Gave

De La Bibliothèque Impériale
Magda baissa les yeux sur le paquet qui gigotait dans ses bras avec un mélange de dégoût et de pitié. Il se tortilla et un appendice charnu se dégagea des linges qui l’emmaillotaient. De ses doigts noueux, elle réajusta les langes, recouvrant la chair obscène. Si elle voyait encore cette chose, elle allait devenir folle. Elle savait qu’elle devait la noyer. C’était une abomination. C’était son devoir. Mais elle avait déjà noyé une dizaine de bébés au cours de sa longue carrière de sage-femme, et elle savait au plus profond de son coeur qu’elle était incapable de commettre un infanticide de plus. C’était au-dessus de ses forces.
Un soupir s’échappa de ses lèvres quand lui revinrent les spectres des visages déformés, des yeux étincelants, tous les souvenirs des enfants innocents qu’elle avait tués et qui n’avaient pas mérité de vivre à cause de quelque tour cruel que leur avaient joué les dieux. Le bébé se mit à pleurer. Elle jeta un oeil alentour. Personne. Un champ désert à l’orée des bois. L’aube naissante peignait le monde en violet. Tous dormaient encore, bien en sécurité dans leurs lits, inconscients du crime de Magda.
Là. Devant elle. Un mouvement. C’était maintenant ou jamais. De ses mains tremblantes, elle déposa le bébé qui gémissait sur un lit d’épines de pin. Elle retira le linge, de peur que son crime ne soit découvert, et vit la peau rose d’un bébé vigoureux et sain… à l’exception du tentacule qui lui poussait sur le cou. L’enfant leva les yeux sur elle, cherchant du regard la chaleur qu’on venait de lui voler. Ses cris se firent plus forts. Le bruissement des feuilles se rapprochait. Étouffant un sanglot, Magda s’en fut, les vagissements du malheureux lui résonnant dans le crâne.


Sur toutes les terres de l’Empire, quand un mutant naît dans une famille saine, les parents sont tenus par la loi de livrer l’enfant au culte de Sigmar ou à une autorité similaire, comme les Répurgateurs ou les dirigeants locaux. Tout le monde sait que l’enfant est noyé et son corps détruit. C’est pourquoi peu de parents se résolvent à condamner ainsi leur progéniture, aussi abjecte soit-elle. Il arrive donc que des parents au cœur tendre (ou des sages-femmes miséricordieuses) portent l’enfant jusqu’à la lisière d’une forêt pour faire ce qu'on appelle une « offrande sauvage ». Abandonnés dans un lit de feuilles tombées ou flottant sur un radeau de roseaux, les mutants nouveau-nés sont condamnés à mourir de froid, de faim ou dévoré par un prédateur.

En fait, ils meurent rarement, les Hommes-Bêtes ont une bonne ouïe, et ils sont à l’affût des vagissements de ces enfants abandonnés. Ils sont toujours adoptés et élevés avec le reste de la Harde, car les Sabots Fourchus les considèrent comme des cadeaux de leurs Dieux. Ces mutants sont appelés des Gaves ou Enfants-Gaves. Quand ils grandissent, ils deviennent parfois des Gors, mais souvent des Ungors, des Brays ou autre chose en fonction de leur apparence, mais le reste de la Harde ne leur témoigne pas le même mépris qu’à leurs semblables, car ils sont considérés comme des dons sacrés (ou plutôt impies).

Source[modifier]

Warhammer JdR - Tome de la Corruption