans son sillage.


Il lui fallut deux heures supplémentaires pour apercevoir Naggarond, les implacables murs sombres de la ville et les tours s’imposant dans sa vision. Les palais et les flèches brisaient l’horizon comme un sourire aux dents aiguisées, et s’imposant à la vue de tous, menace cyclopéenne, oppressive et incontournable, se tenait la Tour Noire du Roi Sorcier. L’épuisement qu’il ressentait lui donna l’impression que la porte nord était terriblement éloignée, bien qu’il n’y avait que quelques lieux de plus. La détermination de Kruath le força à avancer, même lorsque le cheval trébucha.

Il a couvert les dernières kilomètres dans une brume, en se concentrant sur sa destination. Il était à une distance de cri de la porte lorsque les jambes du cheval se sont finalement engourdis et se fléchirent vers le bas, jetant Kruath lourdement sur le sol. Le guerrier frappa la terre froide de sa patrie et y resta pendant un moment, assommé. Il retrouva ses sens à cause de l’urgence du moment et laissa le cheval mourant gesticuler sur le sol. Il commença à courir. Aux portes, des guerriers crièrent et plusieurs arbalètes se pointèrent sur lui. Une phalange de lanciers barrait le passage et, quelques minutes plus tard, Kruath se trouva face à la menaçante ligne de bouclier et tomba à genoux.

Il leva la tête, inspira profondément, luttant pour reprendre son souffle. Les feux sacrificiels brûlant en permanence remplissaient l’air de leurs odeurs âcres. C’était à la fois revigorant et troublant, mais la familiarité et la colère qui brûlèrent en lui firent de nouveau bouillir la détermination dans le sang de Kruath et il releva la tête. La fierté retrouvée, sa colonne vertébrale se redressa. Il se leva.

« La Tour de Volroth, » dit-il, sa voix claire et robuste ne donnaient aucun indice de la dramatique chevauchée qui l’avait amené ici. « Elle est tombée. »


Les forces du Chaos ravage Naggaroth !
« Les forces du Chaos - des barbares, des Trolls, des Hommes-Bêtes et autres horreurs mutantes que je ne peux même pas nommer - ont brutalement et rapidement attaqués la tour. » Kruath passa ses doigts dans ses longs cheveux noirs alors qu’il relatait ce qui était devenu de la Tour de Volroth. Point de ralliement constant et de longue date, la tour était un édifice étendu, une structure énorme qui abritait des centaines de troupes en son sein. Elle se tenait fièrement depuis des décennies et avait toujours été un rempart inébranlable contre les forces du nord. Mais maintenant…

« Nous avons été débordés, mon seigneur. La garnison a été dévastée en quelques heures seulement. La horde affluait dans… continuait à affluer… dans des proportions telles qu’on ne pouvait compter. » Kruath restait épuisé, son regard fermement figé en face de lui alors que Kouran Main Noire, Capitaine de la Garde Noire, se déplaçait lentement, marchant en cercle autour de lui.

« Continuez, » déclara son supérieur, ce seul mot étant la première réaction qu’il avait faite depuis que Kruath avait commencé à faire son rapport.

« Nous avons lutté avec acharnement et avons affrontés ces vils dépravés avec suffisamment d’habileté pour égaler leur frénésie. Mais ils avaient l’avantage du nombre. Ils sont arrivés de tous les côtés et sans fin. » Kruath secoua la tête, plus par frustration que par honte. « Ils étaient trop nombreux, et nous si peu. Quand les portes sont tombées, la défense s’est transformée en une déroute. Quelques-uns d’entre nous se sont repliés dans l’ordre vers l’enceinte, mais à ce moment-là, il était trop tard. » Le cadencement du Capitaine cessa et il s’arrêta en face de Kruath, en renvoyant le regard de l’autre guerrier.

« Vous avez abandonné votre poste. » C’était une affirmation plutôt qu’une question et Kruath se raidit face à cette accusation.

« Non, mon seigneur, je ne l’ai pas fait. Quatre d’entre nous ont été envoyés pour apporter les nouvelles à Naggarond. »

« Quatre d’entre vous ? »

« Les autres doivent être tombés en chemin. »

Le Capitaine ne dit rien pendant un long moment, comme s’il pesait la valeur des mots de Kruath, peut-être se demandait-il mentalement si les autres messagers avaient été abattus par des ennemis ou par Kruath, puis il se remit a marcher en cercle.

« Poursuivez. Parlez-moi de cette horde. »

Kruath prit une profonde inspiration et raconta tout ce qu’il avait vu.


Il savait qui elle était. Il avait entendu les légendes.
C’était la Reine du Sang.
Valkia la Sanglante
Du sang. Tellement de sang. Kruath avait été témoin du carnage de la bataille à d’innombrables occasions. Il avait vu de brutaux et sanglants rituels dédiés à Khaine, cela étant approprié et nécessaires pour plaire au Seigneur du Meurtre. Mais la violence insensée des forces qui avaient frappé la Tour de Volroth était quelque chose de différent. Ce qu’ils ont apporté avec eux était un carnage pour le carnage, la violence comme seul but. Il n’y avait aucune formation ou stratégie dans leur méthode de combat. Pas de grâce, pas de pureté. Mais il y avait indubitablement de l’énergie et de la détermination. Les Guerriers du Chaos ont simplement massacré les rangs des Elfes Noirs, poussés à commettre des actes épouvantables par leur désir insatiable de sang.

Son propre capitaine avait été dépecé vivant, des membres arrachés de son corps par deux barbares qui se disputèrent le prix et se battirent pour revendiquer le mérite du meurtre. Au moment où le capitaine expira en criant, ses meurtriers s’étaient retournés l’un contre l’autre. Le duel s’est terminée quelques instants plus tard lorsque la lame de la hache d’un autre barbare traversa la ferraille, s’enfonçant dans la gorge d’un des combattants. La tête fut coupée et le barbare arracha le trophée pour le mettre en l’air, hurlant des prières gutturales louant le Dieu du Sang.

Une telle exultation sur les visages des assaillants. Kruath connaissait la sainte ferveur du rituel. Il fut une fois tellement absorbé par la passion du meurtre qu’il a cru se perdre dans l’étreinte de Khaine. Mais c’était quelque chose de différent, quelque chose qui sortait de toute raison. Ce n’était pas un sacrifice ni de la quiétude. C’était de l’abattage et de la destruction pour nourrir un appétit qui ne connaissait aucune limite mortelle et qui ne pouvait jamais être rassasié. Même s’il n’y avait plus d’ennemis.

Ils ont tué, tué et tué encore. Quand ils ne pouvaient pas atteindre un ennemi, ils déracinaient les arbres et les pierres, ravageant et brûlant tout ce qu’ils touchaient. Quand il n’y avait plus rien à détruire, ils s’entretuaient, se lavant dans leur propre sang corrompu et utilisant leurs peaux comme des bannières. C’était ce qui avait toujours servi à les contenir dans le nord, ce qui limitait leur nombre. Il y avait peu de forces qui pouvaient diriger une telle rage. Peu d’individus qui pouvaient contenir une telle puissance brute.

Mais elle était l’une d’entre eux. Elle. L’apparition à la tête de la horde planant avec des ailes en cuir. Imposante et terrible, faite de la chair des cauchemars, elle traversa les brumes glacées du matin, une forme mince et rouge qui passait à travers les cendres et les colonnes de fumée. Elle était un sombre ange vengeur.

Il savait qui elle était. Il avait entendu les légendes.


« Dites son nom, mon garçon. » La voix du Capitaine était si calme et douce que Kruath cligna des yeux à son souvenir. « Affrontez la vérité et révélez-nous l’identité de notre ennemi. »

Kruath savait que le Capitaine avait deviné l’identité du commandant de l’armée du Chaos, mais il hocha néanmoins la tête.

« Oui, mon seigneur. » Il inspira longuement et calment. « C’était la Reine du Sang. »

La Reine du Sang était juste l’un des surnoms de la célèbre princesse démoniaque des pays du Nord dont les légendes sont racontés aux enfants la nuit pour s’assurer qu’ils soient sages et obéissants. La Reine du Sang. La Reine du Carnage. L’Amante du Dieu du Sang. Valkia la Sanglante. Un nom qui provoque à la fois des sentiments de terreur et de désespoir en égale mesure.

Le Capitaine inclina et hocha la tête.

« Continuez, » dit-il, comme si la révélation de Kruath ne l’avait absolument pas surpris.


Kruath savait que l’apparition de Valkia la Sanglante resterait dans ses pensées jusqu’à sa mort. Elle avait projeté son cruel et magnifique visage vers le ciel, hurlant un terrible cri de bataille dans une langue qui était au-delà de sa compréhension. Ses ailes démoniaques la portèrent vers le haut, tous les yeux sur le champ de bataille s’élevèrent pour regarder sa présence terrifiante et surnaturelle. Kruath ne pouvait pas la quitter des yeux. La pure majesté qui émanait d’elle était écrasante et l’Elfe Noir fit tout son possible pour ne pas tomber à genoux. Il était certain d’une chose.

Je suis en présence du divin.

Malgré l’horreur de son apparence blasphématoire, on ne pouvait nier la sensation de pouvoir qui émanait de Valkia. Sa lance arracha les têtes des épaules et perfora avec facilité à travers les armures, délivrant des coups meurtriers parfaits à tous ceux qui avaient le malheur d’être sur son chemin. Kruath éprouvait de l’adulation vers cette horrible femme démoniaque, alors même qu’elle abattait son peuple. C’est elle qui a dirigée cette vague imparable. C’est elle qui les a repoussés plus loin, amenant la horde plus au sud dans le royaume du Roi Sorcier. Kruath et trois autres guerriers ont été dépêchés avec précipitation afin d’alerter Naggarond. S’ils échouaient dans leur mission, l’armée corrompue et impie de Valkia écraserait le seuil de la ville. Ils consumeraient la grande forteresse et ne laisseraient plus que du sang et des cendres dans leur sillage.

Sur les quatre messagers qui avaient quitté la tour, il ne restait que Kruath.

Naggarond ne tombera pas.

Il l’avait alors cru, il l’avait cru alors qu’il galopait à cheval loin de la tour, et il le croyait encore. La fatigue de Kruath était immense, mais le désespoir lui avait donné de la force et il était de nouveau sur ses pieds quelques secondes après son arrivée dramatique.

Quand il délivra ses nouvelles, on envoya un rapport au Capitaine de la Garde, qui invita Kruath à remettre ses informations en main propre. Et à présent, il était ici. Sa course frénétique devant l’ennemi leur avait offert peu de temps pour se préparer à l’assaut et c’était un avantage qui n’avait pas été accordé à Volroth.


Kouran Main Noire dans l’armure et la couleur de la Garde Noire du Roi Sorcier. Son manteau rouge flottait dans la légère brise de l’ouest. Contrairement à celle des autres, il n’y avait aucun motif ou détail brodé dans le tissu fin. C’était clair et direct, tout comme Main Noire l’était.
Une épée neuve et un grand bouclier furent trouvés pour Kruath et il marcha sur les murs avec des centaines d’autres guerriers. Ils prirent leurs positions défensives, se préparant à la bataille à venir. Les attentions de tous étaient surtout axées sur la protection de leur ville et, lorsque la lumière déclina naturellement du ciel, compte tenu de l’heure matinal, ils furent témoins de l’approche de la horde du Chaos. Son arrivée fut annoncée par une obscurité qui traversa la terre, répandant l’horreur dans son sillage. La population de la ville n’était pas perturbée. Que l’ennemi vienne. Elle répliquerait à toute attaque.

Des barres de fer barbelées barraient les portes et un anneau de feu bleu surnaturel entourait les murs, sa lumière enchantée tremblante sur leur surface d’obsidienne. Les Faucheuses grinçaient alors qu’elles étaient treuillées et positionnées dans les tours étroites et le parapet hérissé de lances, de hallebardes et de lames dentelées. Naggarond était un joyaux noir dans une couronne en fer forgé dans le sang, un monument de la cruauté et du cœur sombre et venimeux d’une nation impitoyable.

Ce qui s’approchait de ce joyau brillant, empreint d’une intention meurtrière venant du nord, était une folie - une folie inégalée et incontrôlable qui était empressée de tout mettre à bas, de danser dans les ruines et de batifoler pour l’amusement des Dieux Sombres. Kruath connaissait ces histoires, alors que les bandes de guerre du Chaos avaient rarement osé se diriger vers le sud. Les Elfes Noirs avaient développé une certaine arrogance qui pourrait maintenant se révéler être leur faiblesse. Pendant trop longtemps, ils avaient cru que rien ni personne ne pourrait les envahir, que quiconque ne pouvait menacer leur cité.

Maintenant, elle venait.

La main de Kruath se posa sur la poignée de son épée. Ses yeux parcouraient les lignes de guerriers. Chaque visage était tourné vers la direction de l’armée qui approchait. Le commandant de ce tronçon du mur n’avait pas encore parlé ou donné d’ordres, mais Kruath reconnu Kouran Main Noire dans l’armure et la couleur de la Garde Noire du Roi Sorcier. Main Noire tenait une grande hallebarde. Les runes gravées sur son fer de hache formaient le mot La Mort Pourpre, un nom qui avait mérité sa réputation. Le corps fatigué de Kruath retrouva une nouvelle vigueur. Sous le commandement de ce chef, ils obtiendront la victoire. Il en était certain.

Derrière le commandant, son manteau rouge flottait dans la légère brise de l’ouest. Contrairement à celle des autres, il n’y avait aucun motif ou détail brodé dans le tissu fin. C’était clair et direct, tout comme Main Noire l’était.

Kruath savait peu de chose sur Main Noire, mais le peu qu’il savait le rassurait. Moins enclin à pratiquer le jeu de la politique que les autres nobles de la ville, l’accent de Main Noire était sur la défense de sa ville et sur la réalisation des objectifs. À l’heure actuelle, sachant ce qui allait arriver, Kruath pouvait l’apprécier.

Kouran Main Noire, Capitaine de la Garde Noire, est d’origine très modeste mais en tant que guerrier, il est sans égal, et servir sous son commandement était quelque chose que de nombreux guerriers de Naggarond craignaient et aspiraient en même temps. Maintenant, pensait avec amertume Kruath , ce serait probablement le premier et le seul moment où il aurait l’occasion d’impressionner le Capitaine. Cette pensée l’excitait et l’enrageait à la fois. Il accepta ce sentiment. Il ne faudra pas sous-estimer Valkia et ses forces. Il n’y aura pas d’échappatoire ici comme il y en avait à Volroth. Ici, ce sera la victoire ou la mort. La retraite n’était pas une option qu’ils pouvaient prendre. Le Capitaine Main Noire se détourna de son poste d’observation au mur et laissa ses yeux sévères errer dans la rangée de guerriers. Kruath regarda le mouvement de son commandant avec une concentration intense. Pendant plus d’un millier d’années, Main Noire a bataillé et combattu, protégé et défendu. Il était une légende vivante.

Quand il parla, Kruath nota que ce n’était pas avec les tons arrogants habituels des autres commandants sous lesquels il avait servi. Il ne souleva pas sa voix ou ne hurlait pas un cri strident. Kruath regarda le guerrier infâme avec quelque chose qui approchait de la fascination. Il nous oblige à tendre l’oreille pour l’entendre, nota t-il. Comme si les mots n’étaient pas pour nous, mais pour une puissance supérieure. Il ne demande pas. Il s’attend à ce qu’il soit simplement obéi.

« Ces murs se tiennent depuis que nous avons revendiqué cette terre comme nôtre et vous les tiendrez. Au nom du Roi Sorcier, vous les tiendrez. Regardez au-delà des murs, mes frères. L’ennemi arrive, » dit Main Noire. Il parlait avec éloquence, en choisissant ses mots avec soin. « Un ennemi qui ose provoquer la colère des Druchii. Un ennemi qui pense qu’il ne peut pas connaître la peur. Mais notez ceci, chacun de vous, écoutez mes mots. Ils seront arrêtés ici. Ils vont mourir ici, jusqu’au dernier, avant qu’ils ne voient l’intérieur de Naggarond. Si votre mort est nécessaire pour notre victoire, alors je m’attends à ce que vous vous sacrifiez. »

Les paroles de Main Noire réaffirmèrent la loyauté et la détermination de Kruath et il laissa gonfler son orgueil. Mourir en défendant Naggarond. C’était ce qu’on attendait de chacun d’entre eux, pourtant, le Capitaine a réussi à leur rappeler, sans le dire à haute voix, que tout signe de lâcheté entraînerait un châtiment rapide, sans doute à travers la dague dentée qu’il portait à sa taille.

Au-dessus, les cieux s’obscurcirent et scintillèrent d’une lumière surnaturelle. Des éclairs écarlates fendirent les cieux et un vent chaud dégageant la puanteur du sang et du fer arriva vers les murs. Quelques grosses gouttes noires de pluie crépitèrent sur le parapet et Kruath resserra sa prise sur l’arme dans sa main. L’armée s’approchait. Sa présence était une menace pour le monde et les monstres en son sein étaient soutenus par son pouvoir sombre.

Kruath sentit son sang remuer en entendant les simples mais puissants mots du Capitaine. Un cri exultant s’éleva dans sa poitrine et éclata, seulement pour être perdu parmi les acclamations de ses camarades Elfes Noirs. Lorsque l’ovation se tassa, Main Noire continua.

« Les animaux du nord ne pensent pas. Ils n’ont pas de grande stratégie ou de plan. » La forme agile de Main Noire avançait, un pas après l’autre alors qu’il parlait. « Ils viendront à nous avec une sauvagerie insensée et se battront comme des sanguinaires sur nos murs. Il n’y aura pas de gloire ici. Je m’attends à ce que vous les massacrez comme la vermine qu’ils sont. » Il arrêta sa marche et ses yeux errèrent à nouveau. Ils clignèrent brièvement sur Kruath, qui inclina sa tête en reconnaissant le regard de son commandant.

« Ni plus ni moins. Si vous vivez toujours lorsque nous exterminerons cette immondice de nos terres, vous pouvez vous considérer digne des plus grandes louanges. » Il y eu une pause qui dura un battement de cœur et le Capitaine termina son discours avec quatre mots qui s’enflammèrent comme une allumette sur un fusible.

« Pour le Roi Sorcier. »

Les mots furent prononcés comme un murmure, puis devinrent un chant et puis, enfin, en crescendo, des hurlements de détermination. Kruath cria les mots aussi fort qu’il était possible pour sa voix, en y croyant avec ferveur. Alors, aussi soudain que les mots étaient venus, alors que le tonnerre grondait dans les cieux et que le roulement des tambours faisait écho à travers les collines, un silence tomba sur les murs.

Dans un instant qui paru infini, un calme avant la tempête, Kruath éprouva une sensation de clarté complète et totale. Tous les sons et tous les mouvements se turent. C’était comme si le temps s’arrêtait pour une seule et parfaite seconde. Les yeux du guerrier se fermèrent brièvement et il se permit le luxe de profiter de la pureté du moment. Le silence n’était pas naturel. En ce moment, Kruath en est venu à connaître une chose avec une certitude absolue. Je mourrai avant que cette ville tombe.


L’assaut commence !
La horde était vaste, une ligne ininterrompue de folie hurlante qui s’étendait aussi loin que l’œil pouvait voir. Les bandes de barbares vêtues de fourrure se bousculaient avec des tribus de bêtes à cornes et des monstres à tête canine. Des régiments de Guerriers du Chaos en armures noires et rouges marchaient aux côtés de Trolls à la mâchoire pendante et baveuse et d’Ogres à la peau pelée. Des amalgames de chair, d’os et de fer sans forme se glissaient et traversaient la cohue et des chiens monstrueux se précipitaient, claquaient et hurlaient dans la tempête montante.

Au sein de l’armée marchaient des Géants agités, dégingandés, leurs corps bedonnants emmaillotés de haillons et recouverts de fer noir. Ils étaient hérissé de crochets, de lames et de barbelés, brandissant des massues et des marteaux de la taille de chariots. Les Géants étaient rares à Naggaroth, et en voir tant à la fois était stupéfiant. D’énormes Mammouths à longs poils transportaient derrière eux des tours torsadées, leurs crânes grossiers protégés par des morceaux d’armure cloutée. Sur leurs dos, de nombreux guerriers masqués s’entassaient dans les howdahs, battant des tambours en peau étirée et hurlant leur adoration incompréhensible à leurs dieux enragés. Une de ces bêtes était couronnée de laiton nouée et d’une énorme icône en forme d’un crâne stylisé. Sous ce vil symbole, une brute massive massacrait des hommes et des Elfes, sa hache colossale réclamant leurs têtes et ses mains charnues arrachant leurs cœurs des poitrines. Tous étaient jetés dans un feu vivant et cramoisi qui dansait sous une étoile à huit branches, tandis que des horreurs dégringolaient du ciel sous la forme de Harpies hurlantes, puis s’élevant dans les courants ascendants du chaud vent de tempête.

La horde ne s’était pas arrêtée pour camper, ne cessant pas sa course alors qu’elle fonçait avec fureur vers les murs. Kruath regarda le terrain découvert entre l’armée et la ville disparaître, puis des milliers de flèches Elfes Noirs s’élevèrent à l’unisson. Un blizzard de traits s’abattit sur la horde sanguinaire. Avec autant de cibles, il était impossible de rater son tir. Des bêtes et des hommes mouraient en masse, des corps criblés de flèches noires. Leur disparition ne fit rien pour arrêter la ruée et la charge furieuse ne faiblit pas. Les morts et les mourants étaient piétinés sous ses pieds, et d’innombrables voix s’élevaient dans un hurlement de défi qui correspondait à une tempête furieuse montante. Une deuxième volée de flèches s’abattit de la même manière avec les mêmes résultats. Parmi la masse agitée des corps, Kruath aperçut, ici et là, un certain nombre d’échelles ridiculement longues.

Les premiers Maraudeurs de l’armée du Chaos plantèrent les pieds des échelles dans la terre stérile. Une pression des corps les poussèrent en avant et les portèrent en haut, comblant la distance rapidement. Main Noire prépara son arme, et en réponse à un signe de leur commandant, une véritable forêt de lances et d’hallebardes apparut. Entre les créneaux dentelés, Kruath aperçut une carcasses en os grossiers et de bois noueux se lever pour rejoindre le mur où il se tenait. Kruath planta fermement son bouclier et pencha son poids en avant pour recevoir l’ennemi. L’échelle se mit à claquer et un corps mutilé et déchiqueté se jeta à son sommet, ses orbites vides et ensanglantées, les yeux accusateurs. Les défenseurs de la Tour de Volroth avaient été rendus à Naggarond d’une horrible manière. Les Maraudeurs avaient pris les cadavres, les avaient attachés à leurs échelles de siège et les faisaient maintenant passer à travers les parapets, marionnettes macabres déployées de manière saccadée et répugnante. Plusieurs lanciers extirpèrent l’échelle du mur, mais d’autres apparaissent en permanence, chacune décorée de son propre trophée destiné à semer la terreur parmi les défenseurs.

L’attention de Kruath était entièrement focalisée sur l’attaque des murs, mais il était parfaitement conscient que quelque part au sol, à une certaine distance de leur propre bataille rangée, les portes seraient sans aucun doute attaquées. Là, les combats entre les guerriers seront plus violents, et les pertes les plus lourdes s’y concentreront. Mais il n’avait pas le temps de s’attarder sur cette pensée.

Une forme souple et cramoisie avec des sabots fendus et des cornes enroulées descendit des nuages en ébullition. Elle était portée dans les airs par des ailes de chiroptères couvertes de cicatrices et portait une lance dentelée et un bouclier vicieux. Son regard brûlant balaya les murs, défiant quiconque osait la regarder.
Valkia la Sanglante était arrivée.
Il y eut un gros impact lorsque l’un des servants des balistes de la ville tira sur le Géant le plus proche, son projectile bourdonnant dans l’air plombé. La flèche de six pieds claqua dans le monstre, s’enfonçant de plusieurs pouces à travers la chair putride de sa poitrine. Le Géant trébucha, hurlant de rage et de douleur, mais il ne tomba pas avant que trois autres traits ne soient tirés sur lui. L’imposante monstruosité chancela d’un pas, laissa échapper un nouveau rugissement de défi et finit par s’effondrer comme un arbre abattu, son corps massif écrasant de nombreux guerriers sous sa masse. Des barbares et d’autres créatures commencèrent à grimper sur les échelles, tandis que des chiens et des bêtes essayaient de traverser le feu enchanté des douves. La puanteur des corps brûlés commença à remplir l’air, beaucoup d’entre eux glissèrent des échelles et tombèrent dans les flammes. Kruath ne pu s’empêcher de remarquer qu’un rire maniaque s’entendait de ceux qui brûlaient.

Ce fut Main Noire qui fit couler le premier sang parmi l’unité défendant la section du mur de la ville. Kruath vit un Maraudeur brandissant une double hache grimper sur le haut de l’échelle et lever son arme, mais il n’alla pas plus loin. Le Capitaine de la Garde Noire ouvrit une profonde blessure dans le barbare dans un bourbier de sang. Il plongea de l’échelle pour mourir brûler avec les autres dans le fossé ci-dessous. Puis un Homme-Bête à la fourrure écarlate vint se jeter sur le mur et Kruath s’intéressa beaucoup plus à sa propre survie qu’aux actions de Kouran Main Noire.

Repousser la vague apparemment illimitée de guerriers surgissant des échelles était un travail répétitif et mécanique. Parfois un champion ou un guerrier particulièrement fou balayait quelques défenseurs, mais alors les formes souples et meurtrières des épouses de Khaine apparaissaient dans la mêlée et découpaient l’agresseur en morceaux avant de disparaître une fois de plus.

Le scintillement de la foudre n’était égalé que par la lueur de la Magie des quelques Sorcières de Naggarond qui menèrent une guerre arcanique contre les groupes de Harpies qui remplissaient le ciel. Des boules de feu noir et des coups de fouet d’ombre faisaient pleuvoir sur l’armée des corps brisés, mais la Magie avait ses limites. Kruath passa sa lame à travers la chair tatouée d’un autre barbare et balança son corps dans la rue en bas. Ses gantelets étaient rouge de sang et son bouclier était bosselé et entaillé par des coups de hache et de bâton. Il tituba en arrière, haletant et un autre guerrier intervint pour combler le vide. Au-dessus de lui, le soleil plongeait rapidement vers l’horizon. Il s’était battu solidement pendant de nombreuses heures et ses réserves d’énergie diminuaient peu à peu.

À côté de lui, un autre barbare - une femme vêtue de fourrures - se dressa en avant, une source de sang jaillissant de sa bouche. Elle éclaboussa la visière de Kruath, le plongeant temporairement dans un monde écarlate. Quand sa vision s’éclaircit, il souhaita, de tout cœur, redevenir aveugle. Ce qu’il vit suffisait à dégonfler la férocité qui brûlait dans son âme.

Une forme souple et cramoisie avec des sabots fendus et des cornes enroulées descendit des nuages en ébullition. Elle était portée dans les airs par des ailes de chiroptères couvertes de cicatrices et portait une lance dentelée et un bouclier vicieux. Son regard brûlant balaya les murs, défiant quiconque osait la regarder.

Valkia la Sanglante était arrivée.


Valkia survola les rangs des créatures du Chaos et, à mesure que son ombre ailée tombait sur eux, tous levèrent la tête, hurlant leur dévouement éternel et sa cause sanglante.
« Ces créatures sont indignes de toi, mon amour, » dit la voix ricanante de son bouclier. Le visage animé de Locephax, autrefois un fier Prince Démon de Slaanesh, à présent contraint à la servitude à cette épouse de Khorne, se moqua d’elle. Mais Valkia ignora la créature. Au cours des siècles, ils avaient établis une étrange relation et Locephax considérait que c’était son droit éternel de critiquer tout ce qu’elle faisait. Il l’avait autrefois courtisé pour attirer son attention et en avait payé le prix. « Pourquoi perds-tu ton temps avec ces enfants quand il y a de vraies batailles à gagner ? »

C’était devenu un singulier compagnon. Valkia vivait pour son époux, pour lui plaire et apporter la dîme de sang et de crânes qu’il désirait. Mais à part Kormak, son champion favori, personne d’autre n’était avec elle depuis si longtemps. Locephax la connaissait mieux que quiconque.

« Tout ce que tu rencontres est à tes yeux indignes de toi, Locephax, » répondit-elle. Elle était distraite et n’écoutait qu’à moitié ses murmures. « Ou du moins, me semble-t-il. » Elle vola rapidement, au même rythme que la masse grouillante de guerriers qui se griffaient les uns contre les autres dans leurs efforts pour atteindre les murs de Naggarond. Les éléments les plus lents et les plus lourds de la horde commençaient enfin à arriver. Valkia les observa avec fierté et excitation tandis que les servants blindés poussaient et cajolaient une ligne de canons dans leurs positions de tirs optimales. C’étaient des créations monstrueuses : des bouches en laiton et à l’armature de cuivre, d’âmes nouées et liées, montées sur des chariots de crânes et d’os en ivoire.

Valkia tourna toute son attention sur le Démon monté sur son bouclier. Un léger haussement d’épaule d’indifférence se leva brièvement. « Souvient-toi, Locephax, mon seigneur et maître ne se soucie pas d’où provient le sang qui coule, mais seulement qu’il coule. Je te promets que cette ville brûlera en son nom. Elle sera réduite en cendres. Elle deviendra un bûcher, un monument à effusion de sang. Et nous ferons la même chose à la suivante. Puis à la suivante. »

« Mais un siège ? C’est tellement… ennuyeux ! » Même désincarné, Locephax avait la capacité de donner l’impression qu’il jetait sa tête de manière à se donner l’air supérieur. Elle posa une main griffue sur sa gueule ouverte, serrant avec une force menaçante qui fit tomber le Démon dans un silence contestataire. Le seul son était maintenant le battement régulier des ailes de Valkia qui la portaient vers la ville de Naggarond.

Elle survola les rangs des créatures du Chaos et, à mesure que son ombre ailée tombait sur eux, tous levèrent la tête, hurlant leur dévouement éternel et sa cause sanglante. Ses yeux perçants tombèrent sur la forme blindée de Kormak à califourchon sur son Juggernaut. Son champion menait une foule d’Ogres en armure qui s’agglutinaient autour d’un bélier en laiton, la tête en forme de canine du bélier avançant vers la porte principale de la ville.

Depuis sa résurrection après sa mort il y a tant d’années, Kormak avait été incapable de parler. Les pouvoirs de Valkia avaient été incapables de régénérer ses cordes vocales. Il semblait ridicule qu’un guerrier muet puisse commander une armée, mais c’était le cas. Il la conduisait, comme il l’a toujours fait, par l’exemple. L’armée de Valkia savait que si Kormak chargeait, c’était ce qui devait être fait. Un simple geste de la main, un coup de tonnerre de ses puissants gantelets, et l’armée se pliait à la volonté du champion. La fierté de Valkia dans Kormak, son précurseur, était sans limite, et elle le regardait à présent alors qu’il menait l’assaut sur Naggarond.

Elle voyait, elle entendait, elle sentait la bataille ici bas et c’était exaltant. Ses ailes martelèrent l’air plus fort et elle prit de la vitesse.

Les murs étaient le lieu d’une mêlée d’un combat fou et palpitant. Partout où elle regardait, les Elfes, les hommes et les bêtes se battaient et se massacraient avec une totale insouciance. Un grand bruit indiqua que l’une des tours de siège avait finalement été mise en position, vacillante et menaçant de basculer avant qu’elle ne se stabilise. Avec un craquement d’engrenages rudimentaires, elle laissa tomber son pont. En quelques instants, les guerriers commencèrent à se déverser de l’intérieur sur les lances des Druchii. Des dizaines de corps dégringolèrent alors que les projectiles tirés par des arbalètes mirent fin à leur assaut, mais il en avait beaucoup plus de guerriers qui avancèrent. Ils traversèrent le pont et déplacèrent le combat sur le mur.

Les échelles s’élevaient et s’abaissaient de manière mécanique, et des horreurs mutantes commençaient à traîner leurs masses hideuses sur la face abrupte des défenses de la ville. Des griffes, des tentacules et des crocs creusaient profondément, trouvant une prise là où ils le pouvaient, ou érodaient la surface de l’obsidienne.

Les combats étaient les plus violents là où des groupes de Druchii en armure noire tenaient la ligne. Ils maniaient des hallebardes barbelées avec une grande habilité, tranchant les Maraudeurs et les Hommes-Bêtes avec une économie de mouvement qui démentait la taille de leurs armes. Valkia, volant dans le ciel, s’autorisa un très bref moment de satisfaction. Voir tant de massacres était une chose agréable et sa fierté gonflait. Il était temps pour elle de faire son entrée.

Ses yeux se plissèrent lorsque qu’ils s’arrêtèrent sur l’un des Elfes Noirs. Le guerrier portait un glaive incroyablement orné. Il se tenait avec la posture d’un combattant chevronné, sa cape écarlate en lambeaux volant derrière lui. Ce champion était une tornade meurtrière, sa lame réclamant des vies sans interruption. Il se déplaçait entre ses propres guerriers, les laissant indemnes. Valkia approuva et l’admira. Mais plus important encore, elle avait trouvé sa proie.

Telle une comète, Valkia plongea du ciel, un hurlement de mort transperçant ses lèvres alors qu’elle descendait sur le mur. L’impact de son atterrissage provoqua la propagation d’un réseau de fissures à travers l’ancienne pierre noire. Son propre peuple et les Druchii étaient dispersés dans toutes les directions par la puissance de l’onde de choc. Elle se redressa, fière, froide, son noble visage faisant face au mépris de ceux qui se dressaient devant elle. Lors de son atterrissage, elle avait empalé l’un des Gardes Noirs. Elle regarda impassiblement le cadavre tressaillir puis le secoua d’un mouvement de poignet. Cela fait, elle se retourna pour affronter sa proie, le champion Elfe Noir.

Elle s’accorda un moment ou deux pour apprécier la finesse et l’habileté que la créature possédait. Sa danse tourbillonnante et vertigineuse s’arrêta complètement, se fixant sur elle. Elle le regarda, chacun de ses sens pleinement alerte alors qu’il positionnait la hallebarde. Il tenait l’arme devant lui, prêt à l’affronter.

Des visages hurlants dans son armure se tordaient et se déformaient alors qu’elle se déplaçait, à l’affût à chacun de ses pas tel un vrai prédateur. Les joints entre les plaques d’armure s’étiraient comme des tendons alors qu’elle rabattait ses ailes contre son dos. Elle inclina la tête d’un côté et montra ses crocs, telle une parodie d’un sourire sensuel. Ses yeux allaient et venaient sur la forme nerveuse de l’Elfe, vêtue d’une armure barbelée et enduite d’une fine pellicule de sang.


« Dansons ensemble,… »
« …vous et moi. »
Un désir ancien bouillonnait en elle. C’était le sentiment le plus exaltant qu’elle connaissait et il apparaissait toujours avant de réclamer un crâne digne du trône d’airain. Un tel crâne était un trophée et son époux la féliciterait lorsque qu’elle le laissera tomber à ses pieds.

« Dansons ensemble, vous et moi, » ronronna-t-elle et les deux guerriers fermèrent la courte distance qui les séparait, se heurtant dans un choc d’acier.

La cape de Main Noire fouettait derrière lui et son arme tournait dans ses mains comme une chose vivante. Lance et hallebarde s’entrechoquèrent l’une contre l’autre dans une grêle de coups tellement rapides qu’on ne pouvait les suivre à l’œil nu, la vitesse du Garde Noire égalant la férocité de la reine Démon. Tout ce qui tentait de s’interposer face au cercle furieux de leur duel était tué, écrasé, décapité ou simplement terrassé avec indifférence.

De sa position à quelques mètres de là, Kruath ne put s’empêcher d’attirer son attention sur cet étalage stupéfiant de talent et de brutalité. Quelque chose provenant de la proximité de la femme Démon enflammait sa soif de sang dans son âme, provoquant un besoin désespéré et impérieux de se diriger et de se lancer une fois de plus sur l’ennemi. Il lui fallu faire preuve d’un grand contrôle pour ne pas céder à la rage berserk, et même alors, il peinait à parvenir à se contrôler.

Le percutement des armes l’aida à sortir de sa lutte intérieure et il aperçut le bout de la lance de Valkia alors qu’elle se précipitait sur Main Noire. Sa pointe reflétait la lumière des incendies ardents à l’arrière-plan de la confrontation, et Kruath se demanda si elle était empoisonnée. Ensuite, un quasi coup raté éclaboussa le plastron de son Capitaine avec ce qu’il réalisa être du sang. La lance pleura un ichor collant - peut-être même le sang de ceux qu’elle avait tuée.

Les yeux de Kouran Main Noire étaient fixés sur la silhouette de la princesse démoniaque, qui était vêtue de plaques cramoisies d’âmes hurlantes. Kruath imagina que son supérieur essayait de jauger ses faiblesses pour trouver une faille à exploiter à son avantage. Main Noire était un guerrier chevronné et intrépide ; il trouverait un moyen de gagner ce duel. Kruath regarda le Capitaine de la Garde Noire laisser échapper un hurlement de rage et bondir en avant pour réengager Valkia dans l’affrontement.

Le duel implacable de Main Noire et Valkia les amena à portée de main de Kruath et son parfum envahissant chatouillait ses sens. Une odeur étrange émanait du Démon quand elle se rapprochait : une concoction capiteuse d’odeurs. Il y avait un concentré de vapeurs de cuivre et de sang se mêlant à l’odeur florale des roses en décomposition qui produisait un arôme en désaccord avec lui-même. C’était doux mais écœurant et aiguisé avec l’odeur amère de la corruption.

L’effet hypnotique de l’odeur de Valkia passa. Deux barbares chargèrent Kruath, brisant le charme de la fascination qui avait retenu son attention. En quelques minutes, ils étaient tous deux morts sous son épée. Un barbare gargouilla et tomba des murs, sa gorge fendue d’une oreille à l’autre. L’autre s’effondra, une blessure fatale à l’estomac.

Kruath donna un coup de pied aux barbares morts sur le mur et s’approcha à quelques centimètres de Main Noire et de Valkia, voulant plus que tout plonger sa lame dans son dos. Regarder son duel était une éducation en soi. Il avait appris le maniement des armes dans les rues de Naggarond, traçant dans le sang son chemin pour survivre jusqu’à sa conscription. Il savait que son habileté à l’épée était plus grande que la plupart de ces voyous non-expérimentés qui osaient s’appeler Gardes Noirs. Qu’étaient-ils à côté de lui ? Il avait survécu à Volroth alors que tant d’autres avaient péri. S’il pouvait abattre Valkia ou même simplement la blesser… alors son ascension dans les rangs serait assurée.

Kruath cligna des yeux. Il avait toujours cru en ses propres aptitudes, mais là c’était encore plus fort. Maintenant, il était plus que confiant de ses capacités. Il savait qu’il pouvait réaliser tout ce que son cœur désirait.

Mais la logique toujours décroissante de sa personnalité lui disait que pour pouvoir réussir un tel acte, il devait contrôler l’envie croissante de tout tuer. Et tuer. Et tuer.

Les yeux de Kruath furent attirés par la tête démoniaque montée sur le bouclier que portait Valkia. Lentement, elle pivota ses yeux hideux et le regarda droit dans les siens. La gueule aux crocs aiguisés s’enroula dans un sourire malicieux et une langue fourchue se mit à osciller et passa une ligne autour des lèvres fines et reptiliennes.

Approche, mon garçon, entendit-il dans sa tête, chuchotement sifflant et mélodieux.

Kruath secoua la tête, clignant des yeux pour se débarrasser de cette sensation. Il avait déjà été envoûté par l’une des sorcières de la ville et il avait alors méprisé cette sensation. Cela s’amplifia exponentiellement et il sentit la bile dans sa gorge. Les yeux du Démon se fermèrent une fois, avant de s’ouvrir en grand. Les iris précédemment noirs ont été remplacés par des orbes rougeoyants écarlates. C’était un regard perçant et hypnotique et Kruath se sentait inexplicablement attiré.

Approche. N’est-elle pas magnifique ? N’est-elle pas glorieuse ? Viens, mon garçon. Embrasse l’épouse de Khorne. Prélasse toi dans sa gloire. Et puis, quand tu ne pourras plus supporter sa majesté, prends ton épée et transperce là avec. Abat Valkia la Sanglante. Fait le et la récompense de mon dieu sera infinie.

Les mots du bouclier démoniaque étaient absolument convaincants et Kruath savait que c’était possible. Une brève pensée flotta dans sa conscience, se demandant pourquoi cette créature démoniaque lui chuchotait des promesses et non pas à Main Noire. Sûrement que le Capitaine était la plus grande menace ? Et puis Kruath le savait. Le Démon a clairement compris que lui, Kruath, était le plus grand guerrier. Il pouvait tuer Valkia.

Et il pourrait alors aussi faire tellement plus…

Il croyait totalement en lui. Il pouvait faire cette chose impossible. Il savait qu’il pouvait le faire. Le monde autour de lui fondit dans un étalement de sons et de couleurs alors qu’il se concentrait sur ce but soudain, nouveau et très singulier. Il pouvait le faire, suggéra la voix subtile dans sa tête, et les yeux cramoisis de Locephax brûlèrent cette certitude indélébile dans son esprit.

Guidé par une farouche détermination à faire ses preuves, Kruath se rapprocha de Main Noire et de Valkia, repoussant un arbalétrier du mur et éventrant un Homme-Bête sur sa route. Il ne pouvait détacher son regard des yeux de Locephax et le mirage de la grandeur qui l’attirait.

« Tu te bats bien, Elfe Noir. »
Quelques secondes plus tard, Valkia, toujours engagée dans sa lutte avec Main Noire, se tourna brièvement vers un autre attaquant. Elle écrasa le bouclier sur un Elfe qui essayait de la poignarder par derrière. Il se percuta contre le visage du guerrier malheureux avec le bruit des os cassés et de la chair déchirée. La transe de Kruath fut brisée une fois de plus. Privé du regard direct et hypnotique de Locephax, la brume de la folie s’évapora et la réalité revint dans la précipitation. Il vit le visage sanglant du Druchii, la viande s’écouler des lèvres du bouclier-démon, et il se demanda comment avait il put se retrouver si proche du furieux duel qui faisait rage devant lui.

Main Noire plongea à l’intérieur d’un coup de lance, utilisant l’élan pour transformer le mouvement en un crochet gauche qui frappa le Démon sur sa joue droite avec un craquement satisfaisant. La tête de Valkia se brisa et elle tourna sur le coup, pivotant sur place. La crosse de sa lance, Slaupnir, percuta le casque du Capitaine qui s’envola de sa tête et se perdit dans les rues en contrebas. Puis elle déploya ses ailes et sauta dans les airs, frappant les guerriers des deux côtés dans les feux magiques. Elle plana hors de la portée de Main Noire et son beau et cruel visage se divisa en un sourire malfaisant.

« Tu te bats bien, Elfe Noir, » dit-elle alors que ses ailes battaient lentement, lui permettant de maintenir sa position hors d’atteinte. « Voyons comment vous affrontez un assaut complet. » Elle leva la tête et s’envola, disparaissant dans la fumée et les nuages de la tempête en ébullition.

Kruath regarda Main Noire tourner en rond, clairement désorienté par ce mouvement soudain, tenant La Mort Pourpre devant lui, les cheveux noirs du Capitaine fouettait ses traits acérés. Dans le feu de la bataille, il y avait peu de temps pour s’arrêter et contempler les actions de l’ennemi. Mais le retrait soudain de Valkia obligea Kruath à faire une pause. Il regarda autour de lui, contemplant les images et les sons des batailles rangées qui occupaient les Elfes et les barbares. Il ne considéra pas un seul instant qu’elle avait fuit ; tous les récits qu’il avait entendus ou lus suggéraient que les sbires du Dieu du Sang ne reculaient pas. Il baissa les yeux, regardant par-dessus le mur au cas où elle aurait plongée sous la muraille de la ville, mais il n’y avait aucune trace d’elle.

« Reviens et combat moi, sorcière ! » La voix de Main Noire se faufila à travers les traînées de feu magiques et fut reprise par une voix masculine moqueuse qui ressemblait à celle qui avait retenti dans la tête de Kruath. Il frissonna involontairement en l’entendant.

Reviens et combat moi, sorcière !

Les rires devinrent de plus en plus forts jusqu’à ce que quelques instants plus tard, Valkia se jette à travers les cieux, son cri augmentant en ton et en volume alors qu’elle descendait sur Kouran Main Noire, Slaupnir sa lance sanglante se tenant devant elle. Kruath pouvait voir ce qui allait arriver dans son esprit et à ce moment-là, il voyait sa chance. L’ambition, la soif de sang et l’influence du Démon se mêlèrent dans son esprit. Il étouffa ce qui aurait pu le retenir et qui l’avait à présent empêché d’accéder à un avenir glorieux. Il pouvait faire ce que tant d’autres avaient essayé et échoué à faire.

Le Capitaine était totalement concentré sur Valkia, ses yeux concentrés sur le Démon descendant. Si Kruath frappait rapidement, il pouvait le faire. Puis, quand le siège serait inévitablement brisé, il s’agenouillerait devant le Roi Sorcier et revendiquerait le pouvoir de Main Noire comme sien. Il pouvait le faire.

Kruath poignarda un autre Homme-Bête qui était passé au-dessus du mur, abattit un guerrier et esquiva les avides pseudopodes d’une chose informe qui avait atteint les embrasures.

Il tuerait Main Noire. Il tuerait Valkia. Il tuerait tous ceux qui se tenaient entre lui et ce qu’il savait avec une certitude absolue être son droit légitime. Il serait le nouveau Capitaine de la Garde Noire et il deviendrait une légende. Gloire. Richesse. Célébrité. Respect. Toutes ces choses l’attiraient, bien qu’il n’entendît que le martèlement du sang dans ses veines alors qu’il se préparait à tuer son commandant.

Son moment d’auto-absorption ne dura pas longtemps. Sa route vers les deux combattants l’emmena devant la tour de garde la plus proche, une des centaines qui s’élevait à intervalles réguliers le long du grand mur. Il y eu une explosion retentissante, plus forte que la foudre et le rugissement de la guerre qui secoua la terre. Trop rapide pour que son esprit comprenne, et trop vite pour que ses réflexes ne suivent, le mur explosa, aplatissant les guerriers environnants avec des morceaux de pierre noire et envoyant la structure plonger dans les douves de feu. Une grande acclamation monta de la horde alors que les débris formèrent un pont poussiéreux à travers les flammes ensorcelantes. Puis quelque chose frappa le mur sous Kruath et son monde se transforma en un mélange de ciel et de rocher volant.

Il n’y avait pas de temps pour considérer les implications de ce qui s’était passé parce qu’une surface d’obsidienne et de sang fonçait à sa rencontre. En quelques secondes, les ambitions de Kruath étaient aussi écrasées et brisées que son corps.

Il mourut dans une horrible agonie, son rêve brisé.


« Garde Noire ! Avec moi »
Main Noire entendit le cri de furie de Valkia au moment où un grand panache de poussière et de fumée le fit disparaître de sa vue et que son plongeon se transforme en une retraite qui la porta loin du carnage. Il respira de nouveau, se rendant compte qu’il avait alors retenu son souffle. Loin à l’arrière de l’armée, une ligne de Canons Apocalypses crachaient leurs projectiles enflammés, malmenant les défenses de la ville. Ce n’était en aucun cas un motif de reconnaissance, mais cela l’avait peut-être sauvé de la mort de la main de Valkia. Le Démon siffla sa déception suite à l’interruption du duel et déploya ses ailes, permettant à un courant ascendant de la porter dans le ciel. Elle tint sa position pendant un moment, ses ailes battant puissamment et la gardant en vol stationnaire. Son regard resta bloqué sur Main Noire quelques instants de plus. Puis elle laissa échapper un cri de guerre et tourna son attention ailleurs, ayant perdu son intérêt pour Main Noire.

Main Noire recula, évitant adroitement le corps étendu et écrasé d’un guerrier tombé. Il reconnut vaguement le visage en ruine du cavalier de Volroth, mais oublia ce détail insignifiant. La victoire était tout ce qui importait, pas les morts. Il essuya le sang de ses yeux et regarda autour de lui. Valkia était partie, le duel interrompu, et il était libre de retourner son attention sur le cœur de la bataille. Il tourna la tête d’un côté et de l’autre, cherchant le reste de sa Garde Noire et évalua la situation. Tout ce qu’il voyait était de la poussière et du feu.

Une énorme section près du sommet du mur avait été détruite et s’était effondrée en un éventail de gravats, écrasant des centaines de guerriers et formant un pont grossier qui enjambait les douves. Des guerriers et des arbalétriers se relevaient des roches brisées et offraient une résistance décourageante aux Maraudeurs et aux bêtes qui se débattaient déjà pour exploiter la faille et gagner les remparts. Il s’autorisa à reprendre son souffle et descendit rapidement pour se tenir à côté de deux autres Elfes Noirs qui combattaient un Troll. Il y avait de l’espoir tant que la Garde Noire tenait, et Kouran Main Noire se tiendrait à un poste où les autres pourraient le voir et reconnaître cet espoir.

« Garde Noire ! Avec moi ! »

Sa voix était assez forte pour être entendue malgré les bruits de la bataille, l’affrontement de l’acier et les hurlements des mourants, et ceux qui pouvaient l’entendre répondaient à son appel de ralliement aussi vite qu’ils le pouvaient. Ils formèrent un solide groupe de combattants, se serrant les uns contre les autres et livrant des représailles à l’armée du Chaos. Pourtant, les Canons Apocalypses pilonnaient encore les murs de leur ville. L’armée du Chaos était implacable. Elle pillait et avançait, des Maraudeurs et des monstres tentant de percer les murs tout autour de la grande ville.

Son sang bouillonnait.

« Le joyau de Naggaroth n’est pas pour ces vermines, » rugit-il. « Si ils veulent du sang, alors laissez-nous le leur donner ! Noyez-les dans le leur ! Pour Naggarond ! Pour Malékith ! »

Ces mots passionnés enflammèrent une détermination nouvelle chez les Elfes et, dans une parfaite synchronisation, ils se mirent à avancer pour repousser le flot de barbares qui se préparaient à entrer dans la ville.

Une ombre au-dessus des têtes fut pointé du doigt et souleva une vague de cris parmi les guerriers les plus proches. Une énorme Manticore portant une sorcière planait au-dessus du mur et se dirigeait vers l’arrière des lignes du Chaos. Valkia la suivait dans son sillage mais d’autres sorcières luttant avec les Harpies abandonnèrent temporairement leur combat pour lancer des arcs de pouvoir vers la princesse démoniaque. La diversion fut couronnée de succès, même si elle coûta cher, car des groupes de Harpies en profitèrent pour descendre sur les murs pour lancer des hurlements sur les parapets. Valkia esquiva et se faufila entre les assauts magiques et protégea son corps contre un autre. La foudre noire s’écrasa contre Locephax et l’ancien Prince Démon de Slaanesh l’absorba dans son être étriqué. Ses yeux et sa bouche s’ouvrirent en grand et des doigts de feu pourpre se tournèrent vers le lanceur de sorts, l’immolant avec un flash d’énergies maléfiques.

Il était temps pour la sorcière qui chevauchait la bête de lancer ses propres sorts, et des lames d’ombre tombèrent sur les Canons Apocalypses, déchirant leurs servants et brisant les chaînes qui les maintenaient. Plusieurs de ces armes disparurent simplement dans des puissants grondements de tonnerre, tandis que d’autres, devenues folles, détalaient follement à travers les hordes barbares et écrasaient tout sur leur passage. Une acclamation de soulagement s’éleva des murs de la ville assiégée alors que le bombardement faiblissait. La sorcière guida sa monture vers les murs, ses ailes tannées la gardant hors de portée de la foule hurlante en dessous. Les Canons Apocalypses avaient causé des dommages minimes pendant leur implacable assaut, en frappant un trou au sommet d’une seule section du mur. Toute brèche que l’armée du Chaos avait espéré provoquer avec les armes de siège avait échoué - et maintenant ils avaient perdu les moyens de poursuivre cette stratégie.

Main Noire regardait désespérément le ciel à la recherche de la reine guerrière, mais l’horreur ailée n’était nulle part. Il réprima son sentiment croissant de déception et se concentra sur la défense des murs. A chaque instant, toujours plus de barbares arrivaient, mais leur fureur, le poids de leurs nombres et les murs les empêchaient d’atteindre la ville. Des milliers de Maraudeurs circulaient autour de la ville, se séparant vers l’est et l’ouest et vers les Montagnes de Fer. Ce faisant, ils poursuivaient leur marche vers le sud à la recherche de proies plus faciles ou plus immédiates sur lesquelles ils pouvaient assouvir leur soif de sang.

Naggarond avait résisté à l’assaut initial et comme elle l’avait fait durant d’innombrables années, elle resterait résolue et fière. Cependant, ce ne serait pas une tâche facile.


Main Noire leva les yeux vers l’énorme silhouette sinistre du Roi Sorcier et fit une pause dans son récit du siège. Malékith était silencieux et taciturne, mais il écoutait tout. Il se tenait à califourchon sur la masse sinueuse de Seraphon, son vénérable Dragon Noir, et menait une longue colonne de guerriers et de Gardes Noirs à travers les régions septentrionales de Naggaroth. Main Noire devina quelle était leur destination finale, mais des années de service lui suggéraient qu’il était imprudent de présumer des pensées du Roi Sorcier et de plus, il était tout à fait stupide de l’interroger.

« C’est ainsi que nous avons mis fin leur tentative de dévaster Naggarond dès le premier jour, mon seigneur. » Main Noire continua une fois que le long silence suggéra que Malékith n’avait rien à dire. « Nous avons brisé leur élan et leur avons privés du massacre, et le plus grand nombre nous a dépassé et a continué au sud. Si ils avaient choisi de poursuivre l’attaque… »

Il y eu un grincement de jointures et d’armures anciennes alors que le Roi Sorcier se tournait vers le Capitaine. Des feux de puissance s’échappaient des orbites sculptées de son monstrueux masque et s’enroulaient autour de la couronne nouée qu’il portait à son front. L’attention du Roi Sorcier ressemblait à un haut-fourneau ouvert qui tournait sa chaleur vers vous. Main Noire se raidit sous cet examen soudain. Il avait l’impression d’être examiné comme on le ferait d’une recrue. Malékith tordit un doigt : un mouvement à peine perceptible qui indiquait que Main Noire devait continuer. Le Capitaine déglutit, sa gorge soudainement sèche.

« S’ils avaient choisi de continuer l’attaque, alors nous les aurions encore brisés. Vos guerriers, mon seigneur, sont aussi tenaces que loyaux. Comme c’était le cas, nous les avons saignés pendant quatre-vingt-dix jours et nuits auparavant… »


Les réserves de flèches pour les arbalètes et les armes de siège étaient tout sauf épuisées et le sol devant la ville était jonché de milliers de cadavres perforés et de corps harponnés de Géants et de Mammouths. Ils se battaient encore. Main Noire était fatigué, épuisé, meurtri et étrillé, mais il dirigeait toujours ses hommes à la défense.

Les tours de siège entortillées qui avaient été traînées jusqu’aux murs gisaient telles des ruines fumantes et puantes sur les terres calcinées devant les portes de la ville, la chair encore brûlante de leurs occupants remplissant l’air d’un parfum maladif. De nouvelles tours ont été amenées de temps en temps ; la plupart réparées à partir des morceaux des autres. Chaque jour ils attaquèrent et tous les jours elles furent détruites. Chaque tour était capable de loger de grands contingents de guerriers, d’Hommes-Bêtes et de mutants, les déversant sur les lignes de front.

Mais la submersion n’avait pas duré. La plupart du temps, les attaquants venaenit en rafales sporadiques - mais le fait était qu’ils venaient toujours. Tant de morts et pourtant beaucoup continuaient à attaquer.

Main Noire regarda partout et ajusta les stratégies de combat. Il engagea des troupes du Chaos jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus rien envoyer contre lui. Les rebondissements du destin lui avaient accordé une seconde chance à un grand prix et il l’avait saisi des deux mains.

Il engagea Valkia une seconde fois au sommet d’un tas de pierres qui s’étendait entre deux des tours restantes. Leur duel interrompu reprit comme si le temps qui les avait séparé n’avait pas eu lieu. Les deux guerriers se battirent dans un deuxième choc de force et de volonté. Main Noire donna tout dans ce duel malgré sa lassitude et la fatigue qui l’accablait.

Il esquiva une première vague de coups, s’éloignant de la femme Démon. En se battant, sa hallebarde décapita sans ménagement un Maraudeur égaré dans un moment de folie sanguinaire. Valkia suivit Main Noire avec une grâce surnaturelle, coupant nonchalamment avec sa lance une paire de flèches qui se dirigeait vers elle. Trois mois de bataille presque constante avaient transformé les murs de Naggarond en un ensemble déchiqueté de gravas et de décombres noirs percés de crocs d’obsidienne imposants. Les escarmouches continuèrent, encore - mais toujours décroissantes - des vagues de barbares attaquaient tous les jours, mais jamais avec la force du premier assaut.

Valkia lança sa lance sur l’Elfe Noir qui recula, la pointe de l’arme marquant la surface d’une de ses épaulières. Elle s’était rapidement habituée à l’enchantement maléfique de l’armure de son adversaire et à la douleur qui l’accompagnait. Elle était consort du dieu des batailles ; son corps immortel durerait bien plus longtemps que la chair de son ennemi. Pour elle, c’était simplement une proie qui lui résistait. Et elle aimait ça chez ses victimes.


Un Carnabrute bondit à travers les débris, reniflant et beuglant de fureur.
Elle se rua à nouveau, mais Main Noire détourna la frappe et pivota, délivrant un coup de pied vicieux pour la faire trébucher.

Valkia esquiva le coup de pied, pointant son arme vers le sol, ce qui l’aurait empalé sur place s’il ne l’avait pas intercepté. Lance et hallebarde se percutèrent dans une gerbe d’étincelles arcaniques et de sang grésillant. La terre trembla, délogeant une vague de roches et de corps brisés des décombres, mais aucun des guerriers ne jeta un coup d’œil sur ce qui se passait pendant qu’ils luttaient pour prendre l’avantage. Les yeux de Valkia brûlèrent dans l’âme de Main Noire et il put sentir que son auto-contrôle commençait à s’affaiblir. Il senti une envie de céder à cette créature. Sa volonté de fer n’était pas aussi indomptable qu’il l’avait pensé.

Non, murmura-t-il dans ses pensées, un murmure dans sa propre voix.

Naggarond doit rester debout. Il arracha son regard du Démon et l’esquiva en reculant, rompant brièvement le duel avant que leurs armes ne rejoignent.

Un Carnabrute bondit à travers les débris, reniflant et beuglant de fureur. Les muscles puissants ondulaient sous sa peau et la salive émoussait de sa mâchoire. Il dominait les silhouettes qui se débattaient sur les murs, sa masse cramoisie incrustée d’épines et des haches d’armes brisées. Sa tête était de la taille d’une charrette et arborait un visage qui était un croisement artificiel entre un canin et un reptile et une large gueule parsemée de rangées de dents déchiquetées. Valkia poussa un cri de frustration face à cette nouvelle interruption, mais elle retourna la charge de la créature en son avantage. Elle se mit prestement sur le côté, laissant un large et net passage. Le monstre chargea les gravats, sa salive ensanglantée s’échappant de sa bouche et Main Noire fut temporairement paralysé, immobile, le fixant alors qu’elle arrivait de plus en plus près.

Alors que la créature s’approchait, il se prépara à recevoir la charge.

Il fut dépouillé de sa chance de la tuer par un nid de têtes serpentines déboulant des décombres de l’extérieur la ville. Une Hydre, saignant d’une vingtaine de blessures et totalement enragée, se précipita vers la brute qui s’approchait, enfonçant ses dents et ses griffes dans sa peau. L’impact fut énorme, brisant les os et écrasant la chair en un instant. Les bêtes roulaient et se débattaient, se mordaient et se griffaient l’une et l’autre. Main Noire profita de ce moment de distraction et sauta avec grâce sur une section en ruine du rempart. Valkia y planait, ses ailes se courbant lentement dans le vent chaud, attisant les poussières et les cendres.

« Tout ce que tu crois savoir finira en cendre, » siffla-t-elle en le fixant. « Du sang et des cendres. »

Main Noire ne répondit pas. Son regard était fixé sur un point quelque part au-dessus de l’épaule droite de Valkia, où il voyait un spectacle qui l’emplissait d’une sombre résolution, d’une crainte et d’un sentiment de victoire imminente. Il regarda le Démon rougeoyant et un sourire lent se dessina sur son visage. Cela lui donna une satisfaction intense de voir un air de méfiance momentanée… même dans ses yeux fumants.

Son nom était Seraphon et sa masse était énorme, sa vaste silhouette éclipsant la lumière blême du nord. Assis en hauteur entre les épaules du Dragon, se trouvait Malékith le Roi Sorcier.
« Dans des siècles à partir de maintenant, dit-il, ma ville tombera peut-être en cendres. Mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. » La femme démoniaque arrêta son attaque et se raidit lorsque un cri courroucé déchira les brumes. Elle tourna la tête dans la direction du regard de Main Noire et des malédictions surgirent de ses lèvres parfaites. Main Noire ressentit une vague de joie à sa vue. Le timing était parfait et même s’il était certain, dans son cœur, qu’il serait témoin des événements à venir, il était toujours ravi d’avoir raison. Les yeux de Main Noire se posèrent sur l’énorme créature qu’il avait aperçu. Il avait vu l’apparition de cette bête en de nombreuses occasions, mais elle lui coupait toujours le souffle.

Son nom était Seraphon et sa masse était énorme, sa vaste silhouette éclipsant la lumière blême du nord. Sa chair noueuse et écaillée était plus dure que le fer ou la pierre et, avec de puissants battements de ses ailes, le Dragon descendait des nuages tel un dieu stygien. Main Noire agrippa sa hallebarde et leva les yeux vers le cavalier de la bête.

Assis en hauteur entre les épaules du Dragon, se trouvait Malékith le Roi Sorcier. Un éclair noir grappillait au bout de ses doigts et un nimbe d’ombres dansait sur son front alors qu’il jetait son regard brûlant sur la horde de Maraudeurs.

Séraphon plongea vers le bas et un énorme souffle d’air acre détruisit la dernière tour de siège, suscitant un grand cri de joie de la part des défenseurs de Naggarond. Les os rongés par l’acide et le bois en décomposition s’effondrent en éclats, écrasant les guerriers et bloquant la brèche. Seraphon balaya toute la longueur du mur, ses griffes et son souffle nettoyant les décombres de toute trace de vie et massacrant les Maraudeurs à la pelle.

Valkia releva le regard. Sa respiration siffla lentement à travers ses crocs et les muscles de son cou tendus. Elle lança un regard furieux à Main Noire et puis, battant de ses ailes, s’envola à la poursuite du Dragon.

Malékith mena un combat serré, les ailes de Seraphon le gardant facilement stable, planant juste au-dessus de la ville, permettant à son cavalier de se concentrer sur son adversaire. Spectateur de fait, Main Noire serra les poings pendant qu’il observait la rencontre. Les archers sur les murs gaspillaient leurs projectiles sur Valkia alors qu’elle s’élevait dans le ciel avec une force énorme. Chaque flèche manqua de loin sa cible, tombant sur le sol et se plantant dans les terres ravagées devant la ville.

Valkia s’éleva à une grande hauteur et, au sommet de son ascension, plongea vers le bas, le bout de la lance en avant, hurlant une promesse de mort. Elle atterrit sur le dos du Dragon et sa lance maudite traversa la peau épaisse des hanches de Seraphon. La plupart des armes normales ne pouvaient espérer pénétrer l’armure de la peau d’un Dragon, mais la lance de Valkia était tout sauf normale.

Malékith se retourna sur son trône et des éclairs hurlants des ténèbres jaillirent du bout de ses doigts, brûlant l’air mais manquant d’atteindre la forme souple et rapide de Valkia. Seraphon rugit de douleur et de fureur et cessa de tenir sa position. Il survola la ville, son corps sinueux serpentant entre les flèches et les tours de Naggarond pendant qu’il cherchait à déloger le passager importun.

« Ces terres sont à moi. »
« Elles ne sont plus à vous à présent. »
Valkia sortit son arme de la chair du Dragon et tourna son attention vers le trône en face d’elle. Malékith s’était retourné de la selle et Main Noire pouvait voir à la lumière vacillante au bout de ses doigts qu’il préparait un autre sort. Des flammes noires jaillirent de ses poings mais avant qu’il ne puisse libérer la Magie, Valkia lança Slaupnir vers lui.

La pointe barbelée de l’arme traversa le dos du trône et émergea de l’autre côté. Le Roi Sorcier était plus rapide qu’elle ne l’avait prévu et il esquiva au dernier moment, évitant d’être embroché de quelques pouces. Des boules de feu brûlantes quittèrent ses mains au même instant et Valkia fut obligée de bloquer l’attaque avec la tête de Locephax. L’explosion la délogea du dos du Dragon et elle dégringola en l’air pendant quelques instants avant de se redresser. Seraphon pivota son corps sinueux autour de la tour la plus proche, et une fois retourné, il fonça vers Valkia, claquant avidement avec ses mâchoires caverneuses.

Elle battit des ailes, se dégageant du chemin du Dragon juste au moment où sa gueule se referma. Main Noire sentit une pointe de déception. Le spectacle avait mit fin à toute tentative pour prendre part au combat et tout ce qu’il pouvait faire était de regarder l’élan de Valkia l’emporter vers la tête de Malékith et de l’autre coté de son trône. Elle arracha Slaupnir sans interrompre son mouvement et elle repartit dans l’air. Le Dragon et le Démon oscillaient entre les tours de la ville, la Magie Noire du Roi Sorcier la poursuivant mais ne trouvant jamais tout à fait sa cible, envoyant de la pierre brisée pleuvoir dans les rues en contrebas.

Incapable d’asséner un coup mortel contre le Dragon, Valkia se faufila sous les mâchoires de la bête et sur sa tête. Séraphon se redressa et se souleva, mais la guerrière ailée resta debout, se penchant de nouveau vers la silhouette assise du Roi Sorcier. Malékith détourna la lance avec sa propre lame dentelée et Valkia avec un poing blindé. Le coup aurait écrasé le crâne d’un être inférieur, mais elle tourna simplement et utilisa, sous l’impact, l’élan pour pousser un coup vers le cœur du Roi Sorcier. Malékith attrapa la hampe de Slaupnir avec sa main libre à quelques centimètres de son antique plastron.

Les yeux du Démon fixèrent ceux du Roi Sorcier. De son point de vue au sommet des décombres, Main Noire pouvait entendre l’ultime échange.

« Ces terres sont à moi. » La voix de Malékith sifflait au plus profond de son masque grotesque. Il tenait la lance de Valkia à distance, mais la pointe vacillait alors qu’elle se frayait un chemin vers son armure. « Vous ne les prendrez jamais. »

« Elles ne sont plus à vous à présent, » répondit Valkia. Elle poussa Slaupnir plus fort, sur le point de s’enfoncer dans quelques instants dans le corps du Roi Sorcier. « Je vous les enlèverai, car je prendrai votre tête pour mon seigneur et maître. »

« Non. »

Ce seul mot fut prononcé avec le poids des âges. Malékith gronda, rengainant son épée et tendant ses mains vers le visage de Valkia. Une explosion d’énergie noire la frappa, la jetant du dos du Dragon et vers les mâchoires de la bête. Seraphon exhala immédiatement un énorme et puant nuage qui englouti entièrement la forme de Valkia.

Main Noire reprit son souffle et le temps autour de lui semblait ralentir jusqu’à ce qu’il s’arrête… durant juste un battement de cœur. Quand le temps repris son cours, une silhouette cramoisie avec des ailes en lambeaux plongea du nuage sombre, traînant des rubans de fumée noire. Elle tomba, zigzaguant et tournant depuis le ciel au-dessus de Naggarond. Avec un craquement retentissant, elle frappa l’une des tours murales avec suffisamment de force pour briser la pierre avant de finalement tomber sur des hordes grouillantes et être piétinée par les pieds de l’armée du Chaos en dessous.


« C’était… » continua Kouran Main Noire. Le récit du siège avait pris la majeure partie de la journée, au cours de laquelle ils avaient marché vers le nord à un rythme pénible. Maintenant, cependant, le Roi Sorcier s’arrêta, sa main blindée levée pour imposer le silence.

« Vous avez bien dirigé mon peuple, Capitaine Main Noire, » dit-il d’un ton calme. « Nous avons triomphé. Valkia la Sanglante n’est plus. Notre ville est solide. Avec le temps, nous balayerons les envahisseurs de nos terres. » Il détourna la tête de Main Noire pour regarder à travers l’horizon. « Nous allons nous débarrasser d’eux, Naggaroth les réclamera une fois pour toutes. »

Main Noire ouvrit la bouche pour répondre, mais Malékith secoua la tête. « Non, » dit-il, devançant la question. « Non. »

Les éclairs brillaient dans le ciel et le regard de Malékith se dirigea vers les cieux. « Nos épreuves ne font que commencer. »

« Nos épreuves ne font que commencer. »

Source[modifier]

  • CAWKWELL Sarah, The Siege of Naggarond, Série Warhammer : The End Times Short Story, Black Library, 2015 (traduction par Guilhem3004)