Be'lakor
Le premier des mortels à obtenir l’immortalité devait par la suite apparaître dans les légendes et les prophéties sous une myriade de noms, l’Annonciateur, le Guide, ou encore l’Avertissement pour n’en citer que quelques-uns. Néanmoins, Be’lakor est le véritable nom de cette entité des ténèbres, un être immensément puissant vénéré tel un Dieu par une foule d’adorateurs. Ivre de fierté et conscient des pouvoirs dont il était investi, ce Prince Démon fut au temps de son apogée le général des terrifiantes armées Démoniaques qui surgissaient périodiquement du pôle. Aucun mortel ne pouvait espérer prendre le dessus sur lui au combat et ses incursions lui donnaient l’occasion de se repaître des âmes de ses victimes par milliers.
Dans son arrogance, il se mit a ne plus avoir que dédain pour toute chose et finit par s'attirer le courroux du Dieu Tzeentch, Grand Maître de la Fortune et Architecte du Changement, qui maudit le nom de Be’lakor en le destinant à devenir un esprit du Chaos afin qu’il n’existe plus que sous une forme confuse, dans un état de haine perpétuelle, et ne puisse plus avoir aucune forme physique. Le Prince Démon allait devenir l’Annonciateur, Celui qui Précède les Conquérants.
Be’lakor se laissa aller à la folie pendant plusieurs milliers d’années avant que ne sonnait l’heure de son éveil à un monde très différent de ce qu’il avait connu. Les humains y étaient sortis de leur état primitif, même s’ils n’étaient encore que des barbares en comparaison des Elfes et des Nains. Usant de sa considérable force mentale, Be’lakor quitta le confort des Royaumes du Chaos tel une ombre sans substance pour prendre la route des contrées du sud. Il les observa avidement, se désespérant de ne pas avoir de forme matérielle pour détruire tout ce qu’il y trouva afin de connaître à nouveau la gloire et le frisson enivrant de la conquête et des massacres.
Mais les Dieux réservaient un tout autre sort au Prince Démon trop orgueilleux, car le poids de la malédiction pesait toujours sur lui. Elle poussa Be’lakor, furieux de ne pouvoir résister à cette injonction, à revenir vers les Désolations du Chaos où il devait trouver le premier des grands conquérants, Morkar l’Unificateur, un humain visionnaire issu de la tribu nomade des Taalos. Morkar avait attiré à lui une masse de fidèles et s’était voué au Chaos afin d’y trouver la puissance nécessaire à réaliser ses rêves de grandeur, ce que les divinités avaient considéré d’un œil approbateur. Malgré la colère ardente qui le dévorait de l’intérieur, Be’lakor fut forcé par sa malédiction de se prêter à une cérémonie au cours de laquelle il coiffa l’homme de la Couronne de Domination en signe de reconnaissance de sa valeur aux yeux de ses Dieux.
Alors fut lancée la première incursion des mortels sous l’emprise du Chaos. Le désordre qu’avaient semé les hommes de Morkar provoqua une résurgence d’énergie chaotique qui se déversa des pôles. Tandis que l’influence du Chaos s’amplifiait, les Démons rejoignirent ce Champion pour marcher aux côtés des mortels vers les carnages qu’ils allaient perpétrer au nom de leurs divinités communes.
Ayant rempli le rôle qui était le sien, Be’lakor sombra de nouveau dans la folie, hurlant et se débattant de toute la force considérable de sa volonté contre ce destin qui le cantonnait à la frustration, tandis même que certaines des tribus humaines se mêlaient aux guerriers de l’Unificateur et que beaucoup d’autres étaient écrasées. Les chamanes prophétisèrent alors qu’un guerrier se lèverait pour combattre l’armée couvrant l’horizon, et cet espoir fou devint réalité quand, pour contrecarrer les funestes projets du conquérant à la volonté d’acier venu du nord, naquit un homme, un sauveur destiné à causer sa perte. Be’lakor ne vit pas les batailles des glorieuses armées menées par Morkar, pas plus qu’il ne vit Sigmar, roi de la tribu humaine des Unberogens, vénéré par la suite comme le Dieu des populations de l’Empire, affronter Morkar au cours d’un combat singulier épique qui dura un jour et une nuit. Les destructions nées de cette première invasion prirent fin lorsque Morkar fut occis, écrasé sous le marteau de Sigmar, et que les armées du Chaos furent dispersées.
Au fil des quinze siècles qui suivirent, d’autres guerriers s’élevèrent au rang de maîtres de guerre, et chaque fois Be’lakor est sorti des ténèbres de sa démence pour accomplir sa tâche. Tous ces conquérants étaient des guerriers de premier ordre auprès desquels les créatures du Chaos se pressaient en masse. Ils ouvrirent la voie à leurs innombrables contingents de Démons venus du nord, déroulant devant eux le tapis d’énergies magiques alimentant leurs enveloppes. La suprématie de ces généraux n’a jamais duré et le monde s’est toujours accroché à la vie, car pour les contrer est à chaque fois apparu un nouveau héros, certains disent un envoyé des Dieux s’opposant aux desseins des quatre Puissances. Quelle qu’en soit la raison, il n’en demeure pas moins qu’un défenseur providentiel s’est toujours manifesté en temps et en heure la où sa présence était requise. Une fois leur seigneur à tous défait, les combattants du Chaos s’éparpillaient invariablement en centaines de bandes rivales qui suivaient leur propre chemin, s’affrontant les unes les autres pour être finalement repoussées vers leurs sombres domaines.
Le Chaos est ainsi fait que Be’lakor parvint en une occasion à échapper au destin tracé pour lui par sa malédiction, évitant de ce fait de remplir ce rôle qu’il haïssait tant. En cette période néfaste où une comète s’abattit sur la cité de Mordheim, la transformant elle et les terres l’environnant en un théâtre d’hystérie et de folie meurtrière, Be’lakor parvint à investir le corps du seigneur Khaardun le Glorifié. Ayant enfin revêtu une apparence matérielle, l’Annonciateur tenta à son tour d’endosser le rôle de Grand Champion. Il déforma la chair de son hôte, faisant de lui une immense monstruosité au-delà des cauchemars les plus atroces des esprits sains et se fit connaître comme le Seigneur des Ombres, le Maître des Possédés et les adorateurs du Chaos vinrent de tout l’Empire pour lui prêter allégeance. Dans son triomphe, Be’lakor pensa avoir enfin échappé à la malédiction des Dieux Sombres, mais ceux-ci l’observaient, amusés par ses actes. Il finit par se rendre compte avec stupéfaction qu’en dépit de l’énergie magique qui imprégnait le centre de la Cité des Damnés et dont il se nourrissait comme les Démons se nourrissent de la magie des Royaumes du Chaos, son réceptacle physique ne lui permettait pas d’y puiser la force nécessaire pour parcourir les chemins éthérés menant à l’endroit où reposait la Couronne de Domination, un lieu qu’il pouvait rejoindre sans effort lorsqu’il n’était qu’un esprit sans consistance. Be’lakor se démena en vain. La haine, la frustration et la colère consumèrent le corps qu’il avait volé et il replongea dans la spirale de la démence.
Il y a un peu moins de deux cent ans de cela, une nouvelle grande incursion s’élança vers le sud, décidé à faire mordre la poussière à cet Empire arrogant et vulnérable. Les armées dirigées par Asavar Kul le Dévoué, un chef de guerre influent que sa poigne de fer désignait pour être le prochain des grands meneurs du Chaos, dévastèrent les campagnes Kislevites, décimant hommes, femmes et enfants pour satisfaire les ambitions de leur général et de leurs Dieux. La corruption rongeait jusqu’en son cœur l’Empire pris dans les affres d’une guerre civile vieille de plusieurs siècles et qui avait alimenté l’expansion des Royaumes du Chaos. Leur influence mutagène avait meurtri les terres, ne laissant des arbres que des troncs noircis et émaciés qui tendaient parfois leurs branches pour attraper des créatures au sang chaud. Des troupeaux entiers de bétail avaient été massacrés par les monstruosités qui y étaient nées avec avec des griffes à la place des sabots. Certains disaient même avoir vu des cochons se lever pour marcher sur leur pattes arrières.
Les citoyens des provinces impériales succombaient à l’hystérie collective et priaient pour leur délivrance lorsque Magnus le Pieux, celui qui allait devenir leur Empereur, releva le défi de leur rendre l’espoir et partit affronter les combattants du Chaos aux portes de Kislev. Praag avait déjà été prise et ses rues étaient irrémédiablement souillées par les effets de la mutation. Paraissant investi des pouvoirs divins de l’invincible Sigmar, Magnus rencontra Asavar Kul au cours d’une bataille qui allait décider une fois de plus du sort de ce monde.
Be’lakor, qui observait les affrontements depuis les nuages de tempête qui surplombaient la scène, enragea d’assister en ce jour à la défaite et au trépas du favori de ses Dieux. Ce fut la goutte de folie qui fit déborder le vase de son esprit embrumé par la douleur et la colère, convaincu que s’il avait lui-même pris la tête des armées, le peu de mortels qui auraient osé se présenter devant lui n’auraient pas pu l’empêcher d’amener l’avènement d’un nouvel âge d’or du Chaos.
L’entité énigmatique ne sortit du labyrinthe de sa démence que deux siècles plus tard, rappelée à son devoir par les prémices de l’ascension d’Archaon. Be’lakor, qui avait alors revêtu son aspect du Maître Ténébreux, sut qu’il allait une fois encore devoir guider l’Élu sur les voies mystérieuses du royaume des ombres où en un lieu mythique reposait la Couronne de Domination. Sur les plaines d’Albion, il orchestra une manœuvre désespérée visant à s’arroger suffisamment de puissance pour se constituer un corps et briser les dernières barrières qui l’empêchaient de s’emparer lui-même de la couronne tant convoitée, projetant de s’attaquer ensuite à Archaon pour se nourrir de son âme au vu et au su des Dieux du Chaos. Il ne put qu’opposer ses hurlements de rage à l'échec de ses plans minutieux lorsque se trouva compromise sa souveraineté sur Albion.
Après ce nouvel échec, Be’lakor n’eut d’autre choix que de se plier une fois de plus à son destin. Il apparut au-dessus d’Archaon pour descendre vers lui, porté par ses ailes de ténèbres qui assombrissaient le ciel, et les guerriers des hordes du chaos s’inclinèrent en signe de révérence. Sous cet aspect d’ange déchu, le Maître Ténébreux mit un genou en terre devant Archaon, malgré la colère qui rongeait son âme immortelle.
Ayant réalisé qu’il ne serait toujours qu’une ombre condamnée à couronner les Élus parmi les hommes, Be’lakor s’en retourna vers ses propres terres où il demeure à comploter en silence et à ruminer son sort. S’étant rendu suffisamment maître de lui-même pour éviter de retomber dans la folie, son esprit calculateur n’est désormais plus tourné que vers ses rêves grandioses de revanche et élabore patiemment un stratagème obscur qui fera un jour de ses rêves des réalités, que les Dieux le veuillent ou non.
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Source[modifier]
- Livre d’Armée des Hordes du Chaos, V6